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14 Janvier 2002 – Le juge Halphen quitte la magistrature

ImageIls (les dinosaures en politique) ont saboté mon enquête sur les HLMImage

Juge symbole de la lutte contre la corruption, Eric Halphen, qui avait convoqué Jacques Chirac comme témoin dans l’affaire des HLM de la mairie de Paris, quitte la magistrature. Pourquoi?

Le juge Eric Halphen, en charge pendant sept ans du dossier des HLM de Paris, avant d’en être dessaisi en septembre dernier, a décidé de quitter la magistrature, révèle « Aujourd’hui-le Parisien » dans son édition du lundi 14 janvier. Le magistrat, qui avait toujours gardé le silence malgré les affaires délicates dont il avait la charge, dénonce « une justice à deux vitesses », une instruction « sabotée » dans l’affaire des HLM de la Ville de Paris, ainsi que les calomnies dont il a fait l’objet. Le juge considère dès lors que la justice actuelle n’a plus rien à voir avec l’idéal qu’il avait d’elle quand il est devenu magistrat. Voici l’entretien

Pourquoi quittez-vous la magistrature ?  Mort de Jacques Chirac : "Il a abaissé la fonction présidentielle", affirme le juge HalphenEric Halphen. Quand je suis devenu magistrat, j’avais un idéal de justice. La même justice pour tous. C’est cette idée, pendant longtemps, qui m’a fait aimer mon métier. Plusieurs affaires, dont celle des HLM, m’ont fait toucher du doigt que cette justice-là n’existe plus. Il faut ouvrir les yeux. Des gens qui détournent des sommes considérables échappent à tout jugement, ou parfois, quand ils sont jugés, écopent de peines insignifiantes. Pendant ce temps, le voleur de sac à main du métro, pour lui rien n’a changé, il prend toujours ses six mois fermes. La justice fonctionne à deux vitesses. Un juge seul n’y peut rien. Je n’ai plus cet idéal de justice qui m’animait. Et puis j’en ai assez du milieu des magistrats. Petit, mesquin, jaloux. Alors j’arrête.

Pourquoi avoir gardé le silence pendant les sept ans d’instruction de l’affaire des HLM ?

J’ai considéré dès le début que je ne devais pas prendre la parole publiquement. J’ai eu, durant ces sept années, des centaines de propositions, de télés, de radios, de journaux, venant de plusieurs pays. J’ai toujours eu la volonté de dire non, refusant de réagir face aux armadas déclenchées contre moi. Cela m’a isolé. D’autant plus qu’aucun garde des Sceaux n’est jamais intervenu pour corriger les excès de langage ou les inexactitudes. Le jour de la convocation de Jacques Chirac, l’artillerie lourde a été sortie, et j’ai mal encaissé l’expression de « forfaiture » utilisée à mon encontre. J’ai eu envie de répliquer. Même chose quand la chambre de l’instruction m’a enlevé l’affaire ou quand mon beau-père a été utilisé pour me nuire. Aujourd’hui, parce que je ne suis plus saisi de ce dossier et que je quitte la magistrature, je ne trouve pas anormal de m’exprimer.

Pourquoi acceptez-vous de parler ? 

Pour défendre mon honneur. Faire savoir que j’ai été calomnié et que mon instruction sur l’affaire des HLM a été sabotée. On m’a mis des bâtons dans les roues tout le temps. On a sans cesse voulu m’empêcher d’enquêter.

Quand vous est venue cette envie d’arrêter ? Est-ce à cause de votre brutal dessaisissement dans l’affaire des HLM ?

Oui et non. Cela fait longtemps que je ressens une grande lassitude, une impression de tourner en rond, de ne pas avoir envie de me lever le matin pour aller travailler. Déjà en 1994, juste avant l’affaire des HLM, j’avais eu envie de faire autre chose. De moins triste, de plus léger. Le métier de magistrat est pesant. On doit porter le malheur des gens, stigmatiser des situations de crise. Ce n’est pas gratifiant de passer son temps à briser des vies.

Pourquoi êtes-vous devenu juge ? 

J’ai été attiré par ce destin, celui de l’homme seul face aux autres. Seul pour aller jusqu’au bout de la recherche de la vérité. Seul pour lutter contre l’injustice. C’est cette idée qui m’a séduit, selon laquelle il faut tout mettre en œuvre pour éviter l’erreur judiciaire ou que des gens souffrent sans raison. Selon moi, le juge est là presque pour corriger des injustices sociales, rétablir un certain équilibre. Le juge est souvent le dernier recours.  « On a fait de moi une espèce de don Quichotte »

De quoi êtes-vous satisfait durant votre parcours de magistrat ?

