6 octobre 1927 : Sortie du premier film parlant Le cinéma sonore désigne les films permettant la vision d’images animées enregistrées et simultanément l’audition d’une bande-son enregistrée. Les films ainsi présentés sont désignés indifféremment comme des films sonores ou films parlants. Ainsi, le 6 octobre 1927 sort aux États-Unis le film Jazz singer (Le chanteur de jazz), réalisé par Alan Crosland. Premier film parlant et chantant, le film exploite un procédé de sonorisation appelé Vitaphone, un système mis au point par les frères Warner qui permet de synchroniser la bobine de film avec un disque : pendant le tournage, le moteur de la caméra est couplé au moteur du phonographe qui grave le disque, et, en projection, le film se déroule comme un film muet, tandis qu’un lecteur phonographique reproduit dans la salle le son enregistré.De la naissance du cinéma à l’arrivée du parlant Du cinéma muet au parlant : une rupture dans la continuitéNaissance du cinéma, Lumière et MélièsLes frères Auguste et Louis Lumière déposent le brevet du Cinématographe en mars 1895 et organisent la première représentation publique et payante dans le salon indien du Grand Café à Paris. Au programme, 10 films dont La sortie des usines Lumière, Le déjeuner de bébé, L’arroseur arrosé, Place des Cordeliers (1895), Arrivée d’un train en gare de la Ciotat (1895)
Ce que l’on voit, ce que l’on entend, pourquoi on n’entend pas de son. On parle de technique et dire qu’à la naissance du cinématographe, on n’avait pas de moyen technique pour enregistrer du son.Donc les premières séances du cinématographe étaient silencieuses, hormis le son produit par les spectateurs eux-mêmes. La transition technique, économique, et même sociale que cet avènement a entrainée est mise en lumière dans le film, avec ses heurts, ses résistances.Le passage du muet au parlant a pu être mal vécu, du côté des comédiens, et mal perçu, du côté des intellectuels. Pourtant, si rupture il y a eu à plusieurs niveaux, cette transition a suivi de près les évolutions socio-économiques de la période dans laquelle elle s’est opérée, la crise des années 1930 n’ayant pas épargné l’industrie cinématographique obligée de se renouveler et de répondre aux nouvelles attentes du public. Dans cette évolution, l’innovation technique et l’expérimentation ont joué un grand rôle. Si le cinéma réside principalement dans la projection d’images, nous verrons que son histoire est tout aussi liée à l’importance du son, qui emploie des ressources humaines et techniques à part entière pour exister. Quelle place le son a-t-il pu tenir dans les débuts du cinéma ? Quel rôle a joué l’innovation technique dans la prise de son et dans sa synchronisation, au sein du processus de transition entre muet et parlant ?Un cinéma “mûr” du son, cinéma muet vers cinéma sonoresLe cinéma sonore n’est pas né du cinéma parlant, loin de là. Dès son origine, le cinéma allie l’image et le son, et constitue un spectacle vivant : la musique tient un rôle majeur, les bruitages sont reproduits en direct dans la salle de projection, les bonimenteurs commentent les différentes scènes aux spectateurs, même si leur rôle est peu à peu remis en question par la généralisation des intertitres. Pour imiter la pluie par exemple, on utilise un cylindre contenant des pois secs ; pour le tonnerre, on fait traîner un chariot à roues polygonales sur le plancher. Le cinéma muet, mais très sonore, fait montre d’une grande vitalité et d’un pouvoir expressif indéniable pour l’époque.Mais le son est encore de nature exogène, il accompagne le film sans y être intégré de manière indissociable : il est extra-diégétique, c’est-à-dire qu’il ne découle pas directement de l’histoire projetée à l’écran. Il est même parfois parasitaire, car les salles sont bruyantes et mal insonorisées dans le premier quart du 20e siècle : le vacarme de la rue parvient facilement aux oreilles des spectateurs, qui eux-mêmes ne retiennent pas leurs exclamations. Le son est donc enregistré à part, à l’aide de dispositifs différents de ceux servant à la projection visuelle, comme le gramophone ou phonographe. Le son et l’image ne sont pas encore synchronisés, et c’est la volonté de résoudre cette disjonction qui est à l’origine du véritable tournant technique des années 1930.Une (r)évolution technique ? Dans les années 1900-1910, des dispositifs expérimentaux voient le jour pour tenter de résoudre cette question de la synchronisation. Léon Gaumont, inventeur et industriel français, crée le chronophone, qui synchronise pour la première fois le film et le