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3 Septembre 1759 – Le pape Clément XIII condamne l’Encyclopédie de Diderot

Age of Enlightenment: History, ideas, and characters - MalevusLa fabuleuse histoire de l’EncyclopédieLe 1 er juillet 1751, le premier volume de l'Encyclopédie Diderot et Alembert paraît. Quelle histoire est derrière sa création ? - QuoraL’encyclopédie, œuvre monumentale, n’est pas qu’un simple dictionnaire : Diderot y récuse l’idée de monarchie de droit divin et définit les limites de tout pouvoir, si bien que son « Encyclopédie », malgré le soutien du public, est violemment attaquée. L’impression et la diffusion des deux premiers volumes ayant déjà été suspendues en 1752, cette fois-ci, l’ouvrage est interdit. Il sera tout de même secrètement poursuivi par Diderot et le libraire Le Breton. Mais ce dernier censurera plusieurs articles à l’insu des auteurs, ce qui scandalisera Diderot lorsqu’il s’en apercevra.ImageLe 3 septembre 1759, le pape Clément XIII a condamné l’Encyclopédie, de Diderot, aussi intitulée Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers par une société de gens de lettres.ImageL’histoire de l’Encyclopédie

L’Ier juillet 1751 paraît le premier volume de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. C’est le début d’une aventure éditoriale sans précédent qui va bousculer les idées reçues en France et dans toute l’Europe. La production de dictionnaires et de grands ouvrages littéraires caractérise le siècle des Lumières. L’Encyclopédie en est l’ouvrage le plus représentatif, à une époque où un nouvel esprit philosophique se constitue, basé sur l’amour de la science et la tolérance.Diderot – À la française …En octobre 1750, un Prospectus présente le projet de Diderot pour convaincre d’éventuels souscripteurs de participer à son financement ; quatre mille personnes vont répondre à l’appel. L’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des Sciences, des Arts et des Métiers, veut décrire de manière la plus complète possible, les arts, les sciences et les métiers de son époque. Au XVIIIe siècle, les arts désignent toutes les activités humaines : le travail manuel, le travail des machines (les « arts mécaniques »), le travail de l’esprit (les arts dits « libéraux » comme l’astronomie, la musique, la logique…), les beaux-arts.Diderot-d'Alembert, le roman de l'Encyclopédie - Lyon CapitaleLe projet de Diderot 

La diffusion à grande échelle de l’état des connaissances dans tous les domaines est une entreprise inédite et révolutionnaire. On n’a encore jamais mis à contribution dans le même ouvrage, les philosophes et les détenteurs d’un savoir scientifique et technique. L’Encyclopédie est une œuvre pédagogique à visée éducative : l’ouvrage procède à un recentrage des savoirs autour de l’Homme. L’initiative du projet revient à l’écrivain et philosophe Denis Diderot (1713-1784) mais c’est une entreprise collective qui fait appel aux spécialistes de leur domaine : d’Alembert (qui a rédigé le Discours préliminaire en 1751) s’occupe des mathématiques, Bellin contribue à la géographie, Daubenton à la biologie, Rousseau à la musique et l’économie politique, Tronchin à la médecine… On trouve aussi Montesquieu, Voltaire, d’Holbach (chimie), Turgot, Forbonnais et François Quesnay (économie), Berthoud (horlogerie), parmi plus de cent cinquante collaborateurs, techniciens et praticiens, liés aux activités productives de leur temps.Pope Clement XIII – Papal ArtifactsL’Encyclopédie est un dictionnaire raisonné qui utilise un classement par branche de savoir, l’ordre alphabétique et le système des renvois entre articles. Elle intègre les « arts mécaniques » au sein des connaissances : la description des arts et des métiers impulsée par Diderot, offre un inventaire des procédés de fabrication, des inventions techniques et même des secrets d’ateliers. Elle inclut une collection sans précédent de définitions ; Diderot devient le premier homme de lettres à considérer la technologie comme une partie de la littérature. L’Encyclopédie propose onze volumes de planches, indispensables à la description des métiers. Les dessins et les gravures illustrent à merveille l’anatomie, l’histoire naturelle, les outils, les gestes du travail, la manufacture, bref tous les secteurs de la technique et de la production.L'Encyclopédie Diderot et d'Alembert - Archives départementales des ArdennesLa censure 

