Qui était Frantz Fanon (1925-1961), ce penseur et psychiatre panafricain engagé dans les luttes anticolonialistes ? Le nom de Frantz Fanon, écrivain et révolutionnaire martiniquais, est indissociable de la guerre d’indépendance algérienne et des luttes anticoloniales du XXe siècle. Mais qui était vraiment cet homme au destin fulgurant ? Il exerça la psychiatrie en France, en Algérie et en Tunisie et se penche sur l’élaboration d’une pensée essentielle pour comprendre les rapports de domination entre colonisés et colonisateurs, les ressorts du racisme et l’émergence d’une pensée tiers-mondiste.
Frantz Fanon naît en 1925 à Fort-de-France en Martinique d’un père inspecteur des douanes et d’une mère commerçante, tous deux descendants d’anciennes familles d’esclaves. Les six enfants de la famille font des études secondaires, Frantz aura comme professeur au lycée, Aimé Césaire. En 1943, il s’engage dans les Forces françaises libres aux côtés du général de Gaulle. De retour en Martinique, il devient bachelier en 1946 puis, grâce à une bourse, il part étudier la médecine à Lyon et se spécialise en psychiatrie. Il suit aussi des cours de littérature et de philosophie, engrangeant une énorme culture livresque. En 1953, Frantz Fanon occupe le poste de médecin-chef à l’hôpital psychiatrique de Blida en Algérie. Là, il met en place des méthodes qui contestent le système colonial et ses effets sur la psychologie des colonisés notamment à travers la dépersonnalisation et la déshumanisation dont ils sont victimes.
Sur les traces de Frantz Fanon
Qui était Frantz Fanon, l’auteur des Damnés de la terre et de Peau noire, masques blancs, ce penseur et psychiatre panafricain engagé dans la lutte anticolonialiste ? Né en Martinique, Fanon n’a pas encore 20 ans lorsqu’il débarque sur les plages de Provence en août 1944 avec des milliers de soldats « français libres », venus pour la plupart d’Afrique, pour libérer le pays de l’occupation nazie. Il devient psychiatre et rejoint dix ans plus tard les Algériens dans leur lutte pour l’indépendance. Il meurt à 36 ans, laissant derrière lui une œuvre majeure sur le rapport de domination entre colonisés et colonisateurs, sur les racines du racisme et l’émergence d’une pensée tiers-mondiste en quête de liberté. 60 ans après sa mort, nous partons sur les traces de Frantz Fanon, aux côtés de ceux qui ont travaillé avec lui, pour redécouvrir cet homme d’exception.
Lire et relire Frantz Fanon, penseur lumineux Mercredi
6 décembre 1961. La nuit hivernale envahit l’hôpital militaire de Bethesda, dans la banlieue de Washington. Dans une chambre, une poignée de proches accompagnent un jeune homme de 36 ans dans ses derniers instants. Atteint de leucémie, Frantz Fanon s’éteint, au moment où son œuvre commence de passer à la postérité.
Un engagement militant
Intransigeant dans son engagement contre l’asservissement de l’homme, il choisit l’Algérie opprimée contre la France coloniale, après avoir choisi la France opprimée contre l’Allemagne nazie dix ans plus tôt. Frantz Fanon reste méconnu de ses compatriotes, ayant livré bataille loin de sa terre natale, où il y a puisé son énergie, son courage, sa lucidité.
En plus de son engagement militant, le docteur Frantz Fanon, psychiatre formé à l’Université de Lyon, a porté une contribution majeure à la médecine mentale en pays dominé. S’avouant impuissant face à la douleur de ses patients maghrébins qu’il consulte à Lyon, il s’est contraint à revoir les bases de sa discipline. En s’inspirant de son expérience de victime du racisme durant son engagement dans les Forces françaises libres, il l’a synthétisé avec ses observations cliniques en publiant son premier essai, « Peau noire, masques blancs » en 1952. Rédigé dans un style alerte par un écrivain nourri aux belles lettres et à la réflexion philosophique, une habitude acquise lors de sa fréquentation de la faculté de lettres pendant ses études de médecine, ce livre bouleverse les règles de la psychiatrie. Il y propose une autre vision pour comprendre et soigner la maladie mentale chez les colonisés. Six décennies plus tard, « Peau noire, masques blancs » reste d’actualité. Soit le monde n’a pas évolué, soit Fanon était un vrai précurseur. Dans un cas comme dans l’autre, cela laisse songeur.
