André Chénier poète Romantisme et journaliste françaisAndré Chénier, poète français, exécuté par guillotine pendant la Révolution françaiseFils d’une grecque de Constantinople et d’un marchand français, André Chénier (1762-1794) est envoyé faire ses études à Paris ; c’est là qu’il se passionne pour l’Antiquité et se met à fréquenter le beau monde de l’époque prérévolutionnaire. Aspirant à la gloire et à devenir « l’Homère des modernes », ne pouvant devenir élève officier à cause de sa condition roturière, il se lance à corps perdu dans une brève et fulgurante carrière de poète et de journaliste : entre deux voyages, il s’éprend de mondaines, de femmes artistes, de femmes mariées, et compose à leur attention des odes et autres élégies à l’antique (les Bucoliques, À Fanny…), tout en contribuant au Journal de la société de 1789 et au Journal de Paris.
C’est en tant que journaliste pour ce dernier périodique que son engagement politique se fait ressentir le plus : proche du parti constitutionnel, il dénonce avec véhémence les excès de la Terreur à partir de 1791, montrant du doigt le girondin Brissot mais surtout les jacobins Marat et Robespierre. Inquiété par les autorités, il s’échappe de Paris avant les massacres de septembre 1792, mais au lieu d’émigrer, revient dans la capitale pour tenter d’arracher Louis XVI à l’échafaud. En 1793, le roi est exécuté et la crise politique a atteint son paroxysme ; Chénier, apprenant la mort de Marat, compose une ode À Charlotte Corday, précipitant un peu plus son inévitable arrestation.Le 7 mars 1794, il est appréhendé par la police, non en raison de ses écrits, mais de la jeune femme qui se trouve à son bras : il est avec son amie et complice contre-révolutionnaire mademoiselle Émilie-Lucrèce d’Estat, la maîtresse de José Ocariz. Ce dernier, ancien ambassadeur d’Espagne, s’était distingué en 1793 en venant plaider la cause du roi devant la Convention ; comprenant que les révolutionnaires seraient intraitables, il avait ensuite pris la tête d’un complot visant à corrompre à grands flots d’argent espagnol les députés – dont Danton – appelés à voter la mort du roi. Ayant quitté Paris après l’échec de cette manœuvre, il laisse sa maîtresse dans la capitale, où elle est bientôt activement recherchée par la police. Chénier, proche du couple et des milieux conspirateurs antirévolutionnaires, sait que Mlle d’Estat, toujours en possession de papiers relatifs à cet affaire, sera envoyée à l’échafaud sans procès si elle est arrêtée ; il se met devant elle, harangue la police, enchaîne les confessions contradictoires, de façon à ce que Mlle d’Estat puisse profiter de la confusion et fuir. Seule survivante de sa famille, elle reviendra plus tard à Paris sous la protection de Talleyrand, et épousera Ocariz. Chénier est arrêté à sa place et jeté à la prison Saint Lazare. Son frère cadet, Marie-Joseph Chénier, membre de la Commune de Paris et député à la Convention, tente en vain de plaider sa cause. Le poète, dans sa geôle, trouve une compagne d’infortune en la personne d’Aimée de Coigny : cette jeune salonnière, anciennement proche de la sœur de Marie-Antoinette, risque l’échafaud au seul motif de sa naissance. Elle se trouve là avec le comte de Montrond, un ami qui est aussi l’agent politique principal de Talleyrand et l’exécuteur des basses œuvres du «diable boiteux». Mais loin de ces considérations, Chénier compose en hommage à Aimée de Coigny le poème La Jeune captive, sa dernière œuvre, la veille de sa mort :« Ainsi, triste et captif, ma lyre toutefois
S’éveillait, écoutant ces plaintes, cette voix,
Ces vœux d’une jeune captive ;
Et secouant le faix de mes jours languissants,
Aux douces lois des vers je pliais les accents
De sa bouche aimable et naïve. »
Le 25 juillet 1794, condamnée pour avoir « recelé les papiers de l’ambassadeur d’Espagne », Chénier, trente-et-un ans, est mené à la guillotine. Deux anecdotes circulent sur cette exécution tragique : le poète aurait soupiré en se frappant le front : « Je n’ai rien fait pour la postérité. C’est dommage. Il y avait quelque chose, là-dedans. », Puis corné le livre de Sophocle qu’il lisait avant de le ranger dans sa poche, comme s’il allait reprendre sa lecture. Deux jours plus tard, Robespierre était arrêté, ce qui sauva de justesse Aimée de de Coigny. Chénier fut ainsi l’une des toutes dernières victimes malchanceuses de la Terreur, ce qui contribua à sa légende.
