Histoire de ma vie (1855) plus qu’une autobiographie explique sur les conditions de vie des Français du milieu du XIXe siècle, ce recueil épistolaire condense l’œuvre de George Sand, à la fois romantique et réaliste.Amantine Aurore Lucile Dupin, plus connue sous le pseudonyme de George Sand (1804-1876), naît à Paris le 1er juillet 1804 au sein d’une famille d’aristocrates français du côté de son père, et de marchands parisiens du côté de sa mère. C’est dans la commune de Nohant, dans l’Indre, que la petite Amantine vit son enfance, au côté de sa grand-mère paternelle, une aristocrate lettrée et indépendante. Dans la demeure champêtre familiale, elle vit une enfance heureuse et peut laisser libre cours à son imagination. Devenant de plus en plus rebelle à la discipline, sa grand-mère l’envoie au couvent de 1818 à 1820.À sa sortie du couvent, elle se plonge durant des heures dans la littérature des Lumières, de Diderot à Jean-Jacques Rousseau. Elle dévore aussi les ouvrages de ses contemporains, François-René de Chateaubriand en tête, puis découvre la beauté des textes de Shakespeare, de Blaise Pascal et de Virgile. À la mort de sa grand-mère, en 1821, Amantine repart vivre avec sa mère à Paris, mais, très vite, leurs relations deviennent délétères. Elle se marie finalement en 1822 avec Casimir Dudevant, avocat au barreau de Paris, mais, encore une fois, la relation devient rapidement conflictuelle. Le couple donne naissance à deux enfants : Maurice et Solange, mais la séparation est inévitable. Rêvant d’indépendance, Amantine part pour Paris et travaille un temps pour le journal Le Figaro.Une rencontre comme point de départEn 1830, Amantine rencontre Jules Sandeau, un écrivain parisien encore peu connu. Avec lui, elle fréquente les cercles littéraires parisiens où se retrouvent les écrivains du mouvement romantique. Au même moment, elle s’habille avec des vêtements masculins puis prend le pseudonyme de George Sand à l’occasion de la publication de son premier roman : Indiana (1832).Amantine est issue de l’aristocratie par son père.
Romancière et journaliste, elle prend le nom de George Sand (George, prénom féminin de Georges, et Sand, diminutif de Sandeau, le nom de son amant) pour publier plus facilement ses écrits. Le monde de la presse est, en effet, essentiellement masculin à l’époque.
Première femme du siècle à vivre de son art, son mode de vie surprend ses contemporains. Comme les hommes, elle fume et porte la redingote. Divorcée, elle multiplie les aventures.Elle met ses qualités d’écrivaine au service d’idées républicaines et socialistes. George Sand utilise la presse pour diffuser ses idées dans l’opinion publique, s’engage auprès du gouvernement provisoire de la Seconde République en 1848, mais suscite des critiques de la part de ses contemporains.Une figure du romantisme françaisPorté par le lyrisme de sa prose et le bousculement des traditions patriarcales, Indiana (1832) est un véritable raz-de-marée lors de sa sortie. Il symbolise l’objectif de son auteure : améliorer la condition de la femme dans la société occidentale. Avec Valentine (1832), son deuxième roman, elle gagne l’admiration de Chateaubriand qui la qualifie de génie. George Sand devient alors une figure de proue du mouvement littéraire romantique grâce à ses textes empreints d’émotions exacerbées et contrastées. Elle imagine des personnages qui cherchent à s’émanciper du carcan traditionnel et des conventions sociales en place, par exemple Melchior et Jenny dans Melchior (1832), la protagoniste de Lélia (1833) ou encore l’héroïne éponyme de Pauline (1839).Dès les années 1840, l’auteure de romans dits « féministes » laisse place à une écrivaine portée à la fois sur la question de la justice sociale et le mysticisme religieux. À travers ses textes, elle se rapproche du quotidien du peuple, de l’ouvrier parisien au paysan de l’Indre. Elle publie alors Un hiver à Majorque (1841), qui est un récit de voyage et une réflexion sur le thème de la justice sociale. Elle poursuivra cette réflexion à travers Consuelo (1843) avec l’intrication des sentiments et des différences sociales entre deux personnages. Plusieurs de ses ouvrages montrent