D’une façon générale je suis satisfait d’être allé au bout de ce que j’ai entrepris. Aussi bien pour avoir lutté contre l’erreur judiciaire que pour avoir convoqué le président de la République parce que j’estimais que c’était mon devoir de le faire. Je me souviens aussi d’une affaire de viol quand j’étais juge à Chartres. Des gendarmes m’avaient amené leur coupable, mais quelque chose ne collait pas. J’ai enquêté tout seul, j’ai retrouvé un type, que j’ai convaincu de venir témoigner, et finalement c’était lui l’auteur. Sans moi, ce jour-là, un innocent serait allé en prison et aurait certainement été condamné par la suite. Plus généralement, je suis fier d’avoir évité que des innocents aillent en prison.

Pourquoi, juge d’instruction, êtes-vous si seul ? 

Le juge d’instruction est celui qui doit mettre en doute la parole de tout le monde, y compris celle des policiers, y compris celle du parquet, y compris bien sûr celle des témoins, des victimes et des auteurs. Le juge est l’avocat du diable en quelque sorte. Du coup, quand vous doutez de tout le monde, les gens finissent aussi par douter de vous. La recherche de la vérité vous isole forcément.

Sans parler du pouvoir du juge d’envoyer des gens en détention provisoire…

La loi a changé mais, vous savez, c’est moins difficile d’envoyer les gens en prison que de ne pas les y envoyer. Tout vous pousse à les mettre en prison, le parquet, les policiers, les victimes… Ce qui est difficile pour le juge, c’est parfois de résister à cette pression-là. Contrairement à ce que l’on pense, le juge d’instruction était souvent celui qui s’opposait à la détention. Dans les affaires financières, cela se voit moins parce qu’on met beaucoup moins les gens en détention provisoire. Les PDG ou les hommes politiques ont des « garanties de représentation », on sait où les trouver, et souvent on s’intéresse à eux des années après les faits, et la « concertation entre les témoins », si elle devait avoir lieu, a pu avoir lieu avant… En ce qui me concerne, personne ne pourra dire que j’ai abusé de la détention. Dans l’affaire des HLM, j’ai envoyé un nombre minimum de personnes en prison : cinq ! Sur un total de plus de cinquante mis en examen. Cela fait 10 %. Un autre à ma place, tous les avocats du dossier le savent bien, aurait pu doubler, voire tripler ce pourcentage.

Vous semblez revendiquer un certain individualisme… 

Pour moi, « individualisme », cela ne veut pas dire égoïsme, cela veut dire aller jusqu’au bout. Le mot « individualiste » est péjoratif, mais je constate que ce sont souvent des hommes seuls qui ont permis aux sociétés d’avancer. Regardez Christophe Colomb, Magellan, ou Freud… Pour moi, le pouvoir judiciaire n’est rien d’autre que « le pouvoir du grain de sable ». Contrairement à ce que l’on croit, on n’a presque aucun pouvoir quand on est juge d’instruction. On a simplement le devoir d’une certaine vigilance. Je pense qu’un homme seul est toujours plus vigilant qu’en groupe.

Vous êtes-vous reconnu dans les portraits faits de vous dans les journaux pendant ces années ?Législatives 2017 : le juge Eric Halphen battu à Caen, Laurence Vichnievsky députée dans le Puy-de-Dôme - Le ParisienUn jour au supermarché, on m’a demandé si « j’étais le fils du juge Halphen ». Les journaux ont donc dû donner de moi l’image de quelqu’un de plus vieux que je ne suis. Petit à petit, je suis devenu « le juge Halphen », en un seul mot. J’ai perdu mon prénom, mon identité normale. On ne m’appelle pas « Eric Halphen », mais systématiquement « le juge Halphen ». Le jour où je suis arrivé à Nanterre, la secrétaire de la présidente du tribunal m’a annoncé comme « le juge Halphen ». Les gens ont besoin d’étiquette. J’ai l’impression qu’on a fait de moi une espèce de don Quichotte, du type capable de faire des choses surprenantes, inattendues. Mais on s’use à courir après des moulins à vent.

