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Femmes dans l'histoire

22 janvier 1925 – Fanny Bullock Workman, alpiniste, exploratrice, géographe et cartographe américaine

Queen of the Mountaineers: The Trailblazing Life of Fanny Bullock Workman : Cathryn J. Prince, Elizabeth Wiley, Tantor Audio: Amazon.fr: LivresFanny Bullock Workman, une femme aux sommetsFanny Bullock Workman Biography - American geographer, cartographer, explorer, travel writer, and mountaineer | PantheonFanny Bullock Workman : Brève vie d’un alpiniste fougueuxImage

Au début du XXe siècle, une Américaine avale avec gloutonnerie les ascensions des plus hauts monts du monde. Retour sur la carrière exceptionnelle d’une exploratrice de son temps.

L’anecdote résume le caractère de la dame. En 1906, l’Américaine Fanny Bullock Workman devient la femme la plus haute du monde après son ascension du Pinnacle Peak, 6 930 mètres dans l’Himalaya. Elle défend ce record comme une mère chatte ses petits. Alors, quand, en 1908, une autre Américaine le lui conteste après avoir, pensait-elle, dépassé les 7 000 mètres au sommet du mont Huascarán, au Pérou, Fanny Bullock Workman paye une équipe du service géographique de l’armée française pour établir précisément l’altitude de la montagne andine. Mesures prises, sa concurrente n’est grimpée qu’à quelque 6 700 mètres. Fanny Bullock Workman reste au top.Queen of the Mountaineers: The Trailblazing Life of Fanny Bullock Workman | Walmart CanadaL’épisode en dit également long sur les moyens du couple Bullock Workman. La richesse peut inciter à l’oisiveté. Ou à la suractivité. Très clairement, plutôt que dormir dessus, Fanny Bullock et William Hunter ont préféré dépenser leur fortune pour assouvir leurs appétits d’ailleurs plus exotiques et plus hauts que leur Massachusetts natal. Les deux viennent du même monde. Les familles riches et aristocratiques de l’est des Etats-Unis. Chez ces gens-là, les jeunes filles voyagent dès leur plus jeune âge. «Fanny séjourne en France et en Allemagne. Dès l’enfance et l’adolescence, elle développe le goût de l’aventure, comme en témoignent certaines histoires courtes et nouvelles qu’elle écrit. Elle y met en scène des héroïnes aristocratiques échappant à leurs obligations et découvrant le monde. Y transparaissent, déjà, une attention pour le statut et les droits de femme, une soif de voyages et un attrait certain pour l’univers de l’alpinisme», écrit le site l’Histoire par les femmes.

«Des contrées où jamais être humain n’avait pénétré» ImageDe retour aux Etats-Unis en 1879, elle épouse William Hunter Workman trois ans plus tard. C’est lui qui l’initie à l’alpinisme dans les montagnes Blanches du New Hampshire. En cette fin du XIXe siècle, les femmes américaines, contrairement à leurs homologues européennes, sont fortement incitées à conquérir les sommets, et le milieu des alpinistes est particulièrement progressiste en matière de droit des femmes.  A la mort de leurs pères respectifs, et forts de l’héritage, Fanny et William s’installent en Allemagne en 1889. De là, à l’initiative de Fanny, ils entreprennent des excursions à vélo de plus en plus lointaines (Suisse, France, Italie, Espagne, Algérie, Inde…) au cours desquelles ils continuent de grimper et nourrissent des récits de voyages. Fanny Bullock Hunter sera l’une des premières femmes au sommet du mont Blanc. Elle et son mari découvrent l’Himalaya au tournant du siècle. Leur notoriété atteint la presse française. Image«Une femme, déjà célèbre par des explorations effectuées dans la chaîne de l’Himalaya, Mme Fanny Bullock Workman vient d’atteindre le sommet, inexploré jusqu’à présent, du Koser-Gunge [Pakistan], haut de 21 000 pieds, dont l’énorme glacier, le Chogo-Lungmo, passait pour infranchissable, relate la Fronde du 1er novembre 1902. L’expédition a eu à souffrir de terribles ouragans, et à chaque pas, elle a dû se tailler un chemin dans la glace, plusieurs fois les kulis indigènes, porteurs d’ustensiles et de provisions ont déserté, obligeant ainsi les touristes à redescendre pour obtenir d’autres hommes. Néanmoins l’expédition a pu exécuter son projet.» Les relations avec les autochtones deviendront un problème récurrent lors des expéditions du couple.