ensuite le lent basculement entre le mouvement romantique et le mouvement réaliste. Que ce soit dans Le Meunier d’Angibault (1845) ou dans La Mare au diable (1848), elle mêle astucieusement l’intrigue romantique avec les descriptions précises du quotidien des classes laborieuses.Une auteure prolifique jusqu’à sa mortElle devient une auteure remarquée pour la profusion de détails concernant la vie rurale française de ce milieu du XIXe siècle. Elle aborde le folklore rural du Berry au travers d’un essai : Les Visions de la nuit dans les campagnes (1851), témoigne des relations humaines rurales dans Mont-Revêche (1852) et publie les Légendes rustiques (1857) de son pays du Berry.Une autobiographie comme chef-d’œuvreComme bon nombre de ses contemporains, George Sand s’attèle à l’écriture de ses mémoires en trois tomes. Ce sera Histoire de ma vie (1855), qui met l’accent sur les drames familiaux qu’elle a pu vivre et sur les conditions de vie des Français du milieu du XIXe siècle. Plus qu’une autobiographie, ce recueil épistolaire condense l’œuvre de George Sand, à la fois romantique et réaliste.À partie de la décennie 1860, elle renoue avec le lyrisme de ses débuts, publiant des romans, des nouvelles et plusieurs pièces de théâtre, comme Les Don Juan de village (1866). Malgré son âge avancé pour l’époque, elle ne diminue pas le rythme d’écriture, publiant au moins un ouvrage par an. Les dernières années, elle se concentre sur l’écriture d’histoires pour ses petits-enfants, comme avec Contes d’une grand-mère : première série (1873) et Contes d’une grand-mère : seconde série (1875). Elle décède chez elle, dans sa demeure de Nohant, le matin du 8 juin 1876.1 George Sand et la presse
2 Une activité d’écriture engagée à partir des années 1840
Un travail d’écriture passionné, au service des idées républicaines et socialistesAu début des années 1840, George Sand publie de façon régulière dans la presse républicaine. Ces publications prennent des formes variées.
Ainsi, pour le journal républicain L’Almanach populaire de la France pour 1845, elle publie Le père va-tout-seul, qui relate une conversation entre un vagabond très âgé, attaché à sa liberté de circuler et un policier, un prêtre et un homme de loi (défenseurs de l’ordre social et de l’enfermement des vagabonds).Elle publie aussi des romans parus sous forme de feuilletons dans des quotidiens, et des articles politiques, comme, par exemple, La politique et le socialisme (1844).
La Revue indépendante
De 1841 à 1848, George Sand et Pierre-Henri Leroux – éditeur, philosophe, et ami de George Sand – publient le mensuel La Revue indépendante, publié à Paris.Sand et Leroux travaillent sans rémunération et manquent de capitaux pour le publier régulièrement. Ce journal, qui défend la démocratie et la liberté de la presse, connaît un grand succès auprès du public et devient bi-mensuel.
Puis, Leroux et Sand publient La Revue sociale, jugeant La Revue Indépendante trop modérée. Des articles sur le phalangisme et le fouriérisme, ainsi que des poèmes et chansons d’ouvriers, affirment la nature socialiste de la revue.George Sand rédige aussi des textes pour le journal La réforme, dirigé, crée en 1843 par Louis Blanc (journaliste et historien, futur membre du gouvernement provisoire), Ledru-Rollin (Membre du futur Gouvernement provisoire), qui défendent le suffrage universel.Phalangisme :
Fouriérisme : Système philosophique et socio-politique de Charles Fourier (1772-1837), selon lequel les hommes doivent vivre heureux, avec des occupations correspondant à leurs tendances, à leurs passions, dans le cadre de groupements harmonieux.
- Le succès de George
Le succès de George Sand s’explique par différents facteurs :
L’essor de l’alphabétisation augmente le nombre de lecteurs, y compris dans le milieu ouvrier ;
Les progrès techniques de l’impression abaisse le coût de production et par conséquent le prix du journal ;
Les nouveaux lecteurs se passionnent pour les romans qui paraissent sous forme d’épisodes dans les journaux. Georges Sand répond à cette demande en décrivant, dans ces romans, la réalité sociale. Pour cela, elle effectue un travail d’écriture sociale très documenté.
