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// 11 janvier 1931 (Page 61- 62 /992) //
Dans ma dernière lettre, j’ai dit quelque chose sur les Grecs ou les Hellènes. Examinons-les à nouveau et essayons de nous faire une idée de ce à quoi ils ressemblaient. Il est très difficile, bien sûr, pour nous de nous faire une idée réelle et véridique de quelque chose ou de certaines personnes que nous n’avons jamais vues. Nous sommes tellement habitués à nos conditions et modes de vie actuels que nous pouvons difficilement imaginer un monde complètement différent. Pourtant, le monde antique, que ce soit en Inde, en Chine ou en Grèce, était totalement différent du monde actuel. Tout ce que nous pouvons faire, c’est deviner, à l’aide de leurs livres, bâtiments et autres vestiges, à quoi ressemblaient les gens de cette époque.
Il y a un fait très intéressant sur la Grèce. Les Grecs n’aimaient apparemment pas les grands royaumes ou les empires. Ils aimaient les petites Cité-État, c’est-à-dire que chaque ville était un État indépendant. 17
C’étaient de petites républiques, avec la ville au centre et quelques champs autour desquels provenait la nourriture de la ville. Une république, comme tu le sais, n’a pas de roi. Ces cités-États grecques n’avaient pas de rois, mais étaient gouvernées par les riches citoyens. Les gens moyens ou pauvres là-bas avaient peu ou pas de mot à dire au gouvernement. Il y avait de nombreux esclaves qui n’avaient aucun droit au gouvernement et les femmes n’avaient pas non plus de droits. De sorte que seule une partie de la population des Cités-États était citoyenne, et à ce titre pouvait voter sur des questions publiques. Il n’a pas été difficile pour ces citoyens de voter, car ils pouvaient tous être rassemblés en un seul endroit. Cela ne pouvait être fait que parce que c’était une petite Cité-État et non un très grand pays sous un seul gouvernement. Imagine tous les électeurs de l’Inde, ou même d’une province comme le Bengale ou Agra, se réunissant ! Cela ne peut tout simplement pas être fait. Cette difficulté a dû être affrontée plus tard dans d’autres pays et une solution a été trouvée dans ce que l’on appelle un « gouvernement représentatif ». Cela signifie qu’au lieu que tous les électeurs d’un pays se réunissent pour décider d’une question, ils élisent leurs « représentants », qui se réunissent et examinent les questions publiques relatives au pays et font des lois pour cela. De cette manière, l’électeur ordinaire est censé aider indirectement le gouvernement de son pays.
Mais cela n’a rien à voir avec la Grèce. La Grèce a évité cette question difficile en n’ayant rien de plus grand qu’une Cité-État. Bien que les Grecs se soient répandus, comme je te l’ai dit, dans toute la Grèce et le sud de l’Italie, la Sicile et d’autres côtes de la Méditerranée, ils n’ont pas cherché à avoir un empire ou un gouvernement pour tous ces endroits sous leur contrôle. Partout où ils allaient, ils formaient leur Cité-État séparée.
En Inde aussi, tu constateras qu’au début il y avait de petites républiques ou royaumes plutôt comme la Cité-État grecque. Mais apparemment, ils n’ont pas duré longtemps, et ils ont été absorbés dans de plus grands royaumes. Même ainsi, cependant, pendant très longtemps nos panchayats*[des gouvernements locaux (« assemblée des cinq »)] de village ont eu beaucoup de pouvoir. Peut-être que la première impulsion des anciens Aryens fut d’avoir de petites Cité-État partout où ils allaient. Mais les conditions géographiques et le contact avec les civilisations plus anciennes les ont progressivement amenés à abandonner cette idée dans de nombreux pays qu’ils habitaient. En Perse surtout, on trouve de grands États et des empires qui se sont développés ; en Inde aussi, il y avait une tendance à la croissance de grands royaumes.
Mais en Grèce, la Cité-État a duré longtemps, jusqu’à ce qu’un Grec, célèbre dans l’histoire, fasse la première tentative que nous connaissons pour conquérir le monde. C’était Alexandre le Grand. Nous aurons quelque chose à dire de lui plus tard.
Les Grecs ont donc refusé de rejoindre ensemble leurs petites Cités-États pour former un grand État, un royaume ou une république. Non seulement ils restaient séparés et indépendants, mais ils se combattaient presque toujours. Il y avait une grande rivalité entre eux, aboutissant souvent à la guerre.
Et pourtant, de nombreux liens communs joignaient ces Cités-États. Ils avaient une langue commune, une culture commune et la même religion. Leur religion était l’un des nombreux dieux et déesses, et ils avaient une mythologie riche et belle comme la vieille mythologie hindoue. 18
Ils adoraient le beau. Même maintenant, nous avons quelques-unes de leurs anciennes statues en marbre et en pierre, et elles sont merveilleusement belles. Ils croyaient avoir des corps sains et beaux et ont organisé à cet effet des jeux et des courses. Ces jeux se déroulaient de temps en temps à grande échelle à Olympie, en Grèce, et des gens de toute la Grèce s’y rassemblaient. Tu dois avoir entendu parler des jeux olympiques qui ont lieu encore maintenant. Le nom a été tiré des anciens jeux grecs à Olympie et appliqué aux jeux et championnats entre différents pays.
Les Cités-États grecques vivaient donc séparément, se rencontrant à leurs jeux et se combattant fréquemment. Cependant, lorsqu’un grand danger venait de l’extérieur, ils s’unissaient pour y résister. C’était l’invasion perse, dont nous aurons quelque chose à dire plus tard.