L’affaire «Assassin de la patrie», Marie-Louise Giraud est la dernière femme guillotinée en FranceC’est le 30 juillet 1943 que Marie-Louise Giraud, dont Claude Chabrol a reconstitué et recomposé l’histoire dans son film, fut guillotinée en exécution d’un arrêt de mort rendu contre elle par une cour spéciale instituée par le régime de Vichy et chargée de juger pêle-mêle les auteurs d’attentats, de trafics et d’avortements.C’est pour avoir pratiqué précisément vingt-sept avortements, ce qui faisait d’elle pour l’Etat français de Philippe Pétain un «assassin de la patrie», que Marie-Louise Giraud connut cette fin tragique.Elle était née le 17 novembre 1903 à Barneville dans le Calvados d’un père jardinier et d’une mère qui faisait des ménages. Elle était normalement promise à une de ces vies telles que Flaubert les a peintes dans Un coeur simple. Mais la petite serveuse de restaurant de la fin d’adolescence allait se laisser attirer par d’autres exercices. Marie-Louise Giraud, dans la France de l’Occupation, est amenée à « délivrer » d’abord une jeune voisine de dix-huit ans qui a « fauté » à une époque où l’on ne badine pas sur ce chapitre.
Marie-Louise Giraud, « faiseuse d’anges »Marie-Louise Lempérière, devenue par le mariage Marie-Louise Giraud (1903 – 1943), a été guillotinée en 1943 par le régime de Vichy pour avoir pratiqué 27 avortements.
L’aide à une voisineMarie-Louise Lempérière nait au sein d’une famille pauvre le 17 novembre 1903 à Barneville, en Basse-Normandie. Assez jeune, elle est emprisonnée deux mois à Cherbourg pour vols et escroqueries. Par la suite, elle devient domestique, femme de ménage, puis blanchisseuse. Dans les années trente, elle épouse Paul Giraud, un marin avec qui elle aura deux enfants.Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, Cherbourg devient une base de la marine de guerre allemande, de nombreuses prostituées s’installent en ville. Marie-Louise leur loue sa maison, au mois ou à la passe, jusqu’à laisser son propre lit en cas d’affluence.A la fin de l’été 1940, Gisèle, une voisine, lui demande de l’aide pour avorter, acte illégal à l’époque. L’avortement se déroule bien et Gisèle offre un phonographe à Marie-Louise pour la remercier. C’est le premier avortement consigné dans son dossier judiciaire. Le suivant aura lieu le 31 mai 1941, lorsque Marie-Louise aide à avorter Yvonne, une femme de prisonnier enceinte d’un homme de passage. Elle se fait alors rémunérer 1 000 francs.L’avortement, un crime intolérable sous VichyL’avortement est un long combat qui ne cesse, encore aujourd’hui, de diviser la société française. Avant sa légalisation en 1975, les femmes qui avortaient étaient sévèrement jugées pour infanticide, tout autant que celles que l’on nommait alors les « faiseuses d’anges » – les anges étant, comme on peut l’imaginer, les enfants retirés de ce monde.Ainsi, le Code pénal de 1810 condamne « Quiconque provoque l’avortement d’une femme enceinte avec ou sans son consentement au moyen d’aliments, de drogues, de médicaments, par violence ou d’autres remèdes, est puni de prison ». Au lendemain de la Grande Guerre, la loi de 1920 renforce la répression de l’avortement afin de relancer la natalité et compenser les pertes humaines. Une conception arbitraire du crime qui peut sembler absurde lorsque l’on sait que l’on compte plus d’un million de soldats disparus au combat, face à quoi la misère et le veuvage renforçaient aussi le nombre d’abandons et d’avortements clandestins.Néanmoins, le gouvernement français juge l’acte d’avorter immoral et délictuel par son rejet du patriotisme. C’est notamment sous le régime de Vichy, fier de sa devise « Travail, Famille, Patrie », que la loi du 15 février 1942 considère l’avortement comme un « crime contre la sûreté de l’Etat » désormais passible de la peine de mort. Face à cela, la France de Pétain tente de créer une Charte de la famille contraignant à un modèle rigide qui cantonne la femme au foyer. Il faudra attendre la Libération pour que cette loi soit abrogée, jusqu’à la dépénalisation de l’avortement promulguée par la loi Veil, le 17 janvier 1975.Les avortements clandestins
