«Ce que l’on découvre ou redécouvre soi-même ce sont des vérités vivantes ; la tradition nous invite à n’accepter que des cadavres de vérités.»Dans le cadre de la Semaine neuchâteloise contre le racisme la BPUN accueille jusqu’au 9 avril l’exposition: « André Gide et l’Afrique Équatoriale française ». En prenant pour base les carnets de voyage de Gide ainsi que des photographies de Marc Allégret, l’exposition explore le rapport de Gide au colonialisme et nous invite à questionner notre propre rapport à l’altérité. André Gide (1869-1951) nait à Paris dans une famille de la haute bourgeoisie protestante où il est fils unique. Il s’affranchit de son éducation puritaine, dans les « Nourritures terrestres », en 1897, en exprimant son goût pour la vie. Il subit à ses débuts l’influence des symbolistes et ses écrits de jeunesse restent sans succès. Il participe à la vie littéraire (L’Hermitage avec Paul Claudel, Henri Ghéon, Francis Jammes, Paul Valéry) et fonde la Nouvelle Revue Française (NRF) où il défend une école de la rigueur et du classicisme. En 1909, André Gide rompt avec Paul Claudel qui avait espéré le convertir au christianisme. Dans « Les caves du Vatican », roman burlesque publié à la veille de la guerre, André Gide expose sa théorie de l’acte gratuit, portée par son personnage célèbre, Lafcadio. En épigraphe, l’auteur a choisi une citation de Georges Palante : « Pour ma part, mon choix est fait, j’ai opté pour l’athéisme social ». Il acquiert la notoriété après la guerre et a une grande influence sur de nombreux écrivains. André Gide montre à la fois un désir de prendre parti dans les grands problèmes de son époque (contre le colonialisme, pour le pacifisme et le communisme.), tout en faisant preuve de méfiance envers toute forme d’engagement. Son enthousiasme pour le communisme s’éteint dans la douleur après son voyage en URSS qui l’amènera à dénoncer le stalinisme. Bien qu’étant classique dans son style, André Gide rejette tout conformisme dans les idées. Sa personnalité est complexe, à la fois sensible et puritaine, tourmenté par le doute et l’inquiétude. Il refuse toute servitude familiale, sociale, religieuse pour mieux vivre dans l’instant et renaître chaque jour. Il reçoit le prix Nobel de littérature en 1947.L’image d’André Gide s’est brouillée. Le « contemporain capital » passe pour une figure un peu surannée de la littérature. Pourtant l’auteur des Faux monnayeurs a été pour plusieurs générations non pas tant un maître à penser – sa pensée est elle-même traversée par trop d’interrogations et de doutes pour qu’on lui fasse jouer ce rôle – que l’incarnation de l’esprit libérateur. Plus modestement, Gide confie à son Journal : « Belle fonction à assurer, celle d’inquié tué. » Mais les audaces de Gide -l’affirmation de la liberté individuelle face aux pesanteurs de la morale conventionnelle, son culte de la jeunesse, son goût pour le voyage, ses engagements pour défendre l’homosexualité, pour dénoncer le colonialisme ou les totalitarismes en général et le stalinisme en particulier – portent moins aujourd’hui, car nous vivons dans une tout autre atmosphère que celle dont il a voulu se libérer et libérer autrui. Biographique André Gide (1869-1951)André Gide (1869-1951) est issu d’une famille de huguenots et de récents convertis au catholicisme. Enfant, il est souvent malade et sa scolarité à l’École alsacienne est interrompue par de longs séjours dans le Sud, où il est encadré par des précepteurs. Ses Cahiers d’André Walter ( 1891) lui ouvrent la porte des milieux littéraires symbolistes de l’époque, mais l’événement décisif de ces années est un voyage en Algérie où une grave maladie le conduit au à l’article de la mort et précipita sa révolte contre son passé puritain. Son œuvre vit désormais des tensions jamais résolues entre une discipline artistique stricte, un moralisme puritain, et le désir d’indulgence sensuelle sans limite et d’abandon à la vie. Les Nourritures terrestres ( 1897) , le drame Saul (1903), puis Le Retour de l’enfant prodigue (1907) , sont les principaux documents de sa révolte.Le résultat de la révolte de Gide fut la liberté sans précédent avec laquelle il écrivit sur les questions sexuelles dans Corydon (édition privée 1911, version publique 1924), son autobiographie Si le grain ne meurt (1924) [ If It Die … ], et le journal de toute une vie de Gide Journal 1889 à 1939 (1939), Journal 1939 à 1942 (1948), et Journal 1942 à 1949 (1950).Gide a divisé ses œuvres narratives en soties telles que Les Caves du Vatican (1914) [ Les aventures de Lafcadio ] et des récits de retenue classique, par exemple, La Porte étroite (1909) [ Strait is the Gate ] et La Symphonie pastorale (1919). Le seul ouvrage qu’il considérait comme un roman était Les Faux Monnayeurs (1926), structurellement complexes et expérimentaux .Jusqu’aux années vingt, Gide était surtout connu dans les milieux littéraires d’avant-garde et ésotériques (il fut l’un des fondateurs de La Nouvelle Revue Française), mais dans ses dernières années, il devint une figure très influente, quoique toujours controversée. Il a beaucoup voyagé. Son voyage au Congo a donné lieu à un rapport cinglant sur les abus économiques des entreprises françaises et a abouti à des réformes. Si dans les années trente Gide rebute une partie du public par ses sympathies pour le communisme, son récit désabusé de son voyage en Russie, Le Retour de L’U.R.S.S (1936), en scandalise une autre. Les intérêts de Gide dépassaient largement les limites de la littérature française. Il a traduit Shakespeare, Whitman, Conrad et Rilke. Il fut un critique littéraire influent (Prétextes, 1903 ; Nouveaux Prétextes, 1911) et fut particulièrement attiré par les écrivains problématiques comme Dostoïevski, sur lequel il écrivit un livre (1923).Parmi les dernières œuvres de Gide figurait Thésée (1946), comme le précédent Œdipe (1931) la refonte d’un vieux mythe. L’ensemble des œuvres de Gide a été publié en quinze volumes (1933-39).Quelques œuvres :
Le traité de Narcisse (1891),
Paludes (1895),
Les nourritures terrestres (1897),
L’immoraliste (1902),
Prétextes (1903),
Saül (1903),
La porte étroite (1909),
Retour de l’enfant prodigue (1909),Les caves du Vatican (1914),
La symphonie pastorale (1919),
Si Le Grain ne meurt (1921),
Corydon (1924),
Les faux-monnayeurs (1925),
Voyage au Congo (1927),
Les Nouvelles Nourritures (1935),
Retour de l’URSS (1936),
Journal (1939-1946,1950),
Correspondance (1948-1964),
Ainsi soit-il ou Les Jeux sont faits (1952).
L’immoraliste (1902),Durant les années trente, André Gide était le plus célèbre de tous les écrivains français vivants, non pas tant par la qualité littéraire de ses œuvres, mais parce qu’il était le seul grand représentant en France de la révolte positive contre les conventions du XIXe siècle. Depuis plusieurs générations, la majorité des écrivains français critiquaient farouchement la société française, mais soit ils considéraient que la vie ordinaire était de toute façon morne et que le salut résidait dans l’art, soit ils avaient opté pour un retour au drame cosmique d’un catholicisme intense. Par André Gide. Une nouvelle traduction de Richard Howard. 171 pages. New York : Alfred A. Knopf. 5 $. Gide était le principal défenseur d’une philosophie humaine optimiste ; il était passé de la piété chrétienne (protestante, dans son cas) à l’agnosticisme serein ; il propose un retour à la « nature », c’est-à-dire un élargissement de la personnalité par l’acceptation des pulsions indûment freinées par les restrictions bourgeoises, et surtout dans « Les Nourritures Terrestres ». Terre), il a prêché une doctrine de l’ici et maintenant qui semblait particulièrement attrayante après la Première Guerre mondiale. de la jeunesse moderne partout.
Cependant, alors que certains aspects de la philosophie gidéenne se sont révélés de plus en plus populaires, même parmi des personnes qui n’ont peut-être jamais entendu parler de Gide, lui-même a commencé à paraître démodé en France. Les hommages qui lui ont été rendus en 1969, l’année de son centenaire, n’ont été que superficiels, et certains critiques plus jeunes l’ont condamné comme étant désormais totalement dépassé. C’est injuste, je pense, mais tout à fait compréhensible parce que, comme beaucoup de réformateurs, il était encore quelque peu rattrapé par les attitudes contre lesquelles il se battait, et parce que même ses livres les plus audacieux peuvent sembler un peu étouffés aujourd’hui quand on les relit à l’époque. lumière de tout ce qui s’est passé depuis leur rédaction. C’est particulièrement vrai, sans aucun doute, de « The Immoralist », qui est sorti pour la première fois en 1902; on peut imaginer un jeune lecteur moderne trouvant un petit roman plutôt sombre, surtout en traduction anglaise, et se demandant pourquoi l’auteur était autrefois considéré comme un révolutionnaire qui faisait époque.Ce n’est pas l’attitude de Richard Howard, l’éminent traducteur, qui, dans la note préliminaire à sa nouvelle traduction, laisse entendre une grande admiration pour le livre, bien qu’il n’en discute pas réellement les mérites. Il dit avoir entrepris cette nouvelle version, destinée à remplacer celle publiée en 1930 par Dorothy Bussy, car « toutes les traductions datent, certaines œuvres ne datent jamais ». Après avoir témoigné un certain respect pour la traduction de Mme Bussy, il déplore qu’« elle retombe sur des expédients d’époque au lieu d’affronter l’outrage souvent radical de ce que l’auteur, dans son incomparable originalité, se risque à dire ».
