Le jour où l’ETA a porté un coup fatal au régime franquisteLuis Carrero Blanco, Premier ministre d’Espagne (1973), assassiné par l’ETA«Un travail d’artistes», dit-on à Madrid. Les hommes qui ont tué, l’amiral Luis Carrero Blanco avaient pensé à toutSix mois après avoir été fait premier ministre de l’Espagne, Luis Carrero Blanco est tué à Madrid dans l’explosion d’une bombe qui soulève sa voiture. L’attentat est revendiqué par l’Euskadi ta Askatasuna (ETA), une organisation marxiste, opposée au président Francisco Franco, qui lutte pour l’indépendance du Pays basque. L’ETA, qui signifie Pays basque et liberté, est un groupe actif depuis juillet 1959. Dans sa lutte pour l’indépendance et contre le régime de Franco, cette organisation révolutionnaire marxiste se tourne vers des actions violentes au cours des années 1960. Le meurtre d’un chef de police, le 2 août 1968, contribue à sa notoriété. Le 4 décembre 1973, l’ETA frappe un grand coup. Une puissante bombe placée sous la rue Claudio Coello, à Madrid, fait exploser la voiture du premier ministre, l’amiral Luis Carrero Blanco, alors que celui-ci revient de la messe avec ses gardes du corps. Le choc est à ce point violent que la voiture de Blanco, décédé sur le coup, fait plus de 30 mètres dans les airs. L’ETA, qui ne prévoyait à l’origine qu’enlever le chef du gouvernement, revendique cet attentat qui constitue un coup d’éclat. Le premier ministre, qui avait succédé à ce poste à Franco, toujours le chef de l’État, le 8 juin 1973, est en effet considéré comme un des hommes les plus loyaux au président et un partisan des mesures répressives. Plusieurs perçoivent aussi ce farouche anticommuniste comme celui qui va assurer la continuité du Caudillo vieillissant, bien que ce dernier ait annoncé en 1969 que c’est Juan Carlos, petit-fils du dernier roi d’Espagne, Alphonse XIII, qui le remplacera à la tête de l’État. Au fil des ans, différentes hypothèses seront formulées relativement à la complicité possible d’autres groupes dans cet attentat spectaculaire (communistes, Central Intelligence Agency, etc.). Après le court intérim de Torcuato Fernandez-Miranda, c’est Carlos Arias Navarro, le ministre de l’Intérieur, qui devient premier ministre. Il laisse entrevoir des ouvertures démocratiques qui seront toutefois largement inachevées lorsque Franco meurt, en novembre 1975.
La très minutieuse préparation de l’attentatEt même à se faire passer, justement, pour des artistes, lorsqu’ils avaient loué, vers le 15 novembre, un sous-sol au 104 de la rue Claudio Coello, en plein centre, face au couvent des Pères jésuites. Les deux « sculpteurs » pouvaient se permettre de faire tout le bruit qu’ils voulaient. « C’est bien normal, commentaient leurs voisins : ils emménagent, et ils travaillent… » Et puis, ils étaient si souriants, si gentils. Leur « travail » a consisté, durant ces cinq semaines, à creuser un tunnel de 60 cm de diamètre jusqu’au milieu de la rue. A entasser le déblai au coin d’une pièce, dans des sacs de plastique vert et bleu. A dresser, au bout du tunnel, une voûte de trois barres d’acier pour empêcher la chaussée de s’effondrer au passage des voitures. Et à déposer, dans la cavité, 50 kilos de TNT.
