Membre de la prestigieuse Académie française, Michel Serres a enseigné au département de français et d’italien de Stanford pendant près de 30 ans.
Michel Serres (1930-2019), docteur en philosophie, est un philosophe spécialisé en épistémologie, un professeur ainsi qu’un écrivain. Il est né le 1er septembre 1930 à Agen, dans le Lot-et-Garonne, en France. Fils d’un agriculteur, il fait ses premières études dans une école navale en 1949. Il étudie à la prestigieuse École normale supérieure, à partir de 1952 où il passe également l’agrégation de philosophie 1955 à Paris. Cependant, de 1956 à 1958, elle sert dans la marine française, participant même à la réouverture du canal de Suez ainsi qu’à la guerre d’Algérie. Serres est non seulement membre élu de la prestigieuse Académie française (29 mars 1990) mais il a également reçu la plus haute décoration française, l’ordre national de la Légion d’honneur.
En 1968, Serres a soutenu sa thèse et a obtenu son doctorat. Il enseigne ensuite la philosophie à l’université de Clermont-Ferrand, où il se lie d’amitié avec Michel Foucault et Jules Vuillemin.
À cette époque, Foucault et lui travaillent régulièrement ensemble sur des problèmes qui aboutiront à l’œuvre maîtresse de Foucault, L’ordre des choses : une archéologie des sciences humaines.
Par la suite, il a également enseigné à Vincennes, à Paris I (à partir de 1969) et à l’Université de Stanford (à partir de 1984) en tant que professeur d’histoire des sciences. Ses recherches portent non seulement sur l’histoire des sciences mais il s’intéresse particulièrement aux liens possibles et à l’interdisciplinarité entre les sciences dites dures et les sciences sociales. En fait, il a joué un rôle déterminant dans la vulgarisation des connaissances scientifiques.
Dans son livre « The Parasite » (1980 ; trad. Fr. 2007), Serres veut nous rappeler que les relations humaines sont pour la société les mêmes que celles du parasite pour le corps hôte. L’idée est qu’en étant un parasite, même les groupes minoritaires peuvent jouer un rôle important dans le dialogue public.
Par exemple, ils peuvent apporter le type de diversité et de complexité essentiel à la vie et à la pensée humaines.
Genesis (1982 ; trad. anglaise 1997) est la tentative de Michel Serres de penser en dehors des catégories métaphysiques telles que l’unité et l’ordre rationnel. Il veut nous faire entendre le « bruit », le « son et la fureur », qui sont en réalité à l’arrière-plan de la vie et de la pensée. L’argument est que, bien que la philosophie ait été essentielle à la conception des lois de la logique et de la raison, elles-mêmes essentielles à notre compréhension de nous-mêmes et de notre univers, l’une des tâches les plus urgentes de la pensée aujourd’hui est de reconnaître que la multiplicité et non l’unité est à l’ordre du jour.Cette pluralité ne peut pas vraiment être pensée, mais peut-être peut-elle encore être sentie, ressentie et entendue sous l’illusion de l’ordre rationnel imposé par la civilisation. Serres nous livre ici une critique des modèles traditionnels et contemporains de la théorie sociale comme un appel à la renaissance de la philosophie comme art de penser l’impensable.
Dans Five Senses : A Philosophy of Mingled Bodies (1985 ; trad. anglaise 2009), le professeur Serres nous avertit que les leçons fondamentales que nous devons tirer des sens ont été marginalisées par l’ère scientifique. En effet, les systèmes métaphysiques et philosophiques de cette dernière se sont emparés de nos cinq sens par la domination du langage et la révolution de l’information.
Ce livre est une exploration des conséquences néfastes de cette puissante minimisation des cinq sens dans l’histoire de la philosophie de l’Occident. En faisant une histoire des perceptions humaines, il écrit en faveur de l’empirisme et contre la tradition cartésienne.
Il le fait en démontrant la stérilité des systèmes de connaissance séparés du corps. Pourtant, les données sont aujourd’hui plus importantes que la perception des sens.
