La condamnation de Charles Taylor ouvre « une nouvelle ère de responsabilité »Le 30 mai 2012, l’ancien président libérien Charles Taylor est reconnu coupable d’avoir encouragé d’horribles crimes de guerre, notamment des viols et des mutilations en Sierra Leone. Sa condamnation était la première pour crimes de guerre par un ancien chef d’État devant un tribunal international depuis les procès de Nuremberg des dirigeants nazis après la Seconde Guerre mondiale. Taylor a été reconnu coupable d’avoir aidé et encouragé une force rebelle notoirement brutale qui a assassiné, violé, forcé l’esclavage sexuel, construit une armée d’enfants et extrait des diamants pour payer des armes à feu.
La route de Taylor vers les crimes de guerre a commencé après son évasion d’une prison américaine, où il attendait d’être extradé pour détournement de fonds. Taylor est passé de sa cellule de prison à la Libye, où il a fondé le groupe de milice National Patriotic Front of Liberia (NPFL). Avec sa milice nouvellement formée, il a renversé le régime de Samuel Doe en 1989. Le bouleversement a plongé le pays dans une guerre civile sanglante de 14 ans. À la fin, 200 000 personnes ont été tuées dans les combats et plus de la moitié de la population est devenue réfugiée.Après qu’un accord de paix ait été conclu pour mettre fin à la guerre civile, Taylor a été élu président du Libéria jusqu’à ce qu’il soit expulsé en 2003. Pendant son règne, Taylor se serait mêlé d’une autre guerre civile faisant rage en Sierra Leone. Des témoins ont déclaré qu’il vendait des armes à des groupes rebelles et organisait des attaques pour eux en échange de diamants du sang. Cependant, Taylor ne faisait pas qu’aider une rébellion. Il perpétuait également une brutalité horrible. Plus de 50 000 personnes ont été tuées et des milliers d’autres ont été mutilées au cours de la guerre civile qui a duré plus d’une décennie. Les rebelles étaient connus pour amputer des membres, violer des femmes, asservir les survivants de leurs attaques et forcer des garçons dans des armées d’enfants.Taylor a nié les accusations, mais une fois jugé en 2006, 115 témoins, dont des victimes de viol et de mutilation, ont témoigné contre lui. Les interceptions radio et téléphoniques utilisées dans l’affaire ont également révélé une communication directe entre lui et les rebelles.
Taylor purge sa peine de 50 ans dans une prison au Royaume-Uni.La condamnation de l’ancien président du Liberia à cinquante ans de prison pour crimes contre l’humanité est la première sentence prononcée contre un chef de l’État pour des faits commis dans l’exercice de ses fonctions.Charles Taylor a été condamné, mercredi 30 mai 2012, à 50 ans de prison par les juges du Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL). Reconnu coupable, le 26 avril, de crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis au cours de la guerre civile en Sierra Leone (1991-2002), l’ancien président du Liberia a écopé d’une lourde peine.
Une lourde peine non pas au regard des horreurs de cette guerre – qui a fait près de 150 000 morts –, au cours de laquelle les victimes étaient mutilées, terrorisées, brûlées vives, humiliées, une litanie inscrivant les crimes de Sierra Leone « parmi les plus haineux de l’histoire de l’humanité « , selon les juges. Mais une lourde peine parce que Charles Taylor n’était pas, selon les juges, le chef des rebelles, le supérieur hiérarchique de ceux qui ont ensanglanté la Sierra Leone, mais leur complice.En échange de diamants, récoltés dans les mines du nord du pays par des civils réduits à l’esclavage, Charles Taylor a armé, financé, entraîné le Front révolutionnaire uni (RUF). A deux reprises, il était à leur côté pour planifier des attaques : la prise de Kono, ville du diamant, fin 1998, l’invasion de Freetown, début 1999.
Les dirigeants doivent montrer l’exemple Plusieurs chefs rebelles ont été condamnés par le TSSL, établi en 2001 sur la base d’un accord entre les Nations unies et la Sierra Leone, et Charles Taylor aurait dû, en vertu de la chaîne de commandement, écoper d’une peine plus légère qu’eux. Mais les juges ont mis en avant son statut de chef d’Etat (président du Liberia, voisin de la Sierra Leone). Il se trouve « dans une catégorie spéciale par rapport » aux rebelles du RUF.
La condamnation de Charles Taylor marque « une nouvelle ère de responsabilité », a affirmé le président du tribunal, le Samoan Richard Lussick. « Les dirigeants doivent montrer l’exemple et ne doivent pas commettre des crimes », a-t-il asséné.Cinquante ans, c’est le prix « d’une trahison ». Trahison des Sierra-Léonais et des Libériens, auxquels sa fonction de chef d’Etat devait « inspirer la confiance ». Trahison, aussi, de la communauté internationale, ont estimé les juges, car M. Taylor faisait partie des personnes sur lesquelles elle reposait lors des négociations de paix. Or, tout en incitant les rebelles à s’asseoir à la table des négociations avec le gouvernement, en 1998, Charles Taylor les invitait à ne pas désarmer. Sans sa participation, « la guerre n’aurait peut-être pas continué », ont estimé les juges.Justice néocolonialiste
L’avocat de Charles Taylor, Courtenay Griffiths, veut croire aussi à cette nouvelle « ère de responsabilité », si on poursuit sans distinction « la princesse et la prostituée ». La première imageant les Etats-Unis, le Royaume-Uni, les Occidentaux, dont les chefs d’Etats ne répondront jamais de leurs crimes, affirme-t-il, rappelant la guerre en Irak. La seconde, ce sont les Etats victimes du néocolonialisme de la justice internationale, comme l’avait plaidé M. Taylor au cours de son procès.
« A qui le tour ? », c’est la question qui est sur toutes les lèvres. La sentence infligée à Charles Taylor est la première prononcée à l’encontre d’un chef d’Etat pour des crimes commis dans l’exercice de ses fonctions. A Nuremberg, devant le tribunal érigé par les Alliés pour juger les responsables nazis, l’amiral Karl Donitz, qui avait, pendant vingt jours, en mai 1945, succédé à Hitler à la tête du Reich, avait été condamné en 1946 pour des crimes qui ne relevaient pas de sa responsabilité de chef d’Etat, mais de celle d’officier.
Après l’audience, Charles Taylor est retourné dans sa cellule de la prison de Scheveningen, dans la banlieue de La Haye. C’est dans cette prison que l’ex-président de Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo, attend le début de son procès pour crimes contre l’humanité.
Une fois toutes les voies de recours épuisés, Charles Taylor devra purger sa peine au Royaume Uni.