Résister à l’oppression, résister à l’injustice, et rechercher la liberté.Une résistante française face à l’occupation allemande s’engage dans la lutte pour la libertéLucie Aubrac (1912-2007), née Lucie Bernard, fut une femme engagée. Fervente militante contre le fascisme, elle s’engagea dans la résistance active à l’occupation nazie durant la Seconde Guerre mondiale. Elle fut à l’origine de la création du journal et du mouvement clandestin Libération. Une des grandes figures de la libération s’éteint avec la personne de Lucie Aubrac. Connue pour avoir organisé la libération de son mari Raymond Aubrac (1914-2012) en 1940, elle participe ensuite à la création et aux actions du mouvement de résistance « libération » dans le sud-est. Participant à l’Assemblée du Gouvernement provisoire à la libération, elle a ensuite passé une partie de son existence à témoigner de son engagement dans la résistance et à transmettre ses valeurs. Elle est enterrée le 21 mars avec les honneurs militaires.Début de vie et formationLucie Bernard naquit à Paris en 1912. Sa jeunesse fut rythmée par les déménagements de ses parents, Louis Bernard et Louise Vincent, originaires de Saône-et-Loire. Blessé pendant la guerre, le père de Lucie devint partiellement invalide en 1918. Lucie et sa sœur Jeanne furent alors reconnues pupilles de la nation et obtinrent une bourse leur permettant de poursuivre des études. Pour les études de Lucie, la petite famille déménagea à Vitry-sur-Seine en 1928. Lucie intégra l’École normale des Batignolles pour devenir institutrice. Elle échouera par deux fois, avant de réussir enfin le concours d’entrée. À la surprise de ses proches, elle fit cependant le choix de ne pas y rentrer. Lucie quitta alors le domicile familial pour s’installer seule. Ce fut le début d’une période marquée par les difficultés matérielles. Durant les années qui suivirent, Lucie côtoya des professeurs qui lui donnèrent le goût d’entreprendre des études supérieures d’histoire. Malheureusement, la formation qu’elle avait obtenue ne suffisait pas pour entrer à l’Université. Il lui fallut redoubler d’efforts et passer son baccalauréat pour pouvoir entrer à la Sorbonne. Elle obtint sa licence de lettres à l’âge de 26 ans. Elle pouvait alors préparer l’agrégation d’histoire afin de pouvoir enseigner.
Début de l’engagement En dehors de ses études, Lucie fréquentait le Cercle international de jeunesse, une association pacifiste qui organisait des conférences sur des sujets variés. C’est grâce au Cercle que Lucie voyagea entre autres en Angleterre et à Berlin. Jeune femme engagée, Lucie milita également aux Jeunesses communistes.« J’ai adhéré aux Jeunesses en 1932. Mes contacts avec les quakers m’avaient donné de premières idées pacifistes. Les difficultés matérielles que j’ai connues m’ont fait adapter mon pacifisme à des idées plus combatives et j’ai adhéré aux Jeunesses Communistes sans savoir rien de plus sur le Parti Communiste que son côté alors antimilitariste. »
Elle s’inscrivit également à l’Union fédérale des étudiants de la Sorbonne. Elle y côtoya alors des grands noms tels que Victor Leduc, Joseph Epstein ou encore Jean-Pierre Vernant, tous résistants communistes durant la guerre.
La rencontre de sa vie Après plusieurs années d’engagement, Lucie mit de côté le Parti communiste pour se concentrer sur ses études et son agrégation. Elle fut nommée professeure d’histoire et de géographie. Elle partit enseigner à Strasbourg en 1938 puis à Vannes. Cette année-là, elle rencontra Raymond Samuel qui faisait son service militaire comme officier du génie des ponts et chaussées à l’aube de la Seconde Guerre mondiale. Cette rencontre fut marquante dans la vie de Lucie puisque ce dernier devint son mari le 14 décembre 1939 à Dijon. Éperdument amoureuse, elle refusa de partir préparer sa thèse aux États-Unis puisque Raymond devait rester en France.