Frantz Fanon dans le texte
Tous les livres de Frantz Fanon ont été réédités à de multiples reprises, dans de nombreuses langues dans le monde entier :
- Peau noire, masques blancs, Le Seuil, 1952 • L’An V de la révolution algérienne, Maspéro, 1959
- Les Damnés de la Terre, Maspéro 1961
- Pour la révolution africaine. Écrits politiques, Maspéro, 1964
La pensée de Frantz Fanon, une vivifiante source d’inspiration
Chaque génération doit, dans une relative opacité, affronter sa mission : la remplir ou la trahir « . C’est l’une des phrases les plus connues écrites par Frantz Fanon, dans son testament intellectuel posthume, « Les Damnés de la terre ». Un livre dans lequel il prophétise, en 1961, les luttes de libération des pays sous domination. Il y explique aussi en quoi la violence du colonisé est légitime envers le colonisateur. Des idées ayant une résonance certaine de nos jours, près de 60 ans après la disparition de cet intellectuel militant dont l’œuvre a inspiré de nombreux révolutionnaires à travers le monde. Fanon, natif de Martinique aurait-il approuvé les blocages de centres commerciaux pour protester contre l’impunité dont jouissent les importateurs de chlordécone ? Se serait-il reconnu dans le regain du panafricanisme et de la réactualisation de notre questionnement identitaire ? Nul ne le sait. Vu la portée de sa pensée, nous pouvons supposer qu’il aurait probablement adhéré aux luttes de notre 21e siècle. Comme la justice écologique, visant à indemniser les victimes des catastrophes industrielles ou naturelles. Ou l’engagement décolonial, pour expurger nos cultures de l’intériorisation de notre infériorisation.
Nos luttes rejoignent celles des générations précédentes
Des terrains de lutte succédant aux combats menés à leur époque par les générations précédentes. Nos parents se sont battus pour l’égalité des droits politiques et sociaux. Avant eux, leurs parents ont réclamé l’assimilation à la France, en payant l’impôt du sang. Avant ceux-ci, leurs parents ont obtenu l’école laïque, en affrontant le clergé tout-puissant et les békés qui ne voulaient pas entendre parler de l’instruction publique et gratuite. Encore avant, leurs parents esclaves ont gagné leur liberté. À chaque époque, ses problématiques. A chaque génération ses préoccupations. Et si le plus bel hommage à Fanon était de remplir notre mission ? En somme, de ne pas rester étrangers à nous-mêmes, en nous appropriant une autre de ses sentences, en conclusion de son magistral Peau noire, masques blancs : « Ô mon corps, fais de moi toujours un homme qui interroge ».
Biographie et carrière politique de Frantz Fanon
Vous êtes-vous déjà senti très proche de quelqu’un parce que vous avez partagé avec lui quelque chose de difficile et de douloureux ? Les sentiments difficiles sont quelque chose que nous vivons tous, même si leurs causes sont différentes. Le travail de Frantz Fanon en tant que psychiatre, aidant des personnes d’horizons différents à surmonter des difficultés, a été essentiel pour inspirer ses pensées politiques. Il s’est plongé profondément dans la psychologie du racisme et du colonialisme et a contribué à fournir un argument intellectuel en faveur de l’indépendance de l’Algérie. Dans cet article, nous allons découvrir la vie, la pensée et l’œuvre de Franz Fanon, et nous explorerons sa théorie sur le colonialisme.
Frantz Omar Fanon est né en 1925 dans une famille bourgeoise de la Martinique, une île des Caraïbes françaises. Comme beaucoup de Martiniquais, Fanon était d’origine mixte et son père descendait d’esclaves africains. L’héritage racial de Fanon et son expérience de grandir dans une société majoritairement noire sous la domination coloniale française ont été importants pour façonner ses idées plus tard dans la vie.
À l’âge de 18 ans, Fanon quitte la Martinique pour rejoindre l’Armée française libre, combattant pendant la Seconde Guerre mondiale pour résister à l’occupation allemande de la France. Après avoir servi pendant la Seconde Guerre mondiale, Fanon est allé à l’université en France métropolitaine, où il a étudié la médecine et la psychiatrie. Les expériences de Fanon en tant que soldat ont inspiré un article qu’il a écrit intitulé Black Skin White Masks, qu’il avait l’intention de soumettre comme thèse au cours de sa dernière année. Cependant, l’université considérait la thèse comme trop controversée, il l’a donc publiée sous forme de livre après avoir terminé ses études.
Fanon a commencé à travailler dans un hôpital en Algérie en 1953, où il était chargé de traiter les traumatismes psychologiques affectant les soldats français impliqués dans la torture des Algériens luttant pour l’indépendance. Fanon a également soigné de nombreuses victimes de torture algériennes. Cette exposition de première main aux réalités de la violence coloniale a eu une profonde influence sur la pensée politique et la position politique de Fanon, et a eu un impact sur l’attitude de Fanon envers la France. En raison de cette exposition constante à la brutalité, en 1956, Fanon décida qu’il ne pouvait plus soutenir l’État français à quelque titre que ce soit. Fanon a démissionné de l’hôpital et a ensuite été expulsé d’Algérie. Il a déménagé en Tunisie nouvellement indépendante, où il a pu soutenir librement et ouvertement le Front de Libération Nationale – une organisation nationaliste et militaire algérienne qui a demandé l’indépendance.
En Tunisie, Fanon devient rédacteur en chef du journal FLN El Moudjahid, et y contribue jusqu’à la fin de sa vie. Il a reçu un diagnostic de leucémie et s’est fait soigner aux États-Unis, où il est décédé en décembre 1961. Il a ensuite été enterré en Algérie.
