Giordano Bruno brûlé vif par l’Église – La liberté d’esprit face à la pensée uniqueGiordano Bruno meurt sur le bûcher1600 Giordano Bruno, moine et érudit italien, défenseur de la théorie copernicienne, exécutéChaque 17 février, une foule se rassemble sur une petite place du centre historique de Rome, le Campo de ‘Fiori à deux pas du palais Farnèse. Chacun vient pour déposer des couronnes, des poèmes et des bougies au pied de la statue d’un homme de bronze sous son capuchon de moine. L’homme que l’on honore est le philosophe napolitain Giordano Bruno. Il a été brûlé vif pour hérésie, à cet endroit, le 17 février 1600 sur ordre de la Sainte Inquisition. Le tribunal de l’Église lui reprochait ses livres dans lesquels il prônait la cosmologie héliocentrique de Copernic et affirmait que l’univers était infini et contenait plusieurs autres mondes. Seize ans plus tard, la même accusation sera portée contre Galilée, mais ce dernier se rétractera pour avoir la vie sauve. Bruno, lui, ira jusqu’au bout de ses convictions.Le 17 février 1600, le philosophe Giordano Bruno est brûlé vif à Rome, sur le Campo dei Fiori, après avoir passé huit ans dans les geôles de l’Inquisition. Avant de le faire mourir, ses bourreaux ont soin de lui arracher la langue pour l’empêcher de proférer des « paroles affreuses ». La condamnation du philosophe comme hérétique, sur ordre du pape Clément VIII, met un terme à une vie de pérégrinations, de disputes et de tourments. Il n’est jamais inutile de faire resurgir un morceau de l’Histoire occultée ; peut-être un repère pour les nouvelles générations. Giordano Bruno est né à Nola, près de Naples, en 1548. Moine dominicain à 18 ans, il doit quitter son ordre en 1575 car suspect d’hérésie.Bruno préfère la liberté de penserIl fuit d’abord à Rome, à Venise, puis à Chambéry puis enfin à Genève. Dans cette ville, il entre en conflit avec les autorités protestantes et doit fuir en France, d’abord à Toulouse puis à Paris. Il y publie ses premières œuvres (D’umbris idearum, Cantus circaeus, Sigillus sigillorum, Il Candelaio). Il quitte ensuite la France pour l’Angleterre où il fait éditer ses « Dialogues italiens » (La cena de le ceneri ; De la causa, principio e uno ; De l’infinito, Universo e Mondi ; Spaccio de la bestia trionfante ; Cabala del cavallo pegaseo con l’aggiunta dell’Asino Cillenio ; De gl’Heroici furori). De retour à Paris, il doit de nouveau fuir l’hostilité des milieux des disciples d’Aristote. Il se rend alors successivement à Wittenberg, Prague, Helmstaedt et Francfort où il publie ses « Poèmes latins » (De minimo, De monade, De immenso et innumerabiblibus, ainsi que le De imaginum compositione). Après un séjour à Zurich, il rentre à Venise à l’invitation du patricien Giovanni Mocenigo qui désire apprendre les secrets de l’art de la mémoire. Là, il est dénoncé à « l’inquisition » vénitienne par ce même patricien, qui le loge. Inventeur et philosophe maudit Si l’on se souvient de lui comme d’un disciple de Copernic et inspirateur de Spinoza, en parfait esprit de la renaissance, il a touché à tout : philosophe, auteur de pièces de théâtre, mathématicien… mais surtout esprit libre et curieux, questionneur de dogmes, penseur indépendant n’ayant pas peur des chemins de traverse, débatteur acharné. Inventeur de la mnémotechnique, il était capable de réciter des centaines de poèmes. Il a aussi formulé, dix-neuf ans avant Galilée, le principe d’inertie, plus grande découverte de son époque. Si l’héliocentrisme a bouleversé les esprits, il n’a guère eu d’applications pratiques, tandis que le principe d’inertie, moins spectaculaire, ouvrait la porte à toute la science moderne. La raison pour laquelle on l’attribue à Galilée, c’est que ce dernier l’appuya sur des considérations expérimentales. L’ironie, c’est que les expériences de Galilée, on le sait aujourd’hui, étaient « bidon », car leur précision excédait largement les possibilités des instruments dont il disposait. Mais Bruno fut avant tout un philosophe d’une rare audace. Et ses thèses étaient considérées comme une abomination par l’église catholique : mise en doute de la transsubstantiation, description d’un univers non géocentrique et infini, liberté de l’homme face à la société, liberté de conscience de l’individu, droit de l’étudiant à étudier toute thèse, même contraire au dogme du moment… Ce fut un « philosophe maudit ». Le monde dans lequel il était né, créé par un Dieu, abritait la seule planète habitée, immobile bien au centre d’un ciel fini et étroit, simple succursale du paradis. L’univers pour lequel il est mort, n’aurait pas été créé mais aurait existé de toute éternité, dans un espace infini, sans cesse en mouvement, peuplés d’une infinité de civilisations. En posant comme théorie les principes de la pluralité des mondes et de l’infinité de l’univers, cela le conduit à une violente critique de la société et de la conception figée et hiérarchisée du monde.
