Le soir du désastre la plus « grande catastrophe environnementale de l’histoire de l’humanité », Radio Moscou parlera brièvement de «panne», reléguant à la 4e position de son bulletin d’informations. Accident à Tchernobyl – En effet, ce n’est pas le réacteur qui a explosé, mais tout un système qui s’est effondré.Le 26 avril 1986, l’explosion du réacteur n°4 de la centrale de Tchernobyl en Ukraine (qui fait alors partie de l’URSS) provoque le plus important accident nucléaire civil jamais constaté (niveau 7 sur l’échelle INES). Cet accident libère dans l’air un nuage radioactif qui se propage principalement sur toute l’Europe, avec de lourdes conséquences à court et long terme sur les populations et le milieu naturel de plusieurs pays.Tchernobyl montre que l’énergie nucléaire civile mal contrôlée peut causer des dommages majeurs aux populations exposés et à l’environnement. L’accident. Une série d’erreurs conduit à l’explosion du réacteur Au début 1986, 100 000 personnes habitent à Tchernobyl, à une centaine de kilomètres de la capitale Kiev (Ukraine). La ville profite de l’essor économique de sa centrale nucléaire, mise en service entre 1977 et 1983 et située à près de 15 km. La centrale est composée de 4 réacteurs mais ne dispose pas des équipements de sécurité intégrés dans la plupart des centrales occidentales, comme par exemple la double coque de protection.Le 25 avril au matin, un test du réacteur 4 est planifié à l’occasion d’une opération courante de maintenance, sous les ordres du contremaître Anatoly Dyatlov. Ce test de l’alimentation électrique de secours consiste à couper l’alimentation de la turbine afin de vérifier si celle-ci conserverait la puissance suffisante pour démarrer les pompes à eau servant à refroidir le cœur du réacteur.Le 25 avril à 14h (heure locale), le système d’alarme du système de refroidissement du réacteur est débranché en prévision du test, au mépris des principes élémentaires de sécurité. La puissance du réacteur 4 est réduite comme prévu de 1 000 à 700 MWt, puissance atteinte le 26 avril à 0h05. La puissance continue alors à baisser, contrairement aux conditions prévues par le test.Le 26 avril à 0h28, une erreur d’un opérateur fait chuter la puissance du réacteur à 30 MWt. Cela provoque un empoisonnement du réacteur au xénon (accumulation de xénon-135, produit fissile qui absorbe des neutrons et perturbe le processus de fission nucléaire).À 1h23, le test sur le réacteur 4 se poursuit alors que le cœur est très difficile à maîtriser. Une série d’erreurs et de mauvais choix de la part des équipes provoque une hausse de la température du réacteur. Le mélange d’hydrogène et d’oxygène, créé par la radiolyse de l’eau, provoque de petites explosions qui éjectent les barres de contrôle du réacteur.Selon le Département de l’Énergie américain, l’explosion de Tchernobyl se produit le 26 avril 1986 à 1h23 et 44s. La partie supérieure du cœur du réacteur se retrouve à l’air libre et le graphite prend feu. L’incendie est entretenu par l’intense chaleur dégagée dans le cœur, qui est principalement due aux désintégrations radioactives des produits de fission et qui n’est plus évacuée. Il n’est définitivement arrêté que le 9 mai. Des poussières et des gaz radioactifs sont rejetés pendant 10 jours.Deux heures après l’accident, les techniciens de la centrale ayant survécu éprouvent les premiers symptômes de la contamination radioactive (malaises, vomissements, vertiges, diarrhées, brûlures). À 6h du matin, leur état est si alarmant qu’ils sont conduits à l’hôpital. Plusieurs d’entre eux meurent dans les jours qui suivent.Le 27 avril, les premiers habitants de la ville toute proche de Pripyat sont évacués de la zone.Selon le rapport TORCH (rédigé par les Verts/ALE au Parlement européen), l’explosion libère des débris du bâtiment et du réacteur jusqu’à 7 à 9 km d’altitude. Près de 30% du combustible du réacteur s’échappe dans les environs immédiats de la centrale. Environ 50 tonnes de gaz radioactif sont éjectés dans l’atmosphère, l’équivalent de 200 fois les retombées de Hiroshima et Nagasaki.L’intervention des « liquidateurs » Pour circonscrire