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17 Janvier 1961 – Patrice Lumumba, le héros de la lutte anticoloniale du peuple congolais, a été exécuté

ImageLumumba, drame sans fin et deuil inachevé de la colonisationImagePatrice Lumumba (1925–1961), le héros de la lutte anticoloniale congolaise, a été exécuté par le dictateur du coup d’État, Musa Chumbé. Lors des élections de janvier et février 1960 en République africaine du Congo, le Mouvement national congolais, fondé par Patrice Lumumba en octobre 1958, a remporté une victoire écrasante avec d’autres partis patriotiques. Patrice Lumumba prend la direction du gouvernement central. La victoire du peuple congolais sur l’indépendance a porté un coup dur au colonialisme. Ainsi, les conspirations coloniales ont commencé, et finalement le gouvernement Lumumba a été renversé par un coup d’État militaire, et Lumumba a été arrêté quelques jours plus tard.Patrice Lumumba (à g.) et Joseph Kasa-Vubu (à dr.), à la Table ronde belgo-congolaise, en février 1960.Les comploteurs du coup d’État ont évincé Patrice Lumumba à bord d’un jet privé du dictateur de Kananga Musa Chumbé. Kananga était l’un des États congolais qui a déclaré son indépendance après la victoire de Lumumba sur la base de conspirations coloniales, avec Musa Chumbé comme premier ministre. Les mercenaires de Chumbé ont transporté Lumumba et ses compagnons hors de la ville dans un camion pour être exécutés après avoir été battus. Ils ont martyrisé Patrick Lumumba, le héros anticolonial congolais.

Comme l’a écrit la journaliste Colette Braeckman :Image« Patrice Lumumba, Premier ministre congolais destitué en septembre, placé en résidence surveillée puis détenu à Thysville, avait été envoyé au Katanga le 17 janvier 1961. Cinq heures après son arrivée sur le sol katangais, il était mis à mort avec ses deux compagnons, Maurice M’Polo et Robert Okito ».Image[Colette Braeckman, « Congo.  La mort de Lumumba, ultime débat à la Chambre sur la responsabilité de la Belgique dans l’assassinat de Patrice Lumumba. Au-delà des regrets, les excuses de la Belgique. La vérité comme seule porte de sortie Van Lierde l’insoumis », publié le 6 février 2002 https://plus.lesoir.be/art/congo-la-mort-de-lumumba-noir-ultime-debat-a-la-chambre_t-20020206-Z0LGFG.html]

