Marceline Desbordes-Valmore: d’une poète romantiqueBiographie Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859)Née à Douai le 20 juin 1786 dans une famille d’artisans bientôt ruinée, Marceline Desbordes a connu, pendant la période révolutionnaire, une enfance bouleversée par des drames familiaux. Ceci ne l’empêchera pas d’évoquer plus tard dans ses poèmes l’enfance au pays natal comme un « éden éphémère » auquel elle aspire toute sa vie à retourner.
Sa mère quitte la maison conjugale pour rejoindre son amant, emmenant avec elle Marceline, sa plus jeune fille, qui n’a alors que dix ans, et la fait précocement entrer au théâtre. C’est le début d’une vie incertaine, parfois proche de la misère, et d’une errance de ville en ville.En 1801, les deux femmes s’embarquent pour la Guadeloupe, semble-t-il à la recherche d’un parent et d’une hypothétique fortune. Elles arrivent en pleine épidémie de fièvre jaune et pendant l’insurrection contre le rétablissement de l’esclavage. Catherine Desbordes meurt de la fièvre jaune, la très jeune fille rentre bientôt seule en France, non sans dangers. Marquée par cette expérience, Marceline Desbordes-Valmore conservera toute sa vie l’angoisse obsédante de la perte et de la séparation, qui marque ses poèmes, mais aussi une indignation souvent exprimée contre l’esclavage sous toutes ses formes.À son retour, en 1802, elle reprend le métier d’actrice qu’elle va exercer avec succès pendant vingt ans, avec quelques interruptions, à l’Opéra-Comique, à l’Odéon, à Bruxelles. De relations amoureuses éphémères naissent deux enfants illégitimes, qui vivent peu. La mort du petit Marie-Eugène, à l’âge de cinq ans, en 1816, est un déchirement dont elle ose parler dans ses vers.
Elle rencontre en 1817 au théâtre de la Monnaie, à Bruxelles, le tragédien Prosper Valmore, qu’elle épouse et dont elle a quatre enfants, Junie (morte à trois semaines), Hippolyte, Hyacinthe (Ondine) et Inès.
Le couple s’installe à Paris où Marceline fait la connaissance grâce à son oncle, le peintre Constant Desbordes, de Hyacinthe de Latouche, écrivain romantique qui la conseille dans ses débuts littéraires, et devient son amant. Cet amour passionné laisse des échos dans toute l’œuvre, bien après la séparation, et jusqu’aux derniers vers.1er poème connu de Marceline Desbordes est une romance, « Le Billet ». À partir de 1813, elle publie régulièrement dans des keepsakes et des périodiques. Son premier recueil, Élégies, Marie et Romances, signé du nom de Desbordes, paraît en 1819, un peu avant les Méditations de Lamartine, livre généralement considéré comme marquant le renouveau du lyrisme romantique en France. Ce premier recueil est suivi en 1820 des Veillées des Antilles et des Poésies de Mme Desbordes-Valmore, chez le même éditeur. Plusieurs éditions modifiées et augmentées (1822, 1825, 1830) vont ensuite asseoir son renom poétique. Des élégies amoureuses, des romances, des fables, des poèmes sur l’enfance y font entendre une voix qui touche directement les contemporains – les mises en musique sont nombreuses – et inventent des façons de dire libres et singulières. Bien des poètes viendront y puiser par la suite, de Verlaine à Aragon.Appréciée, Marceline Desbordes-Valmore entretient de nombreux liens avec le monde littéraire et théâtral. Mais elle pâtit dans sa carrière de nombreux soucis familiaux et financiers, et de son fréquent éloignement de Paris. Le métier d’acteur de son mari impose en effet des installations répétées en province, notamment à Bordeaux (1823-1827), où elle cesse de monter sur scène ; et à Lyon (1821-1823, puis 1827-1832, et 1834-1837). C’est là qu’elle assiste aux insurrections des Canuts, seul poète à prendre publiquement la parole pour dénoncer la répression de la seconde, en des vers bouleversants.Victime de la désaffection générale dont souffrent à partir des années 1840 les poètes romantiques, et plus encore les femmes parmi eux, elle trouve désormais plus difficilement à publier ses livres. Après Les Pleurs (1833), Pauvres Fleurs (1839), Bouquets et prières (1843), elle continue à écrire, malgré une vie assombrie par les soucis matériels et les deuils (elle perd sa fille Inès en 1846, Ondine en 1853). Atteinte d’un cancer, elle meurt en 1859. C’est à titre posthume, à Genève, que paraît son dernier livre de poèmes, qu’elle a pu revoir avec l’aide de son mari et de son fils, sous le titre de Poésies inédites. Il s’ouvre sur Une lettre de femme (« Les femmes, je le sais, ne doivent pas écrire,/ J’écris pourtant, »), et contient les deux poèmes en vers de onze syllabes (La Fileuse et l’enfant, Rêve intermittent d’une nuit triste) sur lesquels Verlaine attirera l’attention dans Les Poètes maudits.