Eric Halphen, l’histoire d’un juge menotté – Libération 2 mars 2002

Un acte d’accusation. C’est ce qu’est Sept ans de solitude, le livre d’Eric Halphen, publié par Denoël, qui sera mis en librairie le 6 mars et dont Libération révèle, en exclusivité, de larges extraits. Point tant par la hargne ou le venin qui y serait distillé ­ l’ouvrage est écrit de façon alerte, parfois humoristique, tantôt amère, rarement agressive ­, non plus que par les accusés ­ Jacques Chirac n’y occupe pas la place centrale. L’accusation est plus globale : c’est un diagnostic sans concession de ce que sont encore les rapports du pouvoir politique et de l’institution judiciaire lorsqu’elle doit affronter des puissants, et singulièrement ceux du RPR.  Effet d’accumulation. Reprenant un à un les épisodes qui ont marqué ses sept ans d’instruction de l’affaire des HLM de Paris ­ celle qui conduira, par ses découvertes, à l’ouverture de la plupart des autres affaires ennuyeuses pour le parti de Jacques Chirac ­, le juge d’instruction, alors en poste à Créteil, désormais en attente d’une mise en disponibilité, joue de l’effet d’accumulation. Pour le lecteur citoyen qui n’aurait pas suivi dans le détail la progression de son enquête, c’est une illustration des 1 001 méthodes que l’on peut employer pour étouffer un magistrat, l’empêcher de découvrir la vérité.

Eric Halphen est un peu le juge des tristes records. Rarement un magistrat aura fait l’objet d’un tel déploiement d’énergie en méthodes barbouzardes, embûches, ennuis divers. Sa vie personnelle fut détruite en 1994 après la première offensive: celle de Charles Pasqua et de Patrick Balkany, qui ont participé à une tentative de corruption du beau-père du magistrat, quand celui-ci commençait à s’intéresser de trop près aux financements du Clichois, petite feuille locale du conseiller général des Hauts-de-Seine Didier Schuller. Il le raconte brièvement, mais détaille d’autres volets: les filatures, les petits mots anonymes laissés sur un coin de pare-brise, les photos prises sur son lieu de vacances. Cette partie grise et occulte des obstacles semés sur sa route est peut-être la plus inquiétante, mais aussi celle que l’on peut le moins décrypter: qui était aux commandes, qui donnait l’ordre de le placer sur écoutes?                                                 Éric Halphen | Faculté de Droit-Economie-ManagementUn certain Méry. A cela s’ajoutent les rouages efficaces, quasi administratifs et, cette fois, identifiables de la mécanique de retardement employée pour que jamais le dossier des HLM de Paris n’aboutisse. Lorsqu’il débute son enquête, Eric Halphen le rappelle: il s’agit d’une affaire de fausses factures de l’entreprise SAR, laquelle rémunère sans contrepartie, mais très largement, un certain Jean-Claude Méry, sorte d’intermédiaire commercial. Cet homme alors méconnu a été depuis parfaitement identifié: il était le principal financier occulte du RPR, chargé de monnayer les attributions des marchés publics auprès des entreprises et de tendre la sébile pour le compte de la Rue de Lille.  Très vite, le juge se trouve face à une véritable «entreprise, parfaitement rodée et efficace». «D’énormes sommes passent de compte en compte, puis filent à l’étranger: Hollande, Angleterre, Liechtenstein, Monaco, Israël, Suisse. En trois mois, 70 millions de francs transitent sur un seul numéro de compte en Suisse. Un autre, toujours en Suisse, sert de simple étape à plus de 200 millions de francs, envolés ailleurs.»

