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9 février 1849 – Construire la République romaine 

ImageIIe République romaineRise and Fall of the Roman Republic [1849] - YouTubeMazzini proclame la République à RomeVatican City Map Illustrations, Royalty-Free Vector Graphics & Clip Art - iStockLe 9 février 1849, à Rome, Giuseppe Mazzini proclame la déchéance du pouvoir temporel du pape et instaure la République. Son échec va laisser la voie libre à la monarchie piémontaise pour réaliser à son profit l’unité de l’Italie.First Italian War of Independence - WikipediaRomantisme et patrie  File:Military flag of the Roman Republic (19th century).svg - WikipediaUn demi-siècle plus tôt, Napoléon Bonaparte et les révolutionnaires français ont semé en Italie les germes de la démocratie et du nationalisme. À la chute de Napoléon Ier et en dépit de la restauration de l’ordre ancien, les bourgeois libéraux, imprégnés de romantisme, développent avec ferveur le rêve d’une Italie réunifiée comme à l’époque de la Rome antique !  Giuseppe Mazzini est de ceux-là. Né à Gênes en 1805, ce jeune avocat complote d’abord dans la Charbonnerie, une association secrète née dans le royaume de Naples au temps de l’occupation française. Location of Roman RepublicLes « carbonari » fomentent plusieurs soulèvements, en 1821 et en 1831, mais qui tous échouent faute de soutien populaire (à l’un de ces soulèvements, à Mantoue, participe un jeune homme promis à un grand avenir, Louis-Napoléon Bonaparte). Mazzini se réfugie alors à Marseille où il crée son propre mouvement, Jeune Italie (Giovine Italia). Son programme tient en deux mots : l’unité dans la République, avec une devise : «Dieu et le peuple». Il tente à Gênes, en 1834, un soulèvement qui ne réussit pas mieux que les précédents malgré le soutien d’un hardi combattant, le Niçois Giuseppe Garibaldi.  Condamné à mort par contumace, il s’enfuit en Suisse, où il crée un nouveau mouvement, Jeune Europe, puis à Londres, d’où il n’a de cesse de lancer des appels à la régénération de la patrie.ImageEspoirs révolutionnairesRise and Fall of the Roman Republic [1849] - YouTubeEn 1846, Pie IX monte sur le trône de Saint-Pierre. Le nouveau pape réforme aussitôt les États pontificaux dans un sens libéral et les espoirs des patriotes italiens se reportent vers lui.Roman republic of 1849 hi-res stock photography and images - AlamyL’abbé piémontais Vincenzo Gioberti préconise une fédération autour du pape (dans la tradition des Guelfes qui, au Moyen Âge, s’opposaient aux Gibelins partisans de l’empereur d’Allemagne). Mazzini rattrape l’idée au bond et, le 8 septembre 1847, de son exil de Londres, invite le pape à prendre la tête du mouvement national italien. Mais le souverain pontife reste indifférent à l’appel.  La révolution de Février 1848, à Paris, semble enfin apporter aux patriotes l’occasion tant attendue. Chacun évoque le « printemps des peuples » et rêve d’une Europe fraternelle et républicaine. À Milan, la population se soulève pendant les Cinq Jours des 18 au 23 mars 1848. Elle chasse de la ville les troupes autrichiennes du feld-maréchal Radetsky.  Le roi de Piémont-Sardaigne, Charles-Albert, veut profiter des troubles civils pour chasser l’Autriche d’Italie. et s’emparer du Milanais. Mais les autres souverains et surtout le pape refusent de s’engager dans la guerre à ses côtés. Charles-Albert, battu à Custozza, doit signer un armistice le 3 août 1848 et se retire piteusement dans ses États.

Rome sans pape

Les patriotes, cependant, ne renoncent pas. À Rome, le 15 novembre 1848, Pellegrino Rossi, ministre de l’Intérieur et des Finances du pape, est assassiné. Pie IX, dans la crainte de l’émeute, s’enfuit dans la citadelle de Gaète, au sud de Rome. Il abandonne la Ville éternelle aux mains des démocrates.  Giuseppe Mazzini, qui a quitté Londres dès l’annonce des révolutions, est accueilli avec enthousiasme à Livourne puis à Rome même où, le pape étant parti, il proclame la République. Il institue un « triumvirat » à la manière antique avec deux autres républicains, Aurelio Saffi et Carlo Armellini, et gouverne Rome en dictateur.  Garibaldi, fidèle de Mazzini, prend fait et cause pour la République romaine. Quittant son exil suisse, l’éternel rebelle réunit une nouvelle troupe de « légionnaires » à la chemise rouge et se met en marche vers Rome. C’est avec une sourde inquiétude que la population romaine accueille ces quelque dix mille francs-tireurs arrogants et rustres.