les différents incendies de la centrale, plusieurs équipes de pompiers interviennent sans protection efficace contre les radiations.Selon l’OCDE, près de 600 000 travailleurs participent aux opérations d’assainissement de Tchernobyl entre 1986 et 1991. Ces personnels militaire et civil intervenant sur le site sont appelés les «liquidateurs» et sont cités au titre de héros de la nation. Dans un premier temps, une sorte de pâte collante est déversés par hélicoptère sur la centrale pour coller au sol toutes les poussières radioactives puis les travailleurs détruisent et enterrent les objets radioactifs. Près de 300 000 m3 de terre contaminées sont ainsi ensevelis sous du béton. Deux mois après l’accident, les liquidateurs participent à la fabrication d’un immense sarcophage d’acier et de béton pour protéger la centrale. Par précaution, des robots sont envoyés en première ligne. Mais ils ne résistent pas aux radiations et tombent en panne, les émissions de radioactivité détruisant leurs composants électroniques. Des hommes sont donc envoyés sur le site sur lequel ils ne peuvent rester que 2 ou 3 minutes au risque d’être irradiés à mort. En novembre 1986, la mise en place du sarcophage est terminée.Un nuage qui s’étend à toute l’Europe Le 28 avril 1986, la Suède découvre l’accident qui avait été passé sous silence par le gouvernement de Gorbatchev, du fait de niveaux de radioactivité anormalement élevés mesurés dans l’air. L’URSS rend alors l’accident public. Le nuage radioactif se déplace sur l’Europe, touchant d’abord la Biélorussie voisine et la Scandinavie. Il traverse la France puis remonte vers le Luxembourg et la Belgique. Une partie du nuage se déplace ensuite vers les Pays-Bas et l’Écosse tandis qu’une autre partie s’étend vers la Corse, la Tunisie, la Grèce et la Turquie. En quelques semaines, le nuage radioactif recouvre une superficie évaluée à 3,9 millions de km2, soit environ 40% de la superficie de l’Europe.Les autorités face à l’accident Silence et atermoiements des autorités russes Pendant plusieurs semaines, le gouvernement russe sous-estime les conséquences de l’explosion et opère une campagne de désinformation. La première conférence de presse russe a lieu 15 jours après l’accident et de nombreux journalistes occidentaux réalisent la dissimulation de la situation par les autorités russes.
Malgré cet accident, la centrale de Tchernobyl continue de fonctionner à la surprise générale. Les autorités attendront 1991 pour arrêter le réacteur 2 et l’an 2000, soit plus de 14 ans avant d’arrêter le réacteur 3.Révisions de la sécurité des centrales
En Europe occidentale, Tchernobyl conduit tous les États équipés de centrales nucléaires à relever le degré de sécurité de leurs installations et à revoir dans le détail l’organisation de la sécurité nucléaire, notamment les plans d’urgences locaux. Différentes mesures, en particulier concernant l’alimentation électrique, sont prises le 2 mai dans de nombreux pays européens (Pologne, Danemark, Norvège, Finlande, Suède, Royaume-Uni, Pays-Bas, Allemagne, Autriche, Italie, Grèce etc.). L’Italie met en place un contrôle de contamination à ses frontières, dans le but de refouler les produits contaminés venant de France où aucune mesure n’a été décidée. En 1991, l’OMS crée le Programme International sur les Effets Sanitaires de l’Accident de Tchernobyl (IPHECA). Depuis cette date, l’OMS achète et fournit des médicaments et des équipements médicaux au Belarus, à la Russie et à l’Ukraine.Polémique en France Le 30 avril 1986, le Pr Pellerin, directeur du SCPRI (Service central de protection contre les rayons ionisants) indique qu’ «aucune élévation significative de la radioactivité n’a été constatée». C’est le lendemain que toutes les installations nucléaires détectent une importante radioactivité et en informent le SCPRI. Le Pr Pellerin diffuse à de nombreux destinataires un communiqué qui affirme que « les prises préventives d’iode ne sont ni justifiées, ni opportunes ». Il avoue le 10 mai que les mesures de radioactivité sont «anormales» depuis le 30 avril, ce qui ne veut pas dire qu’elles soient dangereuses (pas de prise préventive d’iode requise étant donné le nombre de becquerels émis). C’est en raison de la perception d’un manque de transparence à la fois de l’Etat et du SCPRI (ancêtre de l’IRSN qui effectue alors les mesures officielles) qu’une poignée de scientifiques prennent la décision de créer une commission indépendante, la CRIIRAD, dans les semaines qui suivent afin de réaliser leurs propres mesures de la radioactivité en France. Leurs résultats sont sans appel et confirment la toxicité des légumes et du lait durant la première semaine du mois de mai 1986.Le bilan et point à date