L’image de l’âne
Figure emblématique, omniprésente dans toute son œuvre, l’âne représente tantôt la sottise ordinaire, Bruno prenant pour cible les cuistres, les faux maîtres universitaires et les ecclésiastiques, tantôt il symbolise les qualités de l’homme, simple et courageux, qui avance sur des voies difficiles. Cette image de l’âne se retrouve dans son style qui mêle sans cesse le trivial et le sublime, à l’égal de Rabelais. Pas de genre dogmatique ou déclamatoire : la vie même coule dans son expression, véritable création littéraire avec une liberté totale. Son œuvre, longtemps occultée et méconnue, est finalement très proche des grandes interrogations modernes.
Pourquoi ont-ils brulé Bruno ?Pourquoi ont-ils brûlé Giordano Bruno et non Galilée ? Pourquoi l’église s’est-elle excusée, avec cinq siècle de retard, d’avoir intimidé Galilée mais n’a-t-elle jamais regretté d’avoir brûlé Bruno ? Derrière une analogie superficielle, leurs cas sont complètement différents. Avant tout, Galilée, comme Copernic est des savants, on dirait aujourd’hui des scientifiques. Ils ne se préoccupent pas de religion et si leurs découvertes peuvent contredire les convictions des représentants de l’église, ça n’est pas à dessein. Bruno, durant son procès, prétendra être dans le même cas. Mais ce n’est qu’un adroit système de défense. Giordano Bruno n’a jamais été un homme de science. Parmi les thèses qu’on lui reproche, la réincarnation, la non-création du monde et la non virginité de Marie préoccupent certainement beaucoup plus ses accusateurs que les mouvements respectifs de la Terre et du Soleil. C’est un prêtre défroqué, anarchiste avant l’heure, dégoutté de la religion et ennemi déclaré du christianisme, à travers lequel il perçoit hypocrisie, exploitation des masses, obscurantisme et persécution. Si ses ennemis finiront par lui donner raison, au moins sur ce dernier point, il y mettra du sien. Car, c’est la seconde différence avec Galilée et les siens. Ils sont roseaux, il est chêne. Galilée, qui s’était déjà montré plus futé pour soutenir le principe d’inertie, a bien compris que « Et pourtant, elle tourne » est une phrase qui ne se prononce qu’à voix basse. Bruno pendant sept ans, de 1593 jusqu’à la fin que l’on sait, va jouer avec ses tortionnaires un incroyable jeu de chat et de la souris. Il se rétracte… mais pas tout à fait. Il n’a jamais voulu dire que… mais il maintient que… Il abjure tout, mais à condition que le Pape lui donne raison ! Un jour, il n’a plus pour sortir qu’à signer une déclaration dont il a négocié chaque virgule et, tout à coup, un doute lui vient sur tel point de détail. Pendant tout ce temps, il est affamé, torturé et on a l’impression que c’est lui qui mène la danse. Il use ses bourreaux, il excède « l’inquisiteur suprême », le Cardinal de Santaseverina, il tue à la tâche ses tortionnaires.
