La ville de Beauvais repousse les armées de Charles le Téméraire grâce aux femmes de la ville dont notamment la célèbre Jeanne Hachette juchées sur leurs rempartsLors du Siège de Beauvais, les habitants repoussent l’armée de Charles le Téméraire, principalement grâce aux femmes de la ville, notamment la célèbre Jeanne Laisné, plus connue sous le surnom de Jeanne Hachette.Le siège de Beauvais en 1472«Le premier endroit qui peut lui résister – cela suffira à le défaire» Le roi Louis XI de France, parlant du duc de Bourgogne.
Le colérique Charles, duc de Bourgogne était déchaîné. Il s’était associé à d’autres nobles français mécontents et ils combattaient leur suzerain féodal, le roi Louis XI. Charles avait emmené son armée en France et assiégeait les villes et acceptait leur reddition. Il avait pris Nesle, Montdidier et Roye, les punissant durement. Son armée se dirige alors vers Beauvais sur la rivière Thérain. Il pensait que les habitants de Beauvais avaient entendu parler de sa colère et du traitement des autres villes et espérait qu’ils se rendraient par pure terreur. Mais il les a sous-estimés à son détriment.La ville de Beauvais était bien fortifiée mais n’avait pas d’artillerie. Après la chute de Roye, une partie de la garnison s’était réfugiée à Beauvais. Le capitaine de Beauvais, Louis de Balagny et son lieutenant Jean Lagoy étaient là pour combattre pour le roi Louis avec quelques archers. Deux semaines après la chute de Roye, les Beauvais sans méfiance sont attaqués. Le 27 juin, des ouvriers qui réparaient la toiture de la cathédrale aperçoivent l’arrivée des Bourguignons et donnent l’alerte.
Philippe, seigneur de Crèvecœur, l’un des hommes les plus habiles de Charles, vint avec l’avant-garde de l’armée bourguignonne. L’un des faubourgs est pris par Jacques Montmartin qui commande cent lanciers et trois cents archers du duc. Crèvecœur a attaqué un autre quartier de la ville mais il n’avait pas assez d’échelles et celles qu’il avait étaient trop courtes. Il attaqua la porte de Bresle et la porte de Limaçon. Il avait des canons mais ne pouvait les tirer que deux fois avant de manquer de munitions. Le canon a fait un énorme trou dans la porte de Bresle.Les Bourguignons s’engouffrent dans l’écart. Les citoyens se sont battus comme des fous depuis les murs avec des épées, leurs corps, des pierres et du plomb. Des tirs d’archers et d’arbalètes pleuvaient sur l’ennemi. Les plus audacieux étaient les femmes et les enfants, apportant des munitions aux hommes en un flot continu. Certaines femmes se sont insérées dans le combat au corps à corps. D’autres ont apporté des torches allumées qui ont été jetées au visage des hommes qui escaladaient les murs. Ils ont lancé tant de torches que la porte a pris feu. À un moment donné au cours de cette attaque, une femme nommée Jeanne Laisné s’est avancée, brandissant une hachette. Elle a arraché le drapeau bourguignon à un soldat qui essayait de le planter sur le mur. Alors que les Bourguignons étaient au corps à corps dans la brèche avec les Fient sur l’ennemi. Les plus audacieux étaient les femmes et les enfants, apportant des munitions aux hommes en un flot continu. Certaines femmes se sont insérées dans le combat au corps à corps. D’autres ont apporté des torches allumées qui ont été jetées au visage des hommes qui escaladaient les murs. Ils ont lancé tant de torches que la porte a pris feu. À un moment donné au cours de cette attaque, une femme nommée Jeanne Laisné s’est avancée, brandissant une hachette. Elle a arraché le drapeau bourguignon à un soldat qui essayait de le planter sur le mur.Alors que les Bourguignons étaient au corps à corps dans la brèche avec les français, Crèvecœur envoya un message à Charles que s’il arrivait avec son armée, ils pourraient prendre la ville. Le duc est finalement arrivé et s’attendait à vaincre la ville dès que le feu s’éteindrait. Une demande de reddition a été refusée.Vers huit heures dans la nuit du 27 juin, deux cents lances de l’armée permanente de la garnison de Noyon pénétrèrent dans la porte sud. Ils laissèrent leurs chevaux aux femmes et se jetèrent dans la lutte pour défendre la ville. L’obscurité est tombée et les combats ont cessé. Charles s’installe à côté de la ville. Dans l’après-midi du 28 juin, le maréchal Roualt arrive avec cent lances et on commence à réparer les brèches dans les murs. Le lendemain, Antoine de Chabannes et Jean Salazar, amis