Serres renforce encore son propos en posant la question rhétorique suivante : « Que sommes-nous, et que savons-nous vraiment, alors que nous avons oublié que nos sens peuvent décrire un goût avec plus de précision que le langage ne le pourra jamais ? »
Le philosophe Michel Serres, intellectuel public bien connu en France et professeur émérite de français à Stanford, est décédé d’un cancer du poumon le 1er juin dans un hôpital en France. Il avait 88 ans.
Serres, qui a enseigné à l’École des sciences humaines de Stanford pendant près de 30 ans, a travaillé sur la philosophie des sciences, où il a exploré des sujets comme la mort, l’écologie et le temps. Membre de la prestigieuse Académie française (Académie française), Serres était charismatique, intellectuellement brillant et un philosophe qui s’est connecté avec un large public, selon ses amis et collègues.
Serres a cherché à réaliser un récit d’ensemble sur la culture humaine et le changement historique, a déclaré Robert Harrison, professeur de littérature italienne à Stanford. Mathématicien de formation, Serres pouvait maîtriser une multitude de sujets, notamment le droit, la thermodynamique, l’évolution, l’éthique et la géologie.
« Serres était l’un des plus grands humanistes du début du 21e siècle », a déclaré Harrison, professeur Rosina Pierotti de littérature italienne à l’École des sciences humaines. « Il nous a montré la voie vers un nouveau type d’humanisme encyclopédique. Il maîtrisait un nombre immense de sujets, et ses valeurs étaient profondément ancrées dans la condition humaine. Il partageait la vision de Stanford d’une approche interdisciplinaire large et créative de la connaissance.
Écrivain prolifique qui a écrit 73 livres au total, les sujets philosophiques préférés de Serres impliquaient l’écologie et l’évolution culturelle humaine à notre ère numérique contemporaine, a déclaré Harrison.
Né à Agen, en France, en 1930, Serres a d’abord étudié les mathématiques à l’Académie navale jusqu’à ce qu’il lise Gravity and Grace de Simone Weil. Il quitte ensuite l’académie et se tourne vers la philosophie, obtenant un doctorat avec une thèse sur la philosophie de Gottfried Wilhelm Leibniz en 1968.
Serres est devenu professeur ordinaire à Stanford en 1984. Il a également été professeur pendant 27 ans à l’Université Paris-Sorbonne, où il a été titulaire de la chaire d’histoire des sciences en 1969. Il a également enseigné à l’Université de Vincennes et à l’Université de Clermont Ferrand.
Serres était un optimiste qui avait une vision positive des capacités des générations futures à l’ère d’Internet et des smartphones, a déclaré Harrison.
« Serres pensait que les gadgets numériques, les médias sociaux et l’interconnectivité Internet promettaient un nouveau chapitre de notre histoire – l’équivalent de l’invention de l’imprimerie », a déclaré Harrison.
Les livres notables de Serres incluent The Parasite (1980), Hominescence (2001) et une série de volumes sur la communication intitulée Hermes and Thumbelina (2012). Serres a été élu à l’Académie française en 1990, devenant l’un de ses 40 seuls membres à vie. Les anciens membres de l’académie comprennent des écrivains et des penseurs français célèbres comme Voltaire et Victor Hugo. Serres a reçu le prix Meister Eckhart en 2012 et il a reçu le prix Dan David en 2013. 
Serres était surtout célèbre en France, où les gens le reconnaissaient à chaque fois qu’il sortait en public. Mais à Stanford, où Serres se rendait pour enseigner deux fois par an, il se sentait libéré de sa renommée en France, a déclaré Audrey Calefas-Strebelle, ancienne assistante de recherche de Serres.
« Michel m’a dit à plusieurs reprises à quel point il se sentait si libre quand il est venu à Stanford », a déclaré Calefas-Strebelle, « C’était si facile pour lui d’aller partout et de ne pas être observé, comme il l’était à Paris. »
Calefas-Strebelle a déclaré qu’elle avait poursuivi ses études de doctorat en partie grâce aux encouragements de Serres. Elle a rencontré Serres en 2001 lorsqu’elle a pris un poste de chargée de cours au département de français et d’italien de Stanford.
