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// 13 octobre 1932 (Page 371-377 /992) //
Le roi Louis est parti. Mais avant même sa mort, la France avait subi un changement incroyable. Le sang de son peuple était enflammé par la fièvre de la révolution ; leurs veines picotaient et un enthousiasme enflammé s’en emparait. La France républicaine était aux abois ; le reste de l’Europe, l’Europe royale, était contre elle. La France républicaine montrerait à ces rois et princes effacés comment les patriotes réchauffés par le soleil de la liberté pourraient se battre. Ils se battraient non seulement pour leur propre liberté nouvellement acquise, mais pour la liberté de tous les autres opprimés par les rois et les nobles. Aux nations d’Europe, le peuple français a envoyé son message, en les appelant à se soulever contre leurs dirigeants et en se déclarant amis de tous les peuples et ennemis de tous les gouvernements royaux. La France, la patrie, est devenue la mère de la liberté, à l’autel de laquelle c’était une joie de se sacrifier. Et en cette heure d’enthousiasme féroce leur vint une merveilleuse chanson, en phase avec leur humeur enflammée, les faisant se précipiter en chantant vers le front et sauter par-dessus tous les obstacles, imprudentes. C’était le chant de guerre de Rouget de Lisle* [*Claude Joseph Rouget de Lisle (1760-1836), un officier français du génie, poète et auteur dramatique. Il est l’auteur de La Marseillaise et d’autres hymnes moins connus tels que l’Hymne Dithyrambique sur la conjuration de Robespierre et la Révolution du 9 Thermidor (1794) et Vive le Roi ! (1814).] pour l’armée du Rhin, connu depuis sous le nom de Marseillaise, et encore aujourd’hui le chant national des Français.
La Marseillaise
Premier couplet
Allons, enfants de la Patrie,
Le jour de gloire est arrivé !
Contre nous de la tyrannie
L’étendard sanglant est levé, (bis)
Entendez-vous dans les campagnes
Mugir ces féroces soldats ? 372
Ils viennent jusque dans vos bras
Égorger vos fils, vos compagnes !
Refrain : Aux armes, citoyens, Formez vos bataillons,
Marchons, marchons !
Qu’un sang impur Abreuve nos sillons !
Couplet 2
Que veut cette horde d’esclaves,
De traîtres, de rois conjurés ?
Pour qui ces ignobles entraves,
Ces fers dès longtemps préparés ? (bis)
Français, pour nous, ah ! quel outrage !
Quels transports il doit exciter !
C’est nous qu’on ose méditer
De rendre à l’antique esclavage !
Refrain
Couplet 3
Quoi ! Des cohortes étrangères
Feraient la loi dans nos foyers !
Quoi ! Ces phalanges mercenaires
Terrasseraient nos fiers guerriers ! (bis)
Grand Dieu ! Par des mains enchaînées
Nos fronts sous le joug se ploieraient !
De vils despotes deviendraient
Les maîtres de nos destinées !
Refrain
Couplet 4
Tremblez, tyrans, et vous, perfides,
L’opprobre de tous les partis,
Tremblez ! Vos projets parricides
Vont enfin recevoir leurs prix ! (bis)
Tout est soldat pour vous combattre,
S’ils tombent, nos jeunes héros,
La terre en produit de nouveaux,
Contre vous tout prêt à se battre !
Refrain
Couplet 5
Français, en guerriers magnanimes,
Portez ou retenez vos coups !
Épargnez ces tristes victimes,
À regret s’armant contre nous. (bis)
Mais ces despotes sanguinaires,
Mais ces complices de Bouillé,
Tous ces tigres qui, sans pitié,
Déchirent le sein de leur mère !
Refrain
Couplet 6
Amour sacré de la Patrie,
Conduis, soutiens nos bras vengeurs.
Liberté, Liberté chérie,
Combats avec tes défenseurs ! (bis)
Sous nos drapeaux que la victoire
Accoure à tes mâles accents,
Que tes ennemis expirants
Voient ton triomphe et notre gloire !
Refrain
Couplet 7 (dit « couplet des enfants »)
Nous entrerons dans la carrière
Quand nos aînés n’y seront plus,
Nous y trouverons leur poussière
Et la trace de leurs vertus (bis)
Bien moins jaloux de leur survivre
Que de partager leur cercueil,
Nous aurons le sublime orgueil
De les venger ou de les suivre.
