L’arme de la grève et la mobilisation massive pour faire plier Villepin sur le CPEAu moins 1 million de syndiqués, d’étudiants et de chômeurs descendent dans la rue en France pour protester contre la loi proposée par le gouvernement sur le contrat de premier emploi.De février à début avril 2006, une mobilisation massive des étudiants, des lycéens et des syndicats a lieu contre le contrat première embauche (CPE). Défendu par le Premier ministre Dominique de Villepin, il est finalement retiré.Selon le ministère de l’intérieur, plus d’un million de personnes ont défilé le 28 mars 2006 en France contre le CPE, tandis que la CGT et FO avancent le chiffre de 3 millions de manifestants. « Il est impensable que le premier ministre reste arc-bouté sur sa position », estime le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault.
La mobilisation contre le CPE faisait l’effet d’un raz-de-marée, mardi 28 mars. Environ 1 055 000 manifestants ont défilé dans toute la France, selon la police, plus de trois millions selon FO et la CGT. Quelques soient les chiffres, ils sont plus de deux fois supérieurs à ceux du samedi 18 mars.« Nous sommes plus de 3 millions aujourd’hui dans les rues, c’est historique, il est impensable que le premier ministre reste arc-bouté sur sa position », avait affirmé, un peu plus tôt, le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault, pour qui « il n’y a qu’une seule issue, c’est le retrait de cette réforme ».Le leader de la CGT s’exprimait en marge de la manifestation parisienne contre le CPE, partie à 14 h 30 de la place d’Italie pour rejoindre la place de la République. Les dirigeants syndicaux – Bernard Thibault (CGT), François Chérèque (CFDT), Jean-Claude Mailly (FO), Bruno Julliard (UNEF), Jacques Voisin (CFTC), Gérard Aschieri (FSU), Alain Olive (UNSA), Annick Coupé (Solidaires) – avaient pris la tête de cortège, derrière une banderole réclamant le « retrait du contrat première embauche ».Les cheminots ont donné, hier soir, le coup d’envoi de la quatrième journée d’action à laquelle sont appelés les jeunes et les salariés pour obtenir le retrait du CPE. CGT, CFDT, FO, CFTC, CFE-CGC, FSU, Unsa, Solidaires, Unef, Confédération étudiante, Fidl, UNL, qui sont à son initiative, promettent pour l’occasion le franchissement d’une nouvelle étape dans la mobilisation, et même au gouvernement, personne ne se risque désormais plus à la minimiser. Le mardi 7 mars, entre 400.000 et plus de 1 million de personnes, selon les estimations divergentes de la police et des syndicats, avaient défilé contre le CPE. Le samedi 18 mars, ils étaient entre 500.000 et 1,5 million.Les 12 organisations syndicales de salariés, d’étudiants et de lycéens ont reçu cette fois-ci un soutien qu’elles n’attendaient plus : celui de la FAGE, devenue première organisation étudiante du fait du boycottage par l’Union nationale des étudiants de France (UNEF) des élections au Crous. La FAGE, absente du mouvement depuis le 8 février et dont le gouvernement salue l’esprit de responsabilité (l’organisation avait accepté de se rendre à Matignon, samedi, au contraire de l’UNEF), a annoncé qu’elle appelait aussi à manifester.Dans le même temps, l’UNEF s’est défendu de toute arrière-pensée politique : « Nous n’organisons pas aujourd’hui une mobilisation (…) pour obtenir la démission du gouvernement », a affirmé Bruno Julliard, sur Europe 1, alors que la coordination étudiante (dont ne fait pas partie l’UNEF) en avait formulé ce week-end la revendication.
Le public rentre dans la danseLa journée d’action d’aujourd’hui devrait confirmer la spécificité du mouvement anti-CPE : la participation des salariés du secteur privé au côté des jeunes. Les appels à la grève se sont en tout cas multipliés. « Ils dépassent le niveau du conflit sur les retraites de 2003 », s’est félicité il y a déjà quelques jours le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault.Mais pour la première fois depuis le début du mouvement, le public devrait aussi rentrer dans la danse. Jusque-là, il s’est tenu en retrait. Le 7 février et le 7 mars, aucune difficulté marquante n’avait été enregistrée dans les transports et le taux de gréviste chez les fonctionnaires avait été très faible : moins de 2 % début février, 9,6 % début mars chez les fonctionnaires de l’Etat, et 12,7 % dans l’Education nationale, selon le ministère de la Fonction publique. Cette fois-ci, les perturbations seront importantes dans les transports (lire ci-dessous) où ce mardi s’annonce comme une journée noire. Elle sera aussi très perturbée dans l’Education nationale.
Au-delà des seules manifestations de rue, l’opposition au projet de Dominique de Villepin ne faiblit pas : 63 % des Français « désapprouvent la décision du Premier ministre de le maintenir », tandis que 34 % s’affirment partisans de son maintien, selon un sondage réalisé pour « Le Monde » et France 2 par Ipsos. Cela dit, l’enquête conforte aussi Dominique de Villepin dans la mesure où elle montre que les électeurs de droite ne comprendraient pas un revirement : 74 % des sympathisants de l’UMP et 58 % de ceux de l’UDF défendent son maintien.
De quoi expliquer l’inflexibilité qui restait de mise, hier, au sein du gouvernement, qui s’est attaché à se montrer soudé, même si chacun sait qu’il y a quelque tangage dans la majorité. Ainsi, François Baroin, ministre de l’Outre-mer, a affirmé sur i-télé qu’« essayer d’enfoncer des coins » entre Jacques Chirac et Dominique de Villepin à propos du CPE « n’a aucune chance d’aboutir ». La porte-parole de Solidaires, Annick Coupé, reçue hier par le ministre de l’Emploi et de la Cohésion sociale, Jean-Louis Borloo, a indiqué que ce dernier avait affirmé sa « solidarité » avec le gouvernement alors qu’on le sait pourtant sur une ligne d’ouverture vis-à-vis des syndicats, contrairement à Matignon.Les 12 organisations qui mènent le mouvement anti-CPE ont prévu de se retrouver demain matin en intersyndicale pour tirer les enseignements de leur mobilisation et envisager la suite. Le Premier ministre devrait dans la foulée faire de nouvelles propositions d’« aménagements ». Il a donné rendez-vous pour cela aux organisations étudiantes et aux syndicats, avant donc que le Conseil constitutionnel se prononce.Au-delà de l’éducation nationale et pour la première fois depuis le début du mouvement anti-CPE, le secteur public dans son ensemble était touché (fonction publique, ANPE, La Poste, EDF et Gaz de France) mais aussi le privé (télécoms, banques, métallurgie avec plus de 600 appels à débrayer, tabac). La plupart des quotidiens nationaux sont également absents des kiosques.