“Traigo un saludo del generalísimo Franco que mira estas provincias con el mayor cariño por ser las más lejanas”, mensaje del entonces ministro Carrero Blanco al pueblo de Guinea Ecuatorial
“LA ESPAÑA RACISTA DE FRANCO”⬇️⬇️⬇️ pic.twitter.com/XBrbPMOWfP
— Bertrand Ndongo (@bertrandmyd) November 29, 2023
Vers 7 heures du soir, le 19 décembre, deux hommes en salopette bleue viennent poser 45 mètres de fil sur les façades des immeubles. « C’est pour les téléphones ? demande un concierge. -Non, c’est pour l’électricité… » Le lendemain, une heure avant l’attentat, ils reviennent, avec une échelle et une mallette. L’un dit, devant un passant : « Quelle poisse ! Il n’arrête pas de pleuvoir dans cette putain de ville. » L’un d’eux adosse l’échelle à un mur, à 70 mètres du 104, y monte : de là, il pourra prévenir son compagnon de l’approche de la voiture de l’amiral. Et pour être bien sûrs de ne pas se tromper d’une seconde, ils ont tracé un trait rouge vertical sur le mur du couvent, en face de la charge de TNT Un grand « C » lui fait face, peint auprès de la fenêtre du 104. Les saintes huiles. Quand le président du gouvernement espagnol quitte l’église des Jésuites, où il prie et communie chaque matin, il ne roule que quelques mètres. Une explosion formidable secoue la rue. Il est 9 h 30. Le R-P. Turpin, qui lit son bréviaire à l’un des étages supérieurs du couvent, voit passer en trombe, devant sa fenêtre, une voiture noire de 2 tonnes. « J’ai cru rêver », dira-t-il. Dans sa cellule, un autre jésuite, le R.P, Gômez Acebo, court, « tremblant atrocement », au placard où sont rangées les saintes huiles, descend l’escalier quatre à quatre pour administrer l’extrême-onction aux mourants qu’il pense trouver. Il croit à une explosion de gaz. Ce ne serait pas la première, à Madrid. Dans la rue, passants, policiers, puis pompiers se fraient un chemin dans les débris jusqu’au cratère qui barre la chaussée : 15 mètres de long, 10 de large, 4 de profondeur. Vitres brisées, murs lézardés, une quinzaine d’automobiles endommagées, une demi-douzaine de blessés… et, écrasée contre l’église des Jésuites, une voiture de police : celle des trois hommes – dont l’un est blessé – qui escortent habituellement l’amiral. « Et l’amiral ? » demande quelqu’un. Sa voiture n’est plus là. Est-elle passée avant l’explosion ? » Mais je viens de la voir », s’étonne un témoin. La Dodge Dart a été projetée à plus de 30 mètres de haut. Elle a éraflé la corniche du couvent, frôlé le clocher de l’église, et terminé sa trajectoire à l’horizontale, avant de s’écraser, à la hauteur du troisième étage, sur le balcon qui contourne le patio intérieur du couvent. Quelques oranges. De la voiture pliée en V, on retirera trois corps. L’amiral Carrero Blanco, complètement disloqué, un filet de sang au coin des lèvres, respire difficilement. Le policier, assis à ses côtés, a été tué sur le coup. Le chauffeur est mourant. Tandis qu’une ambulance conduit l’amiral à la clinique Francisco Franco, un policier ramasse mélancoliquement une chaussure. Au sous-sol du 104, il n’y a plus personne. On n’y retrouvera que des disques révolutionnaires, quelques oranges. Et deux cents sacs de terre, méthodiquement rangés au long d’un mur. La chasse aux Basques Les Basques responsables de l’attentat contre Carrero Blanco : tout le monde le dit. Une unanimité bien suspecte. La carcasse de la voiture de l’amiral Luis Carrero Blanco fumait encore que la Sûreté de Madrid avait déjà désigné les coupables : les extrémistes basques de l’Eta. On ne prête qu’aux riches. Mais ‘les coupables, cette fois, sont consentants : l’organisation séparatiste revendique elle-même l’attentat. Ainsi, tout paraît simple. Trop simple, même, pour être clair. Que l’Eta ait organisé l’attentat, toute porte à le croire. Mais quel