Refrain
Ils n’ont pas chanté des chansons futiles sur la longue vie aux rois. Au lieu de cela, ils ont chanté l’amour sacré de la patrie, et de la liberté, la liberté bien-aimée.
Il y a eu de terribles privations. Il n’y avait ni assez de nourriture, ni de vêtements, ni de bottes, ni de chaussures, ni même de bras. Dans de nombreux endroits, les citoyens ont été invités à abandonner leurs bottes et leurs chaussures pour l’armée ; les patriotes ont abandonné de nombreux types de nourriture qui étaient rares et dont l’armée avait besoin ; certains jeûnaient même fréquemment. Des ustensiles en cuir et de cuisine, des poêles à frire, des seaux et de nombreux autres articles ménagers ont été réquisitionnés. Et dans les rues de Paris, on martelait bien des forges pour les gens du commun, tous les citoyens et citoyennes aidaient jusque dans la fabrication des armes. Il y avait de grandes privations ; mais qu’importe quand la France, la patrie, belle France en haillons mais avec la couronne de liberté sur la tête, était en danger et que l’ennemi était à sa porte ? Alors la jeunesse de France se précipita à son secours et, insouciante de la faim ou de la soif, marcha vers la victoire. «Rarement,» dit Carlyle, «trouvons-nous que tout un peuple peut être considéré comme ayant une foi du tout; sauf dans les choses qu’il peut manger et manipuler. Quand il a la foi, son histoire devient émouvante, remarquable. » Cette foi en une grande cause est venue aux hommes et aux femmes de la Révolution, et l’histoire qu’ils ont faite en ces jours mémorables, et les sacrifices qu’ils ont endurés, ont encore le pouvoir de nous éveiller et d’accélérer notre pouls.
Ces armées révolutionnaires de nouvelles recrues, à moitié entraînées, chassèrent toutes les troupes étrangères du sol français et libérèrent ensuite les Pays-Bas inférieurs (Belgique, etc.) des Autrichiens. Pour la dernière fois, les Habsbourg ont quitté les Pays-Bas, pour ne plus revenir. Les armées professionnelles formées d’Europe ne pouvaient pas faire face à ces recrues révolutionnaires. Le soldat entraîné s’est battu pour être payé et s’est battu avec prudence ; la recrue révolutionnaire s’est battue pour un idéal et était prête à prendre de grands risques pour gagner. Le premier se déplaçait lentement avec une montagne de bagages, le second avait peu à transporter et se déplaçait rapidement. Les armées révolutionnaires étaient donc un nouveau type de guerre, et elles se sont battues avec une nouvelle technique. Ils ont changé les anciennes méthodes de guerre et sont devenus, dans une certaine mesure, les modèles des armées des 100 prochaines années en Europe. Mais la vraie force de ces armées résidait dans leur enthousiasme et leur audace. Pour leur devise, et même pour la devise de la Révolution elle-même à ce stade, on peut citer la célèbre phrase de Danton: «Pour vaincre les ennemis de la patrie il nous faut de l’audace, encore de l’audace et toujours de l’ audace. »
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La guerre s’est étendue. L’Angleterre est devenue un ennemi puissant à cause de sa marine. La France républicaine avait constitué une grande armée de terre, mais sur la mer elle était faible. L’Angleterre a lancé un blocus de tous les ports français. D’Angleterre aussi, les émigrés français déversèrent en France des millions de fausses assignats ou billets de banque de la République française. De cette manière, ils ont essayé de ruiner la monnaie et les finances françaises.
La guerre étrangère a tout dominé et toute l’énergie de la nation y est allée. De telles guerres sont dangereuses pour les révolutions, car elles détournent l’attention des problèmes sociaux vers la lutte contre l’ennemi étranger, et ainsi le véritable objectif de la révolution est vaincu. La fièvre de la guerre remplace la fièvre de la révolution. C’est arrivé en France et, comme nous le verrons, la dernière étape de la France fut la dictature d’un grand commandant militaire.