«Fanny Bullock Workman a été une fervente militante du droit de vote des femmes, écrit sa biographe. Elle se considérait comme un modèle pour les autres femmes voyageuses et alpinistes». Si Bullock Workman a été précurseure en matière d’émancipation féminine, c’est loin d’être le cas dans son appréhension des populations que croise le couple dans ses pérégrinations. Dans leurs récits de voyage, ils parlent de personnes «exotiques et singulières, au pire primitives voire des sous-hommes». Une vision tout à fait dans l’air occidental du temps au début du XXe siècle.ImageLe 12 octobre 1906, la Vérité relate par le menu une nouvelle expédition du couple dans l’Himalaya. Où l’on apprend que Fanny et William font également œuvre de géographes, corrigeant les données que d’autres avant eux avaient établies : «Une partie du voyage fut faite dans des contrées où jamais être humain n’avait pénétré, et en plusieurs endroits les voyageurs purent constater des erreurs topographiques figurant sur les cartes existantes.»Aucune description de photo disponible.Entre deux expéditions, Fanny Bullock Workman donne des conférences et la presse n’a pas de mots assez forts pour exprimer toute l’admiration qu’elle suscite. Des articles qui décrivent également la vie du couple, qui a confié l’éducation de ses enfants à des nurses. La République française du 13 novembre 1904 : «Paris recevra aujourd’hui dimanche, la visite d’une exploratrice qui n’a pas froid aux yeux. C’est une Américaine, Mme Fanny Bullock Workman, bien connue au Nouveau Monde, où ses exploits ont fait sensation.» Le Matin, du 22 novembre 1904 : «Une vaillante exploratrice américaine, Mme Fanny Bullock Workman, a raconté elle-même, hier soir, dans un des amphithéâtres de la Sorbonne, ses ascensions dans l’Himalaya. […] En compagnie de son mari car Mme Bullock-Workmann voyage avec son mari, un docteur en médecine qui a préféré à la pratique de son art les hasards passionnants de la vie d’explorateur elle se rendit au pied de l’Himalaya et se jura d’être la première femme qui gravirait les pentes glacées du géant Gaorisankar. Elle nous est arrivée l’autre jour, après avoir passé deux ans à la frontière du Turkestan, escaladé sept pics, franchi quatre cols de neige, exploré les glaciers du Karakorum et ascensionné jusqu’à l’altitude de 7 132 mètres.»

«Une endurance dont bien peu d’hommes seraient capables»ImageLa Petite Gironde du 17 novembre 1909 : «Que notre pauvre mont Blanc européen semble donc petit lorsqu’on sort d’une conférence de la célèbre Américaine qui détient aujourd’hui le record mondial des altitudes féminines ! Que comptent, en effet, les 4 810 mètres du soi-disant géant d’Europe et ses hâtives escalades, lorsque durant une heure et demie d’horloge cette audacieuse alpiniste vous a décrit un long voyage d’exploration, commençant à seulement 5 000 mètres pour s’élever à 7 100 mètres, et fait passer devant vos yeux la plus éblouissante, la plus prestigieuse évocation photographique de glaciers, séracs, névés, aiguilles et pics, dont plusieurs explorés pour la première fois.» L’Aurore du 14 mai 1910 : «Mme Workman est connue du monde scientifique pour ses explorations dans les Himalayas, les plus hautes montagnes du monde, qu’elle a visitées déjà six fois. Sa grande ascension a été le sommet d’un pic vierge à 7 102 mètres, dans la chaîne de Nun Kun. Suivant le désir exprimé par quelques-uns de ses amis, Mme Workman, qui est officier de l’Instruction publique en France, a réservé le Théâtre Femina pour donner une conférence illustrée mardi après-midi, sur l’himalayisme – le dernier cri dans les grands sports.»Le Journal du 5 décembre 1913 y va aussi de son panégyrique : «La Société de géographie et le Club alpin recevront la femme alpiniste la plus fervente, la plus intrépide qu’on connaisse : Mme Fanny Bullock Workman, une Américaine qui, depuis sept ans, escalade avec un zèle, une vigueur, une endurance dont bien peu d’hommes seraient capables les « cimes vertigineuses » de l’Himalaya.» Le quotidien se fend d’un tout aussi vertigineux exercice d’essentialisation raciste : «La constitution de la caravane est chose infiniment délicate. Il est impossible d’avoir uniquement recours aux coolies. Si les Cachemiriens et les Ladakhis sont relativement courageux et fidèles, il ne faut rien attendre des indigènes du Balistan. Aperçoivent-ils un plateau à l’extrémité duquel s’élève une pente dont l’escalade ne les tente point, ils se jettent à terre en poussant de grands cris et en faisant comprendre qu’ils préféreraient qu’on leur coupât la gorge plutôt que de pousser plus avant. Prières, menaces, offres d’argent restent également vaines. Aussi Mme Bullock Workman dit-elle se faire accompagner, dans ses différentes ascensions, par des guides, qu’elle avait recrutés dans les Alpes et dont l’adresse, le courage, le dévouement lui furent, maintes fois, d’un précieux secours.»