Le début de la RésistanceEngagé dans la Résistance qui commençait à s’organiser, Raymond fut fait prisonnier par les Allemands le 21 juin 1940. C’est grâce à sa femme qu’il s’évada. En effet, elle lui fit parvenir un médicament qui lui provoqua une forte fièvre. Transféré à l’hôpital, il était alors plus facile à faire évader. Ils gagnèrent ensuite ensemble la ville de Lyon où Lucie enseignait au lycée de jeunes filles Edgar-Quinet.L’engagement dans la Résistance, personne ne l’oblige. On est volontaire. On est dans un pays qui avait une tradition démocratique, où on avait l’habitude d’écrire, de parler. On se sent responsable, surtout quand on enseigne l’Histoire. Je ne me suis pas sentie du courage en faisant ces choses-là. J’ai toujours pensé que les gens qui avaient raison avaient forcément la force et le succès. Si bien que j’ai toujours été optimiste et je ne me suis jamais engagée en pensant que je n’allais pas gagner.À l’automne 1940, Lucie rencontra Jean Cavaillès, professeur de philosophie et Emmanuel D’Asier de la Vigerie, journaliste. Ce dernier avait créé une organisation antinazie et anti-gouvernement de Vichy : la dernière Colonne. Raymond et Lucie décidèrent alors de s’investir alors dans les activités de cette organisation. Ainsi, après la naissance de leur premier enfant, Jean-Pierre, en mai 1941, le couple aida Emmanuel D’Astier à créer un journal résistant. La création de ce journal marqua le début du mouvement Libération-Sud. Le couple adopta alors différents pseudonymes, dont celui d’Aubrac que l’on retient aujourd’hui. Leurs activités ne cessaient pas et le mouvement Libération devint bientôt le plus important en zone-Sud après le mouvement CombatLes évasions En novembre 1942, les Allemands envahirent la zone au sud de la ligne de démarcation. Les résistants de cette partie de la France furent traqués par la Gestapo mais aussi par une milice française qui s’était mise en place dès 1943. Raymond fut une nouvelle fois arrêté. Lucie, en femme déterminée, chercha par tous les moyens à faire libérer son mari. Déclarant faire partie des services gaullistes, elle menaça de mort le procureur chargé de l’affaire. Raymond fut libéré provisoirement. Quelques jours plus tard, le couple de résistants organisa l’évasion des compagnons de Raymond qui étaient encore emprisonnés. Lucie leur fit parvenir des médicaments les rendant malades. Ils furent alors transférés à l’hôpital d’Antiquaille où l’évasion fut plus aisée à organiser. Enfin libre, le groupe de résistants put alors reprendre ses activités. Mais alors qu’ils étaient réunis à Caluire dans la maison du Docteur Dugoujon avec d’autres participants à la Résistance, ils furent de nouveau arrêtés par la Gestapo. Raymond Aubrac fut emprisonné à la prison Montluc de Lyon. Lucie fut très affectée par cet emprisonnement, étant à l’époque enceinte de leur deuxième enfant. Mais elle savait ce qu’elle voulait :1940-1945 : ceux qui ont résisté »
« Résister à l’oppression, résister à l’injustice, et rechercher la liberté. » Courageuse, Lucie ne se laissa pas abattre. Elle décida d’aller voir le chef de la Gestapo Klaus Barbie en personne. Pour se faire, elle se fit appeler Guillaine de Barbentane. Elle expliqua à Klaus Barbie qu’elle connaissait depuis peu Raymond, son fiancé, de qui elle attendait déjà un enfant. Elle voulait donc qu’il lui donne la permission de se marier pour ne pas mettre au monde un enfant hors mariage. La supercherie a bien fonctionné. Lucie rencontra Raymond quelques jours plus tard dans les murs de la prison. Lors de cette entrevue, elle lui fit parvenir les plans d’évasion. Comme