Car en dépit de ses craintes et de ses regrets, la postérité finit bel et bien par retenir Chénier : les royalistes et les contre-révolutionnaires s’y trouvèrent un martyr, et les romantiques une figure idéale du poète incompris et sacrifié. C’est Alfred de Vigny qui lui garantit la célébrité et provoque un regain d’intérêt pour son œuvre en en faisant, aux côtés de Thomas Chatterton (suicidé à dix-sept ans car affamé et faussement accusé de plagiat) et de Nicolas Gilbert (mort à vingt-neuf ans des suites d’un accident après avoir prédit sa mort dans un poème), l’un des trois poètes maudits du Docteur Noir dans Stello (1832). Au cœur de cette ferveur romantique, le célèbre critique Sainte-Beuve, en février 1839, publiait et commentait dans la Revue des Deux Mondes des fragments inédits de l’œuvre du poète :« Voilà tout à l’heure vingt ans que la première édition d’André Chénier a paru : depuis ce temps, il fut tout dit sur ; sa réputation est faite ; ses œuvres, lues et relues, n’ont pas seulement charmé, elles ont servi de base à des théories plus ou moins ingénieuses ou subtiles, qui elles-mêmes ont déjà subi leur épreuve, qui ont triomphé par un côté vrai et ont été rabattues aux endroits contestables. En fait de raisonnements et d’esthétique, nous ne recommencerions donc pas à parler de lui, à ajouter à ce que nous avons dit ailleurs, à ce que d’autres ont dit mieux que nous. Mais il se trouve qu’une circonstance favorable nous met à même d’introduire sur son compte la seule nouveauté possible, c’est-à-dire quelque chose de positif… »
Durant la période révolutionnaire, il entre dans les polémiques politiques.Héritier des Lumières, il fait partie du parti constitutionnel, admire la Révolution de 1789 mais prend position violemment contre le jacobinisme mené par Robespierre, tout en méprisant les royalistes.
Activités poétiques
Pour l’arracher à un amour malheureux pour une chanteuse de l’Opéra (sa Lycoris), on lui ménagea un stage d’élève officier à Strasbourg en 1782 ; mais il se vit fermer la carrière militaire comme roturier.
Reportant désormais toute son ambition vers la poésie, quoique sans publier, il conçut de grands projets, avec l’espoir de devenir « l’Homère des modernes ».
Cependant, après un voyage en Suisse en 1784, il composa surtout des Élégies et des Bucoliques, où l’imitation des modèles antiques8 servait l’expression esthétique d’une inspiration orientée par sa passion pour la mondaine Michelle Guesnon de Bonneuil (appelée D’Azan ou Camille), puis par son amitié amoureuse pour la peintre italo-anglaise Maria Cosway née Hadfield, épouse de Richard Cosway, courtisée par l’ambassadeur américain Thomas Jefferson.À partir de février 1787, au retour d’un rapide et mystérieux voyage en Italie, il s’occupa plus activement de poèmes philosophiques et satiriques qui portent la marque du climat idéologique et politique de l’époque prérévolutionnaire ; mais sa situation précaire l’obligea à contenir sa combativité.
Engagé comme ambassadeur privé du Marquis de la Luzerne, ambassadeur de France en Angleterre, il partit le 1er décembre 1787 en compagnie de Maria Cosway, qui rentrait à Londres, où il resta en service jusqu’en 1790, tout en disposant chaque été d’un congé à Paris.Journalisme
Il contribua au Journal de la Société de 1789 qui compta une quinzaine de numéros2.
À partir de 1791, il collabora, comme Michel Regnaud de Saint-Jean d’Angély et François de Pange, au Journal de Paris, organe du parti constitutionnel, où il condamna la Terreur de la Révolution dans des articles critiques contre Jacques Pierre Brissot, et d’autres plus véhéments contre les Jacobins, notamment Robespierre et Marat.Inquiété pour ses prises de position publiques, il réussit à sortir de Paris, après le 10 août 1792, quittant le quartier du Sentier, où il résidait chez ses parents.
