Lucie Bernard, plus connue sous le nom de Lucie Aubrac (1912 – 2007), est une célèbre résistante française. Parmi de nombreuses actions de résistance, elle a notamment fait évader son mari, Raymond Aubrac, et 13 autre résistants.

Militante communiste et pacifiste

Fille de Louise Vincent et de Louis Bernard, Lucie Bernard naît le 29 juin 1912 à Paris dans une famille modeste. Sa sœur, Jeanne, naît l’année suivante et la famille s’installe dans l’Eure pour que Louis puisse exercer son métier de jardinier. Mobilisé dès le début de la guerre, il est blessé en 1915 et en reste partiellement invalide ; Lucie et Jeanne seront reconnues pupilles de la nation en 1924.

En 1916, les deux fillettes sont envoyées chez leurs grands-mères, en Saône-et-Loire, où leurs parents les rejoignent en 1918. Louis retrouve un emploi comme jardinier, Louise comme laitière, et Lucie et Jeanne, encouragées par leurs parents, entament des études. Lucie tente le concours pour entrer à l’Ecole normale d’institutrice des Batignolles (à Paris) et échoue à deux reprises, en 1929 et 1930. Lorsqu’elle obtient le concours, l’année suivante, elle choisit finalement de ne pas y entrer : elle ne supporte pas l’idée d’être interne, et de ne pas être libre de ses allées et venues.

Ses parents acceptant mal sa décision, Lucie prend une chambre à Paris et devient indépendante. Elle fait des remplacements d’institutrice et travaille à droite et à gauche, tout en reprenant des études. Après avoir passé avec succès son baccalauréat en 1932 et 1933, elle obtient l’agrégation d’histoire-géographie en 1938. En parallèle de ses études et de ses emplois, Lucie milite, depuis 1932, aux Jeunesses communistes. Elle fréquente également des associations pacifistes et étudiantes, où elle est très appréciée.Les femmes dans la RésistanceEntrée en résistance

En 1938, Lucie est nommée professeure agrégée à Strasbourg. Elle y rencontre Raymond Samuel, qu’elle épousera le 14 décembre 1939 à Dijon. Alors qu’elle obtient une bourse pour travailler un an aux États-Unis et y préparer une thèse en géographie, la guerre bouleverse ses plans : Lucie ne veut pas quitter son mari. En juin 1940, Raymond est fait prisonnier de guerre par les Allemands et retenu à Sarrebourg ; en août 1940, elle organise son évasion.

Réfugié à Lyon, le couple retrouve Jean Cavaillès, un professeur de philosophie qui a été le collègue de Lucie à Strasbourg. À travers lui, Lucie rencontre le journaliste Emmanuel d’Astier de La Vigerie qui vient de créer l’organisation anti-nazie et anti-vichyste « La dernière Colonne ». Lucie et Robert s’impliquent alors à ses côtés. Ils participent à différentes actions, de la diffusion de tracts au sabotage, en passant par le recrutement de nouveaux membres. Gardant des relations avec ses anciens camarades communistes, Lucie participe également à d’autres activités d’édition et d’émission clandestines.

En mai 1941, le fils aîné de Lucie et Raymond, Jean-Pierre, naît ; sa naissance ne freine pas leurs activités de résistants. Les époux aident Emmanuel d’Astier à faire paraître le journal de résistance Libération, qui est l’ossature du mouvement naissant Libération-Sud. Ils écrivent sous des faux noms – notamment Catherine pour Lucie et Aubrac pour Raymond – et travaillent sans relâche, organisant les réunions du mouvement chez eux malgré les fouilles de la Gestapo. Lucie fabrique également de faux papiers, et organise le passage de résistants à travers la ligne de démarcation entre la zone occupée et la zone libre.

L’arrestation de Raymond Aubrac

Le 15 mars 1943, suite à l’arrestation par la police d’un agent de liaison sans expérience, dix membres de Libération-Sud sont appréhendés ; Raymond en fait partie. Lucie remue alors ciel et terre pour les faire libérer, allant jusqu’à menacer de mort le procureur en charge de l’affaire, à tel point que certains de ses camarades jugeront son zèle excessif. En mai, Raymond est mis en liberté conditionnel ; ensemble, le couple organise l’évasion de ses camarades. Le 21 juin, Raymond est à nouveau arrêté, avec Jean Moulin et d’autres responsables de mouvements de résistance, par la Gestapo cette fois. Désespérée, Lucie se reprend vite. Elle confie son fils et planifie l’évasion de son mari, tout en continuant à participer aux actions de Libération-Sud. En septembre, elle prétend être la fiancée enceinte de Raymond et supplie le chef de la Gestapo à Lyon, Klaus Barbie, de leur permettre de se marier en prison. Obtenant une visite, Lucie fait passer à son mari les plans de l’évasion. Le 21 octobre, elle attaque avec ses compagnons le camion qui transfère des prisonniers et libère son mari ainsi que treize autres résistants. Le chauffeur et les gardes, eux, sont tous tués.