L’Encyclopédie est certainement l’ouvrage le plus surveillé et censuré de son temps et atteste de ce que représentent les Lumières : appétit de savoir, liberté de penser, nécessité de douter. Elle fournit donc un savoir mais aussi une critique du savoir véhiculé par les habitudes, les dogmes et les autorités. Ses prises de position audacieuses vont lui occasionner de nombreux ennuis qui débutent avec un article sur la Genèse. En février 1752, les Jésuites exigent la condamnation et l’interruption de la publication : le Conseil d’État du roi interdit de détenir les deux premiers volumes parus. Madame de Pompadour (maîtresse en titre de Louis XV) et Malesherbes, favorable à l’Encyclopédie et directeur de la Librairie (organe créé par Colbert, chargé d’octroyer des permissions et privilèges pour toutes les impressions réalisées en France), font lever l’interdiction et permettent la parution des cinq tomes suivants.How Diderot's Encyclopedia Challenged the KingEn 1757, les dévots attaquent les encyclopédistes coupables de critiquer la religion catholique : ils estiment que le but de l’Encyclopédie est d’ébranler le gouvernement et la religion. Le pape Clément XIII condamne l’ouvrage et le met à l’Index en mars 1759 : il demande aux catholiques de brûler les exemplaires en leur possession. À la même date, le Conseil du roi interdit la vente de l’Encyclopédie et exige le remboursement de tous les souscripteurs. En septembre 1759, Malesherbes obtient du roi la permission de faire publier les volumes de planches ; ils vont paraître à partir de 1762. D’Alembert ayant renoncé à poursuivre l’aventure, les dix derniers tomes sont publiés clandestinement par Diderot en 1765 et les deux derniers volumes de planches illustrées paraissent en 1772. En vingt ans, vingt-huit volumes ont ainsi été publiés. Dès le début des années 1770, Diderot reprend son activité d’écrivain car l’Encyclopédie est achevée. Cependant il ne publie aucun texte qui lui ferait courir de risques, en raison de ses positions sur l’athéisme, la colonisation. Certains de ses écrits ne seront connus qu’un siècle plus tard.ANR Le Saint-Simonisme 18-21 | Une utopie innovante à revisiterÀ savoir 

Entre 1776 et 1780, est publié le Supplément à l’Encyclopédie, composé de quatre volumes de textes, d’un volume de planches et de deux volumes de tables. Diderot ne participe pas en tant que rédacteur à cette entreprise. L’ensemble des volumes de l’Encyclopédie plus le Supplément, constituent les trente-cinq volumes de l’édition dite « de Paris ».  L’Encyclopédie a occupé un millier d’ouvriers pendant plus de vingt-cinq ans. Près de soixante-douze mille articles ont été produits, Diderot en a composé plus de mille. Le prix d’achat de la première édition (in-folio) s’élève à 980 livres tournois, le salaire annuel moyen d’un ouvrier ou d’un domestique se situant autour de 300 livres. Le poids d’un volume est d’environ dix kilogrammes et son format proche du « A3 » actuel.DIDEROT, Denis et Jean LE ROND D'ALEMBERT | ENCYCLOPÉDIE, OU DICTIONNAIRE DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES... PARIS, NEUFCHÂTEL, AMSTERDAM, BRIASSON, DAVID, LE BRETON,L’entrée des « Lumières » à l’Index : le tournant de la double censure de l’Encyclopédie en 1759

