Qui a découvert l’insuline ? Diabète : une pilule d’insuline pour remplacer les injectionsBientôt la fin des injections d’insuline ? La fascinante histoire de découverte de l’insulineL’insuline. Rarement une découverte a été tant attendue. Avant la mise en évidence du rôle de cette hormone et son utilisation comme traitement, il n’y avait aucun espoir de survie pour les patients atteints de diabète de type 1. Rarement, sauf peut-être pour les vaccins à ARN contre le Covid-19, une recherche a abouti si rapidement à un produit disponible pour les patients. Jamais le prix Nobel de physiologie ou médecine n’a été décerné si vite après une découverte, comme ce fut le cas en 1923 pour l’insuline. L’un de ses découvreurs, le Canadien Frederick Banting (1891-1941), reste toujours le plus jeune récipiendaire de ce prix prestigieux. Jamais avant Banting et son confrère écossais John Macleod (1876-1935), un lauréat n’avait renoncé à recevoir son prix à Stockholm, le 10 décembre, jour de l’anniversaire d’Alfred Nobel, comme c’est la tradition. Sans compter les nombreuses innovations dont l’insuline a été la source. Le diabète est une pathologie connue depuis l’Antiquité, et dont la forme sévère – aujourd’hui nommée diabète de type 1, mais appelée « diabète juvénile » auparavant, car elle touche plus fréquemment les enfants et les jeunes – était fatale jusqu’à la découverte de l’insuline. C’est une pathologie dont la prévalence est en pleine expansion, cause de comorbidité. On estime que 463 millions d’adultes âgés de 20 à 79 ans dans le monde ont un diabète (types 1 et 2 confondus), soit une personne sur 11, selon l’Atlas 2019 de la Fédération internationale du diabète. Et le nombre de personnes diabétiques pourrait atteindre 700 millions en 2045.
Une pathologie ancienne qui sucre les urines Tous les textes médicaux retrouvés dans diverses civilisations rapportent une description des principaux symptômes du diabète : une soif intense, une fréquente envie d’uriner et un goût sucré des urines. Les Égyptiens en font état dans un parchemin remontant à 1550 avant notre ère et retrouvé dans un sarcophage à Louxor, ainsi que des écrits de la médecine hindoue et chinoise. Dans les années 1000, des écrits grecs et le Canon du médecin persan Avicenne rapportent également des observations de patients diabétiques. Au XVIIe siècle, Thomas Willis, médecin du roi Charles Ier d’Angleterre, distingue les différents types de diabète. Mais c’est au XIXe siècle que commence véritablement la connaissance scientifique de cette pathologie. En 1815, le chimiste français Michel-Eugène Chevreul identifie le sucre présent dans les urines des personnes diabétiques comme étant le même que celui du raisin, bientôt nommé « glucose ». En 1855, Claude Bernard montre que le foie peut fabriquer du glucose à partir d’un précurseur, le glycogène. Quatorze ans plus tard, en 1869, dans sa thèse de médecine consacrée à l’étude anatomique du pancréas, un jeune Allemand travaillant à Berlin, Paul Langerhans, caractérise des amas de petites cellules dans cet organe, sans toutefois en comprendre la fonction.Frederick Banting, le chirurgien qui a découvert l’insuline
La date de la journée mondiale du diabète correspond au jour de naissance de Frederick Banting, chirurgien né le 14 novembre 1891 dans une petite ville du Canada. C’est dire si ce héros de la recherche scientifique symbolise l’entrée du diabète dans une nouvelle ère : celle des traitements et de l’accès à une vie normale pour les personnes atteintes. Jusqu’au début des années 1920, le diabète de type 1 est une maladie constamment mortelle. Le seul traitement consiste en une diète extrêmement stricte, limitant au maximum l’ingestion de glucides. Ce régime, associé à l’absence totale de production d’insuline par l’organisme, mettait les patients dans un état de faiblesse et d’amaigrissement très profonds. Il permettait de survivre durant quelques années… Mais dans quelles conditions !