prévu, lors d’un transfert des prisonniers, Lucie et ses acolytes attaquèrent le camion qui transportait quatorze résistants, dont Raymond. Après cette dernière évasion, Lucie, Raymond et leur fils Jean-Pierre partirent clandestinement à Londres.Après la Libération À peine arrivée à Londres, Lucie Aubrac fut désignée pour siéger à l’Assemblée consultative provisoire d’Alger. Sa récente maternité l’empêcha d’assumer cette fonction et c’est son mari qui la remplaça. Elle intégra toutefois le Comité exécutif de la propagande de la France Libre et prendra de nombreuses fois la parole en public. Elle profita de sa notoriété non seulement pour soutenir les femmes, mais aussi pour leur parler. Elle fonda même un hebdomadaire, Privilèges des femmes, qui évoquaient les nouveaux droits acquis par les femmes, dont le droit de vote.J’ai bien compris alors que j’avais fait les bons choix dans ma vie de résistante et de militante. J’ai enseigné l’histoire avec passion. J’ai remarquablement réussi ma vie conjugale. Mais il me reste maintenant à accompagner dans leurs revendications toutes les femmes d’ici et d’ailleurs pour qui le temps de la Libération n’est pas encore tout à fait venu.Après la Libération, Lucie poursuivit son engagement pacifiste. Elle intervint fréquemment dans les réunions du Mouvement pour la paix, créé par Raymond Aubrac. Le couple s’expatria ensuite quelques années à l’étranger au Maroc, à Rome et à New York. Durant ces années-là, Lucie reprit son tablier d’enseignante. De retour en France en 1976, Lucie, alors à la retraite, renoua avec la vie militante et s’engagea à la Ligue des droits de l’homme. Les dernières années de sa vie furent rythmées par ses témoignages autant dans les médias que dans les écoles pour évoquer la Résistance. Après une vie de combattante, Lucie mourut à l’âge de 94 ans à l’hôpital suisse de Paris à Issy-les-Moulineaux.
Hommages et distinctionsPour rendre hommage à cette femme engagée tout au long de sa vie et pour honorer son engagement militant, plusieurs établissements scolaires et médicaux ainsi que des rues portent le nom de Lucie Aubrac. De nombreux titres et reconnaissances lui ont été octroyés : Grand officier de la Légion d’honneur, Grand-Croix de l’ordre national du Mérite, Croix de guerre 1939-1945, Médaille de la Résistance avec rosette ou encore Commandeur des Palmes académiques. Après son décès, elle reçut les honneurs nationaux aux Invalides.Œuvres
Lucie Aubrac (1945) La résistance : (naissance et organisation), Paris, Lang, 1945
Lucie Aubrac (1997) Ils partiront dans l’ivresse : Lyon, mai 43, Londres, février 44, Paris, Éditions du Seuil, 1997
Lucie Aubrac (2000) La Résistance expliquée à mes petits-enfants, 2000, Le Seuil. – Auteur : Zoé KavvadiasLucie AUBRAC (1912-2007)
Née le 29 juin 1912, Lucie Bernard a 17 ans lorsqu’elle réussit le concours d’entrée à l’École normale d’institutrices du boulevard des Batignolles à Paris. Déjà d’un caractère bien trempé, elle refuse l’uniforme de l’internat et décide de s’installer à Paris où elle vit de petits boulots. Très vite elle prend conscience de la montée des fascismes en Europe et rapidement elle adhère aux Jeunesses communistes. En 1936, elle se rend à Berlin à l’occasion des Jeux olympiques et découvre la réalité du nazisme.Tout en militant activement, elle entreprend alors des études d’histoire et, en 1938, elle est reçue à l’agrégation d’histoire géographie. Lorsque la guerre éclate, elle est en poste à Strasbourg où elle fait la rencontre de Raymond Samuel, ingénieur des Ponts et Chaussées, mobilisé comme officier du génie. Ils se marient le 14 décembre 1939.