Il y avait aussi des problèmes à la maison. En Vendée, dans l’ouest de la France, une grande révolte paysanne éclate, en partie à cause du refus de la paysannerie de rejoindre les nouvelles armées, et en partie à cause des efforts des chefs royalistes et des émigrés. La Révolution était vraiment contrôlée et dirigée par les gens de la ville de Paris ; la paysannerie ne pouvait ni comprendre ni apprécier les changements rapides de la capitale, et elle était à la traîne. La révolte vendéenne fut réprimée avec une grande cruauté. Pendant la guerre, et surtout la guerre civile, les pires passions sont éveillées et la pitié devient un vagabond sans abri. A Lyon, il y a eu un soulèvement contre-révolutionnaire. Il a été déposé et il a été proposé que la grande ville de Lyon soit détruite en guise de punition ! «Lyon a fait la guerre à la liberté, Lyon n’existe plus !» Heureusement, cette proposition n’a pas été acceptée, mais Lyon a beaucoup souffert.
Pendant ce temps, que se passait-il à Paris ? Qui contrôlait là-bas ? Une commune nouvellement élue et ses sections dominaient encore la vie de la ville. Dans la Convention nationale, il y avait une lutte pour le pouvoir entre les divers groupes, au premier rang desquels les Girondins ou les républicains modérés et les jacobins ou les républicains extrêmes.
Les Jacobins l’emportèrent et, au début de juin 1793, la plupart des députés girondins furent exclus de la Convention. La Convention franchit alors la dernière étape pour abolir les droits féodaux, et les terres qui avaient appartenu aux seigneurs féodaux furent restituées aux communes ou municipalités locales, c’est-à-dire que ces terres devinrent propriété commune.
La Convention, maintenant dominée par les Jacobins, nomma deux comités – les comités de bien-être public et de salut public – et leur donna de larges pouvoirs. Ces comités, et en particulier celui de la Sécurité publique, sont rapidement devenus très puissants et redoutés. Ils ont poussé la Convention d’étape en étape jusqu’à ce que la Révolution tombe dans l’abîme de la Terreur. La peur jette encore son ombre sur tout le monde : la peur des ennemis étrangers qui les entourent, des espions et des traîtres, et il y en a beaucoup. La peur aveugle et rend désespéré, et la Convention, poussée par cette peur toujours obsédante, vota une terrible loi en septembre 1793 : la loi des suspects. Aucune personne soupçonnée n’était en sécurité, et quiconque pouvait être libre d’être suspecté ! Un mois plus tard, vingt-deux députés girondins de la Convention sont jugés par le tribunal révolutionnaire et rapidement condamnés à mort.
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Ainsi commença la Terreur. Tous les jours, il y avait des voyages à la guillotine de ceux qui étaient condamnés ; tous les jours les charrettes – on les appelait des tumbrils – portant ces victimes, grinçaient et grondaient sur les pavés des rues de Paris, et les gens se moquaient des malheureux. Parler même à la Convention contre la clique au pouvoir était dangereux, car cela conduisait à la suspicion, et la suspicion conduisait au procès et à la guillotine. La Convention était contrôlée par les comités du bien-être public et de la sécurité publique. Ces comités, avec tout le pouvoir de la vie et de la mort entre leurs mains, n’aimaient pas le partager avec les autres. Ils se sont opposés à la Commune de Paris ; en fait, ils se sont opposés à tous ceux qui n’étaient pas d’accord avec eux. Le pouvoir a une façon extraordinaire de corrompre les gens. Ces comités se mirent donc à écraser la Commune, qui, avec ses sections, avait été l’épine dorsale de la Révolution. Ils ont écrasé les sections les premiers, et, ayant coupé ses appuis, ils ont écrasé la Commune. Ainsi la révolution se ronge-t-elle souvent. Les sections dans chaque partie de Paris étaient les liens qui unissaient le peuple avec le peuple au sommet ; c’étaient les veines à travers lesquelles coulait le sang rouge de la Révolution, qui lui donnait force et vie. L’écrasement des sections et de la Commune au début de 1794 signifiait la coupure de ce sang vital. Désormais, la Convention et les Comités étaient des organes de gouvernement au sommet, non en contact vivant avec le peuple, essayant, comme tous ceux qui détiennent le pouvoir, d’imposer leur volonté aux autres au moyen de la Terreur. C’était le début de la fin de la véritable période révolutionnaire. Pendant encore six mois, la Terreur devait continuer et la Révolution s’éterniserait. Mais la fin était en vue.