Néanmoins, tout n’est pas clair pour l’Église dans l’affaire BrunoAu départ, c’est un banal litige entre le philosophe et son logeur, une simple affaire de loyer impayé, en somme. Mais Mocenigo, le propriétaire, qui sait que Bruno a déjà eu affaire aux tribunaux de l’inquisition et qui semble en avoir entendu des vertes et des pas mûres sur le Pape, la Vierge et tutti quanti, dans la bouche de son locataire, plutôt que de tenter de s’arranger avec lui, ou de porter cette broutille devant la justice, le dénonce à « l’inquisition vénitienne ». Le procès de Venise s’ouvre le 26 Mai 1592. Bruno, avec plus d’adresse que de sincérité, plaide la recherche purement scientifique indépendante des questions de foi. Il y ajoute le plus profond repentir, qu’il réussit à jouer sans renier un mot de ce qu’il avait dit. Et il fait un triomphe. C’est tout juste si les juges ne l’embrassent pas. Après chaque procès, l’inquisiteur de Venise envoie à son collègue de Rome un compte rendu. Pure formalité, la justice vénitienne est indépendante. Rome est avisée, pour ainsi dire, par politesse. Le 12 Septembre, la dernière farce de Giordano Bruno prend une tournure macabre. Pour la première et seule fois dans l’Histoire, Rome remet en cause un verdict vénitien, en réclamant l’extradition de l’accusé. Pourquoi ? Qu’est ce qui justifie un tel souci de Rome pour une affaire issue d’une querelle d’épiciers ? A l’époque Bruno n’a pas le prestige d’un Galilée, c’est l’église qui va faire sa renommée. Il est accusé d’avoir publié des livres que la censure a laissé passer et tenu en privé des propos dont il se repent bien volontiers. Il n’y a pas de quoi justifier un incident diplomatique. Pourtant, c’est bien devenu une affaire d’état. C’est le Cardinal de Santaseverina qui réclame l’extradition de l’impertinent. Et quand il est débouté, loin de faire machine arrière, Rome oppose à Venise un personnage plus haut placé. Plus haut que l’Inquisiteur Suprême ? C’est le Pape Clément VII qui réclame à présent Bruno. Et il envoie à Venise rien de moins que le nonce apostolique, Ludovico Taverna, en personne. Le 22 décembre, Taverna soutient la requête papale devant le Collège vénitien. L’extradition n’étant pas juridiquement fondée, il ment sur le passé judiciaire de Bruno. Il remporte le bras de fer et le 9 Janvier, une galère emporte Giordano Bruno vers son destin.
Du haut du bûcher A Rome, les bizarreries continuent. Après le zèle dont il a été fait preuve pour récupérer l’ennemi public, on s’attendrait à une fin expéditive. Le bûcher dans les quinze jours, c’était dans l’ordre du temps. Et bien non. Il y aura d’abord deux ans de procès. Et puis voilà que, quand il ne manque plus que le verdict, on oublie complètement le prévenu, pendant encore trois ans. Puis on l’exhorte à abjurer. Il aura été incarcéré au total pendant huit ans dans les geôles de l’Inquisition. Et commence cette longue comédie, où Bruno brûle les planches, dans tous les sens du terme, et dont le dernier acte est donné en public, le 16 Février de l’an de grâce 1600, par la mort de Giordano BRUNO, torturé et brûlé vif, par l’inquisition catholique, à Rome, sur le Campo dei Fiori, pour avoir refusé d’abjurer ses idées. On lui refusera l’étranglement avant le bûcher, il brûlera vivant… mais on ne l’entendra pas crier étant donné qu’on lui avait préalablement arraché sa langue blasphématoire pour l’empêcher de proférer des « paroles affreuses ».Vous avez plus peur que moi !La légendaire réplique de Giordano Bruno à ses juges : « Vous avez plus peur que moi ! » n’a pas été lancée du haut du bûcher mais au tribunal. Sur le bûcher, il n’a rien dit du tout, pour la bonne raison qu’on lui avait coupé la langue. Selon certaines sources on l’aurait simplement bâillonné. Quoi qu’il en soit, on était bien pressé de le réduire au silence. On justifie cela par les injures qu’il aurait lancé à ses juges. Voila qui est tout de même étrange, alors que l’église, comme plus tard les procureurs staliniens, s’efforçait toujours d’assurer son triomphe par la contrition publique des condamnés bien plus que par leur exécution. Quand on pense aux efforts déployés par l’église durant huit ans pour obtenir cette contrition de Bruno !Aujourd’hui l’Église persiste encore à condamner Bruno