La découverte de l’insuline et le contrôle de la glycémie L’insuline, découverte en 1921 grâce à la collaboration légendaire de Banting, Best et MacLeod, a fait des miracles. Dans le monde entier, elle a sauvé des millions de personnes d’une mort certaine. Avant cette découverte révolutionnaire, les personnes qui vivaient avec le diabète étaient condamnées à mourir. Elles ne pouvaient survivre que trois à quatre ans au maximum, en suivant une diète sévère. Mais malgré les nombreux types d’insuline et la mise en marché des premiers médicaments antihyperglycémiants oraux vers 1957 au Canada, le contrôle de la glycémie, c’est-à-dire le taux de sucre dans le sang, demeure imprécis. Dans les années 50, la méthode pour contrôler la glycémie consiste à laisser tomber un comprimé réactif dans une petite éprouvette contenant un mélange d’urine et d’eau. Selon la couleur du résultat – de bleu foncé à orange – il est possible de connaître la quantité de sucre dans l’urine et donc, de savoir si la glycémie est trop élevée, normale ou trop basse. Tout en assurant des suivis auprès de leurs patients, les médecins se doutent bien qu’un meilleur contrôle de la glycémie doit être atteint afin de retarder les complications. Des complications majeures qui ont un impact important sur la vie de leurs patients : cécité, atteinte des reins, gangrène, infarctus ou accidents vasculaires cérébraux.Une découverte
Un pionnier dans le traitement du diabète, le médecin belge Jean Pirart, établit pour la première fois le lien entre le bon contrôle de la glycémie et la prévention des complications. Entre 1947 et 1973, le Dr Pirart dirige une étude où il divise plus de 4 000 de ses patients en trois groupes, selon leur degré de contrôle du diabète : excellent, moyen, mauvais. En utilisant les comprimés réactifs comme méthode de mesure, les résultats du Dr Jean Pirart démontrent clairement l’incidence et la prévalence des complications chez les patients dont le contrôle de la glycémie est mauvais.
Des innovations Les années 70 et 80 sont une période charnière dans le traitement du diabète. On voit apparaître des innovations telles que les lecteurs de glycémie et les bandelettes réactives qui permettent de mesurer la glycémie de manière précise. Ces outils technologiques donnent aux personnes vivant avec le diabète et aux professionnels de la santé de l’information maintenant devenue indispensable. En 1976, des scientifiques américains découvrent que le sucre s’attache facilement aux globules rouges (l’hémoglobine) et permet de déterminer la qualité du contrôle du diabète des deux à trois derniers mois. Cette découverte ouvre la voie à la création d’un test : le dosage de l’hémoglobine glyquée (A1C). L’arrivée d’outils de contrôle permet aux chercheurs de créer des études à grande échelle. Les résultats modifieront la façon de traiter le diabète. À leur tour, deux études importantes, la Diabetes Control and Complications Trial (de 1983 à 1993) et l’United Kingdom Prospective Diabetes Study (de 1977 à 1997) démontrent pour les deux types de diabète que le maintien de la glycémie à des valeurs près des normales retarde et ralentit l’apparition des complications chroniques liées au diabète. L’insulinothérapie intensive – injections multiples d’insuline imitant le fonctionnement normal du pancréas – fait son apparition dans le traitement du diabète de type 1 et devient également une option thérapeutique pour le diabète de type 2. Des chercheurs américains ont inventé une pilule qui pourrait remplacer les injections d’insuline chez des patients diabétiques. Testé sur des cochons, ce médicament a fourni de l’insuline en quantités suffisantes pour réduire la glycémie des malades. Lorsqu’il est question de prendre un médicament, la voie orale apparaît souvent comme le moyen le plus simple. Mais certaines molécules ne survivent pas au passage dans l’estomac et le tube digestif. C’est lecas de l’insuline et de nombreux autres médicaments qui sont donc injectés dans la circulation sanguine. Pour les diabétiques qui se font des injections tous les jours, un médicament oral faciliterait leur traitement et améliorerait leur quotidien. Dans cette étude parue dans Science, des chercheurs du MIT, du Brigham and Women’s Hospital, de Harvard et de l’entreprise Novo Nordisk, ont créé une capsule qui pourrait changer la vie de ces patients. Pour éviter que l’insuline soit libérée dans l’estomac où elle risque d’être dégradée par les acides gastriques, les auteurs ont imaginé une capsule avec une aiguille. La pointe de l’aiguille est formée d’insuline lyophilisée et comprimée, grâce à un processus déjà utilisé pour d’autres médicaments. Un communiqué du MIT explique le fonctionnement de cette pilule révolutionnaire : « Dans la capsule, l’aiguille est fixée à un ressort comprimé maintenu en place par un disque en sucre. Lorsque la capsule est avalée, l’eau dans l’estomac dissout le disque de sucre, libère le ressort et injecte l’aiguille dans la paroi de l’estomac. » Comme la paroi de l’estomac n’a pas de récepteurs sensoriels pour la douleur, on peut penser que les patients ne devraient pas ressentir l’injection. Mais comment faire pour que la capsule se positionne correctement, avec l’aiguille prête à injecter l’insuline dans la paroi de l’estomac ? Pour cela, les chercheurs se sont inspirés de la forme d’un animal : la tortue léopard. Cette tortue africaine possède une carapace qui forme une sorte de dôme, ce qui lui permet de se remettre à l’endroit si elle roule.Un traitement oral avec une capsule innovante
À l’image de la tortue, les scientifiques ont créé une capsule dont la forme lui permet de se réorienter dans la bonne position. Elle s’accroche alors à la paroi de l’estomac, avec l’aiguille placée du bon côté. Ainsi, même si la personne se déplace ou si l’estomac se met à bouger, la capsule se retrouve dans le bon sens.
