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6 mars 1991 – Cinq hommes ont été emprisonnés pour avoir comploté pour faire passer des armes libyennes à l’IRA

Who Bombed Clones? - Political Violence in UlsterTrafic d’armes entre la Libye et l’IRA (Irish Republican Army)https://villagemagazine.ie/wp-content/uploads/2021/08/Colleen-McMurray-1.jpegMercredi 6 mars 1991 marque d’article Par un tribunal de Paris, France, cinq personnes ont été condamnées pour tentative de contrebande d’armes de la Libye vers l’Irlande en 1987. Les hommes faisaient partie de l’équipage du navire Eksund.

Fresque dédiée à la Republican gréviste de la faim Bobby Sands. Il a été membre de l'IRA qui sont morts en grève de la faim dans le Labyrinthe Photo Stock - Alamy
Fresque en hommage à Bobby Sands, député de l’IRA mort après 66 jours de grève de la faim

Une petite fille rousse pose sur le tribunal des grands yeux étonnés. Plus loin, sur le banc des avocats, M. McEntee, bâtonnier de Dublin, vérifie la bonne position de sa perruque bouclée. La présidente, Mme Martine Anzani, se lance dans un long monologue qui ne sera pratiquement pas interrompu tout au long de l’audience. undefinedAinsi, elle énumère la liste de toutes les armes découvertes dans l’Eksund-II : un véritable arsenal qui comprenait notamment 975 fusils, 16 mitrailleuses, 12 mortiers de 82 mm, 10 lance-roquettes et 20 lance-missiles SAM-7. Soit une valeur de 4 millions de francs, outre des munitions pour une valeur de 30 millions de francs car les caisses contenaient 320 000 cartouches de calibres divers, 984 obus de mortier et 4 274 chargeurs de kalachnikov. A cela, il faut ajouter près de 500 grenades et 782 pains d’explosif plastic de type Semtex avec les dispositifs de mise à feu. Mais pour les avocats des Irlandais, l’Eksund-II ne s’arrêtait pas en France et n’a donc usé que d’un  » droit de passage inoffensif « .Cependant, l’enquête a révélé que des livraisons semblables avaient été faites à l’IRA à quatre reprises. Le capitaine du bateau, Adrian Hopkins, cinquante-deux ans, et son ami Henry Cairns, quarante-huit ans, avaient des difficultés financières. Cairns pensa d’abord à faire du trafic de whisky et de cigarettes. Mais Hopkins trouvait que c’était  » trop risqué « . Il accepta toutefois de transporter des armes car chaque voyage était payé environ 100 000 livres.The Libyan weapons trail: How Gaddafi armed the IRA. - Village ...Des motivations politiques 

Lors de ses aveux, Hopkins a raconté à la police française comment il avait voulu arrêter de faire ce trafic. Mais on lui avait fait comprendre qu’il ne pouvait plus reculer. Libéré le 7 juillet 1990, il est aujourd’hui dans une prison de Dublin et sera donc jugé par défaut. Cairns, intermédiaire entre les Libyens et l’IRA, a aussi fait des aveux détaillés. Libéré le 4 avril 1990, il se tasse sur le banc du tribunal et se contente de confirmer par des hochements de tête les propos de la présidente traduits par une interprète. La jolie petite fille rousse s’ennuie et déambule dans l’allée pendant que la présidente explique que l’équipage, rendu inquiet par les survols répétés d’un avion, avait décidé de saborder le navire juste avant d’être arraisonné. De temps en temps, le magistrat se tourne vers le box des détenus où sont assis les trois autres Irlandais, membres de l’équipage : Gabriel Cleary, quarante-sept ans, James Coll, trente-neuf ans, et James Doherty, quarante-sept ans. Mais ils n’ont rien à dire. Avec une certaine courtoisie, Cleary précise :  » Je n’ai rien à dire sur les événements qui se sont produits avant que nous soyons entrés dans les eaux territoriales françaises. »ImageLes années moroses en République d’Irlande

La combattante de l'IRA qui symbolise la journée de la femme (Guère Irlandaise contre les britanniques) - ELMESMAR
La combattante de l’IRA qui symbolise la journée de la femme

Remettons les choses dans leur contexte. Nous sommes en 1989. L’URSS en est à ses derniers battements de cœur et quatre décennies de monde bipolarisé touchent à leur fin, laissant aux États-Unis le rôle de puissance hégémonique mondiale. En Europe, les années 80 sont moroses. Le choc pétrolier de 1979 a laissé des traces et, pour certains pays, la décennie est particulièrement dure à vivre. C’est le cas de la jeune République d’Irlande. Le Dublin de l’époque est à des années lumières du boom économique du début du XXIe siècle. Le chômage atteint un taux record, les habitants vivent à la semaine et le pays est plongé dans une très forte pauvreté. La capitale irlandaise est une ville sale, décadente, mourante. À tel point que beaucoup se demandent s’ils ont un futur dans ce pays. Certains répondent à cette question en émigrant, vers l’Angleterre ou les États-Unis. Le pays est dirigé par Charles Haughey, homme politique à la réputation sulfureuse, notamment impliqué dans un scandale de trafic d’armes dans les années 70, en pleine période des Troubles. Il est membre du Fianna Fail, parti de centre-droit, qui, depuis l’indépendance du pays en 1922, se partage le pouvoir avec le Fine Gael, un autre parti de centre-droit. Pour l’alternance, on repassera. En Irlande du Nord, le conflit armé fait rage, marqué par les violences entre catholiques et protestants. L’IRA, organisation paramilitaire, est très active et mène un grand nombre d’actions contre les positions britanniques. La période est également marquée par les grèves de la faim des prisonniers politiques, dont la plus connue reste celle de Bobby Sands.

