Comment Charlie Chaplin, le génie de la liberté a été expulsé des États-UnisAprès vingt ans d’exil Charlie Chaplin retourne aux États-UnisAprès que Charlie Chaplin ait été qualifié de communiste par le sénateur Joseph McCarthy en 1952, l’icône hollywoodienne, qui avait voyagé à l’étranger en Europe, n’a pas été autorisée à retourner aux États-Unis. Chaplin s’est installé en Suisse et a finalement été autorisé à rentrer chez lui le 2 avril 1972 pour recevoir un Oscar honorifique.En route vers Los Angeles où il serait honoré par l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences, Charlie Chaplin passa quatre jours à New York début avril 1972, où il fut honoré par la Film Society of Lincoln Center lors d’un gala au profit de l’organisation. Martin E. Segal réfléchit à ramener Chaplin en Amérique.Cette soirée était la première de ce qui allait devenir un événement annuel au cours duquel la Film Society of Lincoln Center rend hommage aux légendes du cinéma. Il y a plusieurs années, la Film Society a décidé de nommer la reconnaissance, de la manière la plus appropriée, le prix Chaplin – en l’honneur du plus grand acteur et réalisateur du cinéma.Charlie Chaplin acclamé par la foule au Lincoln CenterC’était le retour du héros conquérant lorsque 2 836 personnes ont rempli le Philharmonic Hall du Lincoln Center pour donner à Charlie Chaplin un accueil tonitruant dans deux ovations debout distinctes.Chaplin aux cheveux argentés, qui aura 83 ans le 16, assis dans une loge de niveau supérieur avec sa femme, Oona, Martin E. Segal, président de la Lincoln Center Film Society, et David Rockefeller, a évidemment été touché lorsqu’il a exprimé son appréciation d’une voix ferme.« Tout d’abord, merci pour vos merveilleux applaudissements. C’est tellement gratifiant de savoir que j’ai autant d’amis », a-t-il déclaré. « C’est facile pour vous mais difficile pour moi de parler ce soir, car je me sens très ému. Je suis content d’être parmi tant d’amis. Merci. »
Charlie Chaplin Receiving an Honorary Oscar in 1972 #Oscars #Hollywood pic.twitter.com/lvESNvBrAZ
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Après les projections de The Idle Witch et The Kid, interrompues à plusieurs reprises par des applaudissements, Chaplin s’est levé à nouveau pour dire : « J’ai l’impression d’être l’objet d’une renaissance complète – comme si je renaissais. »Plus tard, lors d’une petite réception privée, Charlie, assis à une table, a salué son ex-femme, Paulette Goddard (embrasée de rubis), sa principale dame de Limelight, Claire Bloom, et son mari, Hillard Elkins – se souvenaient d’amis de ses jours à Hollywood. — Lillian Gish , Douglas Fairbanks Jr. , Leatrice Joy , Lois Wilson , Foris et Jules Stein , et une foule d’autres célébrités, dont Leoplod Stokowski , Bella Abzug , le sénateur Jacob Javitz , Joanne Woodward , Gore Vidal ,Norman Mailer , Celeste Holm , Patrick O’Neal , Johnny Carson , Otto Preminger , Walter Reade , Candice Bergen (elle prend des photos pour Life ) et Gloria Vanderbilt et Wyatt Cooper . Comme toujours, Oona O’Neill , charmante et effacée, était à ses côtés. Il ne semblait pas le moins du monde fatigué alors que ses yeux brillaient d’un plaisir évident devant le succès de la soirée.« J’attends avec impatience mon retour à Hollywood et mon apparition aux Oscars lundi soir », m’a-t-il dit.
Quand Charlie Chaplin a été victime de la chasse aux sorcières aux Etats-UnisCharlie Chaplin est l’une des stars d’Hollywood qui a été victime du maccarthysme aux Etats-Unis. Soupçonné de sympathies communistes, son visa de retour dans son pays d’adoption a été annulé en 1952. Le créateur de Charlot finira ses jours en Suisse.