Les répercussions globales sur la santé des habitants d’Europe occidentale et sur l’environnement font encore l’objet de vives polémiques.Bilan humain
Les estimations de la mortalité liée à l’accident de Tchernobyl restent aujourd’hui difficiles et très débattues : « les nombres avancés se sont échelonnés de quelques mille à quelques centaines de mille, sans que soient apportées de justifications convaincantes » selon l’IRSN. En septembre 2005, le « Forum Tchernobyl », initiative des Nations unies sous l’égide de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et de l’OMS, estime le nombre total de décès en raison des irradiations de Tchernobyl à environ 4 000 à terme. Ce chiffre inclut une cinquantaine de morts suite à une irradiation aiguë et une dizaine d’enfants décédés d’un cancer de la thyroïde, mais pas certaines régions moins contaminées (en ex-URSS ou ailleurs en Europe).Il est très contesté par des organismes comme Greenpeace qui évaluent le nombre de victimes, sans détailler leurs méthodes de calcul, en dizaines, voire en centaines de milliers de victimes indirectes. La pondération précise de la responsabilité de l’accident de Tchernobyl en termes de cancers reste délicate et sujet à polémique. Le comité d’experts de l’OMS ayant participé au Forum de Tchernobyl estime que seuls les « liquidateurs » fortement exposés ayant travaillé autour du réacteur en 1986-1987 (240 000), les personnes évacuées en 1986 (116 000) et les résidents des zones strictement contrôlées fortement contaminés (270 000) ont reçu des doses nettement au-dessus des niveaux de rayonnement naturel (en moyenne 2,4 mSv par an).Notons que l’effet pathogène des doses reçues de radioactivité inférieures à 100 mSv n’est pas démontré. En revanche, l’effet pathogène de ces doses est systématique (et non probabiliste) pour les doses supérieures à 1 000 mSv. Seul le risque de cancer de la thyroïde peut être clairement imputé au rayonnement de Tchernobyl selon les examens de ce groupe d’experts. Au Belarus, en Ukraine et en Russie, près de 5 000 cas ont été diagnostiqués jusque 2006 chez des enfants et des adolescents âgés de 18 ans au plus au moment de l’accident. L’incidence de l’accident de Tchernobyl sur les pathologies dans les régions fortement exposées est également difficile à circonscrire car le dépistage des maladies est beaucoup plus développé par rapport à la période antérieure à l’accident. Bilan environnemental Les conclusions demeurent également incertaines en ce qui concerne les conséquences environnementales. La clairance des sols (temps au bout duquel la contamination est divisée par 2), comprise entre 10 et 25 ans pour le césium 137, et la présence d’animaux et de végétaux pourraient plaider en faveur d’une décontamination du site. Néanmoins, ce processus est extrêmement lent et le césium 137 et le strontium 90 continuent à migrer verticalement dans le sol de 2 à 4 centimètres par an, rencontrant des racines qui peuvent faire remonter ces éléments radioactifs. De même, l’état de santé des animaux reste difficile à évaluer. Le bilan de Tchernobyl fait donc encore débat mais tous reconnaissent que la situation n’est pas « réglée », ne serait-ce qu’en raison des quantités de combustible encore sur le site, protégés par un sarcophage vieillissant.Bilan psychologique
Au-delà de ses conséquences chiffrées, la catastrophe de Tchernobyl constitue un traumatisme en Europe occidentale et continue de nourrir la peur de l’énergie nucléaire, à l’image de la ville fantôme de Pripyat, «martyre de l’atome».
