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9 Janvier 1916 – La bataille des Dardanelles, une idée, avec la conséquence désastreuse

Dardanelles | Strait, Map, History, & Meaning | BritannicaLa bataille de Gallipoli et le désastre franco-britannique des DardanellesWorld War I - Western Front and the Dardanelles campaign | BritannicaUne éclatante victoire de l’empire ottoman bosphorus-map - Before Travel TurkeyLe 9 janvier 1916 se terminait la bataille des Dardanelles dans la péninsule de Gallipoli ; une bataille au cœur de la première guerre mondiale qui a opposé les turcs de l’empire ottoman aux français et aux troupes de l’empire britannique. 8 mois de guerre qui se sont terminés le 9 janvier 1916 sur un échec cuisant pour les Alliés. Le détroit des Dardanelles, long passage maritime entre la presqu’île de Gallipoli et la côte asiatique fut le théâtre de plusieurs combats depuis le XVIIe siècle du fait de son importance stratégique. La campagne des Dardanelles, ou campagne de Gallipoli, qui a opposé l’empire ottoman aux troupes britanniques et françaises du 25 avril 1915 au 9 janvier 1916, a vu triompher une armée ottomane qui, contre toute attente de la part de ses ennemis, s’est révélée très combative sous les ordres de Mustapha Kemal.

En réalité, la Turquie avait su tirer profit de son expérience dans la guerre italo-turque de 1912 pour renforcer très efficacement la défense de ses côtes. Le détroit des Dardanelles situé entre la presqu’île de Gallipoli et la côte d’Asie et reliant la mer Egée à la mer de Marmara. Tout comme le Bosphore, long d’une trentaine de kilomètres, il ne constitue pas un problème stratégique et tactique seulement au moment de la Grande Guerre. Des combats plus anciens, comme celui de juillet 1657, des guerres comme celle de Crimée ou celle de 1878 ont révélé l’importance stratégique des détroits, tant sur un plan maritime que sur un plan terrestre.  Au début du XXe siècle, « les Détroits », et plus particulièrement les Dardanelles, redeviennent un enjeu militaire de premier plan. Ils n’attendent pas août 1914 cependant car le réarmement de la zone s’effectue dès 1912.World War I - Western Front and the Dardanelles campaign | BritannicaLa guerre italo-turque de 1912  Map of the Gallipoli invasion, 1915. | Australia's Defining Moments Digital Classroom | National Museum of AustraliaAu début de la guerre italo-turque du 28 septembre 1911 au 18 octobre 1912 qui visait initialement l’occupation italienne de la Tripolitaine et de la Cyrénaïque, la presqu’île de Gallipoli forme déjà une région fortifiée de la plus haute valeur. Pas moins de neuf ouvrages bastionnés assurent la protection sur la côte d’Asie tandis que la côte d’Europe dispose de treize bâtiments renforcés par des batteries et des redoutes. Après des actions décevantes en Tripolitaine, poussés par une opinion publique lassée par l’enlisement de l’armée dans le désert libyen, les Italiens tentent de faire valoir leur suprématie navale sur la Turquie en faisant porter leurs efforts sur les ports de la côte ottomane de la mer Rouge, les îles du sud de la mer Égée et les ports du Levant. Si bien qu’en réaction à l’attaque italienne du 4 mars 1912 sur Beyrouth et à la canonnade du 18 avril 1912 sur le fort de Koum-Kaleh aux Dardanelles, les Turcs décident de fermer les Détroits en y installant des mines. En bloquant le commerce, ils usent d’un argument de poids face aux puissances européennes pour dénoncer l’offensive maritime des Italiens sur l’île d’Astropalan à vingt heures des Dardanelles.

