Évolution politique et sociale depuis l’indépendance du Sri Lanka Possession britannique depuis la fin du XVIIIe siècle, le Ceylan, un État insulaire d’Asie méridionale qui compte 6,5 millions d’habitants, proclame son indépendance le 4 février 1948. Après avoir en exprimé le désir, le Ceylan obtient davantage d’autonomie du Royaume-Uni après la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Les réformes proposées par la Commission Soulbury, ainsi que la nouvelle Constitution adoptée en 1946, ne suffisent toutefois pas à satisfaire entièrement le United National Party (UNP) de Stephen Senanayake qui réclame le statut de dominion. Senanayake est élu à la tête du gouvernement en 1947, année au cours de laquelle le Royaume-Uni reconnaît le principe d’indépendance pour le Ceylan au sein du Commonwealth. La proclamation survient le 4 février 1948. La ville de Colombo sera la capitale du nouveau pays dont le gouverneur général est Sir Henry Moore et le premier ministre Stephen Senanayake. À partir de 1972, le Ceylan sera connu sous le nom de Sri Lanka. Depuis l’indépendance, l’évolution de Sri Lanka a été dominée par deux facteurs dont la permanence a miné la stabilité politique du pays : le problème du choix d’une voie de développement pour faire face au défi démographique ; et l’accentuation des attitudes communalistes empêchant l’affirmation d’un sentiment national sri-lankais. Trois vagues d’agitation ont troublé cette période ; la première a déferlé entre 1956 et 1959 en prenant une forme communaliste. La deuxième a pris une importance croissante au cours des années 1960 jusqu’à donner naissance, en 1971, à un mouvement insurrectionnel mené par le Janatha Vimukthi Peramuna (J.V.P.). La troisième, qui est le symptôme d’une grave crise politique, a été marquée par l’essor du terrorisme tamoul, par les violences antitamoules de l’été de 1983, par l’intervention indienne de l’été de 1987, par la seconde rébellion singhalaise du J.V.P. et sa répression de 1988 à 1990.Les conservateurs au pouvoir (1948-1956)S. Senanayake, le Premier ministre, est l’homme de la continuité ; il jouit de l’appui des pays occidentaux, des classes possédantes locales, et d’une grande popularité auprès de la paysannerie grâce aux travaux d’irrigation qu’il a fait entreprendre alors qu’il était ministre de l’Agriculture et grâce à la politique sociale (distribution de denrées de première nécessité, équipements scolaires et hospitaliers) qu’une conjoncture économique favorable permet de poursuivre. Mais sa mort accidentelle en 1952 coïncide avec la dégradation de cet équilibre fragile. Son fils Dudley Senanayake ne peut se maintenir au pouvoir qu’un an, faute de parvenir à maîtriser l’agitation sociale engendrée par sa décision de tripler le prix du riz, sur les conseils de la Banque mondiale. Le parti que son père a fondé, l’United National Party (U.N.P.), doit faire face non seulement à la contestation animée par le parti de gauche Lanka Sama Samaja Party (L.S.S.P.) qui se réclame du trotskisme, mais aussi à un groupe constitué autour de S. W. R. D. Bandaranaike, qui a quitté l’U.N.P. pour fonder sa propre organisation, le Sri Lanka Freedom Party (S.L.F.P.). En effet se développe dans la population singhalaise un mouvement de décolonisation culturelle à retardement dirigé contre la prédominance de l’élite anglophone, animé par des groupes d’activistes bouddhistes qui préparent la célébration du deux mille cinq centième anniversaire du nirvana du Bouddha ; les notables ruraux, instituteurs, médecins traditionnels, moines bouddhistes, y jouent un rôle actif ; tandis qu’en ville s’instaure un sentiment d’animosité à l’égard des fonctionnaires et des commerçants tamouls qui occupent une place que les Singhalais considèrent comme privilégiée. Le cousin de Dudley Senanayake, J. Kotelawala, qui lui a succédé en 1953, perd les élections de 1956, qui sont remportées par S. W. R. D. Bandaranaike, avec l’appui d’une fraction du L.S.S.P.Nationalisme et étatisme : les Bandaranaike au pouvoir (1956-1965 et 1970-1977) Les trois années du gouvernement de S. W. R. D. Bandaranaike sont marquées par un climat de violence accrue qui culmine avec son assassinat en septembre 1959. Manipulées par certains politiciens, les tensions intercommunautaires dégénèrent en émeutes en 1956, puis en 1958, sans que le pouvoir, paralysé par l’influence en son sein des extrémistes singhalais, parvienne à les arrêter à temps. Ces troubles contribuent à freiner les réformes que Bandaranaike avait promis de mener à bien : évacuation des bases anglaises, nationalisations, loi de réforme agraire. Néanmoins, le Premier ministre tire de ces mesures incomplètes une grande popularité, qui vient renforcer le prestige personnel que lui confèrent ses origines aristocratiques et sa conversion opportune au populisme. Il dispose en outre d’une image de marque internationale, celle d’un leader non aligné. Son assassinat, par un fanatique de son propre bord, laisse le S.L.F.P. désemparé, jusqu’à ce que sa veuve, Sirimavo, entre dans l’arène politique. Dans une conjoncture qui s’aggrave, elle imprime à l’économie une marque étatique et mène à terme le rapprochement amorcé avec le L.S.S.P. en constituant en 1964 un cabinet de coalition. Cette évolution inquiète les milieux conservateurs.
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