Du fait de la guerre, de la séparation des couples, des privations alimentaires, les grossesses se font moins désirées et les avortements clandestins plus nombreux. Par la suite, Marie-Louise Giraud en pratiquera au moins vingt-cinq autres, pour 600 à 2 000 francs. En janvier 1942, un de ces avortements tourne mal et Louise meurt de septicémie.Le 15 février de la même année, le régime de Vichy promulgue une loi faisant de l’avortement un crime contre la sûreté de l’Etat et le punissant de la peine capitale. En octobre 1942, Marie-Louise est dénoncée dans une lettre anonyme et arrêtée. Lors de son procès en 1943, devant un tribunal d’exception, Marie-Louise est présentée comme immorale et le réquisitoire de l’avocat général reprend les thèmes de la propagande de Vichy, associant l’avortement à une attaque contre l’état. Marie-Louise est condamnée à mort et Pétain lui refuse la grâce présidentielle.Un procès historique
Dans un contexte où les privations alimentaires et les emprisonnements de soldats ont engendré une recrudescence des avortements clandestins, Marie-Louise Giraud devient la figure incarnant l’ennemie de la France pétainiste.La faiseuse d’anges compare alors les 7 et 9 juin 1942 devant la section de Paris du Tribunal d’Etat, une juridiction créée spécifiquement par le régime de Vichy. Les magistrats insistent alors sur la « mauvaise moralité » de l’accusée, portant un jugement sur ses mœurs légères, en plus des affaires d’avortements et de proxénétisme. Conformément à l’article 12 du Code pénal, Giraud est alors condamnée à la peine de mort par guillotine, une décision à laquelle le Maréchal Pétain n’accordera pas – sans surprise – sa grâce. Détenue dans la prison de la Roquette, Giraud est exécutée dans la cour à l’âge de 39 ans, le 30 juillet 1943. Ses complices sont quant à elles condamnées aux travaux forcés et à une peine d’amende.L’histoire de la seule « faiseuse d’anges » guillotinée en France
Marie-Louise Giraud est guillotinée le 30 juillet 1943 dans la cour de la prison de la Roquette, à Paris. Elle est la seule femme exécutée par le régime de Vichy pour ce motif ; un « faiseur d’ange » sera guillotiné la même année.
En 1988, Claude Chabrol a adapté l’histoire de Marie-Louise Giraud dans son film «Une affaire de femmes».Marie-Louise Giraud, née le 17 novembre 1903, est guillotinée, par le régime Pétain, dans la cour de la prison de la Roquette à Paris par le bourreau Jules-Henri Desfourneaux pour avoir pratiqué 27 avortements illégaux dans la région de Cherbourg. Elle fut la seule « faiseuse d’anges » à être exécutée pour ce motif. Un homme fut également guillotiné la même année pour trois avortementsLe 29 juillet 1939, un mois avant l’invasion de la Pologne qui conduit à la mobilisation générale, le Code de la famille aggrave les peines sanctionnant l’avortement. Aux privations économiques et surtout alimentaires imposées par la guerre s’ajoutent, dès juin 1940, les séparations d’un grand nombre de couples mariés (sur 1,9 million de prisonniers de guerre français internés en Allemagne). Pour ces raisons, les grossesses – adultérines ou non – sont de moins en moins désirées et les avortements clandestins plus nombreux. La loi du 15 février 1942 aggrave les choses, l’avortement devenant crime contre la sûreté de l’État est passible de la peine de mort. Elle fut abrogée à la Libération.
https://histoireparlesfemmes.com/2014/09/18/marie-louise-giraud-faiseuse-danges/