À partir de la double censure de l’Encyclopédie, celle modérée de la congrégation de l’Index, suivie de celle beaucoup plus sévère du Saint-Office, l’article s’efforce de préciser et de réévaluer les modalités intellectuelles et en particulier jansénistes du tournant zelante dont Mario Rosa avait décrit les coulisses au sein de la curie durant les années 1758-1759. L’étude minutieuse des deux dossiers replacés dans l’économie générale des mises à l’index d’ouvrages français dans la premier moitié du XVIIIe siècle permet de suivre l’émergence de la prise de conscience, dans l’esprit des qualificateurs et des consulteurs romains, des dangers d’une entreprise éditoriale dissimulant habilement l’action concertée d’un groupe, véritable complot contre l’Eglise et la Religion, nouvelle forme d’hérésie, celle de l’indépendance humaine, celle des « Lumières » radicalement opposées à la « Lumière naturelle » du christianisme.ImageL’Encyclopédie devant les qualificateurs du Saint-OfficeL'Encyclopédie / Diderot et d'Alembert., [2], Lutherie, L'encyclopédie Diderot et D'Alembert Lutherie RecueilLes différences que présente la censure du Saint-Office sautent immédiatement aux yeux. Longue de 27 pages, elle est de la plume d’un seul qualificateur, le camaldule Mauro Sarti, abbé de San Andrea et San Gregorio, professeur d’histoire, recteur émérite de l’université de Bologne. Il s’agit d’une personnalité qui fait partie de l’entourage janséniste de Mgr Pietro Tamburini par l’entremise du père Anselmo Bortoletti, procurateur général de la congrégation des bénédictins du Mont-Cassin à Rome. Le texte est précédé par la décision de publier un bref de proscription totale des éditions parisiennes et lucquoises, datée du 2 août 1759 et signée par le consulteur Felice Nerini, girolamite, abbé de San Bonifazio, ainsi que par le bref lui-même, signé par les consulteurs Agostini Orbi, dominicain, Lorenzzo Ganganelli, franciscain, Raimondo Besozzi, cistercien ainsi que Mauro Sarti. La qualification ne laisse plus aucune possibilité de correction puisqu’elle rejette en bloc la doctrine impie conduisant à l’irréligion et à l’infidélité.LES POLYTECHNICIENS ET L'AVENTURE SAINT-SIMONIENNELes propositions retenues par Mauro Sarti sont beaucoup plus longues que celles sélectionnées par ses collègues de l’Index et s’étendent parfois sur deux ou trois pages. Ni la chronologie des volumes ni même le respect de l’individualité des articles ne déterminent leur ordre. C’est désormais la volonté de lier les extraits les uns aux autres afin de produire du sens qui commande. Les passages sont, du reste, souvent résumés et commentés. Certains reviennent, soulignons-le, à de nombreuses reprises pour illustrer les différentes facettes de la démonstration. Ils tissent ainsi une toile inextricable qui englobe l’intégralité de l’ouvrage et dessine un projet commun aux différents auteurs. Mauro Sarti ne travaille pas dans la perspective d’une censure munie de la clausule donec corrigatur, il entend bien faire condamner l’ensemble de l’entreprise.

Il commence par justifier l’intervention de l’Inquisition dans un domaine qui ne relève apparemment pas de ses attributions. Il s’agit, certes, d’un livre qui concerne les disciplines humaines et les arts mécaniques, comme il se plaît à le souligner, mais en réalité de nombreuses erreurs contre la foi et la religion se cachent dans cet ouvrage. Ce livre contient des affirmations qui méritent une censure théologique. Sarti est le premier qualificateur à remarquer la convergence de plusieurs auteurs animés des mêmes sentiments contre la religion et la doctrine de l’Église. Il ne mentionne que D’Alembert, Voltaire, Rousseau de Genève et l’abbé de Prades. Diderot qui avait été pourtant repéré par les consulteurs de l’Index et qui a écrit de nombreux articles censurés (Aius Locutius, Animal, Casuiste, Célibat, Éclectisme) est passé complètement sous silence. En dehors de D’Alembert, la liste a d’ailleurs très peu de rapport avec la réalité des auteurs des propositions censurées, puisqu’aucune n’a été écrite par Rousseau et qu’une seule, concernant la grâce, est de la plume de Voltaire. Quant à l’abbé de Prades, ce n’est pas parce qu’il est l’auteur de l’article Certitude que son nom est évoqué, mais parce que sa thèse de théologie a été censurée par la faculté de théologie de Paris en 1751, et, élément supplémentaire accablant, parce qu’il s’est réfugié chez le roi de Prusse.

Presque tous les articles repérés par les consulteurs de l’Index sont conservés par le qualificateur du Saint-Office. Mais les propositions retenues sont considérablement élargies, de sorte que c’est chaque fois l’ensemble de l’article qui est dénoncé en réalité. Sarti rajoute une vingtaine d’articles de son propre chef. Ses choix semblent clairement orientés par les Préjugés légitimes contre l’Encyclopédie du janséniste Abraham Joseph Chaumeix, qui considère le traité d’Helvétius, De l’Esprit, mis à l’Index par un bref du pape le 31 janvier 1759, à la suite du mandement de l’archevêque de Paris du 22 novembre 1758, comme « l’abrégé » de l’Encyclopédie.