Un point de vue récent du Vatican : le 3 février 2000, le cardinal Poupard responsable au Vatican du « pontificam consilium cultura », qui réhabilita Jan Hus et Galilée) confirme que Bruno ne sera pas réhabilité : « La condamnation pour hérésie de Giordano Bruno, indépendamment du jugement qu’on veuille porter sur la peine capitale qui lui fut imposée, se présente comme pleinement motivée. »
Giordano Bruno meurt sur le bûcher
1600 Giordano Bruno, moine et érudit italien, défenseur de la théorie copernicienne, exécuté
Chassé de l’Eglise comme «hérétique impénitent» et remis à une cour séculière, Giordano Bruno a été brûlé vifGiordano Bruno, né à Nola en 1548, est un philosophe et théologien italien. Se basant sur les travaux de Nicolas Copernic et Nicolas de Cuse, il démontre, de manière philosophique, la pertinence d’un Univers infini, peuplé d’une quantité innombrable de mondes identiques au nôtre. Accusé d’hérésie par l’Inquisition (entre autres parce que cela impliquerait une multitude de crucifixions), et après huit années de procès, il est brûlé vif.Giordano Bruno (1548-1600) était l’un des penseurs les plus aventureux de la Renaissance. Suprêmement confiant dans ses capacités intellectuelles, il a ridiculisé l’aristotélisme, en particulier ses adhérents contemporains. La théorie héliocentrique de Copernic a servi de point de départ à son exposé de ce qu’il a appelé une « nouvelle philosophie ». Il a réfuté les axiomes de la philosophie naturelle aristotélicienne, notamment l’idée que les éléments sublunaires occupaient ou s’efforçaient de retourner à leurs places naturelles, c’est-à-dire les sphères élémentaires, au centre du cosmos.
En même temps, cela a réfuté l’existence d’une région superlunaire composée entièrement d’éther incorruptible entourant la terre et a donc réfuté l’argument principal d’Aristote pour supposer que l’univers était fini. L’univers était infini, animé et peuplé d’innombrables systèmes solaires. C’était aussi éternel. En tant que tel, il présentait toutes les possibilités à un moment donné, et toutes ses parties assumaient toutes les possibilités au fil du temps, constituant ainsi une manifestation reconnaissable d’un principe intemporel et absolu, Dieu, conçu comme le seul être qui existait vraiment. Conformément à ces idées, Bruno a proposé des versions de la métempsycose, du polygénisme, du panpsychisme et, renonçant à l’accent chrétien sur l’imperfection humaine, a préconisé une morale qui exhortait les individus à perfectionner leurs capacités intellectuelles.
Cosmologie : l’univers et l’atomeComment et quand Bruno a commencé à développer ce qu’il a appelé sa « nouvelle philosophie » est incertain (Granada 1990). Son premier ouvrage philosophique survivant, On the Shadows of the Ideas , daté de 1582, fait allusion à quelques-unes de ses propositions, y compris l’héliocentrisme. La première déclaration détaillée, cependant, est venue dans The Ash Wednesday Supper , publié à Londres en 1584, dans lequel il expose son interprétation de l’hypothèse héliocentrique de Copernic, comme expliqué dans On the Revolutions.(1543). Rejetant les affirmations contemporaines selon lesquelles l’hypothèse de Copernic n’était qu’un dispositif de calcul pratique, Bruno a annoncé qu’elle réfutait l’image aristotélicienne-ptolémaïque traditionnelle du cosmos. En premier lieu, cela a réfuté la doctrine d’Aristote selon laquelle chaque élément sublunaire avait une «place naturelle» fixe au centre du cosmos – le globe terrestre au centre même, l’eau dans la sphère qui l’entoure immédiatement, suivie des sphères d’air et de feu. – et que les particules des éléments, si elles étaient déplacées de ces sphères naturelles, avaient une impulsion intrinsèque pour les retrouver. Au contraire, puisque la terre, expliquait Bruno, était une planète tournant autour du soleil, les sphères élémentaires dont elle était constituée étaient continuellement en mouvement. Les éléments n’avaient pas de «lieux naturels» absolus; et une partie élémentaire, qu’elle soit déplacée d’un tout ou qu’elle se trouve près d’un tout, cherche à s’y rattacher parce qu’un tout est le lieu où elle se conserve le mieux. Une fois unies à un tout, les parties élémentaires n’étaient plus lourdes ni légères et tournaient naturellement avec lui, c’est-à-dire sans résistance. Cette doctrine de la gravité s’inspirait des idées néoplatoniciennes de mouvement élémentaire de Ficin, de la doctrine de la gravité de Copernic, des commentaires de Lucrèce sur l’apesanteur des parties dans leur tout et des notions scolastiques d’auto-conservation.