Soutenue par l’Angleterre et la France inquiètes de voir l’équilibre méditerranéen ainsi rompu, la Sublime Porte obtient finalement l’engagement des Italiens de ne plus attaquer les Détroits (mai 1912). Cependant, eu égard aux opérations précédentes auxquelles il conviendrait d’ajouter un raid de torpilleurs en juillet 1912, la Turquie a pris conscience du danger. Elle renforce donc son dispositif militaire en amassant aux Dardanelles près de 30 000 hommes sous les ordres du général Risa pacha et mine partiellement les passages des Détroits.  Entre-temps, ayant fort mal goûté la présence italienne à Rhodes et dans les îles du Dodécanèse, Français et Britanniques ont infléchi leur politique maritime — fortement sous-tendue par des considérations coloniales — en direction du Levant. Dès l’été 1912, la France créé un Comité des intérêts français dans le Levant. Dosya:GYTMP HARITASI 01.png - VikipediEn novembre, la Navy envoie une escadre de navires modernes à Malte tout en signant un accord maritime avec son alliée, par lequel elle s’assure d’un équilibre du partage des tâches en matière de sécurité maritime : la France se voit chargée de la défense de la Méditerranée tandis que les Britanniques se réservent les côtes de l’Atlantique. L’année suivante cependant, dans le cadre de manœuvres navales, quatre escadres avec 20 000 officiers et marins britanniques visitent les ports du Levant. Ils rivalisent pacifiquement avec la division italienne de dreadnoughts et la première escadre française commandée par l’amiral Boué de Lapeyrère. C’est à cette date que, sur fond de projet d’une voie ferrée allant de la Méditerranée aux Indes et de souci de protection du canal de Suez, les Britanniques réfléchissent à une éventuelle stratégie de guerre navale en Méditerranée orientale tout en effectuant, par la même occasion, des reconnaissances importantes du côté des Dardanelles.

Stratégie de contournement ou protection du canal de Suez ?  ImageLes cartes maritimes et terrestres ainsi établies, il ne faut donc guère de temps aux Britanniques pour envisager dès août 1914 une stratégie maritime passant par la Méditerranée orientale. Dès septembre, Londres demande à Athènes dans quelle mesure un corps expéditionnaire pourrait s’installer près des Dardanelles. La fermeture des Détroits à la fin du mois, l’entrée du Goeben et du Breslau en mer Noire en octobre 1914 puis l’ultimatum des Alliés à la Turquie le 30 octobre 1914 nécessitent d’établir une réflexion stratégique claire. En attendant, la flotte britannique se prépositionne en se concentrant à Malte afin d’être en mesure d’aller chercher les soldats indiens à Port-Saïd (36 bâtiments portant près de 25 000 hommes) et de surveiller les Dardanelles. Finalement, jugeant le canal de Suez en grand danger, les Anglais établissent l’état de siège en Égypte (2 novembre 1914) avant de transformer le pays en protectorat (18 décembre 1914). À cette date, le premier lord de l’amirauté Winston Churchill a déjà élaboré un plan qui vise officiellement à soulager le front occidental par une manœuvre de contournement naval en direction des Détroits, l’objectif principal consistant à attaquer Istanbul, tandis que l’objectif secondaire cherche à assurer la protection de la Méditerranée orientale, autrement dit du canal de Suez. Le plan a été établi et proposé en décembre par le très influent sir Maurice Hankey, secrétaire du Comité de défense impériale (Committee of Imperial Defence). Quoique très critiqué, le projet est finalement approuvé en janvier 1915 au moment même où l’attaque turque sur le canal de Suez — le 26 janvier 1915, réitérée les 2 et 3 février suivants — nécessite de prendre des décisions. ImageIllustration de la volonté britannique de démontrer sa suprématie navale — application du fameux sea power théorisé par le capitaine Alfred T. Mahan en 1889 —, le plan de Churchill-Hankey validé par l’amiral John Fisher, premier lord de la mer, est caractéristique de la pensée militaire britannique qui associe dans un même élan stratégie de débordement maritime et second front. Ce choix de stratégie dite indirecte en lieu et place d’une conception clausewitzienne de concentration et de bataille décisive sur le front principal, est une manière de trouver une réponse à l’arrêt de l’infanterie en France et de soulager le front russe. ImageLe plan est mis au point pour sa partie technique en janvier 1915 par le vice-amiral Sackville H. Carden, qui est convaincu de la supériorité maritime de l’Angleterre et du piètre avantage qu’il pourrait tirer des forces françaises. Le plan Carden s’appuie sur une dynamique essentiellement maritime. Il s’agit de bombarder les forts turcs situés à l’entrée du détroit des Dardanelles en mer Égée, d’entrer en mer de Marmara pour pratiquer la « politique de la canonnière » devant Constantinople et forcer ainsi la Porte à se rendre. Mais il se heurte à de nombreuses oppositions qui en modifient considérablement son esprit. D’abord, le général Horacio Herbert Kitchener et Edward Grey — respectivement ministres de la guerre et des affaires étrangères —, qui n’y croient guère obtiennent l’assurance de pouvoir utiliser une force terrestre. Ensuite, l’amiral Fisher accepte le principe de l’opération maritime mais exige que l’on n’envoie que des bâtiments de guerre anciens, de deuxième catégorie, des « pré-dreadnoughts ».ImageUn désastre militaireFirst Armour — Five Early Tanks That Changed the Course of World War One - MilitaryHistoryNow.comDès le mois de novembre 1914, des hommes politiques alliés ont l’idée d’une opération périphérique contre les Empires centraux (Allemagne, Autriche-Hongrie, empire ottoman). Parmi eux Lloyd George, chancelier de l’Échiquier, Churchill, Premier Lord de l’Amirauté, Kitchener, ministre britannique de la Guerre et Poincaré, président de la République française.  Churchill, en particulier, défend l’idée d’un débarquement dans le détroit des Dardanelles, en vue de prendre à revers l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie, de s’emparer de Constantinople, d’éliminer la Turquie, maillon faible de l’alliance ennemie, et de rouvrir les liaisons maritimes avec les ports russes de la mer Noire.  L’idée est pertinente mais elle est freinée par les chefs militaires, en particulier le maréchal britannique French et le général Joffre, qui ont la charge du front occidental et refusent qu’on leur retire des troupes. Le vieil amiral Fischer, adjoint de Churchill, refuse également qu’on enlève des navires à la flotte de la mer du Nord.  D’hésitation en report, on tergiverse jusqu’en février 1915. ImageÀ ce moment-là, les Turcs ont déjà commencé de fortifier leurs côtes avec l’appui efficace de conseillers allemands. Le 19 février 1915 enfin, la flotte alliée bombarde les batteries ottomanes à l’entrée des Dardanelles, goulet de 60 kilomètres de long et 1 à 4 kilomètres de large. Ce premier bombardement révèle les difficultés de l’opération. Très vite, l’opération maritime se transforme en désastre militaire. Le 18 mars 1915, les Alliés lancent une opération plus consistante. Les cuirassés de l’amiral français Émile Guépratte et du vice-amiral britannique de Robek attaquent avec fougue les défenses turques.Image Deux cuirassés britanniques et un français sont coulés, quatre autres navires mis hors de combat. Qu’à cela ne tienne ! Les amiraux sont prêts à reprendre l’offensive dès le lendemain mais ils en sont empêchés par leurs états-majors. Au vu des piètres résultats de l’attaque navale, ceux-ci considèrent que seul un débarquement massif peut emporter la décision. Sa préparation laisse aux Turcs et à leurs alliés allemands le temps de renforcer leurs défenses.  Le débarquement a enfin lieu le 25 avril 1915, sur la presqu’île de Gallipoli, à l’extrémité nord-ouest des Dardanelles.