L’accident de Tchernobyl a eu d’importantes répercussions sur la santé mentale et le bien-être des populations touchées.Présent
Un nouveau sarcophage pour Tchernobyl Il a été décidé de construire une nouvelle enceinte de confinement pour remplacer le sarcophage construit en 1986. Le maître d’ouvrage Tchernobyl Nuclear Power Plant et un consortium (Novarka) mené par Bouygues et Vinci ont été chargés de ce projet : une structure en forme d’arche a été construite entre 2007 et fin 2018 (mise en place sur site en 2016) et recouvre désormais le réacteur n°4 pour lequel les conditions de démantèlement ne sont toujours pas précisées. Pesant plus de 30 000 tonnes, cette arche mesure près de 110 m de haut et 256 m de long. Elle est censée avoir une durée de vie d’au moins 100 ans.
26 avril 1986, le jour où Tchernobyl a traumatisé l’EuropeAndreï Sakharov et le dernier secret de Tchernobyl Sakharov avait révélé la responsabilité du système soviétique dans le désastre de Tchernobyl Dans un courrier adressé à Gorbatchev, le physicien prix Nobel de la paix invoque la transparence sur le désastre nucléaire. La National Security Archive américaine a rendu public le document.«Attention, attention, chers camarades. Suite à l’incident survenu à la centrale de Tchernobyl, des niveaux élevés de rayonnement ont été enregistrés. Le parti communiste et les forces de police soviétiques ont pris les mesures de sécurité nécessaires. Pour la sécurité de la population, il est nécessaire d’évacuer la ville de Pripiat. Veuillez rester calmes et fermer toutes les fenêtres.» Voici la première réaction officielle du pouvoir soviétique à la catastrophe de Tchernobyl. Elle a été diffusée dans l’ensemble de la zone contaminée, via les haut-parleurs installés sur le toit des voitures de l’armée, le lendemain de l’explosion, survenue le 26 avril 1986 à 1 heure, 23 minutes et 45 secondes.Le soir du désastre, Radio Moscou parlera brièvement de «panne», reléguant la plus grande catastrophe nucléaire de l’histoire à la 4e position de son bulletin d’informations.Dans le reste du URSS, la nouvelle s’est répandue via le tam-tam des murmures populaires, comme c’est le cas dans les régimes totalitaires qui cachent, dosent ou brouillent les informations. Le soir du désastre, Radio Moscou parlera brièvement de «panne», reléguant la plus grande catastrophe nucléaire de l’histoire à la 4e position de son bulletin d’informations. Radio Kiev évoquera la tragédie à la 11e position de son bulletin d’informations, et Vremya, le journal télévisé officiel de l’État, à la 21e position. Gorbatchev ne parlera de Tchernobyl qu’au bout de 18 jours. Sans défense face au pouvoir arbitraire Aujourd’hui, nous apprenons qu’un homme a tenté de briser le mur du silence. Il s’agit d’Andreï Sakharov, le physicien qui a participé au programme de la première bombe thermonucléaire soviétique, une des voix à la fois les plus faibles et les plus influentes de l’empire soviétique. Sans défense face au pouvoir arbitraire du Kremlin, qui le fait arrêter par le KGB en 1980 à cause de sa lutte en faveur des droits humains et l’envoie en exil à Gorki, mais puissant dans sa dénonciation à la face du monde des abus et erreurs du pouvoir, car il jouit de l’autorité du prix Nobel de la paix qui lui a été attribué en 75, même s’il n’a jamais pu le recevoir en mains propres.Parmi les documents classés «top secret» que la National Security Archive américaine a désormais rendu publics figure une lettre que Sakharov a adressé au «très estimé» Mikhaïl Gorbatchev le 4 novembre 1988 pour protester contre l’«obstruction» à la publication dans le magazine littéraire Noby Mir de La Vérité sur Tchernobyl, un récit du physicien Medvedev dont le prix Nobel a écrit la préface. Une action en faveur de la liberté d’expression, donc. Mais pas seulement. Sakharov écrit au Secrétaire général du PCUS (Parti communiste de l’Union soviétique) deux ans et demi après le désastre nucléaire, mis au jour par les détecteurs d’une centrale nucléaire suédoise, puis reconnu par le Kremlin, et lui demande qu’en plus du nuage radioactif, soit également balayé le nuage de réticences, de compromissions et de complicités qui empêche l’opinion publique d’évaluer précisément les responsabilités de l’incident et de comprendre s’il existe des garanties de sécurité pour l’avenir.