Aussi louable que fût son exploit, Copernic était resté inconscient de toutes les implications de son hypothèse héliocentrique. Il revenait à Bruno, le philosophe, d’accomplir la pleine révolution de la pensée, de dépasser le domaine sensible quantitatif qui, si important qu’il fût, avait indûment préoccupé des mathématiciens comme Copernic et de procéder à la connaissance de ce qui pouvait être discerné par la seule raison. Le défaut le plus flagrant de Copernic à cet égard était son incapacité à reconnaître que son hypothèse héliocentrique réfutait les arguments aristotéliciens et scolastiques selon lesquels le cosmos, ou plutôt l’univers, était fini et unique. Si les cieux étaient infinis, ces arguments couraient, alors leurs régions les plus externes tourneraient — impossiblement — infiniment vite autour de la terre au centre du cosmos. Il ne pourrait pas non plus y avoir plus d’un cosmos, parce que, s’il y en avait, alors une particule déplacée d’un élément aurait – ce qui est tout aussi impossible – avoir deux ou plusieurs endroits naturels vers lesquels elle devrait retourner. Ces objections n’avaient aucun poids dans un monde héliocentrique. La rotation quotidienne apparente d’un firmament ou « sphère d’étoiles fixes » autour de la terre était une illusion créée par la rotation de la terre autour de son axe alors qu’elle tournait autour du soleil. L’univers n’était pas, insistait Bruno, un globe fini composé de sphères concentriques, « comme un oignon » (BOL I.2, 261), pour utiliser une comparaison courante. Au lieu de cela, c’était une étendue infinie et homogène peuplée d’un nombre infini de systèmes solaires comme le nôtre. Comme son exploit dépassait celui de Christophe Colomb, qui n’avait découvert qu’un seul continent sur une seule terre (BOI I, 451-452) ! Lucrèce, Nicolas de Cues (1401-1464) et les discussions scolastiques contrefactuelles concernant la pluralité des mondes sont des influences évidentes. L’autorité que Bruno aimait particulièrement invoquer, cependant, était l’Écriture. Le nombre infini de corps célestes correspondait à « ces centaines de milliers [d’anges] » – une allusion à Daniel 7:10 – « qui aident au ministère et à la contemplation de la première cause efficace, universelle, infinie et éternelle » .Les corps célestes ou, comme les appelait Bruno, les corps « principaux » glissaient en apesanteur dans un « réceptacle » ou « étendue » infini d’éther (BOI II, 110) comme des grains de poussière dans l’air ensoleillé . Qu’est-ce qui les a fait bouger ? Leurs âmes. Ils étaient animés et, comme l’attestaient leurs mouvements ordonnés, intelligents aussi. Aristote avait suggéré cela parmi d’autres explications possibles du mouvement céleste. La plupart des auteurs patristiques et scolastiques, soucieux de décourager le polythéisme, en avaient rejeté l’idée. Cependant, la renaissance du platonisme par Ficin avait donné un nouveau souffle à l’idée que les corps célestes étaient animés. Fidèle à lui-même, Bruno, bien que redevable à Ficin sur ce point comme sur beaucoup d’autres points, a cité le Livre de Job (28:20-21) comme son autorité. Dans chaque système solaire ou, selon la terminologie de Bruno, « synode » les soleils et la terre ont réglé leurs mouvements de manière autonome à leur avantage mutuel. Des terres, les soleils absorbaient des exhalaisons vaporeuses. En échange, le soleil produisait la lumière et la chaleur dont les terres, en tant qu’« animaux », avaient besoin pour héberger les êtres vivants. Aucune partie d’entre eux n’est restée éternellement stérile grâce aux nombreuses révolutions approximativement circulaires qu’ils ont effectuées. La nature, non moins pour Bruno que pour Aristote, n’a rien fait en vain .