Marceline Desbordes-Valmore a écrit aussi des romans, notamment L’Atelier d’un peintre (1833), des nouvelles et contes en prose, auxquels on s’intéresse aujourd’hui. Mais c’est avant tout comme poète que l’ont saluée Baudelaire, Mallarmé, Rilke, Aragon, Yves Bonnefoy…
Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859)Marceline Desbordes-Valmore (20 juin 1786 – 23 juillet 1859) était une poète et romancière française.
Marceline Desbordes-Valmore est née à Douai. Suite à la Révolution française, l’entreprise de son père a été ruinée et elle a voyagé avec sa mère en Guadeloupe à la recherche de l’aide financière d’un parent éloigné. La mère de Marceline y est morte de la fièvre jaune et la jeune fille a réussi à rentrer en France.
A 16 ans, de retour à Douai, elle débute une carrière sur scène. En 1817, elle épousa son deuxième mari. Marceline Desbordes-Valmore publie Élégies et Romances, son premier ouvrage poétique, en 1819. Ses poèmes mélancoliques et élégiaques sont admirés pour leur grâce et leur profonde émotion.
Marceline est apparue comme comédienne et chanteuse à Douai, Rouen, à l’Opéra-Comique de Paris et au Théâtre de la Monnaie à Bruxelles, où elle a notamment interprété Rosine dans Le Barbier de Séville de Beaumarchais. Elle se retire de la scène en 1823.
La publication de son volume novateur d’élégies en 1819 la place comme l’une des fondatrices de la poésie romantique française. Sa poésie est également connue pour aborder des thèmes sombres et déprimants, qui reflètent sa vie troublée. Elle est la seule femme écrivain incluse dans la célèbre anthologie Les Poètes maudits publiée par Paul Verlaine en 1884. Un volume de sa poésie figurait parmi les livres de la bibliothèque de Friedrich Nietzsche.Marceline Desbordes Valmore à Bordeaux
Marceline Desbordes-Valmore, née le 20 juin 1786 à Douai et morte le 23 juillet 1859 à Paris, est une poétesse française. Elle meurt à Paris, le 23 juillet 1859, dans sa dernière demeure du 59 rue de Rivoli. Marceline Desbordes-Valmore a été inhumée au cimetière de Bourg-la-Reine. Une rue de Paris porte son nom et à Bordeaux la rue Marceline Desbordes–Valmore, loge le Groupe scolaire Nelson Mandela dans le quartier Ginko …
“Les femmes, je le sais, ne doivent pas écrire. J’écris pourtant”
Aujourd'hui, on célèbre la poésie ! L'occasion de (re)découvrir une pionnière qui inspire paroliers et chanteurs contemporains : Marceline Desbordes-Valmore. pic.twitter.com/4bXkIsMPJJ
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Marceline Desbordes-Valmore est venue trois fois à Bordeaux
La première fois en 1800, elle vient à Bordeaux, très jeune, elle accompagnée de sa mère et son amant , elle joue un petit rôle au Grand Théâtre.
À la fin de 1801, après un séjour à Rochefort et à Bordeaux, totalement impécunieuse, elle entreprend avec sa mère Catherine Desbordes de traverser l’Atlantique pour rejoindre la Guadeloupe afin de trouver refuge chez un cousin qui ne sera pas d’un grand secours. L’épidémie de fièvre jaune et la guerre ravage alors l’île. Elles assistent à la répression de la rébellion contre le rétablissement de l’esclavage par le général Richepance. Sa mère décède en mai 1802. Elle reviendra seule en bateau.
Séjour à Bordeaux avril 1823 avril 1827Mariée au comédien François-Prosper Lanchantin dit Valmore, elle vint s’installer en 1823
À Pâques, Prosper Valmore est engagé au Grand Théâtre de Bordeaux. Toute la famille s’installe au 7 ou rue de la Grande-Taupe (actuelle rue Lafaurie-de-Monbadon). Marceline Desbordes-Valmore quitte définitivement la scène et se consacre ainsi pleinement à l’écriture et à l’éducation de ses enfants.1823 La famille s’installe ensuite le très bel appartement en rotonde situé au bel étage de l’hôtel Godefroy construit vers 1800 à l’angle du cours de l’Intendance et de la rue Montesquieu.
