La chute de la monarchie et le basculement vers une république révolutionnaireLa journée du 10 août 1792 est, après le 14 juillet 1789, l’une des journées les plus décisives de la Révolution française, au point que certains historiens la qualifient de «Seconde Révolution». Cette journée marque en quelque sorte la fin de la monarchie. La République est alors proclamée le 21 septembre 1792 par la Convention.
Le 10 août 1792, la journée est agitée à Paris : on constitue la commune insurrectionnelle, on prend les Tuileries, on massacre les gardes suisses, et on suspend Louis XVI de son titre de Roi des Français.Chute de la monarchie ; Paris s’enflammeEn une seule journée, les révolutionnaires français rompent avec la monarchie constitutionnelle, ce qui sonne comme une véritable provocation pour l’Europe monarchique. Le passage à la république est ainsi marqué par de nombreux affrontements intérieurs et extérieurs.
En quoi la journée du 10 août 1792 est-elle un moment clé dans le processus révolutionnaire ? Les causes de l’insurrection
* À partir de 1789, l’Ancien Régime est mis à bas par les députés de l’Assemblée nationale constituante : les privilèges de la noblesse et du clergé sont abolis (4 août 1789) et le roi voit ses pouvoirs limités par une Constitution (septembre 1791). La France est dès lors une monarchie constitutionnelle.
* Le roi, étroitement surveillé par les révolutionnaires, tente de fuir à l’étranger pour rejoindre les émigrés royalistes. Il est arrêté à Varennes en juin 1791 et provisoirement suspendu de ses pouvoirs. Dès lors, le climat de méfiance à son égard grandit : le lien entre la monarchie et la Révolution est brisé.* En outre, la France entre en guerre contre la Prusse et l’Autriche (le pays d’origine de la reine Marie-Antoinette) en avril 1792. En effet, dès le début de la Révolution française, les souverains d’Europe, qui sont presque tous des monarques absolus, s’inquiètent de la tournure prise par les événements en France. C’est cependant la France qui est à l’initiative du conflit : certains députés espèrent ainsi exporter les idées révolutionnaires, ou encore fédérer l’opinion publique. D’autres y voient l’opportunité de pousser le roi à choisir son camp.* Les premiers temps de la guerre sont désastreux pour l’armée française, désorganisée et affaiblie par la Révolution. Ces nombreuses défaites françaises poussent l’Assemblée à proclamer la «patrie en danger» le 11 juillet 1792. Elles entretiennent un climat de soupçon grandissant envers le roi, qui utilise largement son droit de veto lui permettant de s’opposer aux décisions des députés.
Une journée révolutionnaire * Dans la nuit du 9 août, le signal de l’insurrection est donné par le député Danton. Les sans-culottes parisiens se mobilisent : il s’agit des révolutionnaires issus du petit peuple d’artisans, de commerçants et d’ouvriers, appelés ainsi car ils ne portent pas de culotte de soie (pantalon court s’arrêtant sous le genou, symbole vestimentaire de l’aristocratie d’Ancien Régime). Ils remplacent la municipalité de Paris par une commune insurrectionnelle.
* À l’aube du 10 août, ils se dirigent vers la demeure du roi, le palais des Tuileries. Leur nombre augmente au fur et à mesure de leur progression. La famille royale est sous la protection de 900 Gardes suisses et de quelques aristocrates armés. Lorsque la foule des insurgés assaille les Tuileries, Louis XVI et sa famille se réfugient dans la salle du Manège, qui est le siège de l’Assemblée.* Les sans-culottes parviennent à pénétrer l’enceinte du palais et affrontent les Gardes suisses. La bataille est violente et ces derniers sont massacrés. Le palais est pillé et incendié.
* En fin d’après-midi, les insurgés convergent vers la salle du Manège. Ils exigent la déposition du roi et l’institution d’une Convention nationale. Sous la pression populaire, les députés votent la suspension de Louis XVI. Le roi est constitué prisonnier avec sa famille. En une seule journée, le peuple en armes a mis fin à la royauté en France.
Le passage à la république dans un contexte de crise* Le lendemain de la victoire de Valmy contre l’armée austro-prussienne, la Convention nationale est élue au suffrage universel masculin le 21 septembre 1792. Cette nouvelle assemblée proclame la république. Ce régime politique se distingue radicalement de la monarchie par le fait que la transmission du pouvoir ne se fait pas de manière héréditaire.