« Que je revienne ou non dans ce triste pays avait peu d’importance pour moi. J’aurais voulu leur dire que plus tôt je serais débarrassé de cette atmosphère haineuse, mieux je serais, que j’étais fatigué des insultes et de l’arrogance morale de l’Amérique ». Charlie Chaplin dans son autobiographie « Histoire de ma vie »
Persuadé que Charlie Chaplin était à la solde de Moscou, J. Edgar Hoover, le grand patron du FBI, n’a eu de cesse de l’espionner pendant trente ans pour tenter de révéler ses activités « antinationales ».
Pendant 50 ans, Charlie Chaplin est mis sous écoute, sa vie privée scrutée, ses comptes dépouillés, ses films analysés jusqu’aux moindres détails par le FBI, persuadé que cet étranger ayant fait fortune en Amérique entretient des sympathies communistes. Au terme de 50 ans d’une traque obsessionnelle, le dossier Chaplin comprend 2’000 pages. Le premier mémo remonte à 1922 et la dernière note à 1978, soit un an après sa mort.Un homme en particulier est convaincu que Chaplin est dangereux pour les Etats-Unis: J. Edgar Hoover, directeur du FBI pendant 48 ans, raciste, sexiste, homophobe mais surtout viscéralement anticommuniste. Le duel entre le juriste et l’artiste est à l’image des courants idéologiques qui déchirent alors les Etats-Unis. Mais commençons par le commencement.Quand Charlie Chaplin arrive en Californie, en 1910, Hollywood n’est encore qu’un groupe de petites sociétés artisanales. Rapidement, il invente le personnage de Charlot, et tout aussi rapidement, il exige de réaliser lui-même ses films. Succès! Quatre ans plus tard, Chaplin est à la tête d’une fortune considérable. En 1917, après avoir imposé la figure du vagabond comme le porte-parole des faibles, des migrants, des chômeurs, des ouvriers exploités, l’acteur crée sa propre maison de production. On lui reproche déjà de ne pas vouloir la nationalité américaine alors que c’est sur son sol qu’il a bâti sa renommée.
Ascension fulgurante et premiers soupçonsAprès la Première Guerre mondiale, Hollywood devient le centre mondial du cinéma. Pour contrer le pouvoir des majors, Chaplin monte avec Griffith et Mary Pickford un réseau de distribution, « United Artists ». Il est totalement indépendant tandis que Washington s’inquiète de la propagation des idées bolchéviques et du foyer le plus enclin à les accueillir : Hollywood.Chaplin qui vient de tourner « La Ruée vers l’or » – le plus gros succès du cinéma muet – est dans le collimateur mais c’est pour une affaire de mœurs qu’il aura droit à sa première fiche FBI : son mariage en 1918 avec Mildred Harris, une jeune fille de 16 ans qu’il a mise enceinte, et dont l’enfant mourra trois jours après la naissance.
Le couple divorce en 1920 et Mildred attaque Chaplin en justice pour dépravation sexuelle et cruauté. Tout comme le fera sa deuxième épouse et mère de ses deux premier enfants, Lita Grey, qui l’accuse d’infidélité et de violence. Chaplin doit débourser un million de dollars pour divorcer. Leur procès fait la une de tous les journaux et plusieurs ligues des familles appellent au boycott des films de Chaplin.Au même moment se crée la Motion Picture Producers and Distributors of America (MPPDA) qui, sous pression, met au point un code de bonne conduite dont la première mesure est l’obligation de fournir un certificat de bonne moralité pour toute personne apparaissant à l’écran. C’est cette même MPPDA qui sera à l’origine du code Hays, un système d’autocensure qui interdit de faire ou de montrer certaines choses à l’écran, comme encenser le crime ou l’adultère, se moquer de la religion.