groupe de l’Eta, parmi les tendances qui divisent le mouvement ? La police, péremptoire, a publié le signalement des six hommes qui auraient préparé le piège infernal de la rue Claudio Coello. Premier obstacle : ces hommes nient et fournissent de solides alibis. José Ignacio Abaitua Gomeza, 23 ans, -désigné comme un des cerveaux du complot, est en France depuis septembre 1972. « Depuis, affirme-t-il, je n’ai jamais remis les pieds en Espagne. » Dommage pour les policiers espagnols : Gomeza ferait un dmamitero idéal : c’est un ancien de l’Ecole des mines, et il a fait son service dans les sapeurs. Deuxième obstacle : la difficulté des Espagnols à localiser les meurtriers présumés de l’amiral. « Les auteurs sont encore en Espagne et vont essayer de gagner la France », dit la police. Or, Cromeza se trouve à Bordeaux. Et un correspondant de L’Express, trois jours après l’attentat, a rencontré, dans des bars de Bayonne et de Saint-Jean-de-Luz, la plupart des hommes désignés et accusés par la police espagnole. Il y a là plusieurs contradictions. Dans ces conditions, deux hypothèses : ou la Sûreté espagnole fait fausse route, ou elle cherche à brouiller les pistes en prêchant le faux pour savoir le vrai. Guardia civil. Dans sa démarche. Au moins, et quels que soient les résultats de l’enquête, un objectif constant et obstiné : disloquer le soutien logistique apporté aux extrémistes par les réfugiés basques espagnols en territoire français. Contrôles routiers, perquisitions, arrestations : la chasse à l’homme, pour l’instant, bat son plein en Espagne. Dans les quatre provinces basques (2 millions et demi d’habitants), beaucoup d’hommes n’osent plus dormir chez eux. Tous les jeunes Basques de moins de 30 ans ont dû remettre leur passeport à la Guardia civil. Jusqu’à nouvel ordre. Ces « Basques du Sud », dix fois plus nombreux que leurs compatriotes, de nationalité française, se reconnaissent-ils dans ces quelques centaines de jeunes gens enflammés (un millier, estime-t-on) qui constituent les commandos de l’Eta ? On considère généralement qu’en cas d’élections libres le vieux Parti nationaliste basque (PNB), jugé trop modéré par les jeunes de l’Eta, recueillerait encore dix fois plus de voix que les extrémistes. Dans les rangs mêmes de l’Eta, l’usage de la violence a profondément divisé l’organisation. Les scissions de 1971 ont partagé 5e mouvement en deux tendances principales. Les non-marxistes du Frente militar, partisans de la guérilla, appuyés par une partie du jeune clergé. Les marxistes-léninistes, qui prônent la révolution par l’action politique de masse. De l’autre côté des Pyrénées, 220 000 « Basques du Nord », citoyens français, s’interrogent sur les perspectives d’une telle action. Leur communauté de langue et de race leur interdit de désapprouver ouvertement. Mais leurs objectifs, compte tenu, déjà, de la différence des régimes, sont moins ambitieux. Cela dit, il ne faut pas s’y tromper : l’expulsion de réfugiés espagnols – on l’a déjà vu voilà un an – pourrait transformer les sympathies en solidarités agissantes.
¿Qué tienen que ver Kissinger, Carrero Blanco y el Proyecto Islero? Pues seguramente mucho. pic.twitter.com/aVpZlaEiVx
— 🇪🇸𝘌𝘚𝘗𝘈Ñ𝘖𝘓𝘗𝘜𝘙𝘈𝘊𝘌𝘗𝘈🇪🇸 (@espanol_pura) November 30, 2023