This is how I "hack" my insulin pen to give myself teeny tiny doses of rapid-acting insulin — like when I'm correcting a high blood sugar right before exercising! I only want a smidge of insulin…#t1d #diabetes #type1diabetes #insulin pic.twitter.com/Hhezv4X4i6
— Ginger Vieira (@GingerVieira) December 22, 2023
Ensuite, une fois la capsule posée sur la paroi de l’estomac, l’aiguille injecte l’insuline. D’après cette étude, l’insuline est délivrée en une heure dans le sang. Les chercheurs ont testé leur capsule sur des cochons et ont montré qu’elle peut injecter une dose de 5 mg d’insuline, soit la quantité souvent nécessaire à un patient souffrant de diabète de type 2. Le reste de la capsule, formé de polymères biodégradables et de composants en acier inoxydable, continue son trajet dans le tube digestif. D’après les auteurs, il n’y aurait pas d’effets secondaires. Cette capsule innovante pourrait permettre d’administrer d’autres médicaments que de l’insuline, comme des traitements immunosuppresseurs. C’est ce qu’explique Giovanni Traverso, l’un des auteurs, dans un communiqué du MIT : «Notre motivation est de faciliter la prise de médicaments par les patients, en particulier ceux nécessitant une injection. »Diabète : bientôt une pilule d’insuline au lieu des injections ? Article paru le 27 juin 2018 [Futura-Sciences]Des chercheurs de Harvard proposent une formulation d’insuline sous forme de traitement oral pour éviter les injections quotidiennes que subissent les diabétiques. Il a fallu résoudre deux problèmes : la sensibilité de l’insuline à l’acidité gastrique et sa mauvaise absorption intestinale. Pour des millions de personnes souffrant de diabète de type 1, les injections quotidiennes d’insuline sont indispensables car leur organisme ne produit pas cette hormone. Administrée par une pompe ou des injections sous la peau, l’insulinothérapie vise à contrôler la glycémie des patients. Ces injections répétées ont un impact sur leur qualité de vie et interfèrent avec leurs activités. Et s’ils ne suivent pas correctement leur traitement, les patients s’exposent à de graves complications. Plusieurs équipes cherchent des moyens pour administrer l’insuline oralement ; un essai clinique mené par Oramed Pharmaceuticals a même démarré aux États-Unis. La prise orale d’insuline pose des problèmes car la molécule n’apprécie pas l’acidité de l’estomac et est mal absorbée par l’intestin. Un article paru dans Pnas décrit un traitement oral qui pourrait révolutionner la vie des patients. L’insuline doit passer l’acidité de l’estomac et la barrière intestinale Les chercheurs de Harvard proposent de transporter l’insuline dans une solution ionique contenant de la choline et de l’acide géranique, le tout inclus dans une gélule résistant à l’acidité. Cette présentation se conserve deux mois à température ambiante et quatre mois au réfrigérateur. Dans l’intestin plus alcalin, l’enveloppe du médicament, formée de polymères, se dissout et libère le liquide contenant l’insuline, qui doit encore passer dans le sang.