Sarti dispose ses propositions en fonction d’une démonstration qu’il mène crescendo dans le but de prouver leur nature « erronée », « fausse », « scandaleuse », « impie », « proche de l’hérésie et conduisant à l’incrédulité ». Il part de l’incrimination de la doctrine sensualiste à propos de l’article Évidence de Quesnay, auquel il joint l’article Animal de Diderot, sans l’attribuer. Les encyclopédistes enseignent que l’âme humaine ne peut agir, qu’elle n’est que passive et que ses actions ne sont le résultat que des sensations reçues de l’extérieur. Ce « sentiment intérieur » implique des conséquences inacceptables quant à la liberté humaine et à la toute-puissance divine, ainsi qu’il est souligné à propos de l’article Fortuit et à propos de l’article Évidence. Sur le plan moral, cette liberté conduit à la folie et à la dépravation. La Société DiderotComme s’il voulait établir une suite logique, Sarti passe ensuite à la catégorie de l’ » athéisme » et de la « liberté de penser ». Il cite plusieurs extraits de l’article Athée de l’abbé Yvon, qui transgressent les frontières entre la croyance et la non croyance et qui relativisent la définition de l’athéisme. Ses références montrent sa sensibilité janséniste, puisqu’il met en accusation, sur le même plan, le jésuite Richeome et le calviniste Bayle. À l’article Aius Locutius, déjà retenu par ses confrères de l’Index à propos du latin comme langue possible de la libre pensée, il adjoint l’article Casuiste, dans lequel il perçoit le même type de raisonnement fallacieux à propos de la liberté d’écrire en langue savante, ainsi que l’article Genève, patrie de la liberté de penser et d’écrire que les encyclopédistes célèbrent au même titre que Voltaire. L’hérésie est ainsi à nouveau discrètement pointée. Cette liberté s’exerce bien entendu en premier lieu contre le Tribunal de l’Inquisition. Sarti collectionne les citations dépréciatives glanées dans le Discours préliminaire, les articles Fanatisme, Accusation, École et l’Éloge de Montesquieu.

L’attaque de la religion emprunte également le biais de l’accusation de « fanatisme ». Sarti aborde le problème de la « tolérance » en évoquant le passage de L’Esprit des lois censuré par l’Index mais loué dans l’Éloge de Montesquieu : « Il est surprenant surtout que dans un siècle qui en appelle tant d’autres barbares, on lui ait fait un crime de ce qu’il dit de la tolérance, comme si c’était approuver une religion que de la tolérer.» Les propos d’Usbek sur le christianisme, déjà relevés par les consulteurs de l’Index, sont longuement cités. Sarti les lie à l’Éloge de Dumarsais, « théoricien gallican » qui a réfléchi aux bornes à mettre à la puissance spirituelle alors que pour D’Alembert, il est le défenseur des principes de la tolérance civile. Non content de collectionner toutes les mentions des maux engendrés par le fanatisme, l’enthousiasme et par les guerres de religion, Sarti associe – pour les condamner ensemble – leur énumération à la relativisation des querelles religieuses développée par D’Alembert dans l’article Formulaire. «Les querelles de religion, même les plus futiles, ne sont jamais à mépriser ; [qu’]il faut bien se garder de les aigrir par la persécution ; [que] le ridicule dont on peut les couvrir dès leur origine, est le moyen le plus sûr de les anéantir de bonne heure ; [qu’]on ne saurait surtout trop favoriser les progrès de l’esprit philosophique, qui en inspirant aux hommes l’indifférences pour ces frivoles disputes, est le plus ferme appui de la paix dans la religion et dans l’état, et le fondement le plus sûr du bonheur des hommes ».

À partir de là, Sarti déploie une longue litanie de toutes les attaques dirigées contre l’Église et contre la religion, litanie qui s’organise comme une ascension vers le pire : contre le culte extérieur et ses formes superstitieuses (Certitude, Flagellation, Culte, Christianisme, Analyse), contre la juridiction ecclésiastique (Église, Formulaire, Fêtes, Dimanche), contre la sacralité des prêtres et des bénéfices (Célibat, Collatur laïque), contre l’autorité du souverain pontife (Éloge de Dumarsais, Bulles, Censures, Évêques, Concile, Croisades), contre les mœurs (Faveurs, Femmes, Gloire, Fortune), contre le dogme catholique (Discours préliminaire, Grâce, Citation, Âme, Culte, Femme, Enfer). C’est une véritable exposition de la religion et de la théologie de l’Encyclopédie qui se dessine de la sorte !

https://www.futura-sciences.com/sciences/questions-reponses/livre-fabuleuse-histoire-encyclopedie-11180/

https://journals.openedition.org/rde/2363

31 Juillet 1784 – Mort de Denis Diderot écrivain et philosophe français

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