Exemple
Lorsqu’elle publie la lettre d’un boulanger dans l’Éclaireur de l’Indre, en septembre 1844, elle consulte une enquête réalisée par un médecin afin de rédiger son éditorial sur les conditions de travail des boulangers (pièces insalubres, humidité suintante sur les murs, journées de travail de 16 ou 18 heures, salaire journalier de 4 francs).1. La presse, moyen idéal de diffusion des idées
Pour George Sand, la presse permet de diffuser les idées républicaines dans l’opinion publique, d’informer le lecteur et d’expliquer les grands enjeux sociaux et politiques du moment.L’écriture devient une arme éducative et pédagogique, destinée à convaincre le peuple des bienfaits du socialisme : la page imprimée devient le support de la propagande politique. L’éducation permet aux ouvriers de sortir de leur condition sociale misérable.
Ainsi, Georges Sand donne la parole aux opprimés, aux pauvres, aux démunis. Elle décrit et dénonce leur situation sociale et réclame davantage d’égalité.
Exemple
George Sand publie des lettres d’ouvriers ruraux appelant à signer la pétition de Ledru-Rollin pour l’ouverture d’une enquête parlementaire sur la condition ouvrière.
Elle encourage les ouvriers à écrire et témoigner de leurs conditions de travail et met en scène des héros ouvriers dans ses romans (Le compagnon du Tour de France).Le journal permet donc aussi de mobiliser les ouvriers sur la question sociale. Elle se rallie à la déclaration de Ledru-Rollin : « La pétition, c’est la presse des masses, c’est la voix de l’ensemble ».
L’ensemble de son œuvre permet de cerner les principes et idées pour lesquels elle écrit.2 George Sand, une républicaine aux idées socialistes et féministes
3 Les principes républicains défendus par George Sand
George Sand se détache de la monarchie au début des années 1830. Elle fait la connaissance des socialistes Ledru-Rollin, Barbès et Michel de Bourges, acteurs politiques majeurs.Devenue profondément républicaine, elle idéalise la République, comme étant le gouvernement du peuple par excellence. De la devise, Liberté, Égalité, Fraternité, elle retient surtout, l’Égalité. Ainsi, elle dénonce les inégalités sociales entre les riches et les pauvres et défend les pauvres contre les riches. Pour elle, le socialisme est le moyen de régler la question sociale et notamment les inégalités sociales.
Au nom du principe de l’égalité civile, elle milite pour l’indépendance des femmes et demande un droit au divorce facilité. L’émancipation privée de la femme est la condition à son émancipation politique.
Dans sa réponse aux rédactrices de La Voix des Femmes, qui souhaite qu’elle se présente aux élections d’avril 1848, elle écrit :« (…) Les femmes doivent-elles participer un jour à la vie politique ? Oui, un jour, je le crois avec vous, mais ce jour est-il proche ? Non, je ne le crois pas, et pour que la condition des femmes soit ainsi transformée, il faut que la société soit transformée radicalement (…). Quelques femmes ont soulevé cette question : Pour que la société soit transformée, ne faut-il pas que la femme intervienne politiquement dès aujourd’hui dans les affaires publiques ? J’ose répondre qu’il ne le faut pas, parce que les conditions sociales sont telles que les femmes ne pourraient pas remplir honorablement et loyalement un mandat politique. La femme étant sous la tutelle et dans la dépendance de l’homme par le mariage, il est absolument impossible qu’elle présente des garanties d’indépendance politique, à moins de briser individuellement et au mépris des lois et des mœurs, cette tutelle que les mœurs et les lois consacrent. Il me paraît donc insensé, j’en demande pardon aux personnes de mon sexe qui ont cru devoir procéder ainsi, de commencer par où l’on doit finir, pour finir apparemment par où l’on eut dû commencer. (…) ».
George Sand s’oppose en cela aux féministes de l’époque comme Désirée Gay, Eugénie Niboyet et Jeanne Deroin : elles militent pour l’égalité politique hommes/femmes.
Lorsqu’Eugénie Boyet annonce sa candidature aux élections législatives, George Sand, dans la presse fait connaître son opposition à ce projet. Pour elle, le suffrage universel est un apprentissage long et surtout progressif.Le processus révolutionnaire
George Sand se prononce contre la violence révolutionnaire.