@eModitor @gungerbob @yalicapkinidizi @OGMPictures Bring back Ferit's diabetes! Why you keep ignoring such an essential part of his life! He's going through so much but his sugar level hasn't dropped yet you recalled esme pain😒.Let F take his insulin or measure his levels, smth! pic.twitter.com/VB2KUQaup7
— ❋ (@intikammi) December 23, 2023
Dans un communiqué de Harvard, Amrita Banerjee, principale auteure de cette recherche, a expliqué que « Lorsqu’une molécule protéique telle que l’insuline pénètre dans l’intestin, de nombreuses enzymes ont pour fonction de dégrader les protéines en acides aminés plus petits. » L’insuline dans sa solution ionique resterait stable. De plus, la formulation qui utilise de la choline et de l’acide géranique a déjà montré son efficacité pour passer deux barrières : le mucus intestinal et les jonctions serrées des cellules intestinales, connues pour gêner le passage de grosses molécules comme l’insuline. Ici, chez des rats, cette insuline a pu réduire leur glucose sanguin. Il reste donc à tester cette formulation chez d’autres animaux, puis lors d’éventuels essais cliniques chez l’homme.Bientôt la fin des injections d’insuline pour les diabétiques Article publié le 01/12/2021 [Futura-Sciences]
Une personne atteinte d’un diabète de type 1 doit, en plus de surveiller sa glycémie et ses apports alimentaires, s’auto-injecter de l’insuline plusieurs fois par jour. Il se pourrait bien qu’un nouveau traitement par voie orale vienne remplacer les injections. Le diabète de type 1 est une maladie auto-immune. Les lymphocytes T identifient à tort des cellules bêta du pancréas comme des cellules étrangères. Ces cellules sont ainsi détruites alors qu’elles sont responsables de la synthèse et de la sécrétion d’insuline. L’insuline a pour fonction de convertir le glucose en énergie. Chez les diabétiques de type 1, l’insuline étant sécrétée en très petites quantités, voire pas du tout, le taux de glucose augmente dans le sang : c’est la fameuse hyperglycémie. Aujourd’hui, le traitement des personnes diabétiques consiste à suppléer l’insuline manquante grâce à des injections sous-cutanées, plusieurs fois par jour. Ce traitement fonctionne bien chez la plupart des patients, mais il est extrêmement contraignant. Le patient doit adapter ses injections d’insuline à ses apports alimentaires tout au long de la journée. Un concept deux en un Les résultats présentés dans une étude récemment publiée dans Nature Biomedical Engineering pourraient bien changer ce quotidien fastidieux ! En effet, les auteurs y présentent de l’insuline sous forme de pilule, à prendre par voie orale, ce qui représenterait un énorme gain en qualité de vie pour les patients. Tout l’enjeu de l’insuline par voie orale est de la protéger afin qu’elle ne soit pas digérée par les sucs gastriques dans l’estomac. Dans cette étude, l’insuline est transportée jusqu’à sa cible par des nanoparticules protectrices, qui vont se lier spécifiquement aux récepteurs des cellules du pancréas. Encore plus intéressant, en se liant aux cellules du pancréas, le véhicule de l’insuline empêche les lymphocytes T de les détruire et restaure la sécrétion d’insuline par le pancréas ! Ainsi le traitement a deux fonctions : suppléer la production d’insuline et supprimer la cause du manque d’insuline. Ce concept est extrêmement prometteur pour les patients atteints de diabète de type 1 mais aussi pour toutes les personnes atteintes de maladie auto-immune.Premiers résultats chez des animaux
Le traitement a été testé chez des souris et des porcs atteints de diabète de type 1. Plusieurs objectifs ont été atteints :
Améliorer le taux d’insuline ;
Réguler la glycémie ;
Restaurer la fonction sécrétrice d’insuline du pancréas.
Il a également été observé que l’insuline administrée par voie orale agit sept fois plus rapidement que l’insuline administrée par voie sous-cutanée. Toutefois, des travaux sont encore nécessaires pour savoir si cette nouvelle thérapie est administrable à l’Homme. Si le concept fonctionne, les possibilités de traitement sont vertigineuses : les maladies auto-immunes bien sûr, mais aussi certains cancers, les allergies, et les infections.Première utilisation humaine de l’insuline