ETA au Pays basque : de la terreur à la paix, plus d’un demi-siècle de violencePays Basque : l’ETA renonçait à la lutte arméeLes grandes dates de l’ETAEuskadi Ta Askatasuna (ETA pour « Pays basque et liberté » en basque) est une organisation armée basque indépendantiste d’inspiration marxiste (révolutionnaire). Fondée en 1959, l’organisation a évolué d’un groupe résistant à la dictature franquiste vers un groupe paramilitaire indépendantiste basque de l’Espagne. Le 20 octobre 2011, l’organisation indépendantiste basque annonce « la fin définitive de son action armée ».
ETA annonce la fin de son action armée ETA renonce au terrorisme et « lance un appel aux gouvernements d’Espagne et de France pour ouvrir un processus de dialogue direct ».
L’organisation séparatiste basque armée ETA a annoncé, jeudi 20 octobre, en Espagne, qu’elle renonçait définitivement à l’usage de la violence. Un communiqué bref et sans équivoque est venu clore, cinquante-deux ans après sa naissance, quarante-trois ans après son premier assassinat, deux ans après son dernier attentat mortel, une trajectoire commencée sous la dictature de Francisco Franco et poursuivie pendant trente-cinq ans de démocratie, et qui a laissé dans son sillage plus de 800 personnes tuées par balles ou par bombes.« L’ETA a décidé l’arrêt définitif de son activité armée », affirme le texte qui met un terme aux activités du dernier groupe politique armé de l’Union européenne. Cette annonce historique était attendue depuis la conférence organisée lundi à Saint-Sébastien. Préparée depuis plus d’un an et demi par des négociateurs autour de l’avocat sud-africain Brian Currin, mais aussi des acteurs des accords de paix en Irlande du Nord, elle a mis en scène un appel au dépôt des armes lancé à l’ETA par un groupe de personnalités internationales emmenées par l’ancien secrétaire général des Nations unies Kofi Anan.La réunion de Saint-Sébastien a couronné un double évolution, qui a poussé l’ETA à prendre cette décision. Depuis près de vingt ans, avec la collaboration active de la France, les gouvernements espagnols ont maintenu une pression policière constante et de plus en plus efficace contre l’organisation. La surveillance, le décryptage minutieux des documents saisis lors de la découverte des caches de ses membres, l’infiltration toujours plus rentable de ses rangs– les meilleurs connaisseurs de l’organisation estimaient, ces dernières années, que la sécurité interne occupait l’essentiel de l’énergie de sa direction – a permis à la police et à la Garde civile espagnoles de démanteler à un rythme toujours plus rapide les directions opérationnelles successives de l’ETA.Une pression qui a fini par fonctionner A cet étranglement logistique s’est ensuite ajoutée une pression judiciaire et politique. Ces dernières années, elle a décimé l’entourage de l’organisation, tout ce réseau d’associations et de relais sociaux qui lui permettaient d’une part d’entretenir un inépuisable vivier pour le recrutement et, d’autre part, de tenir parfaitement assujettis ses relais politiques.
Pour commencer, le juge Baltazar Gazon a élaboré une construction juridique – les organisations satellites de l’ETA doivent être considérées comme parties intégrantes du groupe terroriste et, par conséquent, leurs membres peuvent être poursuivis et condamnés pour terrorisme – qui a permis à la justice de déstructurer la nébuleuse.Ensuite, les principaux partis espagnols se sont mis d’accord, au début des années 2000, pour voter une loi qui a permis à la justice d’interdire les partis qui refusaient de condamner le terrorisme, et d’interdire aux candidats de Batasuna (la vitrine politique de l’ETA) et ses avatars de se présenter aux élections.
Cette pression a fini par fonctionner : privé d’élections, harcelé par la justice, décimé par la police, emprisonné pour la plupart de ses dirigeants, l’entourage politique de l’ETA a fini par s’émanciper des « militaires » et par leur demander de déposer les armes, seule façon, pour eux, de retrouver de l’air.La figure de proue de l’ex-Batasuna, Arnaldo Otegi, a reconnu en juillet que le tournant, pour lui et ses amis, a eu lieu lorsque, le 30 décembre 2006, l’ETA a rompu la trêve qui accompagnait des négociations secrètes avec le gouvernement de José Luis Rodriguez Zapatero. Depuis son arrivée au pouvoir en 2004, M. Zapatero avait fait de la fin de l’ETA une de ses toutes premières priorités. « Notre démocratie sera sans terrorisme, mais pas sans mémoire », a promis le président socialiste du gouvernement en souvenir des victimes.