Mais comme Chaplin est totalement indépendant, il échappe aux règles qu’imposent les majors à ses artistes. Cela ne fait que le rendre plus dangereux aux yeux du FBI et de son patron J. Edgar Hoover qui fait de la chasse au Chaplin une croisade personnelle. « Les Temps modernes » en 1936, critique sévère d’un capitalisme inhumain, agace particulièrement les politiciens et lobbies conservateurs mais le film plaît au public et les comptes du cinéaste sont irréprochables : rien n’indique qu’il contribue à la cause communiste.
S’il nie être communiste, Chaplin n’en a pas moins des opinions qui heurtent le patriotisme américain, à l’image du monologue final, humaniste et pacifiste, du « Dictateur » (1940).Merci, camaradesAvec quelques autres, dont Orson Welles et l’écrivaine Pearl Buck, prix Nobel de littérature en 1938, Charlie Chaplin pense qu’il faut soulager la Russie dans sa lutte contre le nazisme, en ouvrant un second front. Il devient même explicite en 1941. Appelé à remplacer l’ambassadeur des États-Unis en URSS lors d’un meeting organisé par le Comité de soutien américain de secours de guerre à la Russie, Chaplin interpelle 10’000 sympathisants d’un vibrant « Camarades ». Il se met à dos tout le congrès, et même le président Roosevelt, dont il avait défendu la politique du new deal. Mais cela ne suffit toujours pas à en faire un paria et Hoover fulmine de ne pas pouvoir coincer ce « sale petit Anglais donneur de leçons » qui s’est enrichi aux États-Unis.Détruire son imageA défaut de trouver des preuves de son « antinationalisme », le FBI s’évertue à salir la réputation de la star, notamment en profitant de l’affaire qui l’oppose à l’actrice Joan Barry avec qui il a entretenu une relation intermittente. La pièce au dossier est une facture d’hôtel. La jeune femme, encouragée par le FBI, entame une procédure de reconnaissance de paternité à l’endroit de son ancien amant. Même si l’enfant n’est pas de lui – les tests le confirment – Chaplin est contraint par les tribunaux à verser à cet enfant dont il n’est pas le père une pension alimentaire jusqu’à sa majorité.Relayé par la presse à scandales, le FBI exploite cette affaire, allant même jusqu’à accuser Chaplin d’avoir violé le Mann Act qui interdit « le transport de femmes d’un Etat à un autre à des fins sexuelles ». C’est absurde, Chaplin est acquitté mais le dégât d’image est conséquent.Visa sans retour Persécuté par les médias, surveillés par le FBI, encadré par le MPPDA, Chaplin est fatigué. Il abandonne la redingote élimée de Charlot pour enfiler la veste de « Monsieur Verdoux » (1947) une tragi-comédie vaguement inspirée des crimes de Landru sur fond de Grande Dépression. C’est dans cette comédie noire que le personnage, dénonçant l’hypocrisie dont il est victime, déclare : « Si on tue une seule personne, on est un assassin ; si on en tue un million, on est un héros ».Dans le climat d’espionnite et de guerre froide qui prévaut, le film est un échec commercial. Chaplin ne plaît pas autant que Charlot. En 1947, le FBI lance une enquête officielle à son encontre, et certains demandent son expulsion. En 1952, quand il présente à Londres son film le plus autobiographique, « Les Feux de la rampe », son sourire est crispé. Charlie Chaplin vient d’apprendre l’annulation de son visa de retour par le procureur général des États-Unis, James McGranery.Sa chute de popularité aux États-Unis est sans précédent. Il faudra attendre les années 60 pour que ses films retrouvent grâce aux yeux du public et 1972 pour qu’Hollywood se fasse pardonner en lui décernant un Oscar d’honneur. La standing ovation dure douze minutes, c’est la plus longue de l’histoire de l’Académie. Chaplin n’avait plus foulé le sol américain depuis 21 ans.
https://www.filmlinc.org/daily/the-birth-of-the-chaplin-award/