Luis Carrero Blanco – La description Les membres de l’unité Txikia d’ETA ont loué un sous-sol au n° 104 Calle Claudio Coello, où ils ont mis en service la soi-disant « Opération Ogre ». Ils ont creusé un tunnel jusqu’au milieu de la rue, où ils ont placé un gros engin explosif, qui était relié à un cordon d’alimentation allant au coin opposé de la rue. Le 20 décembre 1973 à 9 h 20, trois membres de l’ETA déguisés en électriciens font exploser la bombe au passage de la voiture transportant le Premier ministre, l’amiral Luis Carrero Blanco. L’explosion a été si puissante qu’elle a projeté la voiture juste au-dessus de la résidence jésuite et dans une cour intérieure. Les trois occupants du véhicule ont été tués. Luis Carrero Blanco avait occupé diverses fonctions militaires et politiques avant d’être nommé président du gouvernement (premier ministre) le 6 juin 1973. Quelques heures après son assassinat, l’ETA revendiquait l’assassinat dans un communiqué diffusé sur Radio Paris.LE PREMIER MINISTRE ESPAGNOL EST TUÉ COMME ASSASSINS BOMB AUTO ; HÉRITIER APPARENT DE FRANCOMADRID, 20 décembre – Le Premier ministre Luis Carrero Blanco, qui gouvernait l’Espagne au nom du chef de l’État vieillissant, Francisco Franco, a été assassiné ce matin. La paix superficielle qui régnait depuis plus de 30 ans a été soudainement brisée par une puissante explosion qui a projeté la voiture du premier ministre, âgée de 70 ans, cinq étages dans les airs. Il a atterri dans le haut patio intérieur d’une église catholique romaine où il venait d’assister à la messe.Le Premier ministre serait décédé peu de temps après avoir été transporté à l’hôpital Generalissimo Franco à quelques kilomètres de là. Son chauffeur et un garde de police ont été tués avec lui. La police de Madrid a déclaré qu’il y avait des indications que l’assassinat aurait pu être perpétré par des membres de l’organisation terroriste basque ETA, dont les initiales signifient « Nation basque et liberté ». Des rapports de Bordeaux, en France, ont indiqué que le groupe revendiquait la responsabilité du meurtre. Si la responsabilité est confirmée, ce serait la première fois que le groupe agirait en dehors du Pays basque nord.Tunnel utilisé par les assassins
Le gouvernement, cherchant prudemment à contrôler la tension, a attendu deux heures avant d’annoncer la mort du Premier ministre, alors que la nouvelle s’était rapidement propagée dans la capitale.Plus de neuf heures plus tard, il a reconnu qu’il avait été assassiné ; jusque-là, il avait attribué l’explosion à des «causes inconnues» et il y avait eu des spéculations sur une éventuelle explosion de gaz.
Selon la version officielle, les assassins ont construit un tunnel à partir d’un immeuble en face de l’église que le premier ministre a fréquenté jusqu’au milieu de la rue, où une lourde charge explosive a été déposée, apparemment sur une base métallique qui a dirigé l’explosion vers le haut. La charge a été déclenchée avec un chronométrage d’une fraction de seconde par télécommande, selon les responsables. L’attaque contre le Premier ministre, qui était un amiral, est survenue juste avant l’ouverture du procès tant attendu de 10 opposants de gauche au gouvernement accusés d’avoir dirigé une organisation syndicale illégale en dehors de l’organisation officielle. Une foule nombreuse et une forte force policière autour du Palais de justice accentuèrent la tension, qui monta sensiblement à mesure que la nouvelle de l’assassinat, d’abord sous forme de rumeur insistante, circulait rapidement. Pendant ce temps, le général Franco, qui a 81 ans et dont l’emprise sur les affaires de la nation s’est progressivement affaiblie avec l’âge, est resté dans son palais à l’extérieur de Madrid et n’a fait aucune déclaration publique. La mort de l’amiral de 70 ans écarta de la chaîne de succession celui que le général Franco avait choisi pour diriger le type de gouvernement autoritaire qu’il avait établi en Espagne après sa victoire sur les forces républicaines lors de la guerre civile en années trente.Après la mort du général Franco ou sa retraite en tant que chef de l’État, le prince Juan Carlos de Borbón devrait devenir roi en vertu d’une succession établie par la loi. Le prince, qui aura 36 ans le mois prochain, a été élevé dans la tradition de fidélité aux principes de gouvernement de Franco.