Les grandes lignes de son combat pour l’indépendance du Congo, la libération africaine et la justice sociale.The Tragic Story of Patrice Lumumba, Congo's First Prime MinisterParmi les dirigeants congolais qui ont participé directement à la mise à mort de Lumumba, on trouve Musa Chumbé président proclamé de la province congolaise du Katanga qui a fait sécession le 11 juillet 1960, à peine deux semaines après le début de l’indépendance que le Congo a obtenue le 30 juin 1960. La sécession du Katanga proclamée par Musa Chumbé fut soutenue par la Belgique et des grandes entreprises privées minières belges très présentes dans cette partie du Congo afin de déstabiliser le gouvernement du premier ministre Patrice Lumumba. Au moins cinq policiers et militaires belges étaient également présents lors de l’assassinat. Joseph-Désiré Mobutu, un des principaux responsables congolais de l’assassinat de Lumumba, n’était pas présent sur place le jour de l’assassinat qui a eu lieu dans l’Est alors qu’il se trouvait à l’Ouest du pays dans la capitale. La responsabilité de la Belgique dans l’assassinat de Lumumba en janvier 1961 a été établie par plusieurs auteurs, notamment par Ludo De Witte dans L’Assassinat de Lumumba, et cela a fait l’objet des travaux d’une commission du parlement belge en 2001-2002. On pourra lire également l’interview donnée par Ludo De Witte au CADTM (Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde) en 2018. Dans cette interview, Ludo De Witte résume simplement les causes de l’assassinat de Lumumba :Image« Lumumba a été la victime de l’impérialisme. En fait, on voulait continuer l’impérialisme au Congo, remplacer un système colonial par un système néocolonial. Un système où il y aurait des noirs, des Congolais, qui seraient des politiciens et des ministres mais, en coulisse, ce serait toujours les pouvoirs occidentaux et leurs grandes sociétés qui domineraient le pays. C’est bien ça le néocolonialisme contre lequel Lumumba voulait lutter et c’est pour cela qu’il a été assassiné. » Il convient de prendre connaissance du discours du premier ministre de la République du Congo, Patrice Lumumba face à Baudouin, roi des Belges. Baudouin avait déclaré dans son allocution : « L’indépendance du Congo constitue l’aboutissement de l’œuvre conçue par le génie du roi Léopold II, entreprise par lui avec un courage tenace et continuée avec persévérance par la Belgique ».ImageLumumba, combattant internationaliste  ImageAvant de devenir premier ministre, Lumumba a établi des liens solides avec une série de mouvements et de personnalités anti impérialistes, panafricanistes et internationalistes. En décembre 1958, il est présent à la Conférence des Peuples africains à Accra. Il y rencontre, entre autres, l’Antillo-Algérien Frantz Fanon, le Ghanéen Kwame Nkrumah et le Camerounais Félix-Roland Moumié. Il y prononce un discours dans lequel il déclare : « Notre mouvement a pour but fondamental la libération du peuple congolais du régime colonialiste et son accession à l’indépendance. Nous fondons notre action sur la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme – droits garantis à tous les citoyens de l’humanité par la Charte des Nations Unies – et estimons que le Congo, en tant que société humaine, a le droit d’accéder au rang des peuples libres. ». Il le conclut en ses mots : « C’est pourquoi nous crions vivement avec tous les délégués : A bas le colonialisme et l’impérialisme. A bas le racisme et le tribalisme. Et vive la nation congolaise, vive l’Afrique indépendante. » Tooth of Patrice Lumumba, slain Congo independence icon, returned to family by BelgiumÀ l’issue de cette conférence, Lumumba, est nommé membre permanent du comité de coordination, comme le rappelle Saïd Bouamama dans « Figures de la révolution africaine ». Lumumba était également proche de militants belges anticolonialistes et anticapitalistes comme Jean Van Lierde qui était engagé dans le soutien à la révolution algérienne et qui entretenait des liens étroits avec l’hebdomadaire La Gauche et avec son animateur principal Ernest Mandel. Quelques semaines après la conférence d’Accra, Lumumba et son mouvement organisent dans la capitale du Congo belge à l’époque, une réunion pour rendre compte des résultats de ce sommet anticolonialiste. Il y revendique l’indépendance du Congo devant plus de 10 000 personnes. Il décrit l’objectif du Mouvement National Congolais en évoquant « la liquidation du régime colonialiste et de l’exploitation de l’homme par l’homme »ImageIl faut préciser qu’au cours de l’année 1959, la répression organisée par la Belgique colonialiste a fait des dizaines, voire des centaines, de morts. Un exemple de l’ampleur de la répression : en octobre 1959, lors du congrès national du Mouvement national congolais (MNC) à Stanleyville, les gendarmes ont tiré sur la foule en faisant 30 morts et des centaines de blessés. Lumumba est arrêté quelques jours plus tard, il est jugé en janvier 1960 et condamné à 6 mois de prison le 21 janvier 1960. Mais les protestations sont telles qu’à Bruxelles, le pouvoir prend peur et décide de lâcher du lest en convoquant des élections locales auxquelles les Congolais sont invités à participer. Lumumba est libéré le 26 janvier quelques jours après sa condamnation. Finalement, après les élections locales, des élections générales sont organisées en mai 1960, les premières dans l’histoire du Congo belge. Le Mouvement national congolais (MNC) en sort vainqueur et, en conséquence, Lumumba est nommé premier ministre.ImageL’enchaînement des évènements qui mène au coup d’État contre Lumumba et à son assassinatImageSuite au discours de Lumumba le 30 juin, le gouvernement belge, la monarchie et les patrons des grandes entreprises belges présentes au Congo, décident d’écarter Lumumba et de provoquer la sécession du Katanga, la province la plus riche en matières premières. Tout de suite se présentent des complices congolais en la personne de Musa Chumbé, proclamé président du Katanga le 11 juillet 1960, puis en la personne du président Joseph Kasa-Vubu qui révoque Lumumba en septembre 1960 sans en avoir le pouvoir constitutionnel, et en Joseph-Désiré Mobutu qui dirige quelques jours plus tard un coup d’État et fait arrêter Lumumba alors que ses ministres lui ont confirmé leur confiance et que son parti est le principal parti au parlement. Mobutu, qui a fait une carrière militaire pendant la colonie et est un ancien journaliste dans la presse congolaise pro-coloniale, a réussi à obtenir un poste de colonel dans la nouvelle armée et s’est retourné très vite contre le gouvernement congolais.Weduwe van Patrice Lumumba overleden | De Morgen Entretemps la Belgique avait envoyé au Congo dès juillet 1960, 11 000 soldats (ce qui est énorme) dont 9 000 au Katanga. Ces 11 000 soldats belges sont acheminés au Congo en dix jours, précédés par des troupes spéciales de paras-commandos. Cette intervention militaire constitue une véritable agression contre un État désormais indépendant. Il faut souligner que la Belgique, membre de l’OTAN, a disposé jusque dans les années 1980, en Allemagne de l’Ouest, d’une zone militaire suréquipée s’étendant de la frontière belge au rideau de fer. L’état-major belge avait à sa disposition un arsenal militaire considérable, en partie d’origine américaine, et l’OTAN lui a permis de déployer avions, transports de troupes et même des navires de la marine de guerre qui ont bombardé des positions congolaises dans l’estuaire du fleuve Congo. Le gouvernement des États-Unis et la CIA sont aussi à la manœuvre aux « côtés » de la Belgique, avec qui ils ont décidé d’assassiner Lumumba, de même que la France. Dans un télégramme en date du 26 août 1960, le directeur de la CIA Allen Dulles indique à ses agents à Léopoldville au sujet de Lumumba :Image« Nous avons décidé que son éloignement est notre objectif le plus important et que, dans les circonstances actuelles, il mérite une grande priorité dans notre action secrète ». Soulignons que le 12 août 1960, la Belgique avait signé un accord avec Musa Chumbé, reconnaissant de facto l’indépendance du Katanga. Les tentatives du gouvernement de Lumumba pour faire face à cette sécession étaient tout à fait légitimes, mais étaient combattues par les grandes puissances occidentales. Malgré son arrestation par Mobutu, Lumumba ne capitule pas et il garde le contact avec les ministres qui restent fidèles à leur engagement et avec ses camarades. Un gouvernement clandestin dirigé par Antoine Gizenga s’établit à Stanleyville. Lumumba réussit à échapper à ses geôliers le 27 novembre 1960 et cherche à rejoindre le gouvernement clandestin à Stanleyville, mais il est arrêté quelques jours plus tard en route.