«Toutes ces restrictions nuisent à notre société, à la mémoire des victimes et au moral des survivants.» disait Sakharov«Je suis convaincu — dit la lettre — que les gens sont non seulement capables, mais également obligés de connaître toutes les circonstances du désastre de Tchernobyl, contrairement à tous les mécanismes de censure mis en place par les autorités, avec leurs intérêts et leurs ambitions. Toutes ces restrictions nuisent à notre société, à la mémoire des victimes et au moral des survivants. En dissimulant les faits, nous confirmons la possibilité qu’ils se répètent. C’est illogique, d’autant plus que nous avons tout révélé à l’Agence internationale de l’énergie atomique: pourquoi donc la communauté internationale peut-elle en savoir plus que notre population sur ce qui s’est réellement passé? Si nous dissimulons les noms des responsables de la catastrophe (qui exercent aujourd’hui une forme de censure), nous couvrons déjà les autres complications possibles dans les installations nucléaires.» Sakharov explique au chef du Kremlin, qui l’a libéré de son exil et l’a réhabilité en 1986, pourquoi il n’abandonnera pas cette bataille: «Je pense que la publication de ce récit serait un bon service rendu à notre pays, elle augmenterait la transparence et la conscience de la société soviétique, des éléments indispensables à son développement.»À l’homme de la perestroïka, donc, le prix Nobel rappelle les devoirs de la glasnost, la transparence et les obligations qui découlent des promesses d’ouverture à la société civile. Mais un autre document rendu public révèle les limites de la glasnost au sein des instances dirigeantes soviétiques, ainsi que la responsabilité du système dans le désastre. Il s’agit du procès-verbal d’une réunion du Politburo du PCUS datant du 3 juillet 1986, une réunion organisée pour écouter le rapport de la commission d’enquête sur Tchernobyl. Ici, il émerge pour la première fois des secrets du Kremlin que, trois mois après la catastrophe, le pouvoir soviétique savait tout et aurait pu informer la population. Il savait en particulier que l’explosion avait été occasionnée par de graves infractions aux règles de sécurité, mais également par de graves erreurs dans la conception du réacteur. Négligences, laisser-aller, manque de discipline C’est ce que dénonce, à huis clos, le président de la commission Boris Chtcherbina. Il met en cause des «négligences, un laisser-aller, des erreurs, un manque de discipline, de préparation», qui ont conduit l’ingénieur Dyatlov, en charge du test de contrôle cette nuit-là, «à prendre la décision de ne pas arrêter le réacteur avant l’extinction de la turbine, alors que la procédure l’imposait. Les vannes ont été fermées à 1 heure, 23 minutes et 4 secondes. Et le réacteur a été arrêté 36 secondes après. L’explosion a eu lieu à 1 heure, 23 minutes et 46 secondes.» Avec le système de refroidissement d’urgence à l’arrêt, une opération «catégoriquement interdite» quand le réacteur est en fonctionnement. «Tout cela n’est pas dû à une situation extraordinaire qui se serait mise en place de manière soudaine, occasionnant du stress et de la confusion. Non: une série d’infractions impardonnables aux règlements ont été commises dans le cadre d’une situation tout à fait normale.» Mais à cela s’ajoute pour la première fois la divulgation d’erreurs dans la conception du réacteur, «les imperfections du système de contrôle et de sécurité SUZ, du contrôle automatique, du système de fermeture quand on descend à une puissance inacceptablement basse.» Et ce n’est pas tout: on découvre qu’en 55 ans, le système nucléaire soviétique a enregistré 1042 urgences, dont 381 dans des centrales dotées du réacteur RMBK et 104 à Tchernobyl, dont 35 imputables à «des actes de négligence». Les enquêtes n’ont abouti à rien.