« C’était mon père intellectuel », a déclaré Calefas-Strebelle, qui a terminé son doctorat à Stanford en 2012 et est maintenant professeur agrégé de français au Mills College d’Oakland. « Il a créé une communauté à Stanford qui était très spéciale. Il était bien plus qu’un simple professeur – il a touché nos vies.
Quand il est venu à Stanford, Serres est resté avec son ami et collègue de longue date René Girard, le regretté célèbre professeur de français de Stanford.
Serres organisait des conférences hebdomadaires de philosophie de deux heures remplies d’étudiants et de personnes extérieures à Stanford. La salle de conférence aurait rarement assez de chaises pour chaque participant, a déclaré Calefas-Strebelle. Ces conférences ont également inspiré la plupart des livres de Serres, tels que Malfeasance: Appropriation through Pollution?
Philosophe du peuple
Au cours de la dernière décennie de sa vie, Serres a également produit un podcast et diffusé régulièrement un spot radio en France, touchant des millions de personnes.
« Michel était un philosophe du peuple », a déclaré Calefas-Strebelle. « Il a pu atteindre tout le monde – ceux qui sont éduqués et non. »
Harrison a déclaré qu’il s’était lié d’amitié avec Serres lors de son premier jour à Stanford dans les années 1980.
« Chaque fois que Serres arrivait sur le campus, il apportait une certaine forme de joie et de bonheur aux gens », a déclaré Harrison. « Il était toujours plein d’émotions positives et de charme. »
Il a dit que Serres l’avait encouragé à sortir des sentiers battus. Grâce à l’influence de Serres, Harrison a déclaré que son deuxième livre était « complètement différent grâce à lui » de son premier livre, qui était plus académique.
Harrison a déclaré que lui et Serres faisaient souvent de longues promenades ou assistaient à différents événements sociaux sur le campus et à San Francisco.
Serres laisse dans le deuil son épouse, Suzanne, et quatre enfants, Hélène Weis, Jacques Serres, Pascal Serres et Jean-François Serres, ainsi que ses 11 petits-enfants, Claire, Irène, Jean-Baptiste, José, Lise, Madali, Marie, Pauline, Raphaël, Thérèse et Victoire, ainsi que ses 11 arrière-petits-enfants.
Michel Serres est l’auteur de nombreux ouvrages, dont certains, comme nous l’avons vu, ont été traduits en anglais
Le Système de Leibniz et ses modèles mathématiques (1968).
Hermès I : La communication (1969).
Hermès II : L’interférence (1972).
Hermès III : La traduction (1974).
Jouvences : Sur Jules Verne (1974).
Auguste Comte : Leçons de philosophie positive, tome I (1975).
Feux et signaux de brume. Zola (1975).
L’esthétique : Sur Carpaccio (1975).
Hermès IV : La distribution (1977).
La naissance de la physique dans le texte de Lucrèce : Rivers and Turbulence (1977), qui a été publié en anglais est 2000 comme The Birth of Physics.
Hermès V. Le passage du Nord-Ouest (1980).
Le Parasite (1980, Grasset), qui a été publié en anglais en 2007 sous le titre The Parasite.
Genèse (1982), qui a été publié en anglais en 1997 sous le titre Genesis.
Détachement (1983), publié en anglais en 1989 sous le titre Détachement.
Rome : Le livre des fondations (1983), publié en anglais sous le titre Rome : The Book of Foundations en 1991.
Les Cinq Sens (1985), pour lequel il a obtenu le prix Médicis de l’Essai, a été publié en anglais en 2009 sous le titre Five Senses :
A Philosophy of Mingled Bodies.
L’Hermaphrodite. Sculpteur sarrasin (1987).
Statues (1987). Éléments d’histoire des sciences (1989).
Le Contrat naturel (1990), pour lequel il a obtenu le prix Blaise Pascal et qui a été publié en anglais en 1995 sous le titre The Natural Contract.
Le Tiers-Instruit (1991), publié en anglais sous le titre The Troubadour of Knowledge en 1997.
Éclaircissements (1992).
Les Origines de la géométrie (1993).