* Cependant, la Convention doit faire face à une double menace : non seulement la guerre continue à l’extérieur contre la coalition des puissances européennes, mais l’exécution du roi le 21 janvier 1793 provoque des troubles à l’intérieur du pays. Les soulèvements royalistes sont particulièrement forts en Bretagne et en Vendée.* En outre, l’affrontement politique des Girondins et des Montagnards (groupes politiques de la Convention) tourne rapidement à la guerre civile, lorsque les Girondins sont éliminés de la Convention le 2 juin 1793. Des insurrections fédéralistes éclatent dans de nombreuses provinces, notamment dans l’Est, le Sud-est et le Sud-ouest, en soutien aux Girondins.
* Pour répondre à ces menaces extérieures et intérieures, un Comité de salut public, dirigé par Robespierre, installe la Terreur en France. Des mesures sont prises comme la mobilisation générale, la centralisation des décisions ou encore la répression féroce et systématique des adversaires intérieurs. Grâce à cette politique, la république parvient à rétablir l’ordre.
L’attaque des Tuileries (10 août 1792) – La description Début août, l’Assemblée législative est dans l’impasse, incapable de décider quoi faire du roi, de la constitution, de la guerre en cours et surtout des soulèvements politiques à Paris. Le 4 août, la section parisienne la plus radicale, « la section des 300 », lance un « ultimatum » à l’Assemblée législative, menaçant de soulèvement si rien n’est fait avant minuit le 9 août. Au soir dit, le tocsin retentit au clocher et une foule se presse devant l’hôtel de ville et se dirige vers le palais des Tuileries. Alors que les gardes du corps du roi s’apprêtaient à le défendre, Louis comprit qu’il serait plus prudent de fuir. Lui et sa famille se sont échappés par un passage secret et se sont placés sous la protection de l’Assemblée législative, qui l’a arrêté. Un député, Michel Azéma.
L’indignation était si générale qu’elle éclatait sans crainte ni retenue ; tout le monde s’attendait à une terrible explosion ; jour et nuit, de braves et valeureux chevaliers remplissaient le château hérissé de baïonnettes et de canons. Hier, les peurs se sont intensifiées ; néanmoins, il n’y avait aucune menace réelle pour justifier toute cette agitation, alors juste après minuit, nous sommes allés nous coucher.En entrant dans la salle de l’Assemblée, j’ai été très surpris de trouver le Roi, la Reine, le Prince, la sœur aînée du Roi, Madame Elisabeth, et d’autres [de l’entourage royal] tous très soigneusement vêtus, la tête baissée comme des poules mouillées ; ils s’étaient tous réfugiés à l’Assemblée législative pour y chercher le salut qu’on ne pouvait plus trouver au palais. Les canonniers, ayant reçu l’ordre de faire leur devoir si le peuple pénétrait de force dans le palais, avaient plutôt simplement déchargé leur canon ; sachant cela, les conseillers les plus proches du roi lui avaient conseillé de fuir le palais et de se joindre aux représentants de la nation.L’Assemblée législative ne délibérait pas ; [en vertu de la Constitution] il ne pouvait pas le faire en présence du roi, bien qu’il en ait besoin de toute urgence. Le roi et la famille royale ne pouvaient pas être expulsés, car ils étaient perdus s’ils quittaient leur asile. Après un grand et tumultueux débat, le Roi quitta la tribune présidentielle et sa famille quitta l’intérieur du rail, prenant place dans la petite loge derrière la tribune, habituellement utilisée par les journalistes.Quelqu’un vint annoncer que les canons remplissant la place du Carrousel étaient braqués sur le palais des Tuileries, que le peuple voulait démolir comme la Bastille. Après une courte discussion, parce que le temps pressait, l’Assemblée envoya une députation composée de vingt de ses membres pour parler au peuple au nom de la loi et l’apaiser par la persuasion. Cette députation partit aussitôt, précédée d’un huissier et entourée d’un garde. J’ai eu l’honneur d’y être ; quoique ce fût aussi presque un malheur, car nous étions à peine parvenus à la porte du palais des Tuileries que nos yeux furent éblouis par un furieux tir de mousquet au bas de l’escalier ; aussitôt, un second tour ; puis une canonnade renversa une partie de la façade. Par Dieu, nous avons vu notre mort juste devant nous ! Comme nous ne nous sentions pas encore dignes de le laisser passer derrière nous, nous nous arrêtâmes net et proposâmes une discussion, mais un canon bien ajusté repoussa notre proposition. Nous pensions alors avoir trouvé une alternative sûre d’aller de l’autre côté du Carrousel, préférant les queues de canon aux bouches ; mais à peine étions-nous sortis du manège [où se réunissait l’Assemblée] qu’une masse de sabres, de piques et de baïonnettes se précipita de toutes parts, avec une rage indescriptible, sur nos braves gardes, qui, irrités par notre obstination à avancer dans le feu, au lieu de battre en retraite, nous a finalement attrapés et ramenés à l’Assemblée législative.