Le corps expéditionnaire est bloqué sur la plage par les Turcs massés en nombre sur les hauteurs. Ces troupes sont commandées par le général allemand Otto Liman Von Sanders, sous les ordres duquel se distingue le colonel puis général Moustafa Kemal. Celui-ci arrête une deuxième tentative de débarquement en août. Arrivé sur les lieux à la fin mars, il a concentré en Égypte un corps expéditionnaire — appelé bientôt la Mediterranean Expeditionary Force — fort de 70 000 hommes, composé de deux tiers de Britanniques et d’un corps australien et néo-zélandais, le Australia New Zeland Army Corps (Anzac), afin d’organiser le débarquement d’un corps expéditionnaire sur la presqu’île de Gallipoli, au cap Helles (25 avril). Pour des questions politiques surtout, ils sont presque immédiatement renforcés d’un corps expéditionnaire français d’Orient (CEO) à deux divisions. Cette opération inutile aura coûté la vie à 180.000 soldats alliés dont 30.000 Français, ainsi qu’à 66.000 Turcs. Résignés, les Alliés évacuent leur corps expéditionnaire et le transfert à partir d’octobre à Salonique, en Grèce. Les derniers soldats quittent les Dardanelles dans la nuit du 8 au 9 janvier 1916…Image

https://orientxxi.info/l-orient-dans-la-guerre-1914-1918/le-desastre-franco-britannique-des-dardanelles,1272

https://www.sbs.com.au/language/french/audio/retro-la-bataille-des-dardanelles-le-9-janvier-1916

https://www.veterans.gc.ca/fra/remembrance/battles-and-stages/battle-of-gallipoli

https://www.herodote.net/25_avril_1915-evenement-19150425.php

5 Janvier 1809 – Traité des Dardanelles, les détroits turcs, un enjeu géostratégique permanent

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