La Légende des Anges (1993), qui a été publié en anglais sous le titre Angels : A Modern Myth en 1995. Atlas (1994).
Éloge de la philosophie en langue française (1995).
Nouvelles du monde (1997).
Le Trésor. Dictionnaire des sciences (1997).
À visage différent (1997).
Paysages de la science (1998).
Variations sur le corps (1999).
Hergé mon ami (2000).
Le livre de la médecine (2001).
Hominescence (2001).
En amour, sommes-nous des bêtes ? (2002).
Jules Verne : la science (2002).
L’Homme contemporain (2002).
L’Incandescent (2003).
Qu’est-ce que l’homme ? (2003).
Rameaux (2004).
Histoires d’humanisme (2006).
L’art des ponts (2006).
Petites chroniques du dimanche soir (2006).
Le tragique et la pitié. Discours de réception de René Girard à l’Académie française et réponse de Michel Serres (2007).
Petites chroniques du dimanche soir 2 (2007).
Carpaccio, les esclaves libérés (2007).
Le mal propre : polluer pour s’approprier ? (2008).
La guerre mondiale (2008).
Écrivains, savants et philosophes du monde entier (2009).
Le temps des crises (2009).
Biogée (2010).
La musique (2011).
Vivre (2011).
Le Petit Poucet (2012)
Pantopia : d’Hermès au Petit Poucet : entretiens avec Martin Legros et Sven Ortoli.(2014)
Les cinq sens (2014)
Le Parasite (2014)
Petites chroniques du dimanche volume VI,(2014)
Les yeux (2014)
Le gaucher boiteux : le pouvoir de la pensée (2015)
Écrivains, savants et philosophes font le tour du monde (2015)
Le bonheur, aujourd’hui – avec Michel Polacco – (2015)
La solitude. Dialogue sur l’engagement – avec Jean-François Serres (2015)
De l’impertinence, aujourd’hui (2015)
Darwin, Bonaparte et le Samaritain – une philosophie de l’histoire (2016)
La légende des anges : Hermès, Gabriel, Türing (2016)
Hergé mon ami : études et portraits (2016, Le Pommier)
C’était mieux avant ! (2017, Le Pommier)
Défense et illustration de la langue française aujourd’hui (2018, Le Pommier).
Morales espiègles (2019)
Adichats (2020, Le Pommier)
Enfin, Michel Serres est l’auteur de nombreux essais
L’Inde (La Noire et l’Archipel) en feu’ dans SubStance (1973).
Le Retour Eternel dans les Annales : Histoire, Sciences Sociales (1975).
Isomorphismes de Peter-Stephen, 2 » dans Diacritiques (traduction d’un chapitre de Esthétiques : Sur Carpaccio) 1975.
Michelet : La Soupe. Trans. Suzanne Guerlac (1977).
‘Jules Verne’s Strange Journeys’ dans Yale French Studies (1975).
Exacte et humain » dans SubStance (traduction de » Exacte et humain « , Hermès V : Le passage du Nord-Ouest) 1978.
Origine de la géométrie, IV » dans Diacritics (1978). Stakes, Fetishes, Merchandise » dans SubStance (1985).
Le Contrat naturel » dans Critical Inquiry (traduction du chapitre 2 de Le Contrat naturel) 1992.
Le bruit » dans SubStance (1993). Anaximandre : Un nom fondateur de l’histoire » dans SubStance (1993).
La science et les humanités : Le cas de Turner » dans SubStance (1997).
‘La nature dans les écrits’ qui se traduit par ‘Nature in written works’ dans Courrier de la nature (1998).
Enseignement des sciences : Vive la crise ? » qui se traduit par Enseignement des sciences : Vive la crise ? dans Québec science (1998).
Bryce-Hell » et » Fontenelle, troubadour du savoir » dans SubStance (2003).
La nature vue à travers la culture » dans Naturopa (2004).
Ego Credo » (extrait)
https://news.stanford.edu/2019/06/19/renowned-french-philosopher-michel-serres-dies-88/
http://institutmichelserres.ens-lyon.fr/spip.php?article57
http://institutmichelserres.ens-lyon.fr/spip.php?article40