[Dans la salle de réunion,] de braves sans-culottes étaient apparus à la rambarde et avaient été rapidement entendus. Ils nous expliquèrent que le peuple souverain, faisant usage de cette souveraineté, l’avait chargé de nous assurer de son respect, d’affirmer l’obéissance à nos décrets, et que nous étions la seule autorité constituée et qu’il n’y en avait pas d’autre.
Ils ont conclu en nous demandant de « jurer au nom de la Nation de maintenir la liberté et l’égalité de tout votre pouvoir ou de mourir à votre poste ». Voyant cette déclaration comme notre seul moyen de salut, tous les députés crièrent avec empressement et d’une seule voix : « Je le jure ! Le rôle fut aussitôt appelé, et à la tribune chaque député prononça à tour de rôle les paroles indiquées par les sans-culottes et la proposition fut considérée comme adoptée. Nos codéputés, qui avaient fui la salle plus tôt craignant pour leur vie, étaient désormais rassurés par une déclaration si facilement prononcée. Ils revinrent nous rejoindre en séance et montrèrent le plus grand courage en prêtant ce charmant serment, qu’ils prononcèrent avec la plus grande fermeté, sans s’inquiéter de la difficulté et même de l’impossibilité pour eux de l’exécuter.
Entre-temps, une grande bagarre avait éclaté dans le palais, aux Tuileries et sur les Champs Élysées. Les gardes suisses, qui avaient été trompés par les instigateurs aristocratiques du palais et avaient tiré sur le peuple étaient maintenant vivement poursuivis et se défendaient de la même manière de sorte que les cadavres couvraient le sol.
Le palais royal avait été pillé, bien que tout ce qui avait de la valeur ait été porté scrupuleusement à l’Assemblée, qui l’avait à son tour envoyé à la Commune [c’est-à-dire à la mairie] ; le peuple lui-même rendait justice à ceux qui dissimulaient ou volaient la moindre chose. Tous les bijoux, argent et autres objets de valeur trouvés sur les gardes suisses morts ont été soigneusement rassemblés et restitués; par exemple, un véritable sans-culotte dépose fidèlement 173 louis d’or [équivalent à 3 460 livres] qu’il a découverts sur le corps d’un abbé dans le sous-sol du palais. Notre peuple souverain, vraiment français, respectait les dames d’honneur ou de non-honneur de la cour ; ils ne leur infligeaient pas la moindre écorchure, si laides que soient certaines d’entre elles ; mais ils n’ont montré aucune pitié aux nobles obséquieux de la cour.
Le Roi a été suspendus de toutes ses fonctions et pouvoirs ; nous avons chassé ses ministres contre-révolutionnaires et en avons nommé d’autres dignes de la confiance publique. Louis, Antoinette, leurs enfants et leurs compagnons sont toujours dans leur cellule, la loge du sténographe, dont ils n’ont pas bougé et où leur nourriture comme celle-ci a consisté, délibérément, en à peine plus que du pain, du vin et de l’eau. Bon Dieu, quel spectacle ! Il est bien vrai que l’opinion est souvent primordiale et que sans opinion de leur côté les grands, si grands soient-ils, ne sont rien ; ces dieux sur terre, dépouillés et privés de leurs masques ne sont même plus des hommes, et à la fin ils ont le même sort que les fausses divinités ont toujours eu quand les bandeaux de l’erreur tombent. Nos commissaires de salle de réunion s’occupent de leur aménager des appartements dans l’ancien couvent des Capucins [à côté de la salle de réunion à l’ouest] ; car Leurs Majestés risqueraient de n’être pas respectées comme elles le méritent si elles allaient séjourner au Palais du Luxembourg, qu’un de nos arrêtés leur assigne aujourd’hui au lieu du Palais des Tuileries.
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https://www.herodote.net/10_aout_1792-evenement-17920810.php
https://alphahistory.com/frenchrevolution/attack-on-the-tuileries/