Frantz Fanon Pensée politique
La pensée politique de Frantz Fanon s’est développée directement à partir de cette étude de la psychologie du colonialisme et du racisme, l’effet du colonialisme sur les colonisés. Fanon est souvent considéré comme un penseur marxiste parce que, comme Karl Marx, il voyait la révolution des opprimés comme une conséquence naturelle de la domination capitaliste. Au fur et à mesure qu’il s’impliquait dans la lutte pour l’indépendance de l’Algérie, Fanon soutenait de plus en plus la violence comme moyen de parvenir à la décolonisation. Cependant, Fanon n’a jamais été un partisan de la brutalité inutile et a soutenu que la lutte contre le colonialisme devait être gagnée « proprement, sans brutalité »
Le colonialisme de Frantz Fanon
La pensée de Fanon sur le colonialisme et ses effets est explorée dans ses deux livres principaux ; Black Skin White Masks et Les Misérables de la Terre.
Masques blancs de peau noire
L’œuvre de Frantz Fanon est particulièrement appréciée pour cette observation scientifique détaillée des effets du colonialisme sur les individus et les sociétés. Ses théories présentent une observation approfondie de ce que le colonialisme fait à la psyché de la personne colonisée. Black Skin White Masks de Fanon est une analyse largement non violente des effets du colonialisme, de l’assimilation culturelle et du capitalisme sur les gens de couleur et les colonisés. Pendant son séjour en France, Fanon a observé à quel point le racisme anti-noir était répandu dans la société française. Cela a inspiré son texte Black Skin White Masks. Fanon s’est rendu compte que, bien que les Noirs aient souvent les mêmes points de vue et positions idéologiques que les Européens blancs, leurs voix étaient toujours perçues comme différentes ou inférieures en raison de la couleur de leur peau. Fanon a soutenu que le colonialisme projette l’idée que la seule façon d’être considéré comme pleinement humain est d’être blanc. Par conséquent, les Noirs sont placés dans une position psychologique angoissante dans laquelle ils sont forcés de se considérer comme moins qu’humains. L’approche de Fanon et ses théories sont un amalgame de son analyse de différents domaines tels que le marxisme, la psychiatrie et le mouvement Négritude. Fanon s’inspire également des idées marxistes pour soutenir que le racisme colonial est un problème socio-économique et que les luttes contre le colonialisme et capitalisme ont les mêmes racines.
Les Misérables de la Terre
Les Misérables de la Terre était le dernier livre de Fanon. Fanon expose ici les éléments clés d’un chemin vers la décolonisation. Un thème récurrent tout au long du livre est le rôle de la violence et l’accent mis sur les impacts mentaux du colonialisme. Écrit à une époque où les luttes pour la décolonisation étaient en cours à travers l’Afrique et l’Asie, Fanon présente son livre comme un guide pour parvenir à une décolonisation réussie et durable. La lutte algérienne pour l’indépendance de la France sert de cadre au livre de Fanon, mais ses arguments peuvent être appliqués aux mouvements anticoloniaux partout dans le monde colonisé. Malgré l’accent mis sur la violence, Fanon ne parle pas seulement de la nature physique des luttes de libération, mais examine également le processus de décolonisation d’un point de vue psychologique. Fanon affirme que la condition psychologique des peuples colonisés doit changer pour parvenir à une décolonisation complète.
Influence et impact des œuvres de Frantz Fanon
Les écrits de Fanon ont eu une influence directe sur les mouvements anticoloniaux et de libération. Le texte de Fanon Les Damnés de la Terre a influencé des leaders révolutionnaires comme Malcolm X et Che Guevara. Le mouvement Black Power aux États-Unis a également été fortement influencé par les écrits de Fanon. Stokely Carmichael, le chef du Black Panther Party, a directement cité le texte de Fanon dans son livre et a utilisé une grande partie de la théorie de Fanon comme cadre pour exposer sa propre cause. Le travail de Fanon a également été utilisé pour aborder des problèmes contemporains qui ont surgi dans la période postcoloniale. Dans ses textes, Fanon évoque la « malédiction de l’indépendance ». Il soutient que l’indépendance politique d’un pays colonisé peut toujours aboutir à un système dans lequel l’antagonisme intertribal, le racisme et le chauvinisme figurent toujours. C’est particulièrement le cas si l’ancienne colonie tente de maintenir des liens politiques et économiques solides avec l’ancienne puissance coloniale. Fanon suggère que, pour parvenir à une décolonisation totale, la société post-coloniale devrait rejeter l’Europe capitalisme comme voie de développement économique et social.
Cette idée a influencé de nombreuses perspectives critiques sur l’aide et le développement international. Il offre également une explication de la façon dont certains pays du monde postcolonial se retrouvent dans des situations de pauvreté, de sous-développement et de guerre civile. Bien qu’ils aient joui de décennies d’indépendance, ils connaissent souvent des taux d’endettement élevés et une dépendance extérieure vis-à-vis des anciennes puissances coloniales.
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https://www.studysmarter.co.uk/explanations/politics/political-ideology/frantz-fanon/
https://www.franceculture.fr/personne-frantz-fanon.html#biography