Sa façade arrondie répond à l’architecture en trompe-l’œil du Théâtre français et à celle en courbe de l’immeuble qui lui fait face, véritable mise en scène urbaine dans une ligne architecturale très sobre, propre à l’époque révolutionnaire. L’endroit l’enchante… Marceline tombe en admiration devant « le balcon aux 200 pas » où donnent ses fenêtres. Elle est à quelques pas de l’appartement qu’occupe Francisco Goya. Le peintre exilé réalisa d’elle un portrait un peu mélancolique et sombre ; une œuvre dont on ne trouve plus trace aujourd’hui dans les musées, ni chez les collectionneurs.
1824 En décembre, parution d’un nouveau recueil chez Ladvocat : Élégies et poésies nouvelles. Les Valmore déménagent au 21 rue Montesquieu.
1825 Le 29 novembre, naissance de Blanche-Inès, dernière enfant de Marceline et Prosper Valmore.
1826 Marceline Desbordes-Valmore obtient une pension annuelle de 1500 francs de la Maison du roi, pension pour laquelle Latouche, le duc de Montmorency et Mme de Récamier ont œuvré. Elle accepte cette pension après de nombreuses réserves.
1827 À Pâques, les Valmore doivent à nouveau gagner Lyon où Prosper est engagé au Grand Théâtre.
1834 La deuxième révolte des canuts à Lyon est écrasée dans le sang en 1834. La poétesse Marceline Desbordes-Valmore, lyonnaise à l’époque, a été témoin de ces violences, « la sanglante semaine » qu’elle a consigné dans plusieurs poèmes publiés dans Les pauvres fleurs1
L’amour de la littérature a mené Marceline Desbordes-Valmore à rencontrer les plus beaux esprits du temps. Dans le salon des Nairac, 27 rue du Palais-Gallien, elle entendit lire des fragments d’Eloa par la voix même de l’illustre Alfred de Vigny.
La maison de campagne du poète Edmond Géraud à La Bastide « La belle allée »*, qu’avaient rendue célèbre ses magnifiques ombrages, est aussi un lieu de rencontres privilégiées où elle découvre la beauté des coteaux de Lormont et de Cenon et des bords de Garonne au couchant .« Aux coteaux de Lormont j’avais légué ma cendre ; Lormont n’a pas voulu d’un fardeau si léger… »
Dès 1827, le couple quittera le port de la Lune, suite à l’engagement de Valmore au théâtre de Lyon.
« J’ai quitté Bordeaux avec un déchirement dont la fatigue dure encore… », écrira-t-elle à Madame Edmond Géraud.
Poète de rôle, Marceline Desbordes-Valmore
Nom Marceline Desbordes-Valmore
Décédée le 23 juillet 1859 à Paris , France
Marceline desbordes valmore fiert pardon moi poète français
Marceline Desbordes-Valmore (20 juin 1786 – 23 juillet 1859) était une poète et romancière française .Elle est née à Douai . Suite à la Révolution française , l’entreprise de son père est ruinée et elle se rend avec sa mère en Guadeloupe à la recherche d’une aide financière auprès d’un parent éloigné. La mère de Marceline y est morte de la fièvre jaune et la jeune fille a réussi à rentrer en France. A 16 ans, de retour à Douai, elle débute une carrière sur scène. En 1817, elle épouse en secondes noces l’acteur Prosper Lanchantin-Valmore.
Elle publie Élégies et Romances , son premier ouvrage poétique, en 1819. Ses poèmes mélancoliques et élégiaques sont admirés pour leur grâce et leur profonde émotion. En 1821, elle publie l’ouvrage narratif Veillées des Antilles . Il comprend la nouvelle Sarah , une contribution importante au genre des histoires d’esclaves en France.
Marceline se produit comme comédienne et chanteuse à Douai, Rouen , à l’ Opéra-Comique de Paris, et au Théâtre de la Monnaie à Bruxelles , où elle interprète notamment Rosine dans Le Barbier de Séville de Beaumarchais . Elle se retira de la scène en 1823. Plus tard, elle se lia d’amitié avec le romancier Honoré de Balzac , et il écrivit un jour qu’elle était une source d’inspiration pour le personnage principal de La Cousine Bette .
La publication de son volume novateur d’élégies en 1819 la place comme l’une des fondatrices de la poésie romantique française. Sa poésie est également connue pour aborder des thèmes sombres et déprimants, qui reflètent sa vie troublée. Elle est la seule femme écrivain à figurer dans la célèbre anthologie Les Poètes maudits publiée par Paul Verlaine en 1884. Un volume de ses poèmes figurait parmi les livres de la bibliothèque de Friedrich Nietzsche . Elle est morte à Paris.