du roi Louis, arrivent avec deux cents lances. D’autres nobles de premier plan avec leurs contingents sont arrivés. Bientôt, des trains de wagons avec de la nourriture, des munitions et du matériel de génie arrivèrent de Paris et de Rouen. Le roi envoya d’autres détachements de troupes avec ses remerciements aux citoyens et aux soldats de la ville.Les habitants de la ville ont gardé la porte incendiée pendant une semaine, tenant l’ennemi à distance. Le duc a envisagé d’attaquer une autre partie de la ville avec toute son armée et il aurait probablement pu passer mais un petit ruisseau l’a dissuadé de poursuivre ce plan. Le duc était maintenant dans une grande passion et sortit son artillerie, tirant continuellement avec le canon. Une brèche a été faite mais un pont était nécessaire pour prendre d’assaut l’écart. Le pont a été construit et le duc était prêt à attaquer même si ses officiers n’étaient pas d’accord avec lui. Alors que les hommes traversaient le pont d’assaut, Lord Despiris fut écrasé au milieu et mourut. Certains hommes ont réussi à atteindre les murs mais n’ont pu avancer. Le duc a ordonné un autre assaut, puis s’est rendu compte qu’il serait infructueux et a rappelé les hommes.Le canon a martelé la ville, brisant les rues et les maisons ainsi que les murs. Louis apprit au bout de deux semaines qu’un quart de la ville avait été détruit. Les citoyens de Beauvais se sont battus vaillamment. Ils étaient ingénieux avec les types de missiles qu’ils lançaient sur les Bourguignons. Chaque point attaqué avait un défenseur. Ils utilisaient d’énormes pierres, des marmites d’eau bouillante, des torches allumées, n’importe quoi de désagréable à jeter à la face des soldats qui escaladaient les murs. De fortes pluies sont tombées, mais cela a semblé jouer en faveur de la ville. Le duc Charles a été contraint de déplacer le camp. Il y a eu des escarmouches et des assauts simulés contre le campement bourguignon, tuant des hommes que Charles ne pouvait pas se permettre de perdre.A trois heures du matin le 22 juillet, le furieux duc de Bourgogne lève le siège et se dirige vers l’ouest en direction de la Normandie, incendiant et pillant villages et champs sur des kilomètres autour de la ville. Beauvais avait tenu bon. Environ cent vingt ont été tués et un millier de blessés. Le duc avait perdu environ trois mille hommes, dont une vingtaine de seigneurs. Charles avait subi une terrible humiliation.Louis avait marché sur le duc de Bretagne et si Charles était venu au secours de la Bretagne, ils auraient peut-être battu Louis. Mais beaucoup de temps a été perdu sur Beauvais. Louis comprenait bien la valeur des défenseurs de Beauvais. Il accorda des privilèges et une réduction d’impôts à la commune. Il a rendu hommage aux femmes et aux enfants qui avaient sacrifié leur vie dans les combats. Une procession annuelle a été lancée et les femmes ont été autorisées à marcher devant les hommes pour leur ingéniosité dans l’utilisation de l’eau bouillante et d’autres armes. En remerciement pour ce qu’ils avaient fait, Louis permit aux femmes, quel que soit leur rang, de porter les vêtements qu’elles voulaient, suspendant les lois somptuaires qui étaient courantes à l’époque. Louis a récompensé une femme en particulier pour sa bravoure face au soldat bourguignon avec le drapeau. Louis a donné à Jeanne Laisné une récompense en espèces et elle et ses descendants ont été exemptés de payer des impôts pour toujours. A ce jour, la ville de Beauvais honore le siège et Jeanne Laisné, désormais appelée Jeanne Hachette avec une procession à travers la ville en souvenir de leur victoire contre l’armée du Duc de Bourgogne. Et les femmes mènent le défilé.Jeanne Hachette, la guerrièreQui est donc Jeanne Hachette ? Celle qui doit son surnom à la petite hache dont elle se serait servie pour combattre, en 1472, Charles le Téméraire, à Beauvais – elle y a sa statue -, survit par son nom, donné à des collèges, à des centres commerciaux ou culturels, mais elle semble n’être plus qu’une image. Dans une récente biographie de Charles le Téméraire (1433-1477) due à Henri Dubois (Fayard, 2004), elle n’est pas mentionnée, fût-ce pour récuser son existence historique. Elle était pourtant, depuis des siècles, une héroïne. Jusqu’au cinéma, dans le film Le Miracle des loups, de Raymond Bernard, en 1924. Mais elle avait disparu dans la version tournée par André Hunebelle en 1961.