Réellement enceinte, Lucie entre dans la clandestinité avec Raymond et Jean-Pierre et rejoint Londres. Elle y est déjà connue, sous le nom de Lucie Aubrac, et reste active malgré la naissance en février 1944 de sa fille Catherine, dont Charles de Gaulle est le parrain. Elle s’exprime plusieurs fois sur la BBC, notamment pour parler aux femmes ou louer leur combat. En juillet 1944, elle laisse ses enfants à Londres et retourne à Paris siéger à l’Assemblée consultative. Elle ouvre également des maisons pour les orphelins de résistants et milite pour les droits des femmes.

La vie après la guerre

Après la guerre, Lucie Aubrac a deux autres enfants et reprend son métier de professeure. Elle se rapproche du Parti communiste et se présente aux élections législatives de 1947, sans être élue. Elle est également active au sein du Mouvement de la paix, organisation pacifiste co-fondée par Raymond en février 1948. Elle intervient régulièrement dans les meetings et se déplace occasionnellement à l’étranger pour y soutenir les actions de l’organisation.

En 1958, les époux Aubrac partent s’installer au Maroc, où ils resteront 18 ans ; Lucie enseigne à Rabat et Raymond est conseiller technique en liaison avec le Gouvernement marocain. Ils passent ensuite quatre ans à Rome avant de retourner à Paris en 1976. Lucie fait valoir ses droits à la retraite et milite à la Ligue des droits de l’homme. En 1981, puis à nouveau en 1988, elle soutient François Mitterrand aux élections présidentielles.Lucie Aubrac Résistance 1944 Résistante Grenoble Michelin Clermont Ferrand | eBayLa mise en cause

En septembre 1984, alors que Raymond est mis en cause par un ouvrage dans les événements ayant mené à l’arrestation de Jean Moulin, Lucie Aubrac publie son propre récit Ils partiront dans l’ivresse. Raymond est également mis en cause, en 1997, dans un texte de Klaus Barbie qui le désigne comme un de ses agents. Les récits des époux Aubrac présentent des incohérences et une réunion d’historiens est organisée pour faire la lumière sur les événements ; aucun élément ne vient étayer les accusations de Barbie, même si Lucie admet que son récit est romancé.Lucie Aubrac meurt le 14 mars 2007 à l’âge de 94 ans. Grand officier de la Légion d’honneur, elle reçoit les honneurs militaires et les hommages de toute la classe politique.

L’hommage à Aubrac, «figure héroïque de la résistance»L'école de Mondeville s'appelle désormais Lucie Aubrac - L'essentiel de l'actualité sur Caen et le Calvados avec Nostalgie«Une figure héroïque de la résistance» écrit Nicolas Sarkozy dans un communiqué. Le chef de l’Etat rend hommage à un de ces «héros de l’ombre qui ont sauvé l’honneur de la France, à un moment où elle semblait perdue, disparaissent les uns après les autres.» Le président de la République ajoute: «Nous avons le devoir d’en maintenir le souvenir vivant au cœur de notre mémoire collective.»ImageLe candidat socialiste à l’élection présidentielle, François Hollande reconnaît en Raymond Aubrac «la flamme des indignations justes». «Dans les périodes les plus sombres de l’histoire de notre pays, il fut, avec Lucie Aubrac, parmi ces justes qui trouvèrent, en eux-mêmes et au creuset des valeurs universelles que porte notre République, la force de résister à la barbarie nazie», souligne le député PS de Corrèze.Lucie Aubrac Sommaire: Sa jeunesse Avec son mari La Résistance - ppt video online téléchargerDe son côté, Serge Klarsfeld a salué le «dernier grand acteur et dernier grand témoin» de la Résistance française pendant la Seconde Guerre mondiale. Dans son hommage, Serge Klarsfeld n’oublie pas Lucie Aubrac, décédée en 2007.

«C’est un couple de légende et ils survivront notamment par ce qu’ils ont fait et aussi parce que c’est un couple qui militait revolver au poing», a-t-il dit sur BFM TV. «C’était des gens qui étaient hors du commun» a déclaré l’avocat et président de l’association des Fils et Filles de déportés juifs de France.Le regroupement scolaire d'Aumale porte désormais le nom de Lucie Aubrac - Courrier picard«Valeurs républicaines chevillées au corps» Le petit-fils du célèbre résistant, Renaud Helfer-Aubrac a témoigné sur Europe 1. «C’était à la fois un grand-père très attentif, d’une insatiable curiosité, et qui avait les valeurs républicaines chevillées au corps» a-t-il expliqué. «Pour lui, la liberté, l’égalité et la fraternité n’étaient pas des vains mots, bien au contraire.»Rue des femmes #3 Lucie Aubrac (1912-2007) - Kremlin-Bicêtre