5 mai 1981 : Mort des militants de l'IRA en grève de la faim
5 mai 1981 : Mort des militants de l’IRA en grève de la faim

Face à cette situation économique délicate, si ce n’est précaire, le pays ne fait pas la fine bouche lorsque des opportunités commerciales se présentent. Et un État en particulier, au Sud-Est de la Méditerranée, va montrer son intérêt : la Libye. Le pays est alors considéré comme un État terroriste par les puissances occidentales. Depuis Le Coup d’État de 1969, qui a vu arriver à sa tête Mouammar Kadhafi, on attribue à la Libye la plupart des attentats, dont le plus funestement « célèbre », celui de Lockerbie [mais on sait que commanditer par l’Iran des Mollah.]  Une tragédie survenue en Ecosse, le 21 décembre 1988, lors de laquelle l’explosion d’un avion de la Pan-Am fait 270 morts. La Libye est mise au ban de la scène internationale et le colonel Kadhafi est considéré comme le diable en personne. Cette mise à l’écart se traduit par des sanctions économiques qui affectent durement le pays, tout en renforçant le sentiment nationaliste des Libyens, dans un pays vouant un culte sans limite à son chef. Partout, à chaque coin de rue, dans chaque salle, dans chaque restaurant, et dans chaque école, trône un portrait du leader national. Le colonel soutient la lutte armée de l’IRA, une cause « juste » à ses yeux. Il voit le peuple irlandais comme révolutionnaire et anti-impérialiste, luttant face aux Britanniques. Ce soutien se matérialise notamment par la vente d’armes à l’IRA Provisoire, une des branches actives de l’armée républicaine irlandaise. Cette dernière, au début des années 70, se retrouve en difficulté pour l’importation de matériel militaire en Irlande en provenance des États-Unis.Image