A-t-elle donc vraiment existé ou est-elle seulement la figure mythique symbolisant la mobilisation des femmes et des jeunes filles de Beauvais face à l’agresseur ? Pour le biographe du Téméraire, la réponse semble certaine. Au moins aurait-il pu ne pas totalement effacer cette Jeanne-là, partir de sa légende, revivifiée au XXe siècle, quand, en 1920, Jeanne d’Arc est canonisée. Pour la gauche anticléricale, Jeanne Hachette devient alors le pendant laïque de la Pucelle.Toute une légende, donc, qui n’est pas sans intérêt dans l’histoire des femmes et dans leur rapport à l’Histoire. Au Moyen Age, quand un seigneur semble indigne, injuste ou simplement mauvais, le plus fort symbole de sa disqualification est sa défaite devant une femme. Ainsi, Geneviève défia Attila et Simon de Montfort fut victime d’une perrière manœuvrée par une vieille femme. Alors, que Jeanne Hachette soit un individu singulier, ou rassemble sous son nom les habitantes de Beauvais, elle mérite considération.Si l’on s’intéresse de plus près à cette combattante valeureuse, les complications biographiques ne tardent pas à surgir. Comme il est convenu de considérer qu’elle avait autour de 18 ans au moment où les troupes du Téméraire assiègent Beauvais, on la fait naître, selon les récits, entre 1453 et 1455 – certains précisent le 14 novembre 1454. Si elle meurt à Beauvais – pas en combattant -, personne ne se hasarde à avancer une date.Peut-être s’appelait-elle Jeanne Laisné. Elle aurait été cardeuse de laine, et la fille d’un artisan, Matthieu Laisné. A moins qu’on ne veuille simplement signifier qu’elle était l’aînée de sa fratrie. D’autres la prétendent fille d’un bourgeois, Jean Fourquet. D’autres encore font de ce même Fourquet l’un de ses maris, après un certain Colin Pilon, qu’elle aurait épousé en 1474 et qui serait mort en 1477, lors du siège de Nancy, au cours duquel périt aussi Charles le Téméraire.
Ce Téméraire, ce duc de Bourgogne auquel Jeanne doit ce qui lui reste de célébrité, que venait-il combattre devant Beauvais ? Ou plutôt qui ? Le roi, bien sûr. En 1472, Louis XI (1423-1483), fils de Charles VII, règne depuis onze ans. Il déteste son cousin bourguignon. Il est vrai qu’il était difficile de faire s’entendre deux êtres si dissemblables. Le roi est austère, il refuse de paraître, s’habille comme un bourgeois, ne sacrifie pas à la pompe royale. Il est considéré comme un bon roi du point de vue de sa gestion du royaume, mais comme un fort méchant homme. Le duc de Bourgogne au contraire ne se plaît qu’en représentation, en affirmation spectaculaire de sa puissance. Pour tout dire, il aspire à régner. Mais, là, il lui faut compter avec l’Angleterre.
En 1471, l’interminable conflit qui oppose les Yorks et les Lancasters pour le contrôle du royaume s’achève par la victoire des Yorks. Charles le Téméraire, qui a épousé en troisièmes noces Marguerite d’York (1446-1503), fille du duc Richard, à l’origine de la guerre des Deux-Roses, est donc le beau-frère du vainqueur, devenu Edouard IV. Il est aussi l’héritier des vaincus, les Lancasters, par sa mère, Isabelle de Portugal, leur dernière descendante. Il pourrait donc tenter de relancer un conflit en se réclamant du trône d’Angleterre.
Mais, au même moment, en France, se joue un autre enjeu dynastique qui le requiert aussi. Si Louis XI règne, son jeune frère, Charles de Guyenne, de vingt-trois ans son cadet, complote contre lui. Héritier probable, puisque le dauphin, qui n’a pas 2 ans, n’est pas assuré d’atteindre l’âge adulte, il s’allie au Bourguignon.
