Rolland – VIE DE TOLSTOI [Léon-Nikolaievitch TOLSTOI (1828 – 1910)]Léon Kenneth Tolstoï (1828-1910) est né en Russie en 1828 et a rejoint l’armée après avoir obtenu son diplôme de l’Université de Kazan. En tant qu’écrivain et philosophe éthique, il a acquis une renommée mondiale en créant de grandes œuvres réalistes telles que «Guerre et Paix», «Anna Karénine» et « la Résurrection ». Ces œuvres sont influencées par les attaques de l’armée française et de Napoléon sur le territoire de son pays. Tolstoï a abandonné sa vie aisée tard dans la vie et a pris la vie d’un paysan ordinaire tout en choisissant sa propre religion. Les œuvres de Tolstoï ont été utilisées par des cinéastes du monde entier, y compris un long métrage de son roman Guerre et paix. Le roman Guerre et Paix est l’une des œuvres les plus précieuses de l’histoire de la littérature mondiale, qui traite des événements de la guerre franco-russe à l’époque de Napoléon.Je préfère donner la parole à Romain Rolland pour décrire la « Vie de Tolstoï» dans son ouvrageArt et vie sont unis. Jamais œuvre ne fut plus intimement mêlée à la vie ; elle a presque constamment un caractère autobiographique. Depuis l’âge de vingt-cinq ans, elle nous fait suivre Tolstoï, pas à pas, dans les expériences contradictoires de sa carrière aventureuse. (Page 4 /123) Les grands romans ne sont que les anneaux d’une longue chaîne historique.
Je découvris qu’il y a une immortalité, qu’il y a un amour, et qu’on doit vivre pour les autres, afin d’être éternellement heureux. C‘était aussi un trait caractéristique de se croire une caste élue Il n’y a eu qu’un seul guide infaillible, la liberté, l’Esprit universel qui nous souffle de nous rapprocher les uns des autres.
Les secrets de la vie intérieure se laissent deviner, plutôt qu’ils ne sont livrés…Équilibre harmonieux de la forme et de la pensée.
« Guerre et Paix » est la plus vaste épopée de notre temps, une Iliade moderne. Un monde de figures et de passions s’y agite. Sur cet océan humain aux flots innombrables plane une âme souveraine, qui soulève et refrène les tempêtes avec sérénité. L’unité des cœurs s’accomplit par le sacrifice passionné à la patrie et par la soumission aux lois divines.
La béatitude ne règne pas dans la maison.
Mélange de dignité et de lâcheté, de parisianisme (=hypocrite; cafard; faux; dévot) et de sentiment chrétien; produit étrange d’un monde artificiel, dont il lui est impossible malgré son intelligence et sa générosité réelle de se dégager jamais, —et qui a bien raison de se défier de son cœur: car, lorsqu’il s’y abandonne, c’est pour tomber à la fin dans une niaiserie mystique….Guerre au mensonge, à tous les mensonges, aussi bien aux mensonges vertueux qu’aux mensonges vicieux, aux bavardages libéraux, à la charité mondaine, à la religion de salon, à la philanthropie! Guerre au monde, qui fausse tous les sentiments vrais et fatalement brise les élans généreux de l’âme ! La mort jette une lumière subite sur les conventions sociales. Qui vit non pour soi, mais pour l’ensemble, est une illumination. Il voit l’antagonisme entre la raison et le cœur. La raison enseigne la lutte féroce pour la vie ; il n’y a rien de raisonnable à aimer son prochain. Quand il venait d’échapper au gouffre. Ses désillusions sociales
Perpétuellement, l’engagement est la force de la vie. On ne peut pas vivre sans le gré. Les idées ont été élaborées dans le lointain infini de la pensée humaine. Les réponses données par la foi au sphinx de la vie contiennent la sagesse la plus profonde de l’humanité.