En janvier 1961, alors que Lumumba est toujours très populaire, Mobutu et les puissances occidentales craignent qu’une révolte populaire aboutisse à la libération du leader et décide de le faire exécuter. L’opération qui mène à l’exécution de Lumumba est directement accompagnée et dirigée par des Belges aux ordres de Bruxelles. De leurs lieux de détention, le 17 janvier 1961, Lumumba, Mpolo et Okito ont été emmené en avion, piloté par un équipage belge, à Élisabethville, capitale du Katanga, et livrés aux autorités locales. Ils ont ensuite été torturés par des responsables katangais, dont Musa Chumbé, et par des Belges. Ils sont ensuite fusillés le soir même, par des soldats sous le commandement d’un officier belge.Image Selon le témoignage du Belge Gerard Soete, commissaire de police chargé à l’époque de mettre en place une “police nationale katangaise”, les trois corps ont été transportés à 220 kilomètres du lieu d’exécution, et ont été enfouis dans la terre derrière une termitière, en pleine savane boisée. L’Agence France Presse qui a recueilli le témoignage de ce commissaire de police belge rapporte que 3 trois jours plus tard, les corps ont de nouveau été déplacés afin de les faire disparaître définitivement. Gerard Soete a affirmé avoir été accompagné d’ « un autre blanc » et de quelques congolais, quand ils ont découpé à la scie les corps des trois martyrs avant de les mettre à dissoudre dans de l’acide.