« Mais pourquoi les compétences et la discipline étaient-elles aussi médiocres à Tchernobyl ? » disait Gorbatchev
Le procès-verbal du Politburo révèle progressivement la stupeur, puis la colère de Gorbatchev durant la discussion:
«Mais pourquoi les compétences et la discipline étaient-elles aussi médiocres à Tchernobyl?». «Comment est-il possible que les premières informations sur le nuage radioactif nous soient venues des Suédois?». «Comment les règles ont-elles pu être si gravement violées?». «Pourquoi avez-vous ignoré tous ces incidents et ces signaux?». «Vous me surprenez: tous admettent que le réacteur était dangereux et vous, vous défendez votre orgueil professionnel?». «Vous vous comportez comme un débutant et cherchez à dissimuler des faits objectifs». «Vous êtes en train de me dire qu’ils se sont tous trompés, sauf vous». «Mais alors, qui est responsable?». Sakharov avait donc raison. Face à l’omnipotence totalitaire du Politburo, trois mois après la catastrophe de Tchernobyl, sa révélation, selon laquelle le système est responsable du désastre, apparaît évidente, mais on a surtout la confirmation que le géant soviétique a des pieds d’argile. C’est la conviction qui poussera Gorbatchev à engager des réformes, inachevées du fait de la résistance du parti, mais nécessaires pour tenter de donner un avenir à l’URSS. La veille des funérailles, cette conviction le conduira à s’incliner devant le cercueil du scientifique dissident, exposé à l’Académie des Sciences sous un drap blanc, avec en musique de fond la marche funèbre jouée par les Chœurs de l’Armée rouge, que Sakharov avait critiquée pour la guerre d’Afghanistan. Confusément, le dernier Secrétaire général sentait qu’il avait besoin de ce grand hérétique qui, avec les questions embarrassantes qu’il posait au pouvoir, était la véritable conscience de l’époque.Il est 01h23 du matin lorsque le cœur atomique du réacteur numéro 4 de la centrale soviétique de Tchernobyl s’emballe au cours d’un test de sûreté à la suite d’erreurs de manipulation, et une explosion fait voler en éclats l’édifice. Une colonne de fumée radioactive s’élève dans les airs. Les premiers pompiers arrivés sur le site reçoivent des doses radioactives énormes. Parmi les employés et les secouristes, deux meurent sur le coup, 28 dans les semaines suivantes.
Le combustible nucléaire va brûler ainsi pendant plus de dix jours. Des milliers de tonnes de sable, d’argile et de plomb, déversées par hélicoptères, seront nécessaires pour maîtriser les fuites. Dans les jours qui suivent, le panache radioactif pollue très fortement l’Ukraine, la Biélorussie et la Russie. Parvenu au-dessus des pays scandinaves, il contamine ensuite l’Europe centrale et balkanique, l’Italie, la France, la Grande-Bretagne et l’Irlande.La catastrophe insensée et inoubliable de la centrale nucléaire de Tchernobyl, méconnaissance du danger malgré l’abnégation de la population et abandon total de l’état, nous a montré l’incapacité d’un système au bout de souffle. En effet, ce n’est pas le réacteur qui a explosé, mais tout un système qui s’est effondré.
Contexte historiqueTchernobyl a été le pire accident nucléaire de l’histoire du monde. Le 26 avril 1986, le réacteur numéro 4 de la centrale nucléaire a explosé, projetant des radiations à travers l’Europe jusqu’en Suède.
