Fièvres typhoïde et paratyphoïde – André Chantemesse, « le père » du vaccin contre la fièvre typhoïdeDès 1888, André Chantemesse et son brillant élève, Fernand Widal, montrent que l’on peut conférer l’immunité contre la typhoïde à des animaux en leur injectant des doses élevées d’une culture de bacilles typhiques tués par la chaleur.La fièvre typhoïde est provoquée par une bactérie de la famille des salmonelles, présente dans l’eau et les aliments contaminés par des matières fécales. Cette maladie se manifeste par une forte fièvre de survenue progressive, des maux de tête, des douleurs abdominales avec vomissements ou diarrhées, etc. La fièvre et des troubles digestifs peuvent persister pendant plusieurs semaines avec, parfois, des complications graves. La fièvre typhoïde se soigne avec des antibiotiques adaptés. Le risque est assez faible pour les voyageurs.Cause
Les fièvres typhoïdes et paratyphoïdes sont causées par des bactéries appartenant au genre Salmonella, mais dont le réservoir est strictement humain. Ces bactéries appartiennent au sérotype Typhi ou moins fréquemment aux sérotypes Paratyphi A, B ou C. La contamination résulte, le plus souvent de l’ingestion d’eau ou d’aliments ayant subi une contamination fécale d’origine humaine ou d’une transmission directe de personne-à-personne.Symptômes
Une à trois semaines après la contamination survient une fièvre continue accompagnée de maux de tête, d’anorexie, d’abattement, de douleurs abdominales avec diarrhée ou constipation.Dans les formes bénignes, l’état reste stationnaire pendant une quinzaine de jours puis la convalescence dure plusieurs semaines. Dans les formes plus graves où des complications peuvent survenir au niveau de l’intestin, du cœur ou du cerveau, la fièvre typhoïde peut être fatale en l’absence de traitement.Traitement
Le taux de mortalité est de 10% en l’absence de traitement antibiotique efficace comparé à moins de 1% pour les autres formes de salmonellose.Une antibiothérapie appropriée abaisse le risque de mortalité à moins de 1%. Les fluors quinolones (ciprofloxacine) et les céphalosporines de troisième génération sont des antibiotiques de choix pour traiter les fièvres typhoïdes et paratyphoïdes. Cependant de plus en plus de souches résistantes aux antibiotiques sont isolées, en particulier en Asie du Sud- et dans le sous-continent Indien. Ainsi plus de 90 % des souches isolées dans ces régions sont de sensibilité diminuée aux fluors quinolones. Depuis 2018, des souches résistantes à la fois à la ciprofloxacine et aux céphalosporines de troisième génération ont été isolées en France métropolitaine. Ces souches originaires d’Asie du Sud sont sous étroite surveillance au CNR.Epidémiologie
Les fièvres typhoïdes et paratyphoïdes sont causées par des sérotypes de Salmonella strictement adaptés à l’homme, majoritairement Typhi, puis par ordre de fréquence décroissante, Paratyphi A, certaines souches de Paratyphi B et Paratyphi C. La contamination se fait par ingestion d’eau ou d’aliments ayant subi une contamination fécale d’origine humaine. Comme toutes les maladies à transmission oro-fécale, ces fièvres surviennent le plus souvent dans des zones où l’hygiène est précaire, et frappent principalement les pays en développement en Asie, en Afrique ou en Amérique Latine.Les données mondiales les plus récentes font état de plus de 20 millions de cas annuels de fièvre typhoïde et paratyphoïdes, et de plus de 200 000 morts (2).
La maladie, bien que beaucoup plus rare actuellement, reste toujours présente dans les pays industrialisés.En France, les fièvres typhoïdes et paratyphoïdes sont des maladies à déclaration obligatoire (DO) auprès des instances sanitaires depuis 1903. Depuis 2003, 100 à 250 cas d’infections à Salmonella Typhi, isolées en France métropolitaine sont répertoriés chaque année au CNR. Ces souches proviennent quasi-exclusivement de cas importés (Afrique et sous-continent Indien). Cependant, deux petites épidémies (7 à 10 cas) en lien avec des lieux de restauration ont été identifiées à Paris en 2003 et 2006. La source de la contamination était à chaque fois liée à la présence dans ces lieux de restauration d’employés porteurs sains de l’infection. L’existence de porteurs sains est une particularité de ces infections. Après guérison d’une fièvre typhoïde, 2 à 5% des individus continuent d’héberger l’agent pathogène (essentiellement au niveau de la vésicule biliaire) et sans signe clinique. A partir de ce réservoir, les bactéries sont excrétées épisodiquement dans les selles et peuvent être donc à l’origine de nouvelles infections de l’entourage. La fièvre typhoïde reste une maladie endémique sur le territoire national à Mayotte. En 2019, 53 cas de fièvre typhoïde confirmés au laboratoire ont été signalés dans ce département français.Prévention