Marceline Desbordes-Valmore : une biographie rythmée par la musique
Lorsque l’on évoque le romantisme, son nom n’est pas le premier à venir à l’esprit. Pourtant, cette femme poète a été un précurseur de ce mouvement littéraire, sublimant l’amour comme la douleur et s’affranchissant des contraintes stylistiques de la poésie classique. La biographie de Marceline Desbordes-Valmore, poète romantique, permet d’entrevoir à quel point sa vie a influencé son œuvre et comment elle a inspiré auteurs et chanteurs. En voici un aperçu.
La vie d’une poète romantiqueLa littérature romantique
Au XIXe siècle, vers 1820, dans le contexte historique de la Restauration, se développe en France un courant littéraire et culturel : le romantisme. Après l’éloge de la raison au siècle des Lumières, les romantiques s’inscrivent contre cette rationalisation en prônant la libre expression des sentiments à travers des élégies teintées de lyrisme. La mélancolie si bien décrite par Baudelaire dans Spleen est très présente dans la littérature romantique, tout comme la nostalgie et la mort. Les passions, les séparations et les amours contrariées alimentent thématiquement les œuvres de ce mouvement littéraire.
Le carcan de l’alexandrin est trop serré pour les romantiques qui souhaitent s’affranchir des règles poétiques contraignantes, afin de pouvoir exprimer librement leurs sentiments. Lamartine dit d’ailleurs du romantisme dans ses Méditations Poétiques en 1820 “[qu’]aucune loi ne le domine”. On retient généralement de ce mouvement littéraire de grands noms tels que ceux de Lamartine, Hugo, Baudelaire ou bien Verlaine. Mais l’Histoire oublie trop souvent de saluer l’œuvre d’une pionnière de la poésie romantique : Marceline Desbordes-Valmore.
« La grande sœur des romantiques »
Ses contemporains lui ont pourtant rendu hommage. Baudelaire la surnomme “la grande sœur des romantiques” et Verlaine la glorifie dans ses Œuvres Complètes, parmi les Poètes Maudits, la qualifiant de “génie, enchanteur lui-même enchanté”. Il affirme également que “Marceline Desbordes-Valmore est tout bonnement […] la seule femme de génie et de talent de ce siècle et de tous les siècles […]”.
Mais cette femme n’a pas marqué que ses contemporains. Stefan Zweig lui consacre ainsi en 1902 une biographie, disant d’elle et de sa poésie qu’elles sont : ”une innocente, un art sans art”. Car Marceline Desbordes-Valmore n’a pas suivi le parcours classique des auteurs qui ont étudié le latin et le grec. Elle ne se sent pas légitimement poète. Verlaine dit d’ailleurs d’elle qu’elle fut “très artiste, sans trop le savoir et ce fut tant mieux”.
Née en 1786, elle embrasse très tôt le métier de comédienne. Elle joue le rôle de Rosine dans Le Barbier de Séville puis devient cantatrice, se produisant de Paris à Bruxelles. C’est en 1819 qu’elle édite son premier recueil de poèmes Élégies et Romances, bien accueilli par la critique. L’élégie, ce “chant de mort”, traduit littéralement, est un petit poème lyrique, généralement triste et mélancolique. Ce genre littéraire lui convient pour extérioriser ses souffrances et elle publie plus tard d’autres recueils dans ces thèmes chers aux romantiques : Elégies et poésies nouvelles en 1824, suivi des Pleurs en 1833, de Pauvres Fleurs en 1839 et de Bouquets et prières en 1843. “Les roses de Saadi”, “N’écris pas”, “l’Amour” et “les Séparés” sont quelques poèmes connus de Marceline Desbordes-Valmore. Un recueil, nommé Poésies inédites, paraît à titre posthume en 1860.
“Quand on n’a pas souffert, on ne sait rien encore,
On ne veut confier son cœur qu’à l’avenir.”
Poésies (1830), “Elégies”
La souffrance de « Notre-Dame-des-Pleurs »
L’expression de la douleur est remarquable dans l’œuvre de Marceline Desbordes-Valmore. Si ce thème de la souffrance est en vogue au XIXe siècle, il teinte surtout la biographie de cette femme poète, marquée par de nombreux deuils. À commencer par la mort de sa mère, alors qu’elle n’a que 15 ans. Cela l’oblige à subvenir à ses besoins et à ceux de son père, ruiné, en entamant une carrière de comédienne. Amoureuse d’Henri de la Touche, elle enfante un fils qui décède à l’âge de 5 ans. Mais l’homme qu’elle aime, issu de la bourgeoisie, ne peut épouser une femme du monde du spectacle. Ce drame sentimental se lit en filigrane dans ses textes.