«Le recordwoman de l’alpinisme»

Le Journal revient enfin sur l’épisode «la femme qui voulait être la plus haute du monde à la place de la femme la plus haute du monde» : «La voyageuse intrépide à qui revient l’honneur d’avoir visité des régions où nul, avant elle, n’avait jamais mis le pied, jouit, à juste titre, d’une universelle renommée. Ses succès n’ont pas été sans susciter la jalousie de quelques-unes de ses rivales. L’une d’elles, Miss Annie Peck, ne prétendait-elle point être montée jusqu’au sommet du Huascarán, dans les Andes péruviennes, dont l’altitude est de 7 300 mètres. Une vérification s’imposait. Mme Bullock Workman pria un Français, M. de Larminat, dont la science était une garantie suffisante, de s’en aller à la cordillère des Andes. Ce qu’il fit. Ses calculs terminés, il annonça au monde que le pic atteint par Mme Bullock Workman avait une altitude supérieure de 300 mètres à celui de Miss Annie Peck. Mme Bullock Workman est donc bien, scientifiquement, la recordwoman de l’alpinisme.»

La Première Guerre mondiale sonne la fin des voyages de Fanny et William Bullock Workman. Celle qui a reçu de nombreuses distinctions honorifiques de la part de sociétés géographiques ou d’alpinisme, fait fructifier sa célébrité par ses conférences. Considérée comme l’une des plus formidables alpinistes, hommes et femmes confondus, de son époque, elle tombe malade en 1917 et meurt en 1925 à Cannes à l’âge de 66 ans. William lui survit jusqu’en 1937

Fanny Bullock Workman (1859-1925) : Brève vie d’un alpiniste fougueux

Fanny Bullock Workman (8 janvier 1859 – 22 janvier 1925) était une géographe, cartographe, exploratrice, écrivaine voyageuse et alpiniste américaine, notamment dans l’Himalaya. Elle a été l’une des premières femmes alpinistes professionnelles ; elle a non seulement exploré mais aussi écrit sur ses aventures. Elle a établi plusieurs records d’altitude féminins, publié huit livres de voyage avec son mari et défendu les droits des femmes et le suffrage des femmes. Issu d’une famille aisée, Workman a fait ses études dans les meilleures écoles accessibles aux femmes et a voyagé en Europe. Son mariage avec William Hunter Workman a cimenté ces avantages et, après avoir été initiée à l’escalade dans le New Hampshire, Fanny Workman a parcouru le monde avec lui. Ils ont pu capitaliser sur leur richesse et leurs relations pour voyager à travers l’Europe, l’Afrique du Nord et l’Asie.ImageFanny Workman est devenue la première Américaine à donner des conférences à la Sorbonne et la seconde à parler à la Royal Geographical Society. Elle a reçu de nombreuses médailles d’honneur des sociétés européennes d’escalade et de géographie et a été reconnue comme l’une des plus grandes grimpeuses de son époque. Elle a démontré qu’une femme pouvait grimper en haute altitude aussi bien qu’un homme et a contribué à briser la barrière des sexes dans l’alpinisme.

