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15 Janvier 1999 – Arrêt planifié de la fin de l’énergie nucléaire en Allemagne

Will Russia's War in Ukraine Shift Germany's Stance on Nuclear Energy and Weapons?L’Allemagne confirme son abandon total du nucléaireNew-build nuclear must face down industry's costly past | S&P Global Market IntelligenceLe 15 janvier 1999 la décision formelle prise par le gouvernement de Gerhard Schröder de sortir du nucléaire, les autorités et les industriels français semblaient, désorientés. Alors que cette décision était au cœur de l’accord entre les Verts et les sociaux-démocrates allemands, beaucoup en France espéraient que cette annonce n’aurait jamais lieu.https://static.dw.com/image/60300204_605.jpgAujourd’hui, c’est toute l’industrie nucléaire française qui vacille. Au premier rang, la Cogema (Compagnie générale des matières nucléaires), qui retraite et recycle le combustible usé, notamment celui des Allemands. Celle-ci parle déjà d’une perte d’activité de 30 milliards de francs. Au deuxième rang, Framatome, le constructeur de chaudières nucléaires : son avenir, dans cette filière, était fondé sur un nouveau réacteur, l’EPR, qu’il devait construire pour les Allemands et avec eux (le groupe Siemens est associé au projet). Au total, des milliers d’emplois sont concernés. Le ministre allemand de l’Environnement, le Vert Jürgen Trittin, est arrivé hier soir à Paris pour expliquer la politique allemande et prendre la mesure des tensions entre les deux pays sur le sujet.Nuclear Power: 3 Reasons It Has Returned to the Energy and Climate DebateLe plan allemand, arrêté mercredi soir après plusieurs semaines de bisbilles entre sociaux-démocrates et écologistes, sera présenté au Bundestag le 27 janvier, pour être adoptée dès mars. Il proclame «la fin certaine et planifiée» de l’utilisation en Allemagne du nucléaire dans le dessein de produire de l’énergie. Il stipule que «plus aucune autorisation ne sera donnée pour de nouveaux sites nucléaires destinés à la production d’énergie» et que «le retraitement des combustibles irradiés sera interdit» à partir du 1er janvier 2000.ImageEn Allemagne, l’abandon du nucléaire s’est-il accompagné d’un recours accru aux énergies fossiles ?Why America abandoned nuclear power (and what we can learn from South Korea) - VoxLa production nette d’énergie allemande est de moins en moins dépendante des énergies fossiles. Si une nouvelle centrale thermique a été inaugurée en 2020, une vingtaine ont déjà été fermées en dix ans.

Le désengagement du nucléaire s’est-il réellement accompagné d’un recours accru aux autres énergies fossiles outre-Rhin ? Y a-t-il eu une augmentation de la production d’énergie par le lignite (charbon riche en sulfure et plus pauvre en carbone que la houille, et donc à la fois plus polluant et moins énergétique) ?Nuclear energy could come to Indiana under new billRéduction programmée de la part des énergies fossiles

L’abandon progressif du nucléaire en Allemagne a été décidé en 2002 (avec un quota maximum de production d’énergie sur la durée de vie restante des centrales). Toutefois, la politique énergétique allemande a reçu un très grand coup d’accélérateur en 2011, à la suite à l’accident japonais de Fukushima. Elle programme alors la fermeture de ses dernières centrales nucléaires pour 2022, et de ses centrales à charbon pour 2038 «au plus tard». Une substitution doit s’opérer progressivement vers des énergies dites renouvelables (éolien, hydraulique, photovoltaïque, biomasse, déchets ménagers…), dont certaines sont intermittentes à l’échelle d’une journée, comme le solaire et l’éolien, et d’autres essentiellement «pilotables», comme l’énergie hydraulique.  Quelle que soit la capacité théorique de production des parcs – qu’ils soient «renouvelables» et «non-renouvelables», celle-ci ne correspond jamais à la production effective d’électricité. Il s’agit donc de déterminer quelle part de l’énergie injectée dans le réseau provient de quelles sources.