Conformément à ces idées, Bruno a peuplé les corps principaux de formes de vie de toutes sortes. Chaque région de chaque corps principal comprenait de la matière qui, si les circonstances le permettaient, devenait une plante ou un animal, voire un animal rationnel. Cette dernière catégorie comprenait des êtres humains et aussi des démons, c’est-à-dire des êtres rationnels avec des corps raréfiés faits d’éther pur ou de combinaisons d’éther avec de l’air, de l’eau ou de la terre. Ces derniers, à en juger par les démons fréquentant les régions élémentaires de notre globe, étaient généralement, mais pas toujours, plus intelligents que les êtres humains. Dans les montagnes se trouvaient des troglodytes idiots qui gardaient jalousement les veines minérales de la terre. Vivant longtemps mais d’intelligence faible, ils avaient peu de commerce avec les êtres humains. Les démons lanceurs de pierres, une autre espèce de démon terrestre, du genre décrit par l’auteur byzantin Michael Psellos, avaient des tanières dans les environs de Nola et bombardaient habituellement ceux qui passaient à proximité la nuit, comme Bruno le savait par expérience personnelle. Les nymphes aux corps principalement aqueux vivaient recluses dans des grottes (BOL I.2, 282 ; III, 181). La variété de la vie démoniaque était telle qu’elle « dépassait de loin celle des choses sensibles » . Une diversité comparable était évidente parmi les êtres humains, qui différaient par la couleur de la peau et la stature d’une région à l’autre. Les variations reflétaient leurs divers habitats. Lorsqu’elles ont été éteintes par un cataclysme quelconque, elles se sont régénérées spontanément, de la manière qu’Avicenne et, ne serait-ce que comme possibilité philosophique, certains auteurs chrétiens avaient décrite.Les principaux corps, êtres humains et démons, étaient les trois genres d’animaux rationnels peuplant l’univers. À un égard important, cependant, les organes principaux étaient uniques. Comme des musiciens accomplis – Bruno a adapté ici une analogie utilisée par Plotin et bien d’autres pour illustrer comment la nature opérait de manière non discursive selon une cause finale – ils ne pensaient pas rationnellement, procédant d’une pensée à l’autre pendant qu’ils exécutaient leurs rôles. Leurs intellects dominaient leurs corps animaux, leur permettant de se mouvoir intuitivement selon les fins qui leur étaient propres. Contrairement aux êtres humains également, les « animaux » célestes étaient éternels et ne se reproduisaient donc pas, ne grandissaient pas et ne se décomposaient pas. Bien qu’intrinsèquement corruptibles, ils étaient, comme les Chaldéens et Platon l’avaient enseigné, soutenus par la providence divine . C’est du moins ce que Bruno avait tendance à penser même s’il concédait, de façon inhabituelle, qu’il était incertain sur ce point (Granada, 2000). A tous autres égards, les corps principaux étaient des animaux comme les autres. Les pierres et d’autres parties de notre terre, par exemple, peuvent sembler inanimées mais, en tant que parties d’un corps principal, elles étaient, comme les os, les ongles et les poils d’un animal, vivantes, ne serait-ce que de manière résiduelle. Comme les animaux aussi, les principaux corps nourrissaient et excrétaient. Ils ont expulsé les particules parasites de l’éther environnant et en ont émis d’autres en compensation, une idée inspirée par le concept de simulacre de .Cette image était incompatible avec les doctrines traditionnelles des éléments. La cosmologie aristotélicienne, néoplatonicienne et scolastique distinguait nettement les régions supralunaires et sublunaires. La région superlunaire et les corps célestes qu’elle contenait étaient entièrement composés d’éther. Ce « cinquième élément » ou quintessence était dépourvu de tout changement autre que celui d’un mouvement circulaire parfait et sans fin. La région sublunaire comprenait les quatre éléments restants, le feu, l’air, l’eau et la terre, qui par nature observaient