Le soutien de la Belgique à la dictature de Mobutu 

L’armée belge est intervenue à deux reprises au Congo pour aider Mobutu et son régime dictatorial à mettre fin à des actions de résistance d’organisations lumumbistes. La première fois en novembre 1964 avec l’opération Dragon Rouge et Dragon Noir respectivement à Stanleyville et à Paulis. A cette occasion, l’opération a été menée conjointement par l’armée belge, l’armée de Mobutu, l’État-major de l’armée des États-Unis et des mercenaires parmi lesquels des Cubains anti-castrites. ImageDans un discours prononcé à l’assemblée générale des Nations unies en novembre 1964, Ernesto Che Guevara avait dénoncé cette intervention. Il l’a aussi dénoncée dans un discours prononcé à Santiago de Cuba en disant : « aujourd’hui, le souvenir plus présent, plus poignant que tout autre est certainement celui du Congo et de Lumumba. Aujourd’hui, dans ce Congo si éloigné de nous et pourtant tellement présent, il y a une histoire que nous devons connaître et une expérience qui doit nous être utile. L’autre jour, les parachutistes belges ont pris d’assaut la ville de Stanleyville » (extrait du Discours de Che Guevara à Santiago de Cuba, le 30 novembre 1964, à l’occasion du 8e anniversaire du soulèvement de la ville mené par Frank País).

La deuxième intervention de l’armée belge s’est déroulée à Kolwezi au cœur de la région minière du Shaba (Katanga) en mai 1978 en collaboration avec l’armée française et celle de Mobutu. La justice belge n’a toujours pas rendu de jugement sur l’assassinat de Lumumba. L’affaire n’a pas été classée grâce à l’action de tous ceux et de toutes celles qui veulent que justice soit rendue. La famille de Lumumba continue son action pour exiger la vérité. Un juge d’instruction belge est toujours en charge de l’affaire car l’assassinat a été qualifié de crime de guerre pour lequel il n’y a pas de prescription. Et comme le souligne l’avocat de la famille, Christophe Marchand, cité par la RTBF le 23 juin 2011 « les principaux commanditaires sont morts aujourd’hui (…) mais d’anciens conseillers et attachés de cabinet du ministère des Affaires étrangères sont toujours vivants ».ImageLumumba : une figure devenue emblématique 

La figure de Lumumba a traversé l’histoire et constitue encore aujourd’hui un exemple pour tous ceux et celles pour l’émancipation des peuples. Lumumba n’a jamais capitulé. Sa popularité était telle sous le régime du dictateur Mobutu que celui-ci a décrété en 1966 que Patrice Lumumba était un héros national. Non content de l’avoir renversé en septembre 1960 puis d’avoir été un des principaux organisateurs de son assassinat, il a essayé de s’approprier une partie de son aura. Le jour de son exécution, le 17 janvier, est un jour férié au Congo-Kinshasa. À Bruxelles, suite à des années d’action des militantes anti-colonialistes, le conseil municipal de Bruxelles-Ville a voté le 23 avril 2018 la création d’une place Patrice-Lumumba, qui a été officiellement inaugurée le 30 juin de la même année, date du 58e anniversaire de l’indépendance de la République démocratique du Congo. Cela est bien peu de chose.ImageAu-delà de dire la vérité sur la lutte de Lumumba et d’exiger que justice lui soit rendue, l’important est de prolonger son combat et celui de tous les Congolais et Congolaises qui ont lutté et luttent pour qu’on mette fin à toutes les formes de spoliation, d’oppression et d’exploitation.

Assassinat de Patrice LumumbaImageLe jeune leader du Mouvement national congolais (MNC) est tué dans des conditions mystérieuses au sud du Congo belge qui deviendra le Zaïre puis la République démocratique du Congo.  Patrice Lumumba, né le 2 juillet 1925, avait été nommé Premier ministre du Congo au moment de l’indépendance du pays en juin 1960. Il avait été évincé du gouvernement et livré au sécessionniste du Katanga Moïse Tshombé lorsque la guerre civile a éclaté (septembre 1960). Partisan d’un Congo indépendant et unitaire, il était jugé trop proche de l’URSS à qui il avait demandé de venir en aide à son pays. La décision de l’éliminer est attribuée au gouvernement belge et à la CIA. Son exécution fera de Patrice Lumumba le symbole de la lutte anticolonialiste africaine.Patrice Lumumba's last remains to return home from BelgiumLe 17 janvier 1961, un avion se pose à Elizabethville, capitale de la province du Katanga, au sud du Congo ex-belge. A son bord, un prisonnier, Patrice Lumumba (35 ans). On ne le reverra plus vivant. Il sera assassiné avec deux de ses compagnons.Image

https://www.contretemps.eu/memoire-lumumba-anticolonialisme-congo-liberation-africaine/

https://www.jeuneafrique.com/207008/politique/patrice-lumumba-h-ros-sans-h-ritiers/

(Discours intégral de Patrice Lumumba)

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