Au moment des massacres de Septembre, il se rendit à Rouen, puis au Havre, d’où il aurait pu embarquer.
Il refusa néanmoins d’émigrer et revint à Paris, pour participer aux tentatives faites pour arracher Louis XVI à l’échafaud.
Il se replia au printemps 1793 à Versailles, d’où il se rendait souvent à Louveciennes où se trouvait la propriété de ses amis Lecouteulx.
Discrètement amoureux de Françoise Lecouteulx, il composa pour elle la mélancolique série des Odes à Fanny.
Arrestation et condamnation
André Chénier est arrêté à Passy (sur l’actuelle rue Bois-Le-Vent9) le 7 mars 1794 alors qu’il rend visite à son amie, Mme Pastoret.
Venant de Versailles, il est accompagné d’Émilie-Lucrèce d’Estat qui, comme lui, a participé aux achats de votes de Conventionnels pendant le procès de Louis XVI.Mlle d’Estat, maîtresse puis épouse de José Ocariz, l’ancien chargé d’affaires ayant rang d’ambassadeur espagnol à Paris avant la déclaration de guerre, qui a supervisé cette vaste opération de corruption, a conservé des papiers relatifs à cette affaire.
Ce dossier très important qu’André Chénier a eu entre les mains est activement recherché par les comités de l’an II.
Sachant que Mlle d’Estat, dont le frère et la sœur viennent d’être guillotinés, est elle-même en grand danger, Chénier se met courageusement en avant, créant une espèce de confusion à l’occasion de laquelle Mlle d’Estat peut s’esquiver tandis qu’on l’emmène, lui, en prison à Saint-Lazare.Impliqué dans une affaire qui permet d’exécuter les suspects sans les entendre, il est condamné à mort par le Tribunal révolutionnaire, pour avoir « recelé les papiers de l’ambassadeur d’Espagne »
Il est également accusé comme « ex-adjudant-chef et chef-de-brigade » sous les ordres de Charles-François Dumouriez d’avoir écrit « un mémoire contre des habitants de la commune de Breteuil » alors qu’en réalité, c’est son frère « Sauveur » Chénier qui en est l’auteur et qui est lui-même emprisonné à Beauvais.À l’instar d’Antoine Lavoisier, à qui Jean-Baptiste Coffinhal avait adressé lors de son procès : « La République n’a pas besoin de savants, ni de chimistes », Fouquier-Tinville adressa à André Chénier la phrase suivante : « La République n’a pas besoin de poète »
André Chénier est guillotiné le 7 thermidor, avec le poète Jean-Antoine Roucher et Frédéric de Trenck, deux jours avant l’arrestation de Robespierre.
La veille de sa mort, il aurait écrit l’ode La Jeune Captive, poème qui évoque la figure de sa muse, Aimée de Coigny.
S’adressant à Jean Antoine Roucher, ses dernières paroles11 prononcées avant de monter sur l’échafaud sont : « Je n’ai rien fait pour la postérité » et d’ajouter (se désignant la tête) : « Pourtant, j’avais quelque chose là ! » ou « C’est dommage, il y avait quelque chose là ! »
Son corps, parmi mille trois cents autres victimes de la Terreur et de la guillotine, est jeté Place de la Nation, dans une fosse commune du couvent des Chanoinesses, plus tard devenu le cimetière de Picpus à Paris12.
Il est aussi connu pour l’anecdote suivante : attendant son tour devant l’échafaud, il lit un livre de Sophocle.
Lorsque le bourreau l’appelle pour lui lier les mains, Chénier remet son livre en poche, non sans avoir corné la page13.
Son frère cadet, Marie-Joseph Chénier, écrivain, dramaturge, mena de pair une carrière politique.
Après la mort d’André, les Royalistes se livrèrent à une violente campagne diffamatoire contre Marie-Joseph, le traitant de Caïn et l’accusant faussement, pour discréditer les Républicains, d’avoir laissé exécuter son frère.
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https://www.revuedesdeuxmondes.fr/25-juillet-1794-andre-chenier-guillotine/