Congrès de Tucumán — la naissance du paysLe 9 juillet 1816, la bourgeoisie créole de Buenos Aires proclame officiellement l’indépendance de l’ancienne vice-royauté espagnole du Rio de la Plata sous le nom de «Provinces-Unies de la Plata».Un État vaste comme le tiers de l’Amérique du Sud L’Argentine devient très officiellement indépendante le 9 juillet 1816 et cette date est commémorée chaque année comme celle de la «naissance» du pays. Pourtant, il y a deux siècles, la République Argentine telle qu’on la connaît aujourd’hui n’existait pas encore. L’anniversaire évoque un Congrès qui s’est tenu en 1816 à Tucumán, une ville à 1500 kilomètres au nord de Buenos Aires, où une poignée de représentants déclare « Provinces Unies en Amérique du Sud ») indépendantes de l’Espagne et de son roi Ferdinand VII. La nouvelle entité fait référence au Vice-royaume du Río de la Plata, créé par les Bourbons d’Espagne en 1776, et qui recouvre les actuels territoires de l’Argentine, de la Bolivie, du Paraguay et de l’Uruguay, ainsi que le nord du Chili, le sud-est du Pérou et même une frange du sud du Brésil. Au nord-ouest, ce Vice-royaume du Río de la Plata a pour limite le Vice-royaume du Pérou, dont il a fait partie jusqu’en 1776. Au nord-est, il est borné par les territoires portugais (le Brésil) et à l’est par le reste du Chili qui a un statut spécial. L’entité qui fait l’objet de la Déclaration d’Indépendance est essentiellement recouverte par la pampa (une forme de savane) et la forêt tropicale. Les colons européens, encore très rares (un demi-million environ), sont surtout établis sur le cours inférieur des fleuves Paraná et Uruguay, ainsi que sur leur delta commun, le Río de la Plata (« Fleuve d’argent »). Vaste comme le tiers du continent sud-américain, elle est très différente de l’Argentine actuelle. Au point que les représentants ont même songé à fixer la capitale de la nouvelle nation à Cuzco (Pérou) et à rétablir la dynastie des Incas sur le trône de ce qu’ils imaginaient comme une monarchie «tempérée»…
La Révolution de Mai 1810 Mais d’abord pour comprendre l’enjeu de cette année de 1816, il faut remonter six années en arrière et à ce que l’on appelle la Révolution de Mai, célébrée en Argentine comme une première fête nationale au même titre que le 9 juillet. Profitant de l’occupation de l’Espagne par l’armée napoléonienne et de la captivité du roi Ferdinand VII de Bourbon, le 25 mai 1810, à Buenos Aires, une assemblée citoyenne avait renversé le vice-roi espagnol et établi une junte de gouvernement à cent pour cent criollo ou «créole», autrement dit constituée de blancs nés sur le sol américain. Les créoles des colonies hispano-américaines voulaient profiter de la conjoncture européenne pour revenir au statut qui avait été le leur sous la dynastie des Habsbourg, lorsque les domaines sud-américains étaient considérés par la Couronne espagnole comme des royaumes ou «reinos» autonomes au même titre que ceux d’Espagne. L’arrivée des Bourbons sur le trône de l’Espagne au début du XVIIIe siècle avait tout changé : les nouveaux souverains avaient entrepris des réformes visant à resserrer leur tutelle sur ces domaines, désormais ravalées au statut de simples colonies. Au début du siècle suivant, la conquête de l’Espagne par Napoléon 1er et la captivité de Ferdinand VII agitent les esprits. Les villes sud-américaines décident de prendre leur destin en main. Sauf à Lima (Pérou), centre du pouvoir espagnol en Amérique du Sud, partout – à Santiago du Chili, à Caracas (Venezuela), à Asunción (Paraguay), à Montevideo (Uruguay) – surgissent des Juntes de gouvernement d’où sont exclus les Espagnols de la métropole. Tout en coupant leurs liens avec les autorités madrilènes, les révolutionnaires n’en jurent pas moins fidélité au roi captif (…).
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