L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature, mais c’est un roseau pensant. Toute notre dignité consiste dans la pensée… Travaillons donc à bien penser : voilà le principe de la morale.Et quelle est l’activité de la raison ? L’amour. L’amour est la seule activité raisonnable de l’homme, l’amour est l’état de l’âme le plus rationnel et le plus lumineux. Tout ce dont il a besoin, c’est que rien ne lui cache le soleil de la raison, qui seul le fait croître… L’amour est le bien réel, le bien suprême, qui résout toutes les contradictions de la vie, qui non seulement fait disparaître l’épouvante de la mort, mais pousse l’homme à se sacrifier aux autres ; car il n’y a pas d’autre amour que celui qui donne sa vie pour ceux qu’on aime ; l’amour n’est digne de ce nom que lorsqu’il est un sacrifice de soi-même. Aussi le véritable amour n’est-il réalisable que lorsque l’homme comprend qu’il lui est impossible d’acquérir le bonheur individuel. C’est alors que tous les soucis de sa vie viennent alimenter la noble greffe de l’amour véritable ; et cette greffe emprunte pour sa croissance toute sa vigueur au tronc de cet arbre sauvage, l’individualité animale. Je crois que le vrai bonheur de l’homme consiste en l’accomplissement de la volonté d’aimer ses semblables et agisse toujours envers eux.Que devons-nous faire ? (1884-86) est l’expression de cette deuxième crise, beaucoup plus tragique que la première, et bien plus grosse en conséquence. Qu’étaient les angoisses religieuses personnelles de Tolstoï dans cet océan de misère humaine, de misère réelle, non forgée par l’esprit d’un oisif qui s’ennuie ? Impossible de ne pas la voir. Et impossible, l’ayant vue, de ne pas chercher à la supprimer, à tout prix. Hélas! Est-ce possible?…
Enfin, je me suis calmée avec le proverbe russe : «Que l’enfant s’amuse de n’importe quoi, pourvu qu’il ne pleure pas !» De cette béatitude qui inonde l’âme, notre champ, l’âme humaine, qu’il faut abriter et nourrir,Vous ne le croirez peut-être pas ; mais vous ne sauriez imaginer combien je suis isolé, jusqu’à quel point mon moi véritable est méprisé par tous ceux qui m’entourent.
Tout le mal d’aujourd’hui vient de ce que les gens soi-disant civilisés, ayant à leur côté les savants et les artistes, sont une caste privilégiée comme les prêtres. Et cette caste a tous les défauts de toutes les castes. Elle dégrade et rabaisse le principe en vertu duquel elle s’organise. Ce qu’on appelle dans notre monde les sciences et les arts n’est qu’un immense humbug, une grande superstition dans laquelle nous tombons ordinairement, dès que nous nous affranchissons de la vieille superstition de l’Église. Pour voir clair dans la route que nous devons suivre, il faut commencer par le commencement, il faut relever le capuchon qui me tient chaud, mais qui me couvre la vue. La tentation est grande. Nous naissons ou nous nous hissons sur les marches de l’échelle ; et nous nous trouvons parmi les privilégiés, les prêtres de la civilisation, de la Kultur, comme disent les Allemands. Il nous faut, comme aux prêtres brahmanes ou catholiques, beaucoup de sincérité et un grand amour du vrai, pour mettre en doute les principes qui nous assurent cette position avantageuse. Mais un homme sérieux, qui se pose la question de la vie, ne peut pas hésiter. Pour commencer à voir clair, il faut qu’il s’affranchisse de la superstition où il se trouve, quoiqu’elle lui soit avantageuse. C’est une condition sine qua non. Ne pas avoir de superstition. Se mettre dans l’état d’un enfant, ou d’un Descartes…
L’art pénètre toute notre vie ; ce que nous nommons art : théâtres, concerts, livres, expositions, n’en est qu’une infime partie. Notre vie est remplie de manifestations artistiques de toutes sortes, depuis les jeux d’enfants jusqu’aux offices religieux. L’art et la parole sont les deux organes du progrès humain. L’un fait communier les cœurs, et l’autre les pensées. Si l’un des deux est faussé, la société est malade. L’art d’aujourd’hui est faussé.
La conscience collective de notre époque est l’aspiration au bonheur réalisé par la fraternité des hommes. Il n’y a d’art véritable que celui qui travaille à cette union. Le plus haut est celui qui l’accomplit directement par la puissance de l’amour.
L’art de l’avenir ne continuera plus celui du présent, il sera fondé sur d’autres bases. Il ne sera plus la propriété d’une caste. L’art n’est pas un métier, il est l’expression de sentiments vrais. Or, l’artiste ne peut éprouver un sentiment vrai que lorsqu’il ne s’isole pas, lorsqu’il vit de l’existence naturelle à l’homme. C’est pourquoi celui qui se trouve à l’abri de la vie est dans les pires conditions pour créer.
Le vieux chasseur de mensonges continue de traquer infatigablement toutes les superstitions religieuses ou sociales, tous les fétiches….Ce n’est pas le despotisme, c’est l’illusion de la liberté.
Il repart. Le voici qui plane dans «le ciel immense et profond», avec ses deux grandes ailes, dont l’une est la raison et l’autre est la foi.