Pays Basque : l’ETA renonçait à la lutte arméeLe 20 octobre 2011, le groupe séparatiste basque ETA annonçait « l’arrêt définitif de son activité armée », après plus de quarante ans de violences. Un « tournant majeur » pour le Pays basque, qui s’efforce toujours aujourd’hui de solder ce passé sanglant. « Il est temps de regarder l’avenir avec espoir, il est temps aussi d’agir avec courage et responsabilité » : c’est par ces mots que l’organisation ETA, classée comme terroriste par l’Union européenne, a fait savoir voilà dix ans qu’elle renonçait à la violence.
« Par cette décision historique, l’ETA montre son engagement clair, ferme et définitif » en faveur d’un « scénario de paix », affirmait le communiqué mis en ligne par le journal basque Gara et lu sur une vidéo par trois militants encagoulés, le poing levé devant l’emblème du groupe séparatiste.Mise en scène solennelle, mots pesés… Cette déclaration, qui a mis fin à la dernière insurrection armée d’Europe occidentale, a marqué un « tournant majeur » pour le mouvement indépendantiste, souligne Rafael Leonisio Calvo, chercheur en sciences politiques et auteur de « ETA, terreur et terrorisme ». Fondée en 1959 sous la dictature du général Franco (1939-1975), l’ETA (Euskadi Ta Askatasuna, soit « Pays Basque et Liberté ») avait alors toujours défendu le recours à la violence, multipliant les assassinats, depuis le premier en 1968, les attentats et les enlèvements. Plus de 850 morts lui sont imputés.Au vu de cette histoire sanglante, le communiqué de l’ETA a constitué « une surprise, d’autant qu’il s’agissait d’une annonce unilatérale et sans contreparties […] Mais en réalité, il s’inscrivait dans un long processus », souligne Rafael Leonisio Calvo. Quelques semaines avant l’annonce, des négociations secrètes avaient été engagées avec les autorités, via des intermédiaires. Le principe « avait été acté avec le gouvernement socialiste de (José Luis Rodriguez) Zapatero », a dit l’un des chefs historiques de l’ETA, Josu Urrutikoetxea, dit « Ternera », dans un entretien récent avec l’AFP. Ces négociations ont abouti le 17 octobre 2011 à la Conférence internationale pour la paix, organisée au Palais d’Aiete de Saint-Sébastien, en présence de l’ex-secrétaire général de l’ONU Kofi Annan. L’ETA avait alors été appelée à délaisser la lutte armée, pour « promouvoir la réconciliation ».
« Cul-de-sac »A l’époque, l’organisation se trouvait très affaiblie : la plupart de ses cadres avaient été arrêtés et ses caches d’armes découvertes. « L’ETA était dans une situation d’impasse, aussi bien sur le plan militaire que politique », souligne Eguzki Urteaga, professeur à l’Université du Pays Basque, qui rappelle que la vitrine politique de l’ETA réclamait depuis un certain temps un « changement de stratégie », sous la pression de l’opinion publique.
« Pendant le franquisme, l’ETA avait bénéficié d’une forme d’aura chez une partie de la population opposée au régime. Mais ensuite, le rejet de la lutte armée n’a cessé de grandir, surtout à partir de 1995, quand l’ETA a décidé d’élargir ses cibles en visant des membres de la société civile », ajoute-t-il. Une analyse partagée par Rafael Leonisio Calvo, pour qui le mouvement séparatiste se trouvait « dans un cul-de-sac ». « A l’intérieur même de l’électorat indépendantiste, le soutien à l’ETA avait beaucoup diminué et était devenu minoritaire », souligne le chercheur.La fin de la lutte armée, un an après le dernier décès imputé au groupe séparatiste (un policier français abattu en 2010 près de Paris), semblait dès lors inéluctable. « Cette décision était réfléchie » et a servi de « point de bascule », insiste Eguzki Urteaga. À partir de cette date, l’ETA s’est en effet engagée dans un processus de pacification, qui l’a conduit à déposer les armes le 8 avril 2017, puis à demander « pardon » en avril 2018 à ses victimes, avant d’annoncer son autodissolution pure et simple le 3 mai 2018.ETA au Pays basque : de la terreur à la paix, plus d’un demi-siècle de violenceCHRONOLOGIE – La cour d’appel de Paris rend son arrêt ce jeudi sur les demandes de remise en liberté formulées par deux ex-membres d’ETA, incarcérés en France depuis 32 ans. Retour sur les grandes dates de l’histoire du groupe séparatiste terroriste basque né sous les années noires du franquisme.
