« L’émerveillement est à la base de l’adoration. »« Le salut du monde viendra de la pensée populaire. »Thomas Carlyle (1795-1881), est un écrivain, satiriste et historien écossais, dont le travail eut une très forte influence durant l’époque victorienne. Originaire d’une famille calviniste stricte, Carlyle se destine à une vie de prêtre. C’est lors de ses années à l’Université d’Édimbourg qu’il perd la foi. Il conserve cependant tout au long de sa vie les valeurs que lui ont inculquées ses parents. Cette synthèse d’un tempérament religieux et d’une foi chrétienne perdue contribue à rendre le travail de Carlyle – comme en France celui de Renan – intéressant aux yeux de nombre de ses contemporains, qui à l’époque sont aux prises avec des changements scientifiques et politiques menaçant l’ordre social établi.En 1827, Carlyle débuta à la Revue d’Edimbourg, par une étude sur L-P. Richter, et écrivit pour le Foreign Quarterly et le Fraser’s Magazine, une série d’articles réimprimés sous le titre Miscellanes. Malgré son labeur assidu, sa position devenait de plus en plus précaire. Et écrivait, en février 1835, que depuis vingt-trois mois la littérature ne lui avait pas rapporté un penny. Cette même année, il termina son premier volume de « The French Revolution » qui devait lui faire une renommée européenne. Il envoya le manuscrit à John Stuart Mill et en attendait le retour pour le donner à l’éditeur, lorsque Mill vint lui annoncer qu’une servante maladroite l’avait jeté au feu. « Pendant trois jours, dit-il, je ne pus ni boire ni manger ; j’étais comme étourdi. Je partis à la campagne, et, pendant trois mois, je ne fis que lire des romans de Marryat.-» Thomas Carlyle se remit cependant à l’œuvre et recommença son travail. Le volume terminé au commencement de janvier 1837 ne fut publié que six mois après. Les éditeurs, alors, lui firent de tous côtés des offres. Sartor Resortus, écrit depuis 1830 et successivement refusé par tous, parut, en 1838, dans le Fraser’s Magazine et le plaça au premier rang des penseurs. Dans cette oeuvre, qu’il donnait comme la traduction d’un prétendu livre allemand : Les vêtements, leur origine et leur enfance par Herr Teufelsdröckh (crotte du diable), publié par un éditeur de la ville on-ne-sait-où, il se montre critique impitoyable de la société anglaise, dans un style bizarrement hérissé de germanismes. L’année suivante, il donna Chartism, oeuvre profondément originale, comme langue et comme pensée.Revenu à Londres, il y faisait des conférences très suivies sur l’histoire et la littérature. Heroes and Hero Worship ou il développe son système politique (1841), Past and Present où il critique les prétendus progrès de la civilisation, et surtout les Lettres et discours d’Oliver Cromwell(1845), ne firent qu’accroître sa réputation. En 1850, vinrent les Pamphlets des derniers jours, l’année suivante la Vie de John Sterling, et enfin en 1858 les deux premiers volumes de son Histoire de Frédéric II, les autres parurent en 1861, 63 et 65. Le mérite de cette œuvre, au point de vue historique, est tel que, d’après Froude, les élèves des écoles militaires allemandes étudieront dans Carlyle les batailles de Frédéric, et Emerson déclarera que c’est le livre le plus spirituel qui ait été écrit. Carlyle a traité l’histoire d’une façon aussi neuve que singulière ; au contraire des autres écrivains, il la condense dans une suite de monographies. Sa théorie historique repose tout entière sur celle des hommes providentiels. Chaque époque aurait son génie, ses aspirations, ses besoins, ses vices même, personnifiés en un héros. Les héros seuls ont le droit de gouverner le monde. Cromwell serait, avec Napoléon, le type parfait du véritable héroïsme. Toute société conduite par des médiocres marche à sa décomposition. Sur cette idée, il base son système de philosophie de l’histoire. Esprit étrange et maladif, produit hybride du puritanisme anglican et de l’idéalisme allemand, il aspire à une reconstitution de principes et d’institutions entièrement opposées aux idées de Stuart Mill.
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