Mais c’est l’amiral Carrero Blanco qui devait être le véritable instrument de la continuité à la tête du gouvernement. En 1972, il a été désigné chef du gouvernement après le départ du général Franco, mais en juin dernier, il a été nommé immédiatement premier ministre. Jusque-là, le général était à la fois chef d’État et de gouvernement.Le rôle du prince
La nomination de l’amiral au poste de Premier ministre avait été considérée comme un moyen de se prémunir contre une éventuelle déviation du franquisme par Juan Carlos, soit sous la pression et l’influence des forces de libéralisation à l’intérieur du pays, soit en conséquence ; de l’ouverture d’esprit qu’il a montrée aux visiteurs dans une conversation privée. Avec la mort de l’amiral Carrero Blanco, le futur roi est désormais considéré comme ayant plus de marge de manœuvre pour que l’Espagne adopte des formes et des pratiques de gouvernement plus acceptables pour le reste de l’Europe occidentale. Le public a d’abord été stupéfait par la mort du premier ministre. Aucun incident n’a été signalé dans le pays. Le Cabinet s’est réuni une grande partie de la journée sous la direction du vice-Premier ministre Torcuato Fernandez Miranda, un conservateur comme l’amiral Carrero Blanco. Il s’est abstenu de toute action drastique, telle que décréter l’état d’urgence. Les forces armées auraient cependant été mises en état d’alerte. Trois jours de deuil ont été décrétés et le corps du premier ministre a été transporté au bâtiment du gouvernement central pour y être exposé.Nixon présente ses condoléances
L’amiral Carrero Blanco n’était pas une figure populaire à part entière et, par conséquent, il n’y avait pas de grande manifestation publique d’émotion. Cependant, les hommages officiels sont nombreux et la radio et la télévision annulent leurs émissions régulières et se limitent aux informations et à la musique classique. Le président Nixon a envoyé un message dans lequel il a déclaré que la mort de l’amiral provoquerait « un profond deuil en Espagne ainsi que dans le monde occidental ». Depuis Paris, le secrétaire d’État Kissinger, qui s’est entretenu hier avec le Premier ministre Carrero Blanco à Madrid, a déclaré au ministre des Affaires étrangères Laureano López Rodó que la mort était une « perte tragique » pour l’Espagne et l’Occident. À plusieurs reprises, cependant, le Premier ministre avait exprimé son hostilité à la démocratie occidentale et sa présence au pouvoir était considérée comme un obstacle majeur à l’entrée de l’Espagne dans la Communauté économique européenne et l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord. M. Fernandez Miranda, 58 ans, théoricien du régime franquiste, restera à la tête du gouvernement pendant une semaine à 10 jours jusqu’à ce que le général Franco le confirme comme successeur du Premier ministre ou désigne quelqu’un d’autre.Avant la mort de l’amiral Carrero Blanco, la tension montait à Madrid à l’approche du plus important procès politique d’Espagne depuis que celui des nationalistes basques à Burgos en 1970 avait provoqué l’urgence nationale.
L’affaire des 10 dirigeants ouvriers clandestins, emprisonnés depuis un an et demi, devait s’ouvrir à 10 heures. Dans les premières heures grises et pluvieuses du petit matin, une foule nombreuse de sympathisants commença à se rassembler au Palais de La justice demande l’entrée et des policiers anti-émeutes étaient sur place pour repousser les manifestants.
Procès interdit à la presseDes délégués de syndicats étrangers se sont rassemblés dans le palais, mais eux et des journalistes représentant des journaux espagnols et étrangers se sont vu refuser l’entrée dans la salle d’audience.
En fin d’après-midi, quelques observateurs syndicaux étrangers, dont certains des Etats-Unis, ont été admis.