Le 21 juillet 2022, le parquet général de Paris a requis le rejet des demandes de libération conditionnelle de Jakes Esnal et Ion Parot, deux membres de l’ETA détenus depuis 32 ans. La décision est rendue ce jeudi 22 septembre par la cour d’appel de Paris.
« Des blessures non cicatrisées »Une disparition qui n’empêche pas trois ans après les rancœurs de persister, comme l’a montré mi-septembre l’intense passe d’armes autour d’une manifestation, finalement annulée, pour dénoncer l’incarcération d’ex-etarras comme le Français Henri Parot, auteur d’attentats particulièrement meurtriers. « Depuis dix ans, nous avons avancé […] mais il y a encore des blessures non cicatrisées », a reconnu dimanche Iñigo Urkullu, président de la région du Pays basque et nationaliste modéré, en appelant dans une tribune à une « reconnaissance claire » des violences commises par l’ETA. Un grand pas en ce sens a été fait lundi lorsque les héritiers de la vitrine politique de l’organisation ont reconnu pour la première fois sans ambiguïté « la douleur endurée » par les victimes d’ETA.
Les grandes dates de l’ETA Voici les principales étapes de l’histoire de l’organisation séparatiste basque espagnole ETA, qui a annoncé l’abandon de la lutte armée en 2011.
– 31 juillet 1959 : création, en pleine dictature espagnole, de l’ETA (Euskadi Ta Askatasuna : Pays basque et Liberté) par un groupe d’étudiants nationalistes s’inspirant des mouvements de libération révolutionnaires.– 7 juin 1968 : un policier est abattu à Saint-Sébastien (nord de l’Espagne), premier attentat officiellement attribué à l’ETA, qui sera tenue responsable de la mort de plus de 850 personnes en plus de quarante ans de lutte armée.
– 20 décembre 1973 : l’amiral Luis Carrero Blanco, homme fort du régime franquiste, est tué à Madrid par l’ETA, sa voiture pulvérisée par une bombe. – 15 octobre 1977 : deux ans après la mort du dictateur Francisco Franco, une amnistie générale pour les prisonniers politiques, dont ceux de l’ETA, est concédée par le premier gouvernement démocratique.
– 25 octobre 1979 : approbation du statut d’autonomie du Pays basque.
– 1980 : année la plus sanglante de l’ETA, qui a poursuivi son action clandestine, avec au moins 92 morts dans des attentats.– Décembre 1983 : apparition des GAL (Groupes antiterroristes de libération), organisation para policière responsable de 28 assassinats de militants basques jusqu’en 1987.
– 19 juin 1987 : attentat le plus meurtrier de l’ETA, 21 morts dans l’explosion d’une voiture piégée à Barcelone (nord-est).
– 12 juillet 1997 : l’ETA tire deux balles dans la nuque du jeune élu conservateur Miguel Angel Blanco, après un enlèvement de 48 heures qui tient le pays en haleine. Les médecins n’arrivent pas à le sauver. Sa mort, le 13 juillet, entraîne des manifestations sans précédent de millions de personnes contre l’ETA.
– 16 septembre 1998 : annonce d’une trêve unilatérale et illimitée par l’ETA, rompue fin 1999 après l’échec de discussions avec le gouvernement. – 17 mars 2003 : Batasuna, bras politique de l’ETA créé en 1978, est mis hors-la-loi en Espagne.
– 22 mars 2006 : l’organisation indépendantiste annonce un « cessez-le-feu permanent », mais un attentat à l’aéroport de Madrid (2 morts) en décembre rompt de facto cette trêve. L’ETA commettra sept assassinats jusqu’à l’été 2009.– 9 août 2009 : derniers attentats de l’ETA sur le sol espagnol.
En mars 2010, dernière victime, un policier français tué lors d’une course-poursuite en région parisienne.
– 20 octobre 2011 : l’ETA annonce « l’arrêt définitif de son activité armée ».
– 8 avril 2017 : l’organisation clandestine annonce son « désarmement total » et remet à la justice française la liste de ses caches, geste salué par Paris mais insuffisant pour Madrid. Quelques semaines plus tard, elle annonce avoir lancé un débat interne sur son avenir.
– 3 mai 2018 : l’ETA annonce dans une « déclaration finale » sa dissolution avec le démantèlement de « l’ensemble de ses structures » et la « fin de toute activité politique ».