Il faut chercher à comprendre, tout en étant entravé par les filets de la coopération judiciaire: ces explications qui ne reviennent jamais sur la destination des mouvements financiers ou alors mettent des mois, voire des années. Il faudra en outre que le juge Halphen compte avec l’hostilité du système. C’est son enquêteur policier, Georges Poirrier, qui lui est retiré. Puis ces policiers contraints systématiquement d’informer leur hiérarchie des actes d’instruction en préparation, permettant au pouvoir RPR de préparer ses arrières. Ainsi de la perquisition menée au siège du parti, avec des dossiers vidés, des archives déménagées et la plupart des cadres absents quand le juge se présente. Ce sont aussi les ordres de Jacques Toubon, alors ministre de la Justice (1995-1997) et fidèle chiraquien, donnés pour paralyser des procédures. Ou encore la stupéfiante défection des policiers au moment d’assister le juge lors de la perquisition menée chez les Tiberi en 1996. Au nombre de ces interférences, l’attitude du parquet de Créteil ­ rapportée dans l’un des extraits que nous publions ­ permet de comprendre l’impossibilité pour un magistrat d’avancer si le système est aux ordres. Eric Halphen revient encore longuement sur les annulations répétées qu’a subies son instruction, annulations auxquelles d’autres chambres d’instruction auraient pu ne pas procéder, tant le droit peut être d’utilisation versatile. Le juge revient aussi sur ce dessaisissement final intervenu en septembre 2001 après la convocation de Chirac comme témoin, dessaisissement qui était le plus sûr moyen de ne pas voir le dossier des HLM trouver une traduction judiciaire avant de très nombreux mois.  Relais. Ce que le livre d’Halphen permet de comprendre, c’est que, contrairement à ce qui a été abondamment écrit, la justice française est encore dépendante des relais politiques qui la traversent, et que, le sachant, le RPR a utilisé toutes les ficelles pour s’épargner un procès dramatique. A ce compte, le RPR ne fait vraiment pas une bonne affaire avec la publication de Sept ans de solitude. La divulgation anticipée de quelques fragments épars du livre par le Figaro, contre la volonté de l’éditeur et de l’auteur (lire ci-contre), ne suffira peut-être pas à déminer le terrain. A cette mauvaise nouvelle pour le RPR s’en ajoutait une autre, vendredi. Didier Schuller, impliqué, lui, dans le dossier HLM des Hauts-de-Seine, qui a reconnu devant le juge Philippe Vandingenen l’existence d’un partage des commissions des entreprises sur les marchés publics, est sorti vendredi de la prison de la Santé. Le juge d’instruction a accepté la remise en liberté demandée par l’avocat de Schuller, Jean-Marc Fedida. Il pourrait, de vive voix, devant les micros, ajouter son sel à la campagne délicate du chef de l’Etat.

Affaire des HLM de Paris : «Pourquoi aurait-on fait autrement pour Jacques Chirac?»

Éric Halphen, ancien juge d’instruction au TGI de Créteil, a convoqué le président Jacques Chirac, alors que celui-ci était en exercice, dans l’affaire des HLM de la Ville de Paris.

Éric Halphen est le seul juge à avoir convoqué un président de la République en exercice, en l’occurrence Jacques Chirac. C’était pour l’affaire dite des HLM de Paris. L’ancien juge d’instruction au TGI de Créteil raconte comment cela a été possible, et surtout, comment on a voulu l’en empêcher.

Comment, en tant que juge d’instruction à Créteil, remontez-vous jusqu’au président de la République dans l’affaire des HLM de la Ville de Paris ?

ÉRIC HALPHEN : J’ai été saisi en 1994 d’un dossier de fausses factures produites par une société d’Alfortville (Val-de-Marne). En tirant les fils, je suis tombé sur un certain nombre d’intermédiaires comme le promoteur Jean-Claude Méry. Ces intermédiaires faisaient en sorte que les marchés publics de l’Ile-de-France, de l’office HLM du 92 ou de l’Opac de Paris, soient attribués à des adhérents du RPR qui, en contrepartie, payaient une « dîme ». Ce système de financement occulte profitait à la fois à la Ville de Paris, dont le maire était Jacques Chirac, et au RPR, dont le président était… Jacques Chirac.Calvados: le juge Halphen, candidat En Marche, largement en tête - ChallengesVous avez donc convoqué Chirac ? 

Oui, cela me paraissait normal. Jacques Chirac était au carrefour du système de fonctionnement de tous ces marchés truqués, même si, entre-temps, il était devenu président de la République. J’ai attendu la fin de mes investigations pour l’auditionner. Cela a pris du temps car l’enquête était difficile, tous les ministres de l’Intérieur et de la Justice successifs étaient d’ex-dirigeants du RPR.

Vous êtes le seul juge à avoir convoqué un président de la République en exercice. Dans quelles conditions l’avez-vous fait ? 