Qui étaient les dirigeants de Paris et de la France pendant ces jours de tempête et de stress ? De nombreux noms ressortent. Camille Desmoulins, l’homme qui a mené l’attaque de la Bastille en 1789, et a joué un rôle notable à maintes reprises. Plaidant pour une politique de clémence pendant la Terreur, il est lui-même victime de la guillotine, suivi quelques jours plus tard par sa jeune épouse, Lucille, qui préfère la mort à vivre sans lui. Fabre d’Eglantine, le poète, Fouquier-Tinville, le redoutable procureur de la République. Marat, peut-être le plus grand et le plus habile des hommes de la Révolution, poignardé à mort par une jeune fille, Charlotte Corday. Danton, que j’ai déjà cité deux fois, brave et léonin, grand et populaire orateur, mais qui n’en finit pas moins à la guillotine. Et Robespierre, le plus connu de tous, le chef des Jacobins et pratiquement le dictateur de la Convention à l’époque de la Terreur. Il est devenu presque l’incarnation de la Terreur, et beaucoup de gens pensent à lui avec un frisson. Pourtant, l’honnêteté et le patriotisme de cet homme ne font aucun doute ; il était connu comme «l’incorruptible». Mais aussi simple qu’il était dans sa vie, il était excessivement égocentrique et il semblait penser que tous ceux qui différaient de lui étaient un traître à la République et à la Révolution.
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Beaucoup des grands hommes de la Révolution, qui avaient été ses collègues, furent envoyés à la guillotine à sa demande ; jusqu’à ce qu’enfin la Convention qui l’avait suivi si docilement se retourna contre lui. Ils l’ont traité de tyran et de despote, et ont mis fin à lui et à son despotisme.
Tous ces chefs de la Révolution étaient de jeunes hommes ; les révolutions sont rarement faites par les anciens. Aussi importants que soient nombre de ces dirigeants, aucun d’entre eux, pas même Robespierre, ne joue un rôle prépondérant dans le grand drame. Avant le fait même de la Révolution, ils semblent se rétrécir ; car la Révolution n’a pas été provoquée, ni même contrôlée, par eux. C’était l’un de ces tremblements de terre humains élémentaires qui se produisent de temps en temps dans l’histoire, et que les conditions sociales et la misère et le despotisme prolongés préparent, lentement mais irrévocablement.
N’imaginez pas que la Convention n’a fait que querelle et guillotine. L’énergie libérée par une vraie révolution est toujours très grande. Une grande partie de cela a été absorbée par les guerres étrangères, mais il en restait encore beaucoup et beaucoup de travail constructif a été fait. En particulier, l’ensemble du système d’éducation nationale a été remanié. Le système métrique, que chaque enfant à l’école apprend maintenant, a été introduit à l’époque, et il a simplifié tous les poids et mesures de longueur et de volume. Ce système s’est maintenant répandu dans la plupart des régions du monde civilisé, mais l’Angleterre conservatrice s’en tient toujours à un ancien système désuet de yards et de stades, de livres et de cent poids et autres. En Inde, nous devons supporter ces longueurs et ces poids compliqués ainsi que les voyants et les maunds*, etc. [*maunds =une unité de poids variable dans certains pays d’Asie, en particulier une unité de poids indienne équivalente à environ 37 kg.]
Comme corollaire logique du système métrique, il y avait un nouveau calendrier républicain. Elle commença du jour de la proclamation de la République, le 22 septembre 1792. La semaine de sept jours fut changée en une semaine de dix jours, le dixième jour étant un jour férié. Il y avait encore douze mois, mais leurs noms ont été modifiés. Fabred ‘Eglantine, le poète, a donné de délicieux nouveaux noms aux mois, en fonction de la saison. Les trois mois de printemps étaient germinal, floréal, prairial; les mois d’été étaient Messidor, Thermidor, Fructidor; l’automne est venu en Vendémiaire, Brumaire, Frimaire; et l’hiver à Nivose, Pluviose, Ventose. Ce calendrier n’a pas survécu longtemps à la République.
À une époque, il y avait un fort mouvement contre le christianisme et le culte de la raison a été proposé. Des temples de la vérité ont été érigés. Le mouvement s’est rapidement étendu aux provinces. En novembre 1793, il y eut une grande fête de la liberté et de la raison dans la cathédrale Notre-Dame de Paris, et une belle femme personnifia la raison. Mais Robespierre était conservateur sur ces questions. Il n’a pas approuvé ce mouvement. Danton non plus. Le Comité jacobin du bien-être public s’y opposa et les dirigeants du mouvement furent donc guillotinés. Il n’y avait pas de maison intermédiaire entre le pouvoir et la guillotine. En guise de contre-attaque à la Fête de la Liberté et de la Raison, Robespierre organisa une autre célébration : la Fête de l’Être suprême. Par un vote de la Convention, il fut décidé que la France croyait en un Être suprême ! La religion catholique romaine est revenue à la faveur.