Production annuelle nette d’électricité : moins de nucléaire et d’énergies fossilesImageNous avons sollicité l’office allemand de la statistique (Destatis) ainsi que le BDEW (organisme qui coalise les acteurs de la production d’énergie du pays) pour connaître l’évolution annuelle de la production nette d’électricité, par type de production, sur les quinze dernières années. Nous reproduisons ci-dessous ces données sous forme graphique (en valeur absolue et en pourcentage de la production totale).Why America abandoned nuclear power (and what we can learn from South Korea) - VoxComme on le voit, l’investissement dans les énergies dites renouvelables outre-Rhin s’est réellement accompagné d’une importante baisse de la production d’électricité par les énergies fossiles.  La décroissance de la production d’électricité liée au nucléaire est continue depuis plus de quinze ans. La part de la production liée au charbon (houille et lignite) n’a amorcé une dynamique baissière durable qu’à partir de 2014. Le gaz, dont la part avait diminué entre 2012 et 2015, est depuis lors reparti à la hausse, pour atteindre 15 % et 16 % en 2019 et 2020.  Comme l’illustre le second graphique, de 2005 à 2015, les fluctuations de la part du gaz accompagnent essentiellement celles de la part du charbon. En effet, le gaz fluctue entre 10 % et 14 %, et le charbon entre 41 % et 46 %, dans cette période où le nucléaire baisse de 27 % à 14 %. Par ailleurs, depuis 2016, la part du gaz augmente moins vite que celle du charbon ne diminue. A partir de 2017, la part d’électricité liée au charbon et au gaz est passée sous la barre des 50 %, et continue de décroître depuis lors.China Set To Debut “Next Gen” Nuclear Power Plant | OilPrice.comLes renouvelables ne répondent pas toujours suffisamment aux besoinsImageDans ces graphiques, nous avons illustré l’évolution relative des productions usuellement considérées comme «intermittentes» et «pilotables», bien que la terminologie puisse être discutée. Des énergies comme le solaire ou l’éolien, bien qu’intermittentes, peuvent être exploitées en anticipant leur contribution à l’alimentation du réseau (grâce aux prévisions météo). L’exploitation des ressources hydrauliques peut, quant à elle, connaître des fluctuations saisonnières. A noter aussi que «renouvelable» n’est pas nécessairement synonyme de «non polluant» (les centrales fonctionnant par combustion de biomasse ou de déchets sont des «renouvelables»). Selon l’Agence fédérale des réseaux, au gré des mois, des jours et des heures, l’électricité issue des énergies renouvelables en Allemagne peut actuellement satisfaire entre 10 % et 100 % des besoins en énergie immédiats du territoire. Sur le très complet site SMARD (données du marché allemand de l’électricité), il est possible de remonter et de suivre heure après heure, sur plusieurs années, la part d’électricité produite par chaque source d’énergie, et de comparer le total à la consommation instantanée dans le pays.8 major European nuclear power projects to watch in | NES FircroftSur le graphique du haut, on observe qu’entre midi et 16 heures le 14 août, toute la consommation nationale d’électricité (courbe rouge) pouvait être satisfaite par les productions renouvelables (biomasse, hydroélectricité, éolien et surtout photovoltaïque). ImageA l’inverse, dans la soirée du 4 novembre, seuls 10 % des besoins pouvaient être assurés par ce moyen (biomasse, électricité et éolien terrestre), 80 % par des non-renouvelables, et 10 % par de l’importation.  A l’heure actuelle, la transition énergétique de l’Allemagne est loin d’être achevée, et les sources d’énergies non renouvelables sont encore indispensables pour s’ajuster aux besoins. De même, des importations ponctuelles d’électricité sont ponctuellement nécessaires. Mais l’Allemagne reste, depuis de nombreuses années, exportateur net d’électricité (elle en exporte plus qu’elle n’en importe).

De moins en moins de centrales à charbonGermany 2022L’Allemagne compte encore aujourd’hui 63 centrales à charbon (dont 19 à lignite), contre 84 en 2010. Depuis 2017, le nombre de centrales en fonctionnement sur le territoire décroît chaque année. Si l’on dénombre les unités en fonctionnement (chaque site pouvant faire fonctionner plusieurs unités), on est passé de 178 en 2010 à 118 aujourd’hui.  Une nouvelle centrale à charbon de 1100 MW de capacité, baptisée Datteln 4, a été mise en service dans l’ouest du pays le 30 mai 2020, treize ans après le début des travaux. Les unités Datteln 1, 2 et 3, mises en service dans les années 60, avaient été arrêtées en 2014. On notera que cette ouverture n’entraîne pas de remontée à la hausse du nombre total de centrales à charbon (ou d’unités) sur le territoire.ImageLes centrales à charbon sont très fortement émettrices de gaz à effet de serre, contrairement aux centrales nucléaires. Le mix énergétique global allemand reste donc encore fortement émetteur de CO2. Toutefois, en dépit de la fermeture des centrales nucléaires, l’augmentation de la part des renouvelables et la baisse du recours au charbon s’accompagnent d’une baisse tendancielle de la production de CO2 issues du secteur de l’énergie, continue depuis 2014. Le secteur allemand énergétique reste encore un beaucoup plus grand émetteur de CO2 que le français.Aging Nuclear Plants in the U.S. Risk Closure | DOE Civil Nuclear Credit ProgramAu-delà de la question des gaz à effets de serre, les centrales à charbon allemandes – mais aussi polonaises (154 unités), tchèques (98 unités), bulgares (36 unités), roumaines ou italiennes (21 unités dans chaque pays) – contribuent à une forte pollution aux particules fines en Europe, dénoncée par de nombreuses ONG. L’Allemagne est toutefois le seul de ces principaux émetteurs à s’être engagé dans un démantèlement complet des sites d’ici moins de 20 ans. Notons pour conclure qu’en 2021, la houille et le lignite sont devenus les sources d’énergie électriques parmi les moins chères, en Europe – amenant de nombreux pays à ralentir leur transition environnementale.Image

https://www.liberation.fr/evenement/1999/01/15/l-allemagne-confirme-son-abandon-total-du-nucleaire-paris-bonn-l-atome-qui-fache-l-industrie-francai_261202/

https://www.liberation.fr/checknews/en-allemagne-labandon-du-nucleaire-sest-il-accompagne-dun-recours-accru-aux-energies-fossiles

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