Les travailleurs se mettent en grève au chantier naval Lénine à Gdańsk, en Pologne, marquant le début du mouvement Solidarité17 000 travailleurs se mettent en grève au chantier naval Lénine à Gdańsk, en Pologne, marquant le début du mouvement SolidaritéLe mouvement de grève qui secoue la Pologne à l’été 1980 entraîne des bouleversements politiques et la formation de Solidarnosc (Solidarité), un syndicat indépendant auquel adhérent des millions de travailleurs.Pologne 1980-1981 : des grèves de Gdansk à la dictature militaireDurant la deuxième quinzaine du mois d’août 1980, le monde occidental découvrit le chantier Lénine à Gdansk, sur la côte de la Baltique, en Pologne, et ses 17 000 travailleurs en grève. On apprit le nom d’un ouvrier électricien moustachu, catholique pratiquant, Lech Walesa, principal dirigeant de cette grève. La télévision montra un vice-premier ministre contraint à venir négocier sur place, à l’intérieur du chantier, avec les membres du comité de grève élus par les grévistes, dont Walesa était le président.Le spectacle de ces négociations fut quelque chose d’extraordinaire. Tous les travailleurs du chantier Lénine, les délégations des centaines d’autres entreprises du littoral qui les avaient rejoints dans, la lutte, purent les suivre en direct puisqu’elles étaient diffusées par haut-parleurs.Le régime capitula sur toutes les revendications des travailleurs. Il recula sur les augmentations des prix des produits alimentaires qu’il projetait d’imposer. Il promit des augmentations de salaire, il promit de remédier à l’état de pénurie, et puis pour la première fois dans un pays du bloc soviétique, le gouvernement fut contraint de reconnaître le droit pour les travailleurs de s’organiser dans des syndicats libres, c’est-à-dire indépendants du Parti Communiste au pouvoir et de son appendice, le syndicat officiel. Solidarité, né à Gdansk, en vint à organiser près de dix millions de travailleurs, dans un pays de 35 millions d’habitants. Aucun syndicat dans les pays occidentaux n’a jamais atteint une pareille extension à l’échelle de son pays.Pourtant, par une nuit de décembre 1981, un général à lunette noires proclamait l’état de guerre en Pologne. La plupart des dirigeants nationaux de Solidarité réunis à Gdansk étaient arrêtés comme l’était des milliers d’autres travailleurs, un peu partout dans le pays. Et d’un seul coup, la Pologne a basculé. Finis les libertés, les droits conquis par les travailleurs. Dissouts, les syndicats indépendants. Annihilé, ce que la classe ouvrière polonaise avait conquis en quinze mois de lutte.Et pour mieux souligner les raisons du coup d’État, les premières mesures prises par la junte militaire furent d’augmenter les prix alimentaires dans des proportions qu’aucun de ses prédécesseurs n’avait réussi à imposer et en même temps de militariser les entreprises afin de contraindre les travailleurs à travailler plus et plus longtemps. Il faut comprendre d’abord les raisons de ce coup d’État, et surtout pourquoi ce formidable mouvement ouvrier polonais a pu être vaincu en une seule nuit et pratiquement sans combat. Il ne suffit certainement pas de se contenter d’évoquer derrière Jaruzelski la bureaucratie russe et son chef d’alors, Brejnev. Il ne suffit pas de constater, même si c’est absolument vrai, qu’en 1953 à Berlin-Est, en 1956 à Budapest et en 1968 à Prague, ce sont les troupes de la bureaucratie soviétique qui ont noyé dans le sang, des révoltes ouvrières dans les deux premiers cas, et un mouvement de revendications démocratiques dans le troisième.A coup sûr, si Jaruzelski a agi, c’est avec le soutien de Brejnev et il est fort probable que s’il ne s’était pas trouvé un Jaruzelski, Brejnev se serait résolu à faire le travail lui-même. Le fait est cependant qu’il s’est trouvé un Jaruzelski et surtout que ce Jaruzelski a trouvé en Pologne même la force nécessaire pour écraser la classe ouvrière polonaise. Et il ne suffit pas non plus de se dire, même si là encore c’est tout à fait vrai, que c’est parce que c’est un régime de pouvoir stalinien qu’il ne peut pas tolérer la moindre liberté et la moindre organisation indépendante pour les travailleurs.