Déboires et défaites 

Le vent tourne. Le roi Charles-Albert qui a repris imprudemment la guerre contre l’Autriche, est battu à plate couture à Novare et doit abdiquer. La situation devient des plus confuses… comme le rappelle l’expression «faire un 48 ou en d’autres termes, semer la pagaille». Les armées régulières rétablissent partout l’ordre ancien. À Rome, le souverain pontife fait appel à la République française. Celle-ci envoie une armée sous les ordres du général Nicolas Oudinot, fils d’un maréchal d’Empire. Elle débarque à Civitavecchia le 25 avril et cinq jours plus tard, sur le mont Janicule, se heurte pour la première fois à Garibaldi et à ses Chemises rouges. ImageLes Français connaissent l’humiliation de la fuite. Leur représentant à Rome, le diplomate Ferdinand de Lesseps, serait d’avis de négocier avec le triumvirat en place mais il est désavoué par le ministre des Affaires étrangères, Alexis de Tocqueville (ces personnages s’illustreront dans d’autres domaines que la politique). Finalement, le président Louis-Napoléon Bonaparte envoie des renforts pour faire un siège en règle de Rome. Au terme d’un mois de rude résistance, les partisans de Garibaldi doivent se replier. Le 2 juillet 1849 tombe la République romaine.  Giuseppe Mazzini, une nouvelle fois, prend le chemin de l’exil et reporte ses espoirs sur l’union de l’Europe. En 1872, il a la satisfaction de revenir mourir dans une Italie enfin réunifiée, bien qu’il soit obligé pour cela d’emprunter une fausse identité.

1849 République romaine déclarée à Rome en remplacement après la fuite du pape Pie IX

Construire la République romaine  ImageLa république peu connue était une expérience de courte durée dans la démocratie constitutionnelle.

Le différend du pape François avec le ministre italien de l’Intérieur sortant, Matteo Salvini, rappelle qu’en Italie les relations entre l’Église et l’État peuvent être tendues. Présentant le message chrétien de charité envers les démunis en opposition à la « croisade » de Salvini contre «l’invasion» perçue des réfugiés, le pape François pourrait être considéré comme essayant d’unir la « conscience des fidèles à celle du citoyen ». Tels étaient les mots employés par le penseur politique Carlo Cattaneo, au milieu du XIXe siècle, lorsque le pape Pie IX, récemment élu, semblait disposé à épouser l’esprit du temps avec une ouverture d’esprit encourageante.

De même que la diffusion des idées libérales avaient donné lieu à des révolutions localisées à Palerme, Paris, Berlin, Vienne, Milan et Venise, Rome semblait s’engager sur une nouvelle voie. Pie IX, pape libéral relativement jeune et inexpérimenté, soucieux de répondre au sort du peuple, non seulement proclame l’amnistie des prisonniers politiques en juillet 1848, mais regarde vers une direction politique plus éclairée.Third Italian War of Independence - WikipediaLa nouvelle du pape libéral se répandit comme une traînée de poudre, suscitant des attentes croissantes : l’enthousiasme populaire pour Pie IX galvanisa ceux qui croyaient qu’il dirigerait la renaissance spirituelle de l’Italie et le mouvement national libéral. Le moment était important : le mouvement néo-guelfe, qui soutenait que le pape seul pouvait unir l’Italie, était en plein essor. La bonne volonté apparente de Pie envers les réformes politiques, combinée à la nouvelle qu’il avait donné sa bénédiction au Risorgimento, ont été un immense élan pour le mouvement national combattant la domination autrichienne dans le nord de l’Italie. Pourtant, en novembre 1848, tous les espoirs avaient été déçus. Accablé par la vague d’enthousiasme populaire que ses premières réformes avaient déclenchée et réticent à mener une révolution nationale, Pie s’est énervé. En effet, une fois que le Piémont a déclaré la guerre à l’Autriche, Pie a annoncé que ses troupes ne rejoindraient pas les patriotes italiens car il ne pouvait pas faire la guerre à l’Autriche catholique.