La prévention repose sur la surveillance épidémiologique et la lutte contre le « péril fécal ». La dissémination des bactéries peut être enrayée par : une distribution d’eau de qualité, bactériologiquement contrôlée, le traitement des eaux usées, la généralisation du tout-à-l’égout, le contrôle des zones de récolte des coquillages, la pasteurisation des aliments, beurre et lait en particulier et le respect strict des règles d’hygiène pour tous les travailleurs du milieu de la restauration.Un vaccin anti typhoïdique bien toléré, ne nécessitant qu’une seule injection, peut être administré aux voyageurs se rendant dans des régions à risque. L’effet protecteur dure 3 ans et le taux de protection en zone d’endémie est de 60%. À propos d’André Chantemesse et ses recherches André Chantemesse, vers 1900. Il intégra l’Institut Pasteur en 1885. Puis, en 1888, il isole et décrit le microbe de la dysenterie. C’est lui qui, pour la première fois, en France, vaccina l’homme contre la typhoïde en 1899. Crédit : Institut Pasteur.Dès 1888, André Chantemesse et son brillant élève, Fernand Widal, montrent que l’on peut conférer l’immunité contre la typhoïde à des animaux en leur injectant des doses élevées d’une culture de bacilles typhiques tués par la chaleur. Après ces travaux de pionniers, des recherches complémentaires sont effectuées, en Angleterre et en Allemagne. Elles permettent d’accroître l’efficacité du vaccin. Des essais sont effectués sur l’homme tant en France qu’à l’étranger avec des résultats très encourageants.Ici s’introduit un autre acteur majeur, le médecin militaire Hyacinthe Vincent qui, depuis 1902, poursuit également des travaux en vue de la vaccination contre la typhoïde et qui comprend très vite l’intérêt qu’aurait pour l’armée une telle vaccination. En 1910, le ministère de la Guerre le missionne pour effectuer des essais de vaccination sur les troupes d’Afrique du Nord. Les résultats sont très encourageants et trouvent un écho attentif auprès du sénateur Léon Labbé qui dépose un projet de loi pour rendre obligatoire la vaccination anti typhoïdique dans toute l’armée française. La loi est votée le 28 mars 1914, donc 4 mois avant la déclaration de guerre. La production du vaccin et sa distribution sont confiées au Val-de-Grâce pour l’Armée de Terre et à l’Institut Pasteur pour la Marine.Le succès impressionnant des vaccins antithyphoïdiques
Lorsque la guerre éclate, les services de préparation du Val-de-Grâce, privés d’une grande partie de leur main-d’œuvre, sont débordés. Ils font rapidement appel à l’Institut Pasteur. La vaccination est pratiquée systématiquement à partir d’octobre.Assez rapidement, il s’avère que la vaccination contre la seule Salmonella typhi n’est pas suffisante pour protéger contre la typhoïde. En effet, des Salmonelles très proches de Salmonella typhi, les Salmonella paratyphi A et B, causent une maladie quasi identique à la typhoïde véritable. Or ces bactéries, bien que très proches, sont suffisamment différentes pour qu’une immunisation contre l’une ne protège pas contre les autres. La vaccination contre ces deux paratyphoïdes est alors adjointe à celle contre la typhoïde. Ce sera le vaccin TAB, administré aux armées à partir de 1916.Malgré quelques réticences dans le corps médical militaire, dues en particulier aux effets secondaires du vaccin, la campagne systématique de vaccination signe un bulletin de victoire. Les statistiques établies par le ministère de la guerre célèbrent le succès, impressionnant. Dans la zone des armées, dans les cinq derniers mois de 1914, on eut à déplorer 45 078 cas de fièvre typhoïde, avec 5 479 morts. Durant toute l’année 1917, il n’y eut plus que 1 678 cas avec 124 morts. Sans la vaccination et vu les conditions d’hygiène déplorables existant dans les tranchées et sur l’ensemble des fronts, le nombre de victimes de la première des épidémies de la Grande Guerre aurait pu être considérable. On a estimé le que le nombre de cas de typhoïde aurait dépassé, à cette date, le million, et celui des décès de plus de 150 000.Ce succès est reconnu par l’Académie des sciences qui remet le prix Osiris de 1915 « à l’œuvre de la vaccination antityphoïdique », prix qu’elle décerne à la fois à Chantemesse et Widal d’une part et à Vincent d’autre part, ses trois « inventeurs » et maîtres d’œuvre en France. La presse célèbre « les vainqueurs de la fièvre typhoïde. »
Depuis 1899, date de la découverte du professeur Chantemesse des centaines de milliers de vies humaines ont pu être sauvées. André Chantemesse est né au Puy-en-Velay le 13 octobre 1851. Une avenue du Puy porte son nom. Très méconnu du grand public, il a pourtant été l’un des plus grands médecins bactériologistes et hygiénistes de son temps.Élève de Pasteur
Élève de Louis Pasteur, le médecin a surtout été reconnu pour ses travaux sur la fièvre typhoïde. Il répétait : « Le XXe siècle verra disparaître la fièvre typhoïde, comme le XIXe a vu disparaître la variole ». Fils d’un négociant en dentelles, il entame, à 25 ans, des études de médecine. Après un parcours déjà long, en 1886, il entreprend des travaux sur la fièvre typhoïde.Brève histoire de la Fièvre Typhoïde
1880 : Carl Joseph Eberth découvre le Bacille de la Typhoïde
1881 : « Bacille d’Eberth » cultivé avec succès par Robert Koch
1888 : André Chantemesse et Fernand Widal démontrent la possibilité de protéger l’animal d’expérience par un vaccin cellulaire tué par la chaleur injecté par voie sous-cutanée (suspension très dense de S. Typhi) Widal développe le premier test de séro-agglutination (Sérodiagnostic de Widal) Chantemesse A. et Widal F., Recherches sur le bacille typhique et l’étiologie de la fièvre typhoïde,
1896 : Almroth Wright développe le premier vaccin tué par l’éthanol puis par la chaleur contre la typhoïde et sa stabilisation par le phénol. Diminution de la température d’inactivation augmente l’immunogénicité et permet d’injecter des doses inférieures mieux tolérées
1896 : Richard Pfeiffer (étudiant de Koch) et Wilhelm Kolle: co-découvreurs du vaccin contre la Typhoïde avec Wright
https://www.pasteur.fr/fr/journal-recherche/actualites/pasteuriens-grande-guerre-typhoide
https://www.vidal.fr/sante/voyage/avant-voyage/vaccins-voyage/fievre-typhoide.html
https://www.pasteur.fr/fr/centre-medical/fiches-maladies/fievres-typhoide-paratyphoide