Fin juin 1940, Raymond est fait prisonnier par l’armée allemande. Alors qu’il est détenu à Sarrebourg, Lucie parvient à le faire évader, fin août 1940, profitant de la confusion générale. À l’automne 1940, l’université de Strasbourg est repliée à Clermont-Ferrand où Lucie doit se présenter pour avoir une affectation. Dans cette ville, elle forme avec Jean Cavaillès, Emmanuel d’Astier de la Vigerie et Georges Zérapha un premier noyau de Résistance, la « dernière colonne » préfiguration du mouvement Libération-Sud. À partir de 1941, le couple Aubrac s’installe à Lyon. Raymond exerce son métier d’ingénieur tandis que Lucie est nommée professeur au lycée de jeunes filles Edgar Quinet.Militante et membre du cercle des dirigeants de Libération-sud, elle s’adonne alors, entre ses cours, à de multiples activités clandestines : en juillet 1941, elle contribue à la parution du premier numéro du journal Libération, elle fabrique des faux papiers et aide des résistants à franchir la ligne de démarcation. En mai de la même année, elle donne naissance à son premier enfant Jean-Pierre. Le 15 mars 1943, son mari, adjoint au général Delestraint, chef de l’Armée secrète est arrêté à Lyon par la police de Vichy et incarcéré à la prison Saint-Paul. Avec un aplomb incroyable, Lucie Aubrac fait pression sur le procureur de la République et parvient à le faire libérer.Étant devenue une spécialiste des évasions, elle organise peu de temps après, l’enlèvement par des faux Gestapistes, de trois résistants détenus à l’Hôpital de l’Antiquaille (dont Serge Ravanel) puis de quatre détenus à l’hôpital de Saint-Étienne. Le 21 juin 1943, c’est l’arrestation à Caluire de Jean Moulin et de plusieurs responsables de la Résistance, dont Raymond Aubrac. Incarcérés au fort Montluc, ils sont interrogés sous la torture par Klaus Barbie dans les bâtiments de l’École de santé militaire, devenue siège de la Gestapo lyonnaise. Lucie, enceinte, monte un coup de main audacieux. Le 21 octobre 1943, en plein jour, les armes à la main, à la tête d’un groupe franc des MUR pour qui elle est « Catherine », elle mène l’attaque de la camionnette de la Gestapo dans laquelle sont transférés Raymond Aubrac et une dizaine d’autres résistants. Désormais identifié et recherché par toutes les polices allemandes et vichystes, le couple erre de cachette en cachette dans l’attente d’un avion qui les emporte finalement à Londres avec leur petit garçon le 8 février 1944. Quatre jours plus tard, elle accouche d’une fille qu’elle prénomme Catherine. En juillet 1944, elle participe à la mise en place des Comités de libération dans les zones libérées puis rejoint son mari commissaire régional de la République à Marseille. En janvier 1945, Raymond Aubrac doit quitter son poste et s’installe à Paris avec Lucie qui siège désormais à l’Assemblée consultative.
Puis, Lucie Aubrac reprend son métier d’enseignante sans pour autant mettre un terme à son action militante. La décolonisation, l’évolution de la condition féminine, les problèmes de société sont des combats qui la mobilisent à la Ligue des Droits de l’Homme. À la retraite Lucie Aubrac, infatigable, s’emploie, notamment par d’innombrables conférences dans les établissements scolaires à travers toute la France, à communiquer aux nouvelles générations le sens des valeurs de solidarité, de fraternité et de justice qui firent la grandeur du combat de la Résistance.
Lucie Aubrac qui était vice-présidente d’honneur de la Fondation de la Résistance, s’est éteinte le mercredi 14 mars 2007. Les honneurs militaires lui ont été rendus dans la cour d’honneur de l’Hôtel national des Invalides. Devant Raymond Aubrac, ses trois enfants, ses dix-huit petits enfants, des membres du gouvernement, de nombreux résistants et la foule nombreuse de ses amis, le président de la République Jacques Chirac a prononcé son éloge funèbre. « Lucie Aubrac, nous n’oublierons pas votre message » a dit le chef de l’Etat rappelant que « la cohésion nationale est un combat de tous les jours » et que nous devions « garder vivante dans nos cœurs la flamme des luttes de la République pour la Liberté ».
Lucie Aubrac, résistante et militante
Lucie Bernard, plus connue sous le nom de Lucie Aubrac (1912 – 2007), est une célèbre résistante française. Parmi de nombreuses actions de résistance, elle a notamment fait évader son mari, Raymond Aubrac, et 13 autre résistants.
Militante communiste et pacifiste
Fille de Louise Vincent et de Louis Bernard, Lucie Bernard naît le 29 juin 1912 à Paris dans une famille modeste. Sa sœur, Jeanne, naît l’année suivante et la famille s’installe dans l’Eure pour que Louis puisse exercer son métier de jardinier. Mobilisé dès le début de la guerre, il est blessé en 1915 et en reste partiellement invalide ; Lucie et Jeanne seront reconnues pupilles de la nation en 1924.