un mouvement linéaire fini vers le haut ou vers le bas. En plus du mouvement local fini, les corps composés d’éléments sublunaires subissaient continuellement une génération et une corruption. A ces égards, la région superlunaire était supérieure à la région sublunaire. En effet, même au sein de la région sublunaire, selon de nombreux auteurs,Une telle hiérarchie ne pourrait pas exister dans un univers homogène peuplé de soleils et de terres animés du genre imaginé par Bruno. Le feu, l’air, l’eau et la terre, tels qu’ils étaient communément conçus, étaient présents dans chaque corps céleste, en effet tous les quatre étaient présents dans chaque partie de chaque corps céleste. Tout comme dans une syllabe, chaque lettre était également importante – une analogie aristotélicienne que Bruno a tournée à ses propres fins — les éléments de composition d’un corps aussi. Un soutien opportun est venu des récits contemporains de la supernova de 1572 et des théories sur les comètes proposées par Tycho Brahe et d’autres. La naissance d’une nouvelle étoile a prouvé que la génération s’est, après tout, produite dans la région superlunaire. Quant aux comètes, elles étaient bien, comme le soutenaient Aristote et d’autres, composées des mêmes éléments que les autres choses sublunaires mais elles n’étaient pas, comme ils l’avaient conclu, des phénomènes sublunaires propres aux sphères de l’air et du feu. Leurs trajectoires prouvaient qu’il s’agissait d’objets superlunaires ou, plus exactement, de planètes qui, en raison de l’inclinaison de leur rotation autour du soleil, ne reflétaient que par intermittence la lumière solaire vers la terre. Les éléments soi-disant sublunaires se sont produits dans la région superlunaire ! Bref, non seulement la raison mais aussi l’observation ont réfuté la notion d’un cosmos divisé en deux régions finies de propriétés contrastées . C’était un exemple frappant du refrain constant de Bruno selon lequel les sens, régulés par la raison, pouvaient être utilisés à leur avantage .
L’au-delà de BrunoLa philosophie de Bruno, ses vues sur la religion et son exécution lui ont valu la notoriété. « Il est raisonnable de dénoncer Bruno », écrit le mathématicien, philosophe et théologien français Marin Mersenne (1588-1648), « comme l’un des hommes les plus méchants que la terre ait jamais portés » . Ce qui a perturbé Mersenne et bien d’autres, y compris Descartes, n’était pas tant les doctrines de Bruno concernant la mobilité de la terre, l’homogénéité élémentaire de l’univers, la pluralité des mondes et autres innovations cosmologiques, mais plutôt la doctrine sous-jacente de l’Âme du Monde et ses corollaires perçus. : le panthéisme, la démonologie, la magie, la métempsycose, l’affirmation que le pouvoir absolu de Dieu nécessitait un produit infini, l’identité essentielle des âmes humaines, végétales et animales, l’élimination de la responsabilité individuelle, la négation des miracles, bref.Les circonstances n’auraient guère pu être plus propices pour les penseurs hétérodoxes de la Renaissance tels que Telesio, Campanella, Galileo Galilei et, surtout, Bruno. Pour de nombreux Italiens, sa philosophie, son défi héroïque à l’autorité ecclésiastique et son exécution illustrent la longue lutte pour libérer la philosophie des entraves de la religion révélée. Les versions populaires de la vie et de la mort de Bruno le comparaient à Socrate, au Christ ou, plus près de chez nous, aux martyrs du Risorgimento. Cette adulation a trouvé son expression la plus visible dans la statue monumentale en bronze, conçue par le sculpteur Ettore Ferrari, maçon et plus tard Grand Maître de la loge maçonnique, la Grande Oriente d’Italia, située à Rome. En 1889, face à l’opposition bec et ongles du Vatican, la statue a été érigée, regardant directement vers le Saint-Siège, à l’endroit même du Campo dei Fiori où Bruno aurait été brûlé sur le bûcher. Pour les intellectuels italiens du XIXe siècle tels que Vincenzo Gioberti, Bertrando Spaventa et