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13 mars 2010 – Jean Ferrat, chanteur engagé et humaniste

Jean Ferrat, l’Ardéchois, l’humaniste, le poète révoltéhttps://musique.rfi.fr/sites/default/files/thumbnails/image/jean-ferrrat.jpgAuteur-compositeur-interprète, Jean Ferrat (1930-2010), est un artiste de la chanson française à texte et un mélodiste de talent. Son répertoire se compose de chansons d’amour ou de chansons engagées, dont certaines seront censurées. Il adaptera en musique nombre de poèmes de Louis Aragon.Votre hommage à Jean FerratChaude et grave, lyrique et « noueuse comme un pied de vigne », la voix de Jean Ferrat est entrée dans les foyers français en 1964 avec La Montagne.

L’époque était au règne des copains sur les transistors, au twist et au yé-yé, au consumérisme de l’American way of life. A contre-courant, Jean Ferrat, mort samedi 13 mars en début d’après-midi, à l’âge de 79 ans, à l’hôpital d’Aubenas (Ardèche), toucha le pays avec sa chronique douce-amère de l’exode rural, dénonçant les mirages du progrès, du « Formica et du ciné« .

Avec son hautbois mélancolique, La Montagne est restée (bien avant l’avènement de Francis Cabrel) comme l’une des premières manifestations de l’écologie en chanson, critique de la malbouffe comprise – le fameux « poulet aux hormones » final. Elle rivalise en popularité avec Ne me quitte pas ou Prendre un enfant par la main. Les Français ont souvent préféré ce Ferrat-là, jeune et séducteur, à l’autre, jugé caricatural, le chanteur engagé avec sa moustache grise et ses coups de gueule contre la censure et la dictature du Top 50. Jean Ferrat fut parfois honni, essentiellement en raison de son compagnonnage avec le Parti communiste. Un compagnonnage critique, pourtant, avec ce parti dont il n’a jamais été membre. Peu importe, ses chansons, à quelques tracts près, ont résisté à la chute du mur de Berlin.

On pourra lui reprocher de s’être trompé comme bien d’autres, mais on ne pourra pas mettre en cause sa sincérité et son honnêteté. Né le 26 décembre 1930 à Vaucresson (Hauts-de-Seine), Jean Tenenbaum était un authentique fils du peuple, quatrième et dernier enfant d’un artisan joaillier et d’une fabricante de fleurs artificielles. En 1942, le bonheur familial est renversé par le vent tragique de l’Histoire : le père est déporté et mourra à Auschwitz. L’enfant, âgé de 11 ans, est sauvé par des militants communistes.

Plus de vingt ans plus tard, après avoir vu le film éponyme d’Alain Resnais (1956) Jean Ferrat écrira la chanson Nuit et Brouillard, à la mémoire de « Jean-Pierre, Natacha ou Samuel », ces hommes devenus des « nombres » : « Je twisterais les mots s’il fallait les twister/Pour qu’un jour les enfants sachent qui vous étiez. » Les autorités officielles déconseillent le passage de la chanson sur les radios et à la télévision. Elle sera pourtant un succès et aura contribué au début d’une prise de conscience sur le rôle de la France dans la déportation.  Ironie des hasards biographiques, l’auteur de La Commune, éloge des ferronniers, menuisiers et forgerons, écrit à l’occasion du centenaire de l’insurrection parisienne, a grandi à Versailles. Il doit interrompre sa scolarité au collège Jules-Ferry pour subvenir aux besoins de sa famille. Employé dans un laboratoire de chimie du bâtiment, il monte timidement sur les planches et fréquente le Théâtre national populaire (TNP) de Jean Vilar. En même temps, il s’essaie à la guitare, d’abord dans un orchestre de jazz. Rebaptisé Jean Laroche – il optera ensuite pour Ferrat, en référence à Saint-Jean-Cap-Ferrat -, il intègre le circuit des cabarets parisiens, le Riverside, la Rose rouge, Milord l’Arsouille, l’Echelle de Jacob, la Colombe, en empruntant son répertoire à Yves Montand.                          ImageEn 1956, André Claveau, fort populaire à l’époque, a enregistré Les Yeux d’Elsa, la première adaptation par Ferrat d’un poème d’Aragon. D’autres suivront jusqu’à la rencontre, en 1961, du chanteur et de l’écrivain. Jean Ferrat est complimenté par l’auteur alors qu’il n’a pas hésité à retrancher, élaguer ou isoler ses vers pour en faire des refrains.