Dans le chemin direct des retombées immédiates se trouvait la ville de Pripyat. Dans les heures qui ont suivi la catastrophe, des dizaines de personnes ont commencé à tomber malades, mais la ville n’a pas été immédiatement évacuée par les autorités soviétiques. Cela s’est produit un jour plus tard. On a dit aux résidents de n’apporter que l’essentiel et qu’ils reviendraient dans trois jours. Les détails de la catastrophe étaient sommaires à l’époque ; l’Union soviétique n’a admis un incident que deux jours plus tard, et même alors, l’annonce a été minimisée dans les médias d’État.
Depuis 1986, une « zone d’exclusion » a été créée autour de la centrale de Tchernobyl. La zone environnante ne sera pas sûre avant au moins 20 000 ans.
Accident à Tchernobyl – Une explosion détruit l’un des quatre réacteurs de la centrale nucléaire de Tchernobyl (Ukraine) en service depuis 1977. 135 000 personnes habitant dans une zone de 30 kilomètres autour de Tchernobyl sont évacuées. 15 000 personnes mourront dans les mois qui suivront et les retombées radioactives affecteront la majeure partie de l’Europe. Ce n’est que lorsque la Suède détectera un taux anormal de radioactivité dans l’atmosphère deux jours plus tard que l’agence Tass donnera des détails de la tragédie; officiellement l’accident nucléaire a tué 31 personnes. La centrale de Tchernobyl a été mise en service en 1977; le nombre de réacteurs a été porté depuis à quatre de 1 000 mégawatts chacun, ce qui a permis en 1985 d’y produire quelque 28 milliards de kilowatts/heure. Ce n’est qu’en 2000 que le président ukrainien Leonid Koutchma mettra fin aux activités de la centrale.Événements connexes
1986-04-26 La pire catastrophe nucléaire au monde : le 4e réacteur de la centrale nucléaire de Tchernobyl en URSS explose, 31 meurent, la contamination radioactive atteint une grande partie de l’Europe occidentale1986-04-27 Les autorités soviétiques ordonnent l’évacuation de la ville de Pripyat (pop. 50 000) 1 jour après l’accident nucléaire de Tchernobyl
1986-04-28 Le journal télévisé soviétique Vremya annonce un accident nucléaire à la centrale nucléaire de Tchernobyl, 2 jours après l’événement
1986-05-01 L’agence de presse russe Tass rapporte un incident dans la centrale nucléaire de Tchernobyl
1986-06-15 La Pravda annonce le licenciement d’un haut responsable de Tchernobyl pour stupidité
Explosion de la centrale nucléaire de TchernobylEn 1986, à Pripet, en Russie, l’un des quatre réacteurs de la centrale nucléaire de Tchernobyl a explosé lors de la pire catastrophe nucléaire civile au monde. Il a envoyé un nuage de poussière radioactive sur l’Europe. La cause était une expérience qui a mal tourné, provoquant l’explosion et la fusion du quatrième réacteur. Il n’a été annoncé que deux jours plus tard, le 28 avril 1986. Trente et une personnes, pour la plupart des pompiers, ont été tuées immédiatement après l’explosion, et plusieurs milliers d’autres – personnes impliquées dans le nettoyage et les enfants – sont mortes depuis des suites des radiations. maladies connexes. L’Ukraine affirme que la santé de millions de ses habitants a été affectée par la catastrophe. L’arrêt définitif du dernier réacteur intact du site a eu lieu solennellement le 15 décembre 2000.La pire catastrophe nucléaire au monde : le 4e réacteur de la centrale nucléaire de Tchernobyl en URSS explose, 31 meurent, la contamination radioactive atteint une grande partie de l’Europe occidentale
https://www.lefigaro.fr/international/andrei-sakharov-et-le-dernier-secret-de-tchernobyl-20200529
https://www.rts.ch/info/monde/7639179-26-avril-1986-le-jour-ou-tchernobyl-a-traumatise-leurope.html
https://middleeasttransparent.com/fr/andrei-sakharov-et-le-dernier-secret-de-tchernobyl/
https://www.connaissancedesenergies.org/fiche-pedagogique/tchernobyl