Fanny Bullock Workman – une femme de fond

Récemment, je suis tombé sur des coupures de journaux sur Fanny Bullock Workman, conférencière invitée à la Royal Scottish Geographical Society et une femme remarquable à tous points de vue. J’ai été intrigué par la présence d’un partisan à ses conférences, un qui se contentait évidemment de prendre un siège arrière et une part relativement mineure des feux de la rampe : le Dr William Hunter Workman, son mari.  Compte tenu du fait que les conférences de Fanny ont eu lieu en 1900, alors qu’on attendait encore des femmes qu’elles se conforment aux attentes oppressives de l’époque victorienne, cela semblait très inhabituel. Puis j’ai remarqué qu’elle venait de gravir une montagne de 21 000 pieds, un record du monde pour une grimpeuse à l’époque. Quelle réalisation étonnante. Fanny était évidemment une femme avec qui il fallait compter.ImageL’une de mes premières réactions a été de rechercher une image d’elle sur Google. Une ravissante photo en noir et blanc, manifestement un portrait de studio, d’une femme vêtue de manière luxueuse avec de forts sourcils noirs et des cheveux exubérants coiffés à la manière bouffante, avec une main posée légèrement sur l’épaule de son mari assis. Fanny a l’air jeune, fraîche et posée, mais il y a quelque chose dans son visage – une sorte de détermination immuable. Soudain, vous pouvez commencer à la voir escalader des montagnes. William, d’un autre côté, semble un peu plus âgé, ses cheveux gris et clairsemés, mais rien dans son expression ne laisse penser que son énergie est en train de s’épuiser. Ces deux-là doivent avoir une dynamique intéressante. Fanny Bullock Workman est née en 1859 à Worcester, Massachusetts. Elle était la fille d’un gouverneur d’État et la richesse considérable de sa famille lui garantissait une éducation privilégiée. En tant que jeune femme, elle a été envoyée dans une école de fin d’études à New York avant de se rendre à Paris et à Dresde pour affiner son français et son allemand. À son retour aux États-Unis, elle a épousé un médecin prospère de 12 ans son aîné; Ensemble, ils sont allés grimper dans les montagnes du New Hampshire, développant de sérieuses compétences et rejoignant des clubs d’escalade qui, contrairement à la plupart de leurs homologues européens, admettaient aussi bien les femmes que les hommes.                                    A Hovercraft Full of Eels on TumblrAprès avoir atteint le sommet du mont Washington, Fanny a jeté son dévolu sur de nouveaux défis. Elle était encore dans la vingtaine, énergique et ambitieuse ; en revanche, William souffrait du stress du surmenage et, en 1889, il opta pour une retraite anticipée. Ils avaient une fille de quatre ans, et le reste de la vie de Fanny devait avoir l’air étrangement confortable et suburbain. Un changement complet s’imposait. Le Dr Workman avait peut-être prévu de montrer ses dahlias primés et de mettre une rangée d’oignons, mais il allait devoir réfléchir à nouveau.Fanny Bullock Workman 8.1.1859 - 22.1.1925 Bergsteigerin und Frauenrechtlerin. Hier hält sie auf 6400 Höhenmetern die Worte "Votes for Women" in die Kamera.Avec leurs finances renforcées par les successions héritées de leurs parents respectifs, Fanny et William ont déménagé à Dresde. Comme par magie, la santé du Dr Workman s’est rétablie avec le changement de décor, et le couple a commencé à chercher autour d’eux l’aventure. Il venait d’une source inhabituelle : le vélo de sécurité « Rover » nouvellement breveté prenait d’assaut l’Europe, ses deux roues de taille identique lui conférant d’énormes avantages par rapport à l’absurde penny-farthing. De plus, la conception révolutionnaire signifiait que les cyclistes pouvaient réellement poser les pieds sur terre lorsqu’ils s’arrêtaient, ce qui devait être un énorme soulagement. Fanny et William en ont acheté un chacun. Avec eux, ils prévoyaient d’aller audacieusement là où aucun cycliste n’était allé auparavant.