Comme interprète, Jean Ferrat devra attendre 1960 pour sortir de l’anonymat. Son deuxième 45-tours contient Ma môme, une romance populiste qui glorifie la France laborieuse et morale des petits, attachée aux bonheurs simples : « Ma môme, ell’ joue pas les starlettes/Ell’ met pas des lunettes/De soleil/Ell’ pos’ pas pour les magazines/Ell’ travaille en usine/A Créteil. » Même si les paroles ont été écrites par Pierre Frachet, ce titre est déjà représentatif du style de Ferrat, qui mêle souvent dans une même chanson sentiments amoureux et commentaire social, sinon politique.  La chance lui sourit. Son premier album 25 centimètres est couronné en 1963 du Prix de l’Académie du disque Charles-Cros. Sa musique accompagne en 1965 les films La Vieille Dame indigne, de René Allio, et Le Coup de grâce, de Jean Cayrol, à propos de l’expérience de la déportation à Mauthausen du poète et éditeur.  Deux femmes contribuent grandement à l’ascension de Ferrat en reprenant ses premières chansons : Zizi Jeanmaire, qui lui ouvre les portes de l’Alhambra, le music-hall de Maurice Chevalier, et Isabelle Aubret (Deux enfants au soleil), qui partage ses sympathies politiques. Dès ses débuts, Jean Ferrat fait équipe avec l’éditeur Gérard Meys, son directeur artistique, et avec l’orchestrateur Alain Goraguer.

Démêlés avec la censure 

Après Léo Ferré et Jacques Brel, il a signé un contrat en 1963 avec l’éditeur phonographique Eddie Barclay. « Je ne lui demande pas pourquoi il a l’idée saugrenue d’être communiste, avait commenté le nabab séducteur, il ne m’interroge pas sur mes goûts excentriques. » A la mort de Barclay, en mai 2005, Jean Ferrat avait déclaré au Monde : « Il ne s’est en aucun cas immiscé dans mes disques. Il y avait une sorte d’accord entre nous. J’étais loin de son monde et lui du mien. Il m’invitait à ses mariages, mais je n’y suis jamais allé. »

Potemkine, en 1965, vaut à Ferrat ses premiers démêlés avec la censure. Cette chanson est victime d’un malentendu : elle est perçue comme une ode à la révolution bolchevique – au moment de la « normalisation » brejnévienne -, alors qu’elle célèbre la révolte des marins du célèbre cuirassé… pendant la révolution de 1905, et par là même le film d’Eisenstein Le Cuirassé Potemkine. Invité à l’émission télévisée « Age tendre et tête de bois », Jean Ferrat doit renoncer à l’interpréter, ce qui ne l’empêchera pas de devenir un classique des carnets de chants scouts.  Le chanteur, qui n’est jamais allé en URSS, voyage à Cuba en 1967 et s’enthousiasme pour l’expérience castriste. Il en rapporte des chansons édifiantes, empreintes d’un romantisme révolutionnaire latino bien dans l’air du temps, A Santiago, Les Guérilleros et, bien sûr, Cuba si. En même temps, il fustige violemment, quelques mois avant Mai 68, la future génération du 22 mars dans Pauvres petits c… : « Fils de bourgeois ordinaires/Fils de Dieu sait qui/Vous mettez les pieds sur terre/Tout vous est acquis/Surtout le droit de vous taire/Pour parler au nom/De la jeunesse ouvrière/Pauvres petits c… »Aucune description de photo disponible.Quelle haine de classe ! Déroutant Ferrat. En brocardant les origines sociales des gauchistes, il adopte pleinement la ligne ouvriériste du PCF, pendant que l' »anar » Ferré s’attire les sympathies estudiantines en s’enflammant pour les « albatros » de Nanterre. En même temps, Ferrat prend dans Camarade ses distances avec l’intervention soviétique à Prague en août 1968, ce « Biafra de l’esprit » (Aragon). En 1980, le chanteur se livrera à un cinglant Bilan, certes tardif, mais qui, publié dans le quotidien communiste L’Humanité, a au moins le mérite de démentir le diagnostic « globalement positif » établi en 1974 par le secrétaire général du PCF, Georges Marchais : « Ah ! ils nous en ont fait avaler des couleuvres/De Prague à Budapest, de Sofia à Moscou/Les staliniens zélés qui mettaient tout en œuvre/Pour vous faire signer les aveux les plus fous. »

Ferrat dénonce – sans grand risque – les crimes du stalinisme, mais il reste attaché à l’idéal du marxisme. En témoigne son hymne pour la contre-société communiste, Ma France, « Celle du vieil Hugo tonnant de son exil/Des enfants de 5 ans travaillant dans les mines/Celle qui construisit de ses mains vos usines/Celle dont monsieur Thiers a dit qu’on la fusille. »