Les livraisons d’armes libyennes reprennent dans les années 1980. Ainsi, en août 1985, le Casamara, un ancien chalutier, livre sept tonnes d’armes et de munitions, dont 70 AK-47 et des dizaines de pistolets. Deux mois plus tard, au large de l’île maltaise de Gozo, 10 tonnes d’armes sont transbordées sur le même bateau rebaptisé Kula, depuis un cargo en provenance de Tripoli. Le 10 juillet 1986, le supply villa, un ravitailleur de plate-forme pétrolière, livre 14 tonnes d’armes, et deux mois plus tard un second chargement de 80 tonnes, dont une tonne d’explosif semtex. Ces cargaisons ont été transbordées du Villa sur des petits bateaux en mer d’Irlande, au large de la côte sauvage de Clogga Strand (comté de Wicklow). Lors de ces quatre opérations clandestines, les services de renseignement britannique et irlandais ont été mis en échec. Dans les années 1980, le marchand d’armes allemand Peter Mulak est suivi par les services de renseignement français, il est à l’époque le fournisseur de plusieurs mouvements de guérilla en Afrique. L’intéressé travaille pour la société d’état bulgare Kintex à Sofia, laquelle est connue pour servir de couverture aux services de renseignement bulgares et soviétiques ; il est à l’époque le fournisseur de plusieurs mouvements de guérilla en Afrique.Linda Mcmurry: Address, Phone Numbers, Age, Public Records | VeripagesCourant 1987, Peter Mulak négocie une importante livraison d’armes et de munitions pour l’IRA, depuis la Libye. Le 14 octobre, les services occidentaux sont informés que l’armement est en cours de chargement dans le port de Tripoli à bord du caboteur panaméen Eksund. Dès son appareillage le navire est pisté. Le 30 octobre, alors qu’il navigue au large d’Ouessant, dans les eaux territoriales françaises, l’Eksund est arraisonné par la Marine nationale et les Douanes françaises, avant que l’équipage n’ait le temps de saborder le navire avec des charges explosives. Celui-ci est conduit sous escorte jusqu’à Brest pour inspection de sa cargaison. Au total, on dénombre : 20 missiles SAM 7, 40 lance-roquettes RPG 7, plusieurs centaines de FM AK-47, des pistolets 7,65, 10 tonnes d’obus de 106mm et un millier d’obus de mortier. Le navire et sa cargaison sont saisis par les douanes. Sur place, l’affaire est suivie par le Poste de Protection et de Sécurité de la Défense de Brest au profit de la DPSD, en liaison avec la DST et la DGSE. De 1970 à 1997, date de la signature des accords de paix, I’IRA s’est procurée d’importantes quantités d’armes et de munitions sur le marché parallèle, par l’intermédiaire de la Libye, avec l’aide des services secrets des pays de l’Est, jusqu’à la chute du communisme. En 1996, selon le Jane’s Intelligence Review la majeure partie de l’armement en possession de l’IRA dans les années 1980 provenait de Libye.Blutiger Freitag ist die Bezeichnung für die Bombardierungen durch die Provisional Irish Republican Army (IRA) in Belfast am 21. Juli 1972. 22 Bomben explodierten in einem Zeitraum von 80 Minuten, neun MenschenLes deux principales sources d’armement de l’IRA ont été les États-Unis et la Libye. Le principal réseau de trafic d’armes aux États-Unis était contrôlé par un républicain irlandais vétéran du nom de George Harrison. Il a fourni des armes non seulement pour la «campagne frontalière» (alias «campagne des années 50») de l’IRA, qui a été menée pendant plusieurs années jusqu’en 1962, mais aussi pour la campagne qui a commencé en 1969. Son réseau a finalement été démantelé au début des années 1980 par le FBI, mais on pense que les armes fournies par lui sont toujours utilisées. D’autres tentatives d’utilisation d’armes à feu ont été faites aux États-Unis, mais beaucoup se sont soldées par un échec. Les agences fédérales américaines, en particulier le FBI, sont devenues de plus en plus compétentes pour perturber les activités d’achat d’armes de l’IRA aux États-Unis. (Le FBI a formé une unité spéciale pour se concentrer sur les paramilitaires irlandais.)The Indo Daily: Gaddafi, guns and the IRA: could the Libyan despot ...On pense que la majeure partie du matériel actuellement dans les arsenaux de l’IRA a été expédiée de Libye au milieu des années 1980 avec l’aide d’un skipper, Adrian Hopkins, engagé à cet effet par l’IRA. Cependant, au début des années 1990, le colonel libyen Kadhafi a décidé de ne plus aider l’IRA et a informé les autorités britanniques du matériel expédié aux Provos. Les autorités britanniques ont, à leur tour, transmis ces informations aux autorités irlandaises, selon des sources de renseignement de la République. Avec la fermeture de la source d’approvisionnement libyenne et les difficultés croissantes à se procurer du matériel aux États-Unis, il n’est peut-être pas surprenant que pendant le cessez-le-feu, l’IRA ait résisté aux pressions pour retirer ses armes. Outre les considérations politiques, l’IRA était consciente des difficultés d’approvisionnement et d’importation de nouveaux stocks d’armes.Northern Ireland 1960-1998: The Troubles in 15 photos | The IndependentL’un des rôles du commandement sud de l’IRA est de stocker une grande partie des armements de l’organisation. De petits stocks sont stockés en Irlande du Nord pour l’utilisation immédiate des unités de service actives (ASU). On pense également qu’il existe des décharges d’armes dans les comtés frontaliers de la République qui sont sous le contrôle du Commandement du Nord. Cependant, la majeure partie des plus grandes réserves d’armes sont plus susceptibles d’être stockées dans des décharges plus profondes à l’intérieur de la République. Les quartiers-maîtres de l’IRA ont choisi cette stratégie en partie parce que la superficie de la République est environ trois fois plus grande que celle de l’Irlande du Nord, mais avec une présence policière/armée moindre. Il est considéré plus facile de trouver une cachette sûre pour le matériel au sud de la frontière plutôt qu’au nord.  Le quartier-maître général de l’IRA (QMG) est un homme vivant juste au sud de la frontière près de Dundalk et il contrôle les décharges d’armes dans diverses régions d’Irlande. Un autre personnage clé est un homme basé à Limerick qui relève du QMG et qui est responsable d’importants dépôts d’armes dans la région de Munster.  Les chefs de l’IRA ont appris au fil des ans comment contrecarrer les équipements sophistiqués de surveillance/détection qui peuvent être déployés par les forces de sécurité. Par exemple, afin de déjouer la surveillance aérienne, les grands bunkers d’armes sont désormais généralement construits à l’intérieur des bâtiments agricoles ou sous des fosses d’ensilage. Cependant, les forces de sécurité de la République ont progressé dans la saisie du matériel de l’IRA. Entre 1985 et 1993, la Garda, aidée par l’armée irlandaise, a saisi plus de 800 armes à feu de tous types, dont des mitrailleuses lourdes, ainsi que 300 000 cartouches.THE BATTLE OF BOGSIDE | Northern ireland troubles, Ireland history, Northern ireland

https://www.lemonde.fr/archives/article/1991/01/09/trafic-d-armes-entre-la-libye-et-l-irlande-du-nord-trois-republicains-de-l-ira-en-correctionnelle_4019533_1819218.html

https://espritsurcouf.fr/geopolitique_les-secrets-des-annees-kadhafi-kadhafi-et-le-terrorisme_par-joseph-le-gall/

https://www.pbs.org/wgbh/pages/frontline/shows/ira/inside/weapons.html

https://footpol.fr/irlande-libye-du-foot-du-boeuf-et-des-armes-1-2

https://cain.ulster.ac.uk/othelem/chron/ch91.htm

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