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Après l’écrasement des sections de Paris et de la Commune, les choses arrivaient rapidement à un point critique. Les Jacobins étaient suprêmes ; ils contrôlaient le gouvernement, mais ils se disputaient. La guillotine d’Hébert et de ses partisans, qui avaient pris la tête de la Fête de la Liberté et de la Raison, fut la première grande rupture du parti jacobin. Fabred d’Eglantine le suivit ; et quand, au début de 1794, Danton et Camille Desmoulins et d’autres protestèrent contre le fait que Robespierre envoie trop de monde à la guillotine, ils furent eux-mêmes abattus. L’exécution de Danton, en avril 1794, effectuée à la hâte de peur que le peuple n’intervienne, signifiait pour le peuple de Paris et des provinces que la Révolution avait pris fin. Un lion de la Révolution était tombé et une clique étroite était maintenant au pouvoir. Entourée d’ennemis, coupée du peuple, cette clique repéra partout la trahison et ne voyait pas d’autre moyen de se sauver que d’intensifier la Terreur.
Ainsi, la Terreur a empiré et les tumbrils roulant à la guillotine étaient plus encombrés de victimes que jamais. En juin, une nouvelle loi fut votée, appelée loi du 22 prairial, qui érigea en crime, passible de mort, la diffusion de fausses nouvelles pour diviser ou éveiller le peuple, saper la moralité et corrompre la conscience publique. Tous ceux qui différaient de Robespierre et de ses acolytes pouvaient être pris dans le large filet de cette loi. De grands groupes de personnes ont été jugés ensemble et condamnés – jusqu’à 150, un mélange de condamnés, de royalistes et d’autres, jugés ensemble à une occasion.
Pendant quarante-six jours, cette nouvelle Terreur dura. Enfin, le 9 thermidor (27 juillet 1794), le ver tourna. La Convention se retourna tout à coup contre Robespierre et ses partisans, et avec des cris de «A bas le tyran», ils les arrêtèrent et ne voulurent même pas laisser parler Robespierre. Le lendemain, le tumbril le porta à la guillotine où il en avait envoyé tant. Ainsi prit fin la Révolution française.
Après la chute de Robespierre vint la contre-révolution. Les modérés sont venus au front, et ces gens sont maintenant tombés sur les Jacobins et terrorisés à leur sujet. Après la Terreur Rouge est venu ce qu’on appelle la Terreur Blanche. Quinze mois plus tard, en octobre 1795, la Convention se disloqua et un Directoire de cinq membres devint le gouvernement. C’était définitivement un gouvernement bourgeois, et il essayait de maintenir les gens ordinaires à terre. Pendant plus de quatre ans, le Directoire a dirigé la France et, tel était le prestige et la force de la République même après tous les troubles internes, il a mené une guerre victorieuse à l’étranger. Il y a eu des insurrections contre cela, mais elles ont été réprimées. L’une d’elles a été réprimée par un jeune général de l’armée républicaine, Napoléon Bonaparte, qui a osé tirer sur la foule parisienne – c’est ce qu’on appelle «l’odeur de mitraille» – et en a tué beaucoup. Lorsque l’ancienne armée révolutionnaire pouvait elle-même être utilisée pour tuer les gens du commun de la France, il n’y avait évidemment plus l’ombre d’une révolution.
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Ainsi la Révolution a pris fin, et beaucoup des rêves brillants des idéalistes et des espoirs des pauvres ont pris fin avec elle. Et pourtant, elle avait beaucoup gagné qu’elle se proposait de gagner. Aucune contre-révolution ne pouvait ramener le servage, et pas même les rois Bourbon – la dynastie française était Bourbon – à leur retour, ne pouvaient reprendre les terres qui avaient été distribuées parmi la paysannerie. L’homme ordinaire sur le terrain ou en ville était bien mieux qu’il ne l’avait jamais été. En effet, même pendant la Terreur, la situation était meilleure qu’avant la Révolution. La Terreur n’était pas contre lui, mais contre les classes supérieures ; mais vers la fin, certaines des personnes les plus pauvres en ont également souffert.
La Révolution est tombée, mais l’idée républicaine s’est répandue dans toute l’Europe, et avec elle sont allées les principes qui avaient été proclamés dans la Déclaration des droits de l’homme.