L’amour est «la base de l’énergie». L’amour est la «raison de vivre», la seule, avec la beauté. L’amour est l’essence de Tolstoï mûri par la vie, de l’auteur de « Guerre et Paix » et de « la lettre au Saint-Synode ». Cette pénétration de la vérité par l’amour fait le prix unique des chefs-d’œuvre qu’il écrivit, au milieu de sa vie, et distingue son réalisme du réalisme à la Flaubert. Celui-ci met sa force à n’aimer que pas ses personnages. Si grand qu’il soit ainsi, il lui manque le : »Fiat lux »! La lumière du soleil ne suffit point, il faut celle du cœur. Le réalisme de Tolstoï s’incarne dans chacun des êtres, et, le voyant avec leurs yeux, il trouve, dans le plus vil, des raisons de l’aimer et de nous faire sentir la chaîne fraternelle qui nous unit à tous. Par l’amour, il pénètre aux racines de la vie.
Cette vérité saine et virile, nécessaire au milieu des mensonges modernes, des mensonges de la civilisation, cette vérité vitale, semble-t-il, comme l’air qu’on respire. Et puis l’on s’aperçoit que cet air, tant de poumons ne peuvent le supporter, tant d’êtres affaiblis par la civilisation, ou faibles simplement par la bonté de leur cœur ! Faut-il donc n’en tenir aucun compte et leur jeter implacablement cette vérité qui tue ?
Tolstoï lui envoya sa bénédiction fraternelle, dans le «combat de la douceur contre la brutalité, de l’humilité et de l’amour contre l’orgueil et la violence»… La question que vous traitez, de la Résistance passive, est de la plus haute valeur, non seulement pour l’Inde, mais pour toute l’humanité.
L’amour, ou, en d’autres termes, l’aspiration des âmes à la communion humaine et à la solidarité, représente la loi supérieure et unique de la vie… Et cela, chacun le sait et le sent au profond de son cœur (nous le voyons le plus clairement chez l’enfant). Il le sait aussi longtemps qu’il n’est pas encore entortillé dans la nasse de mensonge de la pensée du monde.
Aujourd’hui, la question se pose ainsi : oui ou non, il faut choisir! Ou bien admettre que nous ne reconnaissons aucun enseignement moral religieux, et nous laisser guider dans la conduite de notre vie parle droit du plus fort. Ou bien agir en sorte que tous les impôts perçus par contrainte, toutes nos institutions de justice et de police, et avant tout l’armée, soient abolis.
Un témoin oculaire la noire misère des pauvres
L’art et la parole sont les deux organes du progrès humain. L’un fait communier les cœurs, et l’autre les pensées.
Si un sacrifice est une tristesse pour vous, non une joie, ne le faites pas, vous n’en êtes pas digne.
Une discussion est impossible avec quelqu’un qui prétend ne pas chercher la vérité, mais déjà la posséder.
Le romancier russe, Léon Tolstoï (1828-1910)
Léon Tolstoï était un écrivain russe, particulièrement connu pour ses romans (Guerre et Paix, Anna Karénine) et ses nouvelles (La Mort d’Ivan Ilitch). Le travail de Tolstoï était en grande partie réaliste, pensé après une crise morale et spirituelle dans la cinquantaine, il a également commencé à écrire explicitement sur des thèmes sociaux et religieux – en commençant par sa Confession et en culminant dans L’Évangile en bref. Ce changement dans l’écriture de Tolstoï reflète le mouvement des convictions. À partir de ce moment, il était un ardent pacifiste et anarchiste chrétien. Cette veine de sa pensée a influencé de grandes personnalités politiques, en particulier la résistance non violente du Mahatma Gandhi et de Martin Luther King. Alors que Tolstoï approchait de la fin de sa vie, son intérêt s’est également élargi à la théorie économique et sociale. Il a défendu les principes mis en avant par Henry George, connus ensemble sous le nom de géorgisme. On dit que Tolstoï, âgé de quatre-vingt-deux ans, a passé ses dernières heures à parler avec passion de questions sociales aux passagers d’un train avant de finalement succomber à une pneumonie à la gare d’Astapov.
Événements historiques
1867-01-12 Première de « Smert Ioonna Groznogo » de Léon Tolstoï à Saint-Pétersbourg
1884-02-18 La police saisit tous les exemplaires de « Ce à quoi je crois » de Tolstoï
Citations de Léon Tolstoï
«Un homme est comme une fraction dont le numérateur est ce qu’il est et dont le dénominateur est ce qu’il pense de lui-même. Plus le dénominateur est grand, plus la fraction est petite.»
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