En 1895, portant 20 livres de bagages chacun et laissant leur fille aux soins de nourrices, Fanny et William partirent à travers l’Espagne. Ils ont parcouru 2 800 milles et parcouru une distance moyenne de 45 milles par jour. Le voyage ne s’est pas déroulé sans incident, en partie parce que leurs bicyclettes étaient l’objet d’une immense curiosité. Une fois, après les avoir enfermés en bas et se coucher dans leur logement, ils ont été réveillés par un vacarme terrible provoqué par tous les villageois qui étaient entrés par effraction et se disputaient pour savoir qui devait les essayer en premier. Le matin, le guidon d’un cycle s’est avéré tordu et le frein a été endommagé. Fanny n’était pas très contente.  Par la suite, les ouvriers ont co-écrit un livre intitulé  » Sketches Awheel in Modern Iberia « , qui a donné le ton pour de futurs voyages : ensemble, ils parcourraient l’Algérie, l’Italie et l’Inde, enregistrant leurs observations en mots et en photographies et offrant des conférences aux institutions sur l’Europe.

Fanny a gravi le Mont Blanc et le Cervin, preuve indiscutable qu’une femme pouvait s’attaquer aux plus hauts sommets alpins. Ce n’était qu’une question de temps avant qu’elle ne pose les yeux sur l’Himalaya, et la révélation est venue lorsque les Ouvriers voyageaient à travers l’Inde en 1897. Poussée dans les contreforts frais par la chaleur intense de l’été, Fanny a aperçu les sommets lointains, scintillantes et immaculées et faisant signe, et dans la même seconde, elle voulut les escalader. Ce fut un moment décisif, mais les Workmans n’étaient rien sinon ingénieux. Ils abandonnent leurs vélos et engagent un guide de montagne suisse : Matthias Zurbriggen, l’un des plus talentueux de sa profession.  Si quelqu’un avait expliqué à Fanny le mal de l’altitude et tous les autres pièges de l’alpinisme himalayen, elle aurait peut-être écouté poliment mais on se demande si elle y aurait prêté beaucoup d’attention. En fait, on ne savait pas grand-chose à la fin des années 1800 sur les effets de la privation d’oxygène ou des engelures, et Fanny, vêtue de jupes épaisses et de bottes cloutées, ne devait pas être prise à la légère. En compagnie de son mari tout aussi intrépide, elle s’imaginait déjà triomphante sur la crête de sommets inconnus successifs.

Étonnamment, les Workman ont vécu pour raconter leur histoire et, en décembre 1900, ils ont été invités à le faire dans plusieurs groupes de la Royal Scottish Geographical Society. La conférence de Fanny s’intitulait « Au milieu des neiges du Baltistan » : «Mme Bullock Workman a rendu compte d’une expédition d’alpinisme au Cachemire, décrivant dans un langage vivant et pittoresque les difficultés et les plaisirs, ainsi que les résultats scientifiques de l’entreprise. La plus haute altitude atteinte était de 21 000 pieds, ce point étant atteint au milieu d’une tempête et après l’endurance d’une grande fatigue. Elle avait eu la satisfaction de faire trois ascensions pionnières, et dans un beau passage descriptif, elle décrivait la majesté et la grandeur du paysage, et l’impressionnante solitude dans laquelle seule la voix de la nature se faisait vraiment entendre. Glasgow Herald, 5 décembre 1900