Quinze minutes avant l’heure prévue de l’audience, la bombe a explosé dans une rue résidentielle calme non loin de là.Chaque matin avant d’aller travailler, l’amiral, un homme profondément religieux qui se considérait comme un défenseur de la civilisation chrétienne contre le communisme athée, assistait à la messe dans une église jésuite à quelques pâtés de maisons de son immeuble. L’église de San Francisco de Borja est un grand bâtiment en briques rouges situé en face de la rue Serrano par rapport à l’ambassade américaine. Le premier ministre, qui avait peu de gardes du corps, aurait utilisé des portes latérales. Après la messe, le premier ministre monta dans sa voiture, une Dodge de fabrication espagnole, et se dirigea vers son bureau à quelques minutes de là sur la Castellana Parkway. La voiture est passée de la rue Maldonado à la rue Claudio Coello et une seconde plus tard a été soulevée dans les airs par l’explosion, dégageant le toit de l’église et atterrissant dans un patio supérieur. L’explosion a créé un grand cratère dans la rue, qui s’est rapidement rempli d’eau à cause des fortes pluies tombées tout au long de la matinée. Une dizaine de voitures ont été ensevelies sous les décombres et quelques personnes dans la rue auraient été blessées. Le bâtiment de l’église et les immeubles d’appartements qui lui font face n’ont cependant pas été gravement endommagés, à l’exception de fenêtres brisées. Un seul bâtiment présentait des marques de pock notables. M. Fernandez Miranda, le Premier ministre par intérim, a déclaré ce soir à la nation par la radio et la télévision que l’ordre régnait partout et serait maintenu « avec la plus grande fermeté ». Il a prédit que les assassins seraient traduits en justice.Rôle basque rapporté
BORDEAUX, France, 20 décembre (AP) – Une annonce présentée par l’organisation séparatiste basque ETA a affirmé ce soir que le groupe était responsable de l’assassinat du Premier ministre Luis Carrero Blanco. Les dirigeants basques en exil, cependant, ont déclaré qu’ils ne connaissaient aucun lien basque avec l’assassinat et ne croyaient pas à cette affirmation.
Le jour où l’ETA a porté un coup fatal au régime franquiste
En 1973 cette semaine, l’héritier présomptif du dictateur, Carrero Blanco, était assassiné L’organisation terroriste était responsable de l’attentat à la bombe, qui a laissé un énorme cratère dans son sillage
Le matin du 20 décembre 1973 était glacial à Madrid. À 9 h 35, une Dodge Dart noire a descendu la rue Claudio Coello, dans le quartier huppé de Salamanca, et est passée devant un immeuble appartenant aux jésuites. Les occupants de la voiture étaient le Premier ministre Luis Carrero Blanco – l’héritier présomptif de Franco – son chauffeur et un inspecteur de police. Lorsque la Dodge a atteint le numéro 104 de cette rue, une Austin en double stationnement l’a forcée à dévier vers la droite. A ce moment précis, 9h36, le membre de l’ETA Jesús Zugarramurdi (mieux connu sous le nom de « Kiskur ») a fait un signe à José Miguel Beñarán (alias « Argala »), qui était monté sur une échelle, déguisé en salopette d’électricien. Argala appuya sur le bouton.
Instantanément, le sol s’est ouvert sous la Dodge et la voiture avec ses trois occupants à l’intérieur a été projetée à 35 mètres dans les airs. La voiture a navigué au-dessus du bâtiment et a vacillé sur les avant-toits avant de s’écraser dans la cour intérieure. Il y eut un bruit assourdissant, des décombres tombèrent dans la rue et un nuage de poussière s’éleva dans l’air.
La voiture a survolé le bâtiment et s’est écrasée dans une cour intérieure
Au milieu de toute la confusion, Kiskur et Argala ont crié « Gas ! Gas ! » et a commencé à courir vers la rue voisine de Diego de León. Les attendait à l’intérieur d’un véhicule, au coin de Lagasca, le troisième membre de la cellule de l’ETA responsable de l’assassinat, Javier Larreategi, ou « Atxulo ». La voiture s’est dirigée vers le carrefour Rubén Darío et a pris la rue Miguel Ángel, où les tueurs se sont arrêtés devant l’académie de police et ont changé de véhicule avant de se diriger vers leur cachette de la rue Hogar, dans la ville voisine d’Alcorcón.
Pendant ce temps, la confusion régnait sur et autour de la rue Claudio Coello. Carrero Blanco est décédé à 10h15 à l’hôpital. Ses deux compagnons dans la voiture, qui ont également survécu à l’explosion et à l’accident initiaux, sont morts peu après de leurs blessures. Les services d’information de la dictature n’ont rapporté que l’ETA était derrière l’attaque qu’à 17 heures. A 23 heures le même soir, le groupe basque s’attribue le mérite de l’assassinat dans un communiqué diffusé sur Radio Paris. Une heure plus tard, le vice-Premier ministre Torcuato Fernández-Miranda a confirmé la nouvelle.