Jaruzelski était secrétaire du Parti dit communiste de Pologne, mais il était avant tout général, et c’est en tant que général, à la tête de la hiérarchie militaire et de l’armée qu’il s’est attaqué à la classe ouvrière. Non, les raisons du coup d’État ne résident pas en ce que la situation de la classe ouvrière polonaise a de particulier, mais au contraire, en ce que les rapports entre la classe ouvrière et les couches privilégiées ont de plus universel. En Pologne comme partout, c’est l’armée, sa force nue, qui est le dernier recours, la dernière réponse des couches privilégiées contre leur classe ouvrière.Et on peut se demander aussi comment la classe ouvrière polonaise a pu se laisser surprendre. Un long passé de luttes contre le régime en place, en 1956, en 1970, en 1976, avait pourtant beaucoup appris à la classe ouvrière en Pologne. Et dans ce régime qui a toujours été dictatorial, il n’y avait pas de grands partis réformistes ayant pignon sur rue, pour la tromper, pour lui faire croire qu’il suffit, pour la politique, de bien voter, et pour les revendications, de faire confiance aux syndicats. Car il n’y avait pas en Pologne d’élections et il n’y avait pas de syndicats non plus. Mais malheureusement, les idées qui ont été incarnées au Chili par Allende ont surgi en Pologne dans le cours même de la grève ; et les hommes qui représentaient ces idées ont surgi du mouvement des ouvriers lui-même. Avant de se laisser surprendre par l’armée, la classe ouvrière polonaise a été endormie par une direction issue de ses rangs, composée certes de vériles combattants de la classe ouvrière, mais qui combattaient au nom d’idées, au nom d’une politique qui ne pouvaient conduire la classe ouvrière qu’à l’impasse d’abord, à la défaite ensuite.Alors, il faut comprendre ce qui est arrivé à la classe ouvrière en Pologne. La répression exercée par la junte de Jaruzelski, pour être dure, n’a pas eu la violence de la répression de Pinochet en ses débuts. La classe ouvrière polonaise a été vaincue sans combat, mais pas brisée. Il y a en son sein, aujourd’hui encore, des milliers, des dizaines de milliers d’hommes, de femmes, qui continuent à agir dans des conditions difficiles.
Nous qui nous revendiquons des idées du communisme révolutionnaire, nous sommes et nous devons être entièrement, pleinement solidaires de ces hommes et de ces femmes, quelles que soient leurs idées. Mais c’est notre devoir de révolutionnaires que de discuter ces idées elles-mêmes. Parce que cette classe ouvrière polonaise qui a fourni les troupes du combat social et politique de la Pologne de l’été 80, doit savoir, et les travailleurs conscients de tous les pays avec elle, pourquoi, malgré l’ampleur de la mobilisation, son combat a échoué.
31 août 1980 Le gouvernement polonais signe un accord avec les travailleurs du chantier naval de Gdansk
Le 31 août 1980, les représentants du gouvernement communiste de Pologne acceptent les revendications des ouvriers en grève des chantiers navals de la ville de Gdansk. L’ancien électricien Lech Walesa a dirigé les grévistes, qui ont ensuite formé Solidarité, le premier syndicat indépendant à se développer dans une nation du bloc soviétique.
En juillet 1980, face à la crise économique, le gouvernement polonais a augmenté le prix des denrées alimentaires et d’autres biens, tout en freinant la croissance des salaires. Les hausses de prix ont rendu difficile pour de nombreux Polonais de se procurer les produits de première nécessité, et une vague de grèves a balayé le pays. Au milieu des tensions croissantes, une opératrice de chariot élévateur populaire nommée Anna Walentynowicz a été licenciée du chantier naval Lénine dans la ville de Gdansk, dans le nord de la Pologne. À la mi-août, quelque 17 000 travailleurs du chantier naval ont entamé une grève d’occupation pour faire campagne pour sa réintégration, ainsi que pour une modeste augmentation des salaires. Ils étaient dirigés par l’ancien électricien des chantiers navals Lech Walesa, qui avait lui-même été licencié pour militantisme syndical quatre ans plus tôt.
Malgré la censure gouvernementale et les tentatives d’empêcher la diffusion de nouvelles de la grève, des manifestations similaires ont éclaté dans les villes industrielles de toute la Pologne. Le 17 août, un comité de grève inter usine a présenté au gouvernement polonais 21 revendications ambitieuses, dont le droit d’organiser des syndicats indépendants, le droit de grève, la libération des prisonniers politiques et une liberté d’expression accrue. Craignant que la grève générale ne conduise à une révolte nationale, le gouvernement envoie une commission à Gdansk pour négocier avec les ouvriers rebelles. Le 31 août, Walesa et le vice-premier ministre Mieczyslaw Jagielski ont signé un accord donnant suite à de nombreuses revendications des travailleurs. Walesa a signé le document avec un stylo à bille géant décoré d’une photo du pape Jean-Paul II nouvellement élu (Karol Wojtyla, l’ancien archevêque de Cracovie).
À la suite de la grève de Gdansk, les dirigeants du Comité de grève inter usine ont voté la création d’un syndicat national unique connu sous le nom de Solidarnosc (Solidarité), qui s’est rapidement transformé en un mouvement social de masse, avec plus de 10 millions de membres. La solidarité a attiré la sympathie des dirigeants occidentaux et l’hostilité de Moscou, où le Kremlin envisageait une invasion militaire de la Pologne. Fin 1981, sous la pression soviétique, le gouvernement du général Wojciech Jaruzelski annule la reconnaissance de Solidarité et déclare la loi martiale en Pologne. Quelque 6 000 militants de Solidarité ont été arrêtés, dont Walesa, qui a été détenu pendant près d’un an. Le mouvement Solidarité est passé à la clandestinité, où il a continué à bénéficier du soutien de dirigeants internationaux tels que le président américain Ronald Reagan ., qui a imposé des sanctions à la Pologne. Walesa a reçu le prix Nobel de la paix en 1983 et, après la chute du communisme en 1989, il est devenu le premier président de la Pologne à être élu au suffrage universel.