Les révélations de Fanny sur son expédition ont suffi à faire hérisser les cheveux de la plupart des têtes élégamment coiffées de ses auditeurs. Cependant, elle n’était pas une reine du théâtre et semblait surmonter tous les obstacles dans sa foulée. Accompagnés de 50 serviteurs et porteurs, les Ouvriers avaient été obligés de franchir 12 fois le torrent Askor en poursuivant leur route vers le haut, avant d’atteindre le col de Skoro Là à 17 000 pieds. Un pont de corde fragile sur la rivière Braldu, enjambant un gouffre béant de 270 pieds, décrit simplement par Fanny comme « l’un des plus longs et des plus éprouvants du pays » ; et quand elle et William ont finalement atteint le Skoro La et ont été avisés qu’il était trop tôt dans l’année pour le franchir, ils ont décidé « d’ouvrir le col pour la saison », comme si c’était une simple formalité qui n’attendait que l’arrivée des dignitaires appropriés.  Au-dessus du glacier du Biafo, dont les formidables rangées de séracs et de crevasses auraient fait blanchir de consternation la plupart des alpinistes, puis sur les pentes elles-mêmes : en quelques semaines, Fanny se tenait au sommet du Koser Gunge à 21 000 pieds, un exploit qui l’a également placée au sommet du monde en ce qui concerne les exploits des grimpeuses. (Ce n’était pas le « sommet de sa vie »: en 1906, elle se tenait sur Pinnacle Peak à 22 736 pieds dans le massif de Nun Kun, établissant un record d’altitude qui n’a été dépassé qu’en 1934.)ImageLes présentations de Fanny étaient accompagnées de vues sous les feux de la rampe, encore une caractéristique relativement nouvelle des conférences RSGS, et le Aberdeen Journal a accordé un crédit prudent à l’opérateur de la lanterne dont le travail consistait à mettre le feu à une pastille de chaux placée dans une lanterne spécialement conçue. Une fois allumée, la flamme a été intensifiée avec l’ajout prudent d’oxygène et d’hydrogène en bouteille, et la lueur résultante a été utilisée pour éclairer les diapositives. « La conférence a été très bien illustrée par des vues de lanterne sous les feux de la rampe, la lanterne étant manipulée par M. Stott, de MM. Walker & Company, Bridge Street, Aberdeen. Les diapositives montraient les sommets enneigés, dont trois ont été explorés et nommés par le groupe, les morraines, glaciers, rochers &c ; tandis que plusieurs effets de nuages pittoresques sur les montagnes ont été applaudis. À la fin d’une conférence des plus intéressantes, Lord Provost Fleming a proposé un chaleureux vote de remerciement à la dame douée et courageuse qui leur avait donné une conférence si divertissante ce soir-là.   Journal d’Aberdeen, 11 décembre 1900

L’une des choses intéressantes à propos de Fanny était son apparente immunité au mal de l’altitude. Elle a grimpé à un rythme lent, nécessitant de nombreux camps de nuit, et ses progrès tranquilles ont dû lui permettre de s’acclimater progressivement à la hauteur croissante. De cette façon, ses limitations physiques lui donnaient un énorme avantage. Elle ne se souciait pas non plus de la misère du logement qu’elle était fréquemment obligée d’endurer. Les choses qui l’ennuyaient vraiment étaient l’incompétence et la paresse, et ses réprimandes invoquaient souvent la terreur parmi les porteurs imprudents. Certains d’entre eux se sont enfuis.  Les Workmans ont fait huit expéditions dans l’Himalaya sur une période de 14 ans, et n’ont été empêchés de continuer que par le déclenchement de la Première Guerre mondiale, lorsque les régions très disputées d’Asie centrale étaient apparemment trop dangereuses, même pour Fanny. Si elle l’avait fait, cependant, et si les Ouvriers avaient bravé le Pamir et le col du Karakoram avec leur sang-froid habituel et leur capacité d’organisation terrifiante, on ne sait pas combien de temps la guerre aurait pu se terminer.Mujerícolas: enero 2015Dans ses rapports et ses conférences, Fanny semble être une observatrice assez détachée, décrivant les gens et les paysages à la manière professionnelle d’un géomètre plutôt qu’avec la réponse émotionnelle d’un écrivain voyageur. Cela reflète l’attitude des Workman envers l’exploration dans son ensemble : ils se tenaient à l’écart de la population locale et ne s’imprégnaient généralement pas de la culture et des coutumes traditionnelles. Ils étaient prêts à payer pour des légions de porteurs et, à de nombreuses reprises, ils ont été contraints de payer généreusement afin de persuader les hommes d’aller là où leurs meilleurs instincts leur disaient de ne pas le faire- en grande partie par auto-préservation ; mais il n’y a pas beaucoup d’empathie dans leur écriture.