disque. Un modèle expérimental fonctionne en 1902 mais c’est à partir de 1906 que le chronomégaphone, un chronophone couplé avec un système d’amplification des sons, est vendu aux forains puis aux salles en dur. Ce procédé est assez puissant pour qu’au Gaumont Palace, plus de 3000 spectateurs voient et entendent des chansons (les “phonoscènes”), des sketches et des extraits de pièces de théâtre (les “film parlants”). Des centaines de petits films sont diffusés en France et à l’étranger sur des chronophones, chaque semaine jusque vers 1915.Le chronophone synchronise à la projection un son et une image enregistrés l’un après l’autre (les chanteurs font du playback), puis en 1910 Gaumont expérimente le son direct, c’est-à-dire l’enregistrement simultané du son et de l’image (Histoire du son au cinéma). Mais c’est la Warner qui, dès 1926 avec son Vitaphone, présente les premiers films sonores : Don Juan (1926) et surtout Le Chanteur de jazz d’Alan Crosland (1927). Ce dernier manifeste au plus haut point le début de la transition entre muet et parlant puisque l’essentiel du film est muet, mais comporte un passage parlé d’une durée de deux minutes : Le Vitaphone présente un projecteur et un tourne-disque mis en mouvement par le même moteur, ainsi que des haut-parleurs pour amplifier le volume. Mais ce dispositif présente plusieurs imperfections : les disques ont tendance à se briser, et les projectionnistes ont souvent du mal à synchroniser correctement le disque et l’image. Et pour éviter le bruit de moteur de la caméra, il faut l’isoler dans une cabine de la taille d’une petite pièce.Pour créer le parlant, il suffisait donc de superposer le son et l’image en les gardant synchronisés, ce qui était encore délicat avec le disque, mais n’a plus posé de problème avec l’emploi du son « optique » : c’est la naissance du Movietone conçu et commercialisé par la Fox Film Corporation, ancêtre de la 20th Century Fox. Le son est désormais inscrit directement dans la pellicule, sous la forme de variations lumineuses situées aux bords de la pellicule image. Diverses améliorations sonores viennent s’ajouter rapidement pour surmonter les difficultés rencontrées lors des premiers films parlants. Les ingénieurs s’efforcent de concevoir des caméras dont les moteurs sont plus silencieux. On recouvre les caméras d’épaisses couches de matériau isolant, des caissons insonorisés (blimps), ce qui permet de faire sortir la caméra de la cabine de tournage. On installe, d’autre part, les caméras sur des chariots (dollies) avec des roues en caoutchouc, ce qui rend aux caméras leur mobilité. Toutes ces innovations techniques transforment le cinéma et séduisent rapidement le public, aux États-Unis puis en Europe. L’industrie cinématographique prend acte de cette évolution des goûts et investit massivement dans le parlant, rendu possible par ces techniques nouvelles. Cette évolution concomitante est vraie jusqu’à aujourd’hui, avec l’arrivée du son Dolby puis numérique, qui précède d’ailleurs de près de 20 ans l’arrivée de l’image numérique ! La numérisation du son a plusieurs avantages, car elle permet une meilleure conservation et un gain de stockage important du fait de sa compression. L’expérience du public au cinéma rend compte de cette innovation, si on considère par exemple les sons graves émis par le caisson dit « subwoofer« , qui fait trembler le sol de la salle et exerce une pression directement sur le corps du spectateur, donnant force réalisme aux explosions et autres sons à la limite des « infrabasses ».
L’architecture sonore : défi d’hier et d’aujourd’hui
Mais cette expérience utilisateur de l’environnement sonore dépasse aujourd’hui le cinéma. Le web est aussi un espace où le son joue un rôle fondamental. Nous sommes baignés tout autant dans les images que dans le son : le bip d’une conversation Facebook, le démarrage de Skype, la réception d’un SMS sur notre mobile, etc. Le design ne peut donc pas s’occuper uniquement de rendre ergonomique et user-friendly l’environnement visuel d’un programme, d’une application : l’architecture sonore constitue aussi un élément essentiel à prendre en compte. Le tout afin que le son ne se change pas en bruit. Car si « la musique est du bruit qui pense », comme a pu l’écrire Hugo, on peut considérer que l’espace sonore n’a pas qu’une fonction décorative ou d’agrément : il a quelque chose à nous dire.
https://archinfo01.hypotheses.org/1047
https://www.revuedesdeuxmondes.fr/6-octobre-1927-sortie-premier-film-parlant/
https://www.universalis.fr/encyclopedie/naissance-du-cinema-parlant/