À l’époque, rien n’était prévu dans la Constitution pour empêcher que j’entende le président de la République comme témoin. Il existait des règles pour les ministres, pour les parlementaires, mais aucune pour le président de la République. Je me suis donc engouffré dans cette faille constitutionnelle. Cela a entraîné de nombreux débats sur le statut du président de la République. Beaucoup de commentateurs ont estimé qu’il était anormal qu’un président soit entendu dans l’exercice de ses fonctions par un juge. Jacques Chirac a enclenché un changement de la Constitution en 2002 mais il y a eu des résistances. La loi n’est entrée en vigueur qu’en 2012. Trois mandats et trois présidents plus tard.Le juge Halphen pour le mandat uniqueComment avez-vous pu penser que Jacques Chirac répondrait à votre convocation ?

C’est ce que tout le monde m’a dit à l’époque, mais je pensais le président fair-play. Je croyais qu’il se déplacerait pour me dire qu’il ne pouvait pas répondre à mes questions, à cause de la séparation des pouvoirs. Je l’avais convoqué pour 15 heures, je ne sais plus quel jour. Avec ma greffière, nous l’avons attendu dans le bureau, puis j’ai rédigé un procès-verbal de non-comparution comme témoin. J’avais convoqué le président par écrit pour qu’il reste une trace dans le dossier. Jacques Chirac a été réveillé à 5 heures du matin, au moment où l’huissier a reçu le courrier. Il était furieux, m’a-t-on rapporté plus tard. Le logiciel de la justice avait sorti comme d’habitude la convocation avec le nom du témoin avant son prénom. Chirac Jacques, comme à l’école. On m’a reproché un manque de révérence mais pourquoi aurait-on fait pour lui autrement que pour les autres ?

Lors de votre enquête, on vous a mis beaucoup de bâtons dans les roues. Comment l’avez-vous vécu ?

La justice peut être éventuellement indépendante, mais elle travaille avec une police qui ne l’est pas. Les officiers de police judiciaire sont sous l’autorité du juge d’instruction mais obéissent surtout aux ordres du ministère de l’Intérieur, dont dépend leur carrière. Il est facile d’influer sur une enquête judiciaire en s’occupant de son bras armé : retrait d’enquêteurs, non-saisie de documents, fuite des dates de perquisition ou refus même de perquisitionner… Lorsque je suis arrivé au RPR, il y avait encore des dossiers (oranges) suspendus mais ils étaient tous vides. J’ai appris plus tard dans le livre du chauffeur de Jacques Chirac que le RPR avait été prévenu et avait fait le ménage avant.

Il y a eu aussi les entraves du parquet ?

En général, le parquet, c’est l’accusation. Là, le parquet de Créteil de l’époque a joué le rôle de la défense. Le procureur recevait les avocats des mis en examen pour les briefer sur la conduite à suivre. Je me suis senti très seul, durant ces sept ans d’enquête.

Et puis, il y a tout ce qui est occulte ?  Eric Halphen est l'invité de Sandrine Sebbane dans Essentiel - YouTubeVous voulez dire : les filatures, les menaces déguisées sur le pare-brise de la voiture, les interventions d’un tiers lors de conversations téléphoniques, les photos prises sur une plage avec ma compagne de l’époque, une journaliste, la tentative de corruption de mon beau-père… À l’époque, pour brouiller les pistes, j’avais pris un téléphone au nom de ma greffière, qui s’appelait Dufour, nom de famille répandu. Mais très vite, j’ai reçu des appels demandant un M. Dufour. On voulait savoir si c’était bien moi qui utilisais ce numéro. Difficile ensuite de garder suffisamment de hauteur pour ne pas faire de ce genre de dossier une affaire personnelle. Sans compter la pression médiatique.

Vous avez été un des pionniers de l’investigation politico-financière. Pensez-vous que c’est plus facile aujourd’hui d’enquêter sur les hommes politiques ?  Oui. Dans les années 1970 ou 1980, les substituts mettaient les affaires politico-financières systématiquement sous la pile, considérant que celles-ci étaient sales et sources de problèmes. Il y avait aussi beaucoup d’interventions d’élus. Cette période est désormais révolue. La création du parquet national financier (PNF), auquel je ne croyais guère, a finalement fait sauter des verrous. Les poursuites à l’encontre d’élus comme Jérôme Cahuzac ou Nicolas Sarkozy ont montré que personne n’était à l’abri. Mais, attention, cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’enquêtes enterrées, il y en a encore. Par ailleurs les moyens d’enquête ne sont pas plus importants qu’avant. La police anti-corruption croule sous les dossiers, et la justice est toujours aussi lente.Le magistrat Éric Halphen est à l'affiche de la Fête du livre qui ...

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