Les tentatives de renversement du régime par la force, fomentées par des socialistes révolutionnaires, aboutissent à des échecs et à l’emprisonnement ou l’exil de leaders du mouvement ouvrier.
Ceci affaiblit la République sociale. En effet, l’échec de la manifestation insurrectionnelle du 15 mai 1848 conduit ses amis à être emprisonnés.
- L’engagement de George Sand en 1848
- L’enthousiasme de la victoire en 1848
George Sand s’enthousiasme pour l’IIe République qui met à l’ordre du jour la question sociale.
Elle fréquente alors les membres du gouvernement provisoire qu’elle connaît déjà (Ledru-Rollin, Lamartine, Louis Blanc, Arago) et dont elle partage les idées.
Elle rédige 9 contributions dans le journal officiel du gouvernement (Les bulletins du gouvernement du ministère de l’intérieur).
Elle devient le porte-parole de Ledru-Rollin, alors Ministre de l’Intérieur. Dans l’une de ces contributions, elle appelle à annuler les résultats des élections législatives en cas de défaite des Républicains. Elle prône alors le droit à l’insurrection.« Les élections, si elles ne font pas triompher la vérité sociale, si elles sont l’expression d’intérêts d’une caste, arrachée à la confiante loyauté du peuple, les élections qui devaient être le salut de la République, seront sa perte, il n’en faut pas douter. Il n’y aurait alors qu’une voie de salut pour le peuple qui a fait les barricades, ce serait de manifester une seconde fois sa volonté et d’ajourner les décisions d’une fausse représentation nationale. »
Bulletin du gouvernement numéro 16 du 15 avril 1848.
Très mal accueilli par ses adversaires, cet écrit l’oblige à cesser sa collaboration avec le gouvernement provisoire.
Inlassable pédagogue, elle rédige des articles pour convaincre de la nécessité des réformes sociales et dé-diaboliser les « partageux » (socialistes favorables à une République égalitaire) auprès des paysans et des classes moyennes.Elle s’adresse aux paysans sous la forme de petites brochures ou de lettres afin de séduire et convertir un électorat peu favorable aux ouvriers et aux idées républicaines.
En avril 1848, elle crée un journal, intitulé La cause du peuple. Dans l’éditorial du 9 avril, elle écrit :
« Si nous pouvions obtenir que des opinions sérieuses, sincères entièrement dégagées de personnalité, fussent exposées, écoutées, discutées tous les jours, sur tous les points de France, et dans toutes les assemblées populaires, nous croyons que cette semaine nous avancerait d’une année, que nos choix seraient ensuite plus rapides, nos élections plus faciles et le résultat plus significatif. »
Elle publie aussi, dans ce journal, un texte dont le titre Le Roi, fait référence au peuple souverain :
« Je vois bien un roi, mais il ne s’appelle plus Louis XIV ; il s’appelle le peuple ! Le peuple souverain ! ».
Durant l’année 1848, George fait l’objet de nombreuses caricatures peu élogieuses dans la presse, car elle fait peur à certains hommes politiques : c’est une femme engagée en politique alors que les femmes ne possèdent pas le droit de vote, et qui plus est socialiste.
- De l’enthousiasme à la déception
Cependant son enthousiasme ne dure pas dans le temps : la répression des journées de juin 1848 et l’interdiction de presse par le gouvernement marquent la fin de la République sociale et l’éloignent de la vie politique parisienne. Elle se retire dans la maison familiale de Nohant dans le Berry.
Cependant, elle poursuit l’écriture politique. Dans La Réforme, elle critique la politique de Louis Napoléon Bonaparte. Bien que surveillée sous l’Empire, elle poursuit l’écriture à travers une correspondance abondante envoyée notamment à Louis Napoléon Bonaparte, au Ministère de l’Intérieur, afin d’obtenir le retour des socialistes exilés.
Les 3 derniers ouvrages de George Sand :
Les Deux Frères (1875)
La Tour de Percemont (1875)
Contes d’une grand-mère : seconde série (1876)
https://www.maxicours.com/se/cours/george-sand-femme-de-lettres-engagee-en-politique/