Il y avait un sujet, cependant, qui a soulevé Fanny à pleine colère, et c’était la question des droits des femmes. Les femmes, croyait-elle, étaient tout aussi capables que les hommes, et elle l’avait prouvé en brisant l’exclusivité masculine de l’escalade himalayenne. Chaque fois qu’elle a vu des femmes être réprimées ou maltraitées, elle s’est exprimée et a demandé justice. Le droit de vote des femmes était une cause qui lui tenait à cœur et, en 1912, elle fut photographiée sur le glacier de Siachen dans le Karakoram, tenant un journal avec le titre « VOTES POUR LES FEMMES ». Cette publicité simple mais brillante a été diffusée dans le monde entier – relativement parlant – donnant un message clair aux femmes du monde entier et amenant la question au premier plan de la sensibilisation du public. Les politiciens en viendraient bientôt à regretter leur renvoi des suffragettes en tant qu’extrémistes en quête d’attention avec un goût pour le mélodrame.

La plupart des femmes exploratrices que j’ai rencontrées jusqu’à présent étaient capricieuses et assez solitaires par nature, dirigées par leur cœur, prenant des décisions basées sur l’instinct plutôt que sur l’intention. Ils voient le danger et s’y rendent, sans motif, se délectant du risque et s’en sortent généralement indemnes. Fanny est légèrement différente. Elle ne semble pas du tout apprécier le danger, car elle y accorde très peu de temps dans sa tête. Au lieu de cela, elle voit une ambition et trouve un moyen de la réaliser grâce à une planification méticuleuse, comme un général d’armée expérimenté envisageant une manœuvre militaire à grande échelle. Ce qui se cache sous la surface peut être un sentiment de vulnérabilité bien gardé : en tant que mère, elle ne pourrait jamais être accusée d’être surprotectrice, car elle a été absente pendant de longues périodes dans l’enfance de sa fille ; et elle a perdu son deuxième enfant, Siegfried, alors qu’il était encore un bébé. Ses émotions doivent avoir été gardées privées, mais ont trouvé une évasion par d’autres moyens et à l’appui d’autres choses : sa relation avec William doit certainement avoir été construite sur une base solide, car les deux semblent avoir apprécié leur carrière combinée d’explorateurs et d’écrivains. , regardant le monde d’un point de vue similaire et s’offrant mutuellement un soutien constant et inébranlable.

Elle aurait pu être énergique et autoritaire, mais vous devez admirer Fanny pour les qualités qui lui ont valu un degré de succès extraordinaire. Elle ne semble pas avoir douté d’elle-même un instant, et elle s’est fait connaître en tant qu’exploratrice, écrivaine et conférencière respectée avec une assurance bien en avance sur son temps. Lorsque John Clarke de l’Université d’Aberdeen a remercié Fanny après sa conférence, il a exprimé son admiration non seulement pour ses formidables réalisations, mais aussi pour sa récente tournée en Europe, au cours de laquelle elle a prononcé des discours couramment en français et en allemand.  Fanny a reçu le titre littéraire le plus élevé de France – Officier de l’Instruction Publique – et elle a été la première femme américaine à donner des conférences à la Sorbonne à Paris. Les honneurs des sociétés universitaires lui ont été décernés. Parmi eux se trouvait la bourse de la Royal Scottish Geographical Society, décernée en 1898, faisant d’elle la deuxième femme membre de la société après Isabella Bird.

Fanny est décédée en 1925, à l’âge de 66 ans ; étonnamment, William lui survécut et mourut en 1937 à l’âge de 90 ans. Leur fille, Rachel, épousa un riche Écossais qui devint plus tard baronnet, lui donnant le titre de Lady Rachel Workman MacRobert. Elle a poursuivi le ferme soutien de sa mère aux droits des femmes et est également devenue spécialiste en géologie, étudiant à Londres, Édimbourg et en Suède.Sketches Awheel In Fin De Siècle Iberia : Mrs Fanny Bullock Workman, William Hay Workman: Amazon.fr: Livres

https://www.liberation.fr/sports/2021/01/16/fanny-bullock-workman-une-femme-aux-sommets_1810888/

https://chireviewofbooks.com/2019/05/16/the-high-altitude-life-of-fanny-bullock-workman/

https://rsgsexplorers.com/2016/10/15/fanny-bullock-workman-a-woman-of-substance/

https://www.harvardmagazine.com/2012/03/vita-fanny-bullock-workman

https://women.ncr-iran.org/2021/01/22/women-in-history-22-january/

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