Ici, je me risque à être en désaccord avec M. Howard. Il n’y a aucune raison pour qu’une bonne traduction date. Au contraire, dans le contexte européen du moins, une version contemporaine fiable d’un livre est inestimable car elle peut appartenir plus ou moins à la même atmosphère culturelle. Si Gide fut un innovateur, il fut aussi marqué par les modes littéraires de son temps, et l’une des difficultés à rendre la saveur précise de sa prose vient désormais du fait qu’elle conserve certaines caractéristiques du style fluide courant de part et d’autre. de la Manche au tournant du siècle. Idéalement, sans aucun doute, il aurait dû être traduit immédiatement par un écrivain tel que Llewellyn Powys, qui avait une sensibilité naturiste similaire et la légère fièvre qui accompagne souvent la tuberculose. Mais, en l’occurrence, Mme Bussy était tout à fait qualifiée puisqu’elle avait l’avantage d’une longue amitié personnelle avec Gide et, étant la sœur de Lytton Strachey, venait d’une famille cultivée de la haute bourgeoisie qui n’était pas sans rappeler celle de Gide. Elle n’avait pas non plus peur de parler franchement depuis qu’elle a elle-même écrit le roman lesbien « Olivia ».En tout cas, il n’y a pas « d’outrage radical » dans l’expression linguistique de Gide ; l’indignation est tout dans les implications. Le trait du style de Gide le plus difficile à rendre dans la traduction est son rythme subtil et précieux et sa mise en place exquise du terme simple ou raréfié. Pour être franc, je ne pense pas que M. Howard améliore la version de Mme Bussy. Sa faiblesse est une légère tendance vers le gallicisme, peut-être parce qu’elle a vécu si longtemps en France avec un mari français, mais son style est un peu plus suave, à la manière de Gidean, que celui de M. Howard, et elle comprend toujours le français, même quand elle le paraphrase dans une certaine mesure. M. Howard n’est pas aussi fiable. Par exemple, il interprète mal une négation vitale à la toute première page : « Michel n’était pas pardonné de la préférer à lui-même » (comparer Mme Bussy : « Ils ne pouvaient pas pardonner à Michel de ne pas la préférer à lui-même »), et il trébuche sur un certain nombre de mots : par exemple, « je ne sais quel salmis immangeable » n’est pas « une soupe immangeable » mais, comme le dit Mme Bussy, « une sorte de hachis immangeable ». Tense‐je » est le présent, pas le passé ; « un enclos » n’est pas une « cour de ferme » dans le contexte maghrébin et Michel ne va jamais au « sanatorium » que M. Howard interpole dans le texte. Il est vrai que l’on peut toujours prendre n’importe quelle page de n’importe quelle traduction et en discuter indéfiniment, mais il me semble que M. Howard s’expose à la critique d’une manière que ne fait pas Mme Bussy.
Quant au livre lui-même, il est l’une des trois ou quatre variations produites par Gide sur le thème du conflit entre son désir d’émancipation sensuelle et son attachement à sa femme Madeleine. Le dilemme central au début de sa carrière était qu’il était à la fois un homosexuel et un homme qui voulait entretenir une relation étroite, mais apparemment platonique, avec une femme qu’il connaissait depuis l’enfance. La racine de sa pensée, et le ressort de son action libératrice (qui a fini par déborder sur les questions politiques), était la conviction que s’il était « naturellement » homosexuel, l’homosexualité devait avoir raison. De plus, il avait failli mourir de tuberculose, et il considérait sa guérison comme une renaissance, ou une conversion, qui lui imposait de vivre pleinement chaque minute. Jusqu’à un certain point, il a réussi à ordonner son comportement selon ses principes, mais il n’a jamais résolu le problème de la conciliation de l’hédonisme homosexuel avec le platonisme conjugal et, de son propre aveu, il n’en a même jamais discuté avec sa femme qui s’est peu à peu repliée sur elle-même. une série de devoirs domestiques et d’activités caritatives.
https://www.nobelprize.org/prizes/literature/1947/gide/biographical/
https://www.lexpress.fr/culture/livre/andre-gide-a-la-recherche-de-l-impossible-bonheur_963884.html