Aragon, jusqu’au bout 

En 1970, le chanteur est au sommet de sa popularité. Il donne douze concerts au Palais des sports à Paris et publie dans la foulée son recueil Ferrat chante Aragon, qui se vendra à 2 millions d’exemplaires. Avec une dédicace attentionnée du poète pour Ferrat et sa femme, la chanteuse Christine Sèvres, ce chef-d’œuvre valorise la part sensible et humaniste d’Aragon, sa passion pour Elsa Triolet (Que serais-je sans toi ?, Heureux celui qui meurt d’aimer) et le souvenir de la guerre d’Espagne (J’entends, j’entends). EN CE 13 MARS 2010 ...Léo Ferré, lui, avait choisi la face sombre et désespérée, antimilitariste et anarchisante (Est-ce ainsi que les hommes vivent ?). La femme est l’avenir de l’homme est un tube radiophonique en 1975 – contemporain de Mon Vieux, dont Ferrat écrit les paroles pour Daniel Guichard.   Jean Ferrat abandonne rapidement les tournées. A partir de 1973, il ne donne plus que des concerts occasionnels. Ses livraisons phonographiques s’espacent d’autant plus qu’il décide de réenregistrer plus d’une centaine de ses chansons pour un coffret de douze volumes publié en 1980. Jean Ferrat aura composé et interprété près de deux cents chansons durant sa carrière. Le chanteur s’est retiré dans son village d’Antraigues-sur-Volane (Ardèche), dont il est conseiller municipal. Discret, bougon, il n’en sort qu’à l’invite de Bernard Pivot ou de Michel Drucker, qui parviennent à l’imposer à leur chaîne de télévision.Contrairement aux calculs des programmateurs et chefs de produits, les rares apparitions de Ferrat constituaient pourtant des pics d’Audimat et ses disques dépassaient souvent le million d’exemplaires écoulés. Fait d’autant plus remarquable que ses chansons restaient en prise directe sur le réel. La Porte à droite (1985), critique du tournant de la rigueur pris par le gouvernement socialiste ; Dans la jungle et dans le zoo (1991), titre à propos duquel il s’expliquait ainsi dans Le Monde : « C’est le titre d’une chanson qui m’a été inspiré par le cinéaste Milos Forman. Vivant depuis des années en Amérique, il s’apprêtait à rentrer dans son pays, la Tchécoslovaquie, et disait dans une interview à la radio : « Je vis désormais dans la jungle, je m’apprête à rentrer dans le zoo ». »ImageEn 1994, pour son ultime album studio, Ferrat avait choisi de retrouver l’univers d’Aragon avec seize poèmes inédits. Le résultat était à la hauteur du glorieux précédent, notamment avec le magnifique Devine : « Un grand champ de lin bleu qui parle rit et pleure/Je m’y plonge et m’y perds, dis-moi devines-tu/Quelle semaille y fit la joie et la douleur/Et pourquoi de l’aimer vous enivre et vous tue. » D’avoir ainsi permis la diffusion du poète dans toutes les couches de la société n’est pas le moindre des mérites de Jean Ferrat.ImageL’un de derniers combats de Jean Ferrat aura été son soutien à José Bové, notamment lors de sa candidature à la présidence de la République en 2007. En pleine crise du disque, Ferrat étonne le métier : son best of, paru en octobre 2009 et qui regroupe 57 succès, s’est vendu à 200 000 exemplaires.Image26 décembre 1930 : Naissance à Vaucresson (Hauts-de-Seine).

1960 : Premiers enregistrements

1964 : Succès de la chanson La Montagne.

1965 : Potemkine et premiers démêlés avec la censure.

1970 : Parution de l’album Ferrat chante Aragon.

1973 : Fin des tournées.

1994 : Parution de son dernier album en studio, nouvel hommage à Aragon.CHANSON| Coffrets et biographie. Jean Ferrat, l'engagé poétique13 mars 2010 : Mort à Aubenas (Ardèche).Jean Ferrat : dix ans après sa mort, une riche intégrale pour continuer d'entendre "La voix libre" du poète engagéLe poète et chanteur engagé Jean Ferrat est décédé à l’âge de 79 ans. Hospitalisé depuis quelques jours à l’hôpital d’Aubenas, dans son Ardèche chérie qu’il a notamment célébrée dans la chanson « La montagne », l’auteur-compositeur-interprète Jean Tenenbaum, alias Jean Ferrat, né le 26 décembre 1930 à Vaucresson s’est éteint des suites d’une longue maladie.270 idées de Jean ferrat | ferrat, jean ferrat, chanteurs français

https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2010/03/15/jean-ferrat_1319296_3382.html

https://musique.rfi.fr/actu-musique/chanson/album/20150313-hommage-jean-ferrat-airs-liberte

https://www.rts.ch/archives/dossiers/11157265-jean-ferrat-chanteur-engage.html

https://www.purepeople.com/media/jean-ferrat-l-ardechois-l-humaniste_m379693  

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