Pays Basque / ETA : la difficile réconciliation Le 20 octobre 2011, l’ETA, l’organisation indépendantiste basque, annonçait la fin définitive de son action armée. Sans pour autant rendre les armes. Si beaucoup sont soulagés, la paix reste à construire. Ce conflit, qui a fait 859 morts en 45 ans, laisse des cicatrices.
Question de tranquillité. Aritz Arrieta, 33 ans, nous a donné rendez-vous à Vitoria-Gasteiz, la capitale de la province d’Alava, dans les locaux sécurisés du Parlement basque, où il assiste la vice-présidente, plutôt qu’à Mondragon, bastion du nationalisme radical, où il est conseiller municipal socialiste, à ses risques et périls. En mars 2008, Isaias Carrasco, 42 ans, un ancien élu de son bord, y a été assassiné par l’ETA : six balles à bout portant, sous les yeux de sa femme et de ses enfants. Voir cet ami mourir n’a pas dissuadé Aritz de faire de la politique. « Au contraire, dit-il, cela a renforcé mes convictions et mon désir de lutter pour un Pays basque pacifié. »Le 20 octobre 2011, l’ETA a annoncé un cessez-le-feu définitif.
Révolutionnaire ! Bientôt, Aritz Arrieta ne vivra plus sous la protection de ses deux gardes du corps. Bientôt, il ne changera plus de voiture tous les 20 jours et n’aura plus besoin de démineur. Bientôt, il ouvrira à qui sonnera à sa porte sans préavis, ira faire ses courses seul et aura « le droit d’improviser ». « Depuis des années, ma maison était un peu ma prison. Déjà, l’air s’est chargé d’oxygène. Mais je ne suis pas près de pardonner aux responsables de 45 ans de terreur. » Comme lui, Estefania Morcillo, 36 ans, architecte et conseillère municipale socialiste (PSE) de Hernani, autre fief nationaliste, où l’on peut encore lire dans les rues l’inscription « Gora ETA ! » (« Vive l’ETA ! »), Sous escorte depuis neuf ans, se fait une joie de renouer avec la liberté. À condition de ne pas passer l’éponge. « La paix ne sera juste que si l’on garde le passé en mémoire », dit celle qui a pleuré et sabré le champagne pour célébrer la « victoire », le 20 octobre. Voici donc le Pays basque espagnol entré dans une ère pacifique.
Après 859 assassinats et un demi-siècle de lutte armée, l’ETA (Euskadi ta askatasuna, Pays basque et liberté), organisation séparatiste marxiste-léniniste créée en 1959 sous la dictature franquiste, vient donc de mettre un terme à son activité militaire. Sans pour autant désarmer, ni se dissoudre. Une décision attendue, après plusieurs annonces de trêve et aucun attentat perpétré sur le sol ibérique depuis deux ans. Affaibli par la répression policière, soumis à la pression de la base, hostile à la violence, le commando a cédé à l’injonction de la gauche abertzale, coalition de partis héritiers de Herri batasuna (Union populaire), la branche politique d’ETA, créée en 1978 et interdite en 2003. Une gauche nationaliste qui, sous la bannière de Bildu, a créé un tsunami lors du scrutin municipal de mai 2011. Et gagné en influence sur la branche militaire.« La politique l’a emporté sur les pistolets. »
La nouvelle, historique, irréversible et irrévocable, n’a pas suscité d’enthousiasme général, car elle trop tardive. Chacun se dit que ce sang versé n’a servi à rien ! Mais la démocratie a vaincu la terreur. Reste désormais à lire ensemble cette page d’histoire avant de la tourner », explique à San Sébastian le journaliste Gorka Landaburu, qui a payé cher son opposition au nationalisme radical. Le directeur de Cambio 16, fils du vice-président du gouvernement basque en exil à Paris sous Franco, a perdu deux doigts, un œil et 50 % d’audition, victime d’un colis piégé ouvert à son domicile de Zarautz, en 2001. Par chance, il n’y a pas laissé la vie, comme tous ces membres de la Guardia Civil assassinés dans les années 1980, ou ces chefs d’entreprise tués car ils refusaient de verser l’impôt révolutionnaire – en vigueur jusqu’en avril 2011 ! Gorka Landaburu, qui vit, depuis l’attentat, sous escorte, escompte que la justice et la police ne relâcheront pas leur pression sur l’ETA, « jusqu’à sa dissolution ».Dans son bureau du palais de justice de Bilbao, le procureur général du Pays basque, également sous escorte, comme encore 600 autres Basques, veut aussi « en finir avec l’ETA ». Mais Juan Calparsoro, 50 ans, a créé la polémique en janvier en déclarant que la justice devrait se montrer « généreuse ». « La seule générosité qui vaille, c’est celle imposée par la loi, précise-t-il. Si le groupe terroriste disparaît, le régime pénitentiaire de ses activistes, toujours individualisé, peut être assoupli. Et les prisonniers de l’ETA, au nombre de 578 en Espagne – et d’environ 150 en France –, devront indemniser les victimes et leur demander pardon par écrit, s’ils aspirent à la liberté conditionnelle, comme l’exige le code pénal depuis 2003.» Déjà, 24 etarras (membres de l’ETA) ont été regroupés à Nanclares de Oca, une prison au sud de Vitoria-Gasteiz, pour avoir fait amende honorable et exigé la fin de la lutte armée. Une position qui leur a valu l’exclusion de « la bande » terroriste.