Les trois membres de l’ETA sont restés enfermés dans leur appartement d’Alcorcón jusqu’à la fin du mois, lorsqu’ils ont été emportés par leur contact madrilène, Eva Forest, une dissidente du Parti communiste espagnol (PCE). Un camion les a conduits vers le nord jusqu’à Hondarribia, une ville frontalière basque du Gipuzkoa. De là, ils ont traversé la France par la rivière Bidassoa.
L’assassinat de Carrero Blanco a ébranlé l’Espagne franquiste, qui s’était déshabituée de la violence après que les communistes espagnols aient renoncé à la guérilla et opté pour la réconciliation nationale dans les années 1950. Il s’agit du deuxième meurtre organisé par l’ETA – le premier remontant à 1968, lorsqu’il a assassiné le chef de la police de San Sebastián, Melitón Manzanas – et celui qui a attiré l’attention internationale sur l’organisation terroriste.
L’histoire de cet assassinat d’un dirigeant national remonte à 1972. Ángel Amigo – alors militant de l’ETA arrêté en 1973, devenu producteur de films en 1980 et qui a remporté plusieurs prix de l’industrie depuis – dit qu’Argala, alors âgée de 23 ans, était devenu un assistant de confiance de la direction de l’ETA. Au cours de l’année 1972, il se rend plusieurs fois à Madrid avec un triple objectif : établir des contacts avec la gauche espagnole, mettre en place des infrastructures dans la capitale et vérifier les possibilités d’une attaque afin de relâcher la pression sur son organisation de retour dans le Région basque.
Les services de presse se sont abstenus de rapporter que l’ETA était derrière l’attaque
Argala a trouvé la personne qu’il cherchait : Eva Forest, mariée au dramaturge Alfonso Sastre, tous deux dissidents du PCE. Le couple ressentait de la sympathie pour les mouvements de libération du monde – au Vietnam, en Amérique latine, en Palestine et ailleurs. Argala les a convaincus que l’ETA faisait partie de la lutte anti-impérialiste mondiale.
Forest a donné à Argala une information très précieuse : Carrero Blanco, successeur de Franco puis vice-Premier ministre, se rendait à la messe tous les jours à la même heure au même endroit, en compagnie d’un seul garde du corps. Quand Argala a vérifié cela par lui-même, il était perplexe.
Amigo note également qu’en 1977, Forest – décédée il y a six ans – lui a raconté comment elle avait écrit une histoire sur l’attaque, Operación Ogro, qu’elle a parsemée de faux indices afin de protéger les auteurs, qui vivaient sous couverture. Forest l’a écrit avec l’aide des tueurs eux-mêmes, trois mois seulement après l’attaque, dans une villa de Ciboure, un village du Pays basque français où de nombreux membres de l’ETA se cachaient dans les années 1970 et 1980.
Publiée sous le pseudonyme de Julen Aguirre, l’histoire affirmait que le groupe s’était enfui au Portugal immédiatement après l’assassinat, alors qu’en fait les trois membres étaient restés à Madrid pendant plusieurs jours.
Forest a également créé un personnage fictif pour se protéger et a affirmé que cet individu avait rencontré Argala dans une cafétéria appelée Mindanao, rue San Francisco de Sales à Madrid, pour lui parler des routines quotidiennes étonnamment prévisibles de Carrero Blanco. C’est ce personnage fictif qui a engendré le mythe répandu selon lequel la CIA était derrière l’assassinat. Aucun document déclassifié de la CIA n’a jamais fait la moindre référence à l’attaque, insiste Amigo. Pourtant, il existe une abondante littérature désignant la CIA comme l’instigateur intellectuel du crime.
https://www.lexpress.fr/informations/20-decembre-1973-l-attentat-contre-carrero-blanco_777700.html
https://english.elpais.com/elpais/2013/12/18/inenglish/1387374599_382537.html
https://mapadelterror.com/victims/luis-carrero-blanco/?lang=en