En 1916, les deux fillettes sont envoyées chez leurs grands-mères, en Saône-et-Loire, où leurs parents les rejoignent en 1918. Louis retrouve un emploi comme jardinier, Louise comme laitière, et Lucie et Jeanne, encouragées par leurs parents, entament des études. Lucie tente le concours pour entrer à l’Ecole normale d’institutrice des Batignolles (à Paris) et échoue à deux reprises, en 1929 et 1930. Lorsqu’elle obtient le concours, l’année suivante, elle choisit finalement de ne pas y entrer : elle ne supporte pas l’idée d’être interne, et de ne pas être libre de ses allées et venues.
Ses parents acceptant mal sa décision, Lucie prend une chambre à Paris et devient indépendante. Elle fait des remplacements d’institutrice et travaille à droite et à gauche, tout en reprenant des études. Après avoir passé avec succès son baccalauréat en 1932 et 1933, elle obtient l’agrégation d’histoire-géographie en 1938. En parallèle de ses études et de ses emplois, Lucie milite, depuis 1932, aux Jeunesses communistes. Elle fréquente également des associations pacifistes et étudiantes, où elle est très appréciée.Entrée en résistance
En 1938, Lucie est nommée professeure agrégée à Strasbourg. Elle y rencontre Raymond Samuel, qu’elle épousera le 14 décembre 1939 à Dijon. Alors qu’elle obtient une bourse pour travailler un an aux États-Unis et y préparer une thèse en géographie, la guerre bouleverse ses plans : Lucie ne veut pas quitter son mari. En juin 1940, Raymond est fait prisonnier de guerre par les Allemands et retenu à Sarrebourg ; en août 1940, elle organise son évasion.
Réfugié à Lyon, le couple retrouve Jean Cavaillès, un professeur de philosophie qui a été le collègue de Lucie à Strasbourg. À travers lui, Lucie rencontre le journaliste Emmanuel d’Astier de La Vigerie qui vient de créer l’organisation anti-nazie et anti-vichyste « La dernière Colonne ». Lucie et Robert s’impliquent alors à ses côtés. Ils participent à différentes actions, de la diffusion de tracts au sabotage, en passant par le recrutement de nouveaux membres. Gardant des relations avec ses anciens camarades communistes, Lucie participe également à d’autres activités d’édition et d’émission clandestines.
En mai 1941, le fils aîné de Lucie et Raymond, Jean-Pierre, naît ; sa naissance ne freine pas leurs activités de résistants. Les époux aident Emmanuel d’Astier à faire paraître le journal de résistance Libération, qui est l’ossature du mouvement naissant Libération-Sud. Ils écrivent sous des faux noms – notamment Catherine pour Lucie et Aubrac pour Raymond – et travaillent sans relâche, organisant les réunions du mouvement chez eux malgré les fouilles de la Gestapo. Lucie fabrique également de faux papiers, et organise le passage de résistants à travers la ligne de démarcation entre la zone occupée et la zone libre.
L’arrestation de Raymond Aubrac
Le 15 mars 1943, suite à l’arrestation par la police d’un agent de liaison sans expérience, dix membres de Libération-Sud sont appréhendés ; Raymond en fait partie. Lucie remue alors ciel et terre pour les faire libérer, allant jusqu’à menacer de mort le procureur en charge de l’affaire, à tel point que certains de ses camarades jugeront son zèle excessif. En mai, Raymond est mis en liberté conditionnel ; ensemble, le couple organise l’évasion de ses camarades. Le 21 juin, Raymond est à nouveau arrêté, avec Jean Moulin et d’autres responsables de mouvements de résistance, par la Gestapo cette fois. Désespérée, Lucie se reprend vite. Elle confie son fils et planifie l’évasion de son mari, tout en continuant à participer aux actions de Libération-Sud. En septembre, elle prétend être la fiancée enceinte de Raymond et supplie le chef de la Gestapo à Lyon, Klaus Barbie, de leur permettre de se marier en prison. Obtenant une visite, Lucie fait passer à son mari les plans de l’évasion. Le 21 octobre, elle attaque avec ses compagnons le camion qui transfère des prisonniers et libère son mari ainsi que treize autres résistants. Le chauffeur et les gardes, eux, sont tous tués.