Francesco Fiorentino, il était, comme il l’avait été pour les penseurs des Lumières, un « spinoziste » à bien des égards ou plus largement, un humaniste laïc, quelqu’un qui avait libéré l’esprit humain. des confins étouffants de l’orthodoxie religieuse et a ouvert la voie à la philosophie moderne et aux sciences naturelles. Les apologistes catholiques ont pris la défense de l’Église, minimisant cette « Brunomanie », comme ils l’ont surnommée, et niant à l’occasion que Bruno ait été exécuté. Au milieu de la tourmente, Bertrando Spaventa, Felice Tocco, Francesco Fiorentino et d’autres universitaires italiens ont produit des éditions critiques des œuvres latines et italiennes de Bruno ou ont écrit des études à leur sujet, jetant ainsi les bases de l’érudition moderne de Bruno et de son appréciation en tant que philosophe. Au cours du XXe siècle, Bruno jouissait d’une réputation parmi les historiens orthodoxes de l’Union soviétique comme le premier génie moderne d’une philosophie matérialiste ; ceux qui, comme Lev Karsavin, ont présenté une interprétation philosophiquement et historiquement contextualisée de sa pensée, ont été persécutés pour leurs opinions « bourgeoises ». Des tentatives relativement récentes pour établir la magie ou la mnémotechnique comme la clé de sa philosophie, telles que celles de Frances Yates, bien qu’elles restent précieuses pour les détails et les idées accessoires, obscurcissent l’intention déclarée de Bruno d’articuler une «nouvelle philosophie». Au cours du XXe siècle, Bruno jouissait d’une réputation parmi les historiens orthodoxes de l’Union soviétique comme le premier génie moderne d’une philosophie matérialiste ; ceux qui, comme Lev Karsavin, ont présenté une interprétation philosophiquement et historiquement contextualisée de sa pensée, ont été persécutés pour leurs opinions « bourgeoises ». Des tentatives relativement récentes pour établir la magie ou la mnémotechnique comme la clé de sa philosophie, telles que celles de Frances Yates, bien qu’elles restent précieuses pour les détails et les idées accessoires, obscurcissent l’intention déclarée de Bruno d’articuler une «nouvelle philosophie». Au cours du XXe siècle, Bruno jouissait d’une réputation parmi les historiens orthodoxes de l’Union soviétique comme le premier génie moderne d’une philosophie matérialiste ; ceux qui, comme Lev Karsavin, ont présenté une interprétation philosophiquement et historiquement contextualisée de sa pensée, ont été persécutés pour leurs opinions « bourgeoises ». Des tentatives relativement récentes pour établir la magie ou la mnémotechnique comme la clé de sa philosophie, telles que celles de Frances Yates, bien qu’elles restent précieuses pour les détails et les idées accessoires, obscurcissent l’intention déclarée de Bruno d’articuler une «nouvelle philosophie». tout court .
Giordano Bruno (1548-1600)Philosophe, astronome, mathématicien et occultiste italien dont les théories ont anticipé la science moderne. Les plus notables d’entre elles étaient ses théories de l’univers infini et de la multiplicité des mondes, dans lesquelles il rejetait l’astronomie traditionnelle géocentrique (ou centrée sur la Terre) et allait intuitivement au-delà de la théorie copernicienne héliocentrique (centrée sur le soleil), qui maintenait encore un univers fini avec une sphère d’étoiles fixes. Bien que l’un des philosophes les plus importants de la Renaissance italienne, les diverses déclarations passionnées de Bruno ont conduit à l’opposition. En 1592, après un procès, il fut emprisonné pendant huit ans et interrogé périodiquement. Quand, à la fin, il a refusé de se rétracter, il a été brûlé sur le bûcher à Rome pour hérésie.
https://plato.stanford.edu/entries/bruno/
https://todayinsci.com/2/2_17.htm#death
https://www.bibliomonde.fr/lalmanach/giordano-bruno-brule-par-l-inquisition-17-fevrier-1600
https://www.herodote.net/17_fevrier_1600-evenement-16000217.php
https://rebellyon.info/17-fevrier-1600-Giordano-Bruno-brule-vif-119