Arsène Tchakarian, figure de la Résistance, le dernier survivant du groupe ManouchianArsène Tchakarian (1916-2018) était le dernier survivant du « groupe Manouchian », l’un des mouvements les plus actifs de la Résistance. Il faisait partie d’un groupe de résistants dont 22 membres avaient été exécutés par les nazis en février 1944.Avec la mort d’Arsène Tchakarian le samedi 4 août à l’âge de 101 ans, disparaît le dernier survivant du groupe Missak Manouchian, dont 22 membres furent exécutés par les nazis le 21 février 1944 au Mont-Valérien. Après le décès d’Henri Karayan, le 2 novembre 2011, à Paris, à l’âge de 90 ans, celui d’Arsène Tchakarian renvoie la mémoire et la relation précise de cet épisode, à la fois magnifié et propice à certaines polémiques, à la seule responsabilité des historiens.Il y a peu, Arsène Tchakarian, alerte nonagénaire, recevait encore au rez-de-chaussée de son pavillon de Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne) donnant sur un petit jardin. Là, au milieu de livres et de documents, il rappelait avec fougue l’action du groupe Manouchian dans la Résistance. Jusqu’à la fin de sa très longue vie, il n’aura cessé d’apporter à ce sujet son témoignage personnel, intervenant dans les établissements scolaires – où il a tenu des centaines de réunions depuis le milieu des années 1960 –, les institutions civiles et militaires, les émissions de télévision et de radio et bien sûr les commémorations annuelles.
Né en Turquie en 1916 en plein génocide arménien, arrivé à Paris en 1930, il s’était illustré pendant la guerre au sein de ce groupe de résistants que les Allemands avaient ciblés dans la fameuse « Affiche rouge ».Installé après-guerre dans un pavillon de Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne) qu’il avait transformé en centre d’archives, ce vieil homme alerte continuait jusqu’à peu à écumer lycées et collèges pour offrir son témoignage sur l’Occupation et militer pour la reconnaissance du génocide arménien.Arrivé en France en 1930 après s’être d’abord réfugié en Bulgarie, Arsène Tchakarian adhéra à la CGT en 1936 puis au PCF. Dans ces années 1936-1937, il participa aux activités des prosoviétiques et communistes arméniens. Il accompagna Missak Manouchian – membre de la sous-section arménienne du Parti communiste français et du Comité central du HOK (Comité d’aide à l’Arménie, fondé à Erevan en 1921)- cherché des chaussures chez les bottiers arméniens de Valence afin de les envoyer aux républicains espagnols. Il travailla comme tailleur dans un atelier du Ve arrondissement de Paris.En septembre 1937, Arsène Tchakarian fut incorporé dans le 109e régiment d’artillerie lourde hippomobile à Châteaudun en Eure-et-Loir puis le 182e régiment d’artillerie lourde tractée de 155 à Vincennes en mars 1938. Il est toujours sous les drapeaux lorsque la guerre fut déclarée. Son régiment fut envoyé dans l’est de la France où il ne sera pas vraiment confronté au feu. Peu à peu l’artillerie recula jusqu’à Nîmes où il fut démobilisé en août 1940.Démobilisé en 1940, il fut recruté en 1941 par Manouchian, devenu responsable politique des Arméniens de la MOI pour la zone occupée. C’est également Manouchian qui le sélectionna dans les FTP-MOI en décembre 1942 lorsqu’il reçut l’ordre de passer à la lutte armée. C’est en compagnie de Tchakarian et de Marcel Rayman que Manouchian effectua sa première action armée qui visa un détachement de Feldgendarmes à Levallois le 17 mars 1943. Au cours des mois suivants, et jusqu’à l’arrestation de son chef Manouchian en novembre 1943, Tchakarian prit part à six actions. Il réussit à échapper au coup de filet qui décima les FTP-MOI parisiens et se planqua chez des « légaux » arméniens puis gagna Bordeaux.
En 1944, il avait été protégé par des policiers résistants français qui lui trouvèrent une planque avant que celui-ci ne parte en mission de renseignement à Mérignac (aérodrome de Bordeaux 33) pour le compte de la résistance.Dès la fin de la guerre, il apparut au sein de la communauté arménienne comme une figure du mouvement prosoviétique et communiste qui se réorganisait autour de la JAF (Jeunesse arménienne de France) puis de l’UCFAF (Union culturelle française des Arméniens de France).
Il vivait à Vitry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne) depuis les années 1950. À partir de 1950, il devient historien, membre de la Commission des Fusillés du Mont-Valérien et chargé de recherches auprès du ministère de la Défense.Le 2 juillet 1985, Arsène Tchakarian fut invité sur le plateau de l’émission d’Antenne 2 Les Dossiers de l’écran et participa au débat qui fait suite à la diffusion du documentaire de Mosco Boucault Des terroristes à la retraite. Défenseur virulent du PCF, il s’insurgea contre la thèse du film qui rendait le Parti responsable de la chute des FTP-MOI parisiens. En réaction, il publia l’année suivante chez Messidor un ouvrage préfacé par Roger Bourderon, Les Francs-Tireurs de l’Affiche rouge. Il y accusait Boris Holban* (chef militaire des FTP-MOI parisiens jusqu’en août 1943) d’être responsable de la chute des FTP-MOI parisiens.
En 1996, Arsène Tchakarian devint président du Mouvement des Arméniens de France pour le Progrès (MAFP). Cette association rassemblait alors les anciens membres de la Commission Nationale Arménienne qui avait été supprimée par le PCF peu avant la chute de l’URSS. Consultant auprès de la Commission du Mont-Valérien, il intervint régulièrement dans les collèges et lycées pour livrer son témoignage sur la Résistance.
En mars 2012, il fut élevé au grade d’officier de la Légion d’honneur et décoré par Nicolas Sarkozy dans les salons de l’Élysée. Outre Les Francs-Tireurs de l’Affiche rouge, Arsène Tchakarian est également l’auteur des Fusillés du Mont-Valérien (Comité national du souvenir des fusillés du Mont-Valérien, 1991) et des Commandos de l’Affiche Rouge (Éditions du Rocher, 2012).
Titulaire de la Légion d’honneur depuis 2005, officié en 2012 er commandeur en 2017, il mourut en 2018 à 101 ans. Son décès fut signalé par les radios et la presse quotidienne.
Il a été inhumé au cimetière parisien d’Ivry-sur-Seine.