L’heure est au pardon, comme un tribut à une société normalisée. Et, plus que jamais, la question des prisonniers nationalistes basques, dispersés dans le pays, semble cruciale. La preuve ? Lors d’un meeting d’Amaiur, une coalition de la gauche abertzale, en novembre, à Vitoria-Gasteiz, la ferveur nationaliste a atteint son comble quand est apparu sur scène le calicot d’Etxerat, une association de proches de détenus qui milite pour le regroupement des prisonniers au Pays basque. « Chaque week-end, des centaines de familles traversent le pays en bus pour voir un proche au parloir pendant 40 minutes. L’État se venge à travers sa politique pénitentiaire. En Euskadi, personne n’a le monopole de la douleur », estime Beñat Zarrabeitia, 28 ans, membre d’Etxerat, dont l’oncle etarra est mort de tuberculose en prison, à 27 ans.
L’heure reste aussi à la revendication d’indépendance : la création de l’Euskal Herria (le grand Pays basque qui regrouperait les sept provinces françaises et espagnoles), comme le rappelle Niko Moreno, longtemps élu de Batasuna (dont certains dirigeants comme Arnaldo Otegi sont incarcérés). « Le sang versé, ça ne plaît à personne. Il faut désormais obtenir la séparation par la persuasion, grâce à un large soutien populaire », affirme le porte-parole de la gauche abertzale. Motif ? Le statut d’autonomie de 1978, plus qu’insuffisant. Et le fait que les nationalistes, avec les modérés du PNV (parti nationaliste basque), sont majoritaires (60 %).
« Des libérations anticipées ? Pas question », tonne Maria del Mar Blanco. À 37 ans, la députée du parti populaire au Parlement basque incarne la fermeté propre au parti de Mariano Rajoy, vainqueur des élections générales du 20 novembre. La mort de son frère, Miguel Angel Blanco, jeune conseiller municipal du village d’Ermua, séquestré pendant 48 heures, puis exécuté en juillet 1997, a marqué, selon elle, « le début de la fin de l’ETA », qui revendiquait alors déjà le regroupement de ses prisonniers. Dans les rues du pays, des millions d’Espagnols ont défilé au cri de : « Ya basta ! » (« Ça suffit ! ») De là datent les escortes systématiques et la diminution du nombre des assassinats. « Mon frère n’est pas mort dans un accident de voiture. Aujourd’hui, il faut exiger de l’ETA qu’elle reconnaisse le mal fait et que chacun de ses membres demande pardon », assène la députée, excédée par la Conférence sur la paix de San Sebastián, qui a réuni tout le gratin international, jusqu’à Kofi Annan, le 17 octobre. « Ici, il n’y a pas de conflit entre deux parties. Il y a un groupe d’extrémistes qui a volé des vies au nom de l’indépendance. »
En ce 10 novembre, jour de la mémoire au Pays basque, Patxi López, le président du gouvernement basque à Vitoria-Gasteiz, a planté un chêne dans le jardin d’Ajuria Enea, sa résidence. Depuis son arrivée au pouvoir en 2009, le socialiste, très ferme envers « la barbarie et le totalitarisme » de l’ETA, a osé dédier l’arbre aux victimes du terrorisme, mais aussi « à tous ceux qui ont subi des violations des droits de l’homme de la part des fonctionnaires de l’État ». Il a même glissé une allusion aux groupes antiterroristes de libération (GAL), ces commandos qui, dans les années 1980, exécutaient les militants. Une comparaison qui n’a pas eu l’heur de plaire à tous : beaucoup ont boudé la cérémonie. Preuve que la route vers la coexistence démocratique est encore longue.