Réellement enceinte, Lucie entre dans la clandestinité avec Raymond et Jean-Pierre et rejoint Londres. Elle y est déjà connue, sous le nom de Lucie Aubrac, et reste active malgré la naissance en février 1944 de sa fille Catherine, dont Charles de Gaulle est le parrain. Elle s’exprime plusieurs fois sur la BBC, notamment pour parler aux femmes ou louer leur combat. En juillet 1944, elle laisse ses enfants à Londres et retourne à Paris siéger à l’Assemblée consultative. Elle ouvre également des maisons pour les orphelins de résistants et milite pour les droits des femmes.
La vie après la guerre
Après la guerre, Lucie Aubrac a deux autres enfants et reprend son métier de professeure. Elle se rapproche du Parti communiste et se présente aux élections législatives de 1947, sans être élue. Elle est également active au sein du Mouvement de la paix, organisation pacifiste co-fondée par Raymond en février 1948. Elle intervient régulièrement dans les meetings et se déplace occasionnellement à l’étranger pour y soutenir les actions de l’organisation.
En 1958, les époux Aubrac partent s’installer au Maroc, où ils resteront 18 ans ; Lucie enseigne à Rabat et Raymond est conseiller technique en liaison avec le Gouvernement marocain. Ils passent ensuite quatre ans à Rome avant de retourner à Paris en 1976. Lucie fait valoir ses droits à la retraite et milite à la Ligue des droits de l’homme. En 1981, puis à nouveau en 1988, elle soutient François Mitterrand aux élections présidentielles.La mise en cause
En septembre 1984, alors que Raymond est mis en cause par un ouvrage dans les événements ayant mené à l’arrestation de Jean Moulin, Lucie Aubrac publie son propre récit Ils partiront dans l’ivresse. Raymond est également mis en cause, en 1997, dans un texte de Klaus Barbie qui le désigne comme un de ses agents. Les récits des époux Aubrac présentent des incohérences et une réunion d’historiens est organisée pour faire la lumière sur les événements ; aucun élément ne vient étayer les accusations de Barbie, même si Lucie admet que son récit est romancé.Lucie Aubrac meurt le 14 mars 2007 à l’âge de 94 ans. Grand officier de la Légion d’honneur, elle reçoit les honneurs militaires et les hommages de toute la classe politique.
L’hommage à Aubrac, «figure héroïque de la résistance»«Une figure héroïque de la résistance» écrit Nicolas Sarkozy dans un communiqué. Le chef de l’Etat rend hommage à un de ces «héros de l’ombre qui ont sauvé l’honneur de la France, à un moment où elle semblait perdue, disparaissent les uns après les autres.» Le président de la République ajoute: «Nous avons le devoir d’en maintenir le souvenir vivant au cœur de notre mémoire collective.»Le candidat socialiste à l’élection présidentielle, François Hollande reconnaît en Raymond Aubrac «la flamme des indignations justes». «Dans les périodes les plus sombres de l’histoire de notre pays, il fut, avec Lucie Aubrac, parmi ces justes qui trouvèrent, en eux-mêmes et au creuset des valeurs universelles que porte notre République, la force de résister à la barbarie nazie», souligne le député PS de Corrèze.De son côté, Serge Klarsfeld a salué le «dernier grand acteur et dernier grand témoin» de la Résistance française pendant la Seconde Guerre mondiale. Dans son hommage, Serge Klarsfeld n’oublie pas Lucie Aubrac, décédée en 2007.
«C’est un couple de légende et ils survivront notamment par ce qu’ils ont fait et aussi parce que c’est un couple qui militait revolver au poing», a-t-il dit sur BFM TV. «C’était des gens qui étaient hors du commun» a déclaré l’avocat et président de l’association des Fils et Filles de déportés juifs de France.«Valeurs républicaines chevillées au corps» Le petit-fils du célèbre résistant, Renaud Helfer-Aubrac a témoigné sur Europe 1. «C’était à la fois un grand-père très attentif, d’une insatiable curiosité, et qui avait les valeurs républicaines chevillées au corps» a-t-il expliqué. «Pour lui, la liberté, l’égalité et la fraternité n’étaient pas des vains mots, bien au contraire.»
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https://www.fondationresistance.org/pages/rech_doc/lucie-aubrac_portrait26.htm