Par chance pour Louis XI, Guyenne est très malade. Tuberculose ou syphilis, il meurt le 24 mai 1472. Impatient de récupérer les terres de son cadet, dont il annonce même le décès avec une semaine d’avance, Louis XI s’empare de La Rochelle, place forte emblématique, puisque porte de la Guyenne.
D’où fureur de Charles le Téméraire. Une fureur irraisonnée. En dépit de ses 38 ans, il a toujours pris le conseil de sa mère, meilleure tacticienne et authentique tête politique. Mais Isabelle de Portugal est morte le 17 décembre 1471. Et le voilà sans conseil. C’est pourtant en ce printemps 1472 qu’il aurait besoin de son avis, de sa vision stratégique. N’en ayant pas, il prend la tête de son armée de 80 000 hommes et, avant d’atteindre Beauvais, qu’il a décidé de châtier pour sa fidélité au roi, il fait table rase de tous les villages qu’il traverse, avec une sauvagerie atroce, même pour une époque peu sensible aux violences extrêmes : « Une guerre de fer, de sang et de feu », diront les commentateurs.
Devant Beauvais dès le 27 juin 1472, il ne s’attend pas à la ferme mobilisation des habitants et à la rapidité de leur riposte. Au premier assaut, porte du Lymaçon, les Bourguignons sont repoussés. Au deuxième assaut, porte de Bresle, ils sont attendus avec détermination. Et le siège s’éternise. Jusqu’au 22 juillet. Ce jour-là, après onze heures de combat, Charles le Téméraire, vaincu par la résistance des Beauvaisiens, fait sonner la retraite. Beauvais est sauvée. Quelques jours plus tard, le maréchal Joachim Rouault ouvre les portes de la ville à Louis XI, venu savourer cette victoire. On a rapporté que le roi accorda de nombreux privilèges à la ville, tout particulièrement à ses femmes. Par une ordonnance royale du 14 juin 1474, il décrète que, chaque année, le jour de la fête de sainte Agadrême, une procession commémorative donnera aux femmes le pas sur les hommes.
Que Charles le Téméraire ait dû lever le siège un 22 juillet, jour de la Sainte Marie-Madeleine, est pour le roi plus qu’un symbole, un signe du destin. Comme nombre de ses contemporains, il considère que la « Grande Pécheresse » délivre le verdict de Dieu. A Beauvais, elle a donné raison aux habitants, et en particulier aux femmes, dont tous les témoignages attestent qu’elles n’ont pas été seulement des auxiliaires, mais bien les âmes de la résistance.
Y avait-il parmi elles des Jeanne ? Certainement. Mais une seule Jeanne, ou une Jeanne plus en vue que les autres, une meneuse de femmes, une pasionaria, munie de sa petite hache ? Comment savoir ? Aucun texte de l’époque ne mentionne son nom. Toutefois, dans L’Histoire de France de Jules Michelet (1798-1874) apparaît une Jeanne Laisné : « La porte était enfoncée, peu ou point de soldats pour la défendre. Mais les habitants se défendaient (…). Les femmes vinrent se jeter sur la brèche avec les hommes ; la grande sainte Agadrême, qu’on portait sur les murs, les encourageait ; Jeanne Laisné se souvint de Jeanne d’Arc. » Pour Michelet, elle existe donc, à hauteur de la Pucelle. C’est pourtant au même moment qu’on commence à mettre sérieusement en doute l’existence même de Jeanne Hachette. En février 1850, dans un article sur « Les on-dit de l’Histoire », l’érudit Paulin Paris, spécialiste de littérature médiévale, affirme qu’elle n’est qu’un nom.
Par-delà le doute, le débat reste entier. Pour que l’action des femmes dans l’Histoire soit reconnue, faut-il en passer par une figure symbolique ? Est-il salutaire d’abattre le mythe sans penser son utilité ? Sans la figure de Jeanne Hachette, se souviendrait-on de l’héroïsme des femmes de Beauvais ? Et qui lirait le chroniqueur Loysel célébrant « toutes les femmes de la ville (…) si vaillantes en ce siège qu’elles ont surmonté la hardiesse des hommes de plusieurs autres villes » ?
De Jeanne d’Arc à Jeanne Hachette, c’est bien l’image de la femme au combat qui assure le salut. Une difficile leçon pour les misogynes, du Moyen Age ou d’aujourd’hui.
https://www.lemonde.fr/vous/article/2008/07/30/jeanne-hachette-la-guerriere_1078682_3238.html
https://www.medievalists.net/2013/12/the-siege-of-beauvais-in-1472/