La déception a alimenté le mécontentement des révolutionnaires et, à la suite de l’assassinat de l’une des principales personnalités institutionnelles de Rome, le diplomate papal Pellegrino Rossi, la situation a échappé à tout contrôle. L’atmosphère instable qui s’ensuivit poussa Pie à fuir, craignant une révolution sanglante, et il trouva refuge dans le royaume des Deux-Siciles. De la sécurité de Gaeta, il a appelé tous les pays catholiques à venir à son secours contre les révolutionnaires. En effet, à Rome, la fin du pouvoir temporel est déclarée et une nouvelle Assemblée constituante est élue le 9 février 1849. Soucieux de ramener le calme et déterminés à faire triompher les valeurs libérales, les révolutionnaires confient la République romaine au seul patriote capable de diriger à travers une situation volatile. Giuseppe Mazzini, le patriote et révolutionnaire italien exilé depuis plus d’une décennie, était en route pour Rome.

La vision de Mazzini pour la République romaine transcendait les limites régionales des territoires du pape : Rome était un tremplin vers l’établissement d’une république nationale démocratique. La Rome républicaine serait un phare pour le reste de l’Italie et un modèle pour les libéraux du monde entier. Après s’être installé à Londres en 1837, Mazzini s’était fait un nom en tant que partisan charismatique et passionné des principes nationaux démocratiques. Broadside from 3 May 1849 addressed to soldiers of the Roman RepublicIl avait rassemblé un large public, en particulier en Angleterre, où les radicaux victoriens n’avaient pas tardé à réaliser l’opportunité capitale qui s’ouvrait en 1849 pour Rome, pour l’Italie et pour «l’humanité». Alors que les souverains et les empereurs d’Europe condamnaient l’instauration de la république, la presse radicale. En effet, la République romaine a été une expérience significative, bien que de courte durée, en matière de gouvernance constitutionnelle et démocratique : elle a aboli la peine de mort, garanti la liberté de culte et la liberté d’association et interdit la censure. Il a également introduit le suffrage universel (masculin), un jalon dans l’histoire de l’Italie. Une fois la République romaine mise à genoux, les Italiens devront attendre 1946 pour le suffrage universel.

Les observateurs internationaux ont observé les développements à Rome avec un vif intérêt : en Angleterre, les protestants d’un côté considéraient la fuite du pape comme une opportunité pour la résurgence spirituelle de l’Italie, tandis que, de l’autre côté, le Parlement avait trop peur de la propagation des idées républicaines pour apporter son soutien à la République romaine. La presse conservatrice de toute l’Europe s’est alarmée, rapportant des révolutionnaires agitant des drapeaux rouges et des pillages. Seuls les États-Unis ont reconnu le gouvernement nouvellement formé à Rome, bien que tardivement.undefined Sans reconnaissance formelle des gouvernements européens, la République romaine était condamnée et, lorsque l’empereur français envoya l’armée du général Oudinot combattre au nom du pape, le sort de la petite république démocratique était scellé. Condamnation de l’intervention française dans les journaux radicaux anglais, comme Punch, n’a rien fait pour changer l’attitude de l’establishment britannique envers la République. En effet, la Grande-Bretagne, méfiante vis-à-vis de l’idéologie républicaine, ne condamna l’intervention qu’une fois que Rome eut subi de lourds bombardements de la part des Français.

En juin 1849, les Français assiègent Rome. Ni les ruines ni les villas n’ont été épargnées par les bombardements. Des batailles sanglantes ont été livrées alors que des patriotes – hommes et femmes – suivant la vision de Mazzini et sous la direction charismatique de Guiseppe Garibaldi, tentaient de défendre la ville. Les révolutionnaires s’étaient rassemblés autour de la ville, non seulement de toutes les régions d’Italie mais aussi de l’étranger. Alors que la ville se rendait aux forces des troupes françaises, Pie IX se préparait à retourner à Rome. Sa résolution précoce de défendre les droits du peuple avait, sans la confiance nécessaire pour mener à bien les choses, abouties au siège de Rome et au massacre impitoyable de patriotes et de civils.

https://www.historytoday.com/history-matters/building-roman-republic

https://www.herodote.net/9_fevrier_1849-evenement-18490209.php

https://www.cgcp.asso.fr/leblog/?p=11958 

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