Elle rencontre plus tard Prosper Valmore, un comédien avec qui elle a 4 enfants. Seul l’un d’entre eux lui survivra. Sa vie est donc jalonnée de drames, ce qui lui vaut le surnom de “Notre-Dame-des-Pleurs”. Ces souffrances de mère endeuillée et d’amante inconsolable inspirent sans conteste son œuvre comme dans les vers suivants :
“Vous me laissez là,
Dans ma vie amère ;
Vous me laissez là,
Et Dieu voit cela !”
Poésies (1830), “Qu’en avez-vous fait”
Cette expérience intime du malheur et de la souffrance qui marque sa vie a influencé ses textes. Toutefois, si le “moi” est central dans son œuvre poétique, Marceline Desbordes-Valmore refuse le biographique. “Qu’ai-je de biographie, moi qui vis dans une armoire !”, dit-elle à qui la questionne sur la possibilité d’écrire sur sa vie. L’écriture poétique est davantage un moyen de se soustraire à sa douleur que de s’épancher sur ses peines. Elle y voit comme beaucoup d’auteurs romantiques la possibilité de s’échapper des contraintes stylistiques, notamment en proposant une versification nouvelle, propice à la mise en musique.
Un hommage en chanson : des poèmes aux paroles
Marceline Desbordes-Valmore a certes marqué la poésie par ses élégies, mais elle a également composé des romances, que son amie Pauline Duchambge, musicienne, a mises en musique. Sans être une chanson populaire, la romance n’appartient pas non plus au registre lyrique. Il s’agit d’un genre musical particulier, “intermédiaire” en quelque sorte, entre la musique populaire et la musique de salon, qui a connu son heure de gloire entre le XVIIIe et le milieu du XIXe siècle. L’amour en est souvent le thème principal.
Si ses romances se sont particulièrement prêtées à la mise en musique, ses poèmes ont également été source d’inspiration pour de nombreux compositeurs. Ses textes semblent avoir été écrits pour être chantés. En effet, Camille Saint-Saëns, à 7 ans, met en musique le poème “Le Soir”. En 1868, c’est Georges Bizet qui compose une Berceuse sur un vieil air à partir d’un poème du poète.
Ces poésies trouvent encore un écho au XXe et au XXIe siècle, par la voix de Julien Clerc et de Benjamin Biolay, qui chantent “Les Séparés” et par celle de Pascal Obispo, dans son album Billets de femme, datant de février 2016. Dans une interview donnée au magazine 20 minutes le 04/02/2016, le chanteur déclare : “J’ai rencontré une femme, avec ses mots, sa douceur, ses émotions, ses souffrances et sa douleur intense. Voici le résultat de cette rencontre en 12 chansons comme 12 déclarations d’amour.”
La musicalité de ses œuvres poétiques
Mais qu’est-ce qui fait de sa poésie une véritable “fabrique à chansons” ? Honoré de Balzac décrit dans sa Correspondance les poèmes de Marceline Desbordes-Valmore comme des “assemblages délicats de sonorités douces et harmonieuses“ (tome III). Pour Mallarmé, elle est “initiatrice quant aux moyens de dire”. En effet, pour répondre à son besoin de dire et de dire juste, elle s’affranchit des contraintes stylistiques et utilise des vers inusités jusqu’alors comme le vers de 5 ou de 11 syllabes.
Esther Pinon et Christine Planté, respectivement maître de conférences en littérature et professeure de littérature française, analysent dans un podcast de France Culture cet attrait par la musicalité de ces poèmes. La syntaxe précise, ainsi que la concision des vers, contribuent à donner un rythme aux textes, les colorant d’une certaine musicalité.
“N’écris pas. N’apprenons qu’à mourir à nous-mêmes.
Ne demande qu’à Dieu… Qu’à toi, si je t’aimais !
Au fond de ton absence écouter que tu m’aimes,
C’est entendre le ciel sans y monter jamais.
N’écris pas !”
Poésies inédites (1860), “Les Séparés”
La syntaxe est parfaitement travaillée, de sorte à ne laisser que ce qui est absolument essentiel pour “dire juste”. Elle donne pourtant cette impression de facilité, de simplicité dans l’écriture.
“Heure charmante,
Soyez moins lente !
Avancez-vous,
Moment si doux !”
Romances (1830), “Le Soir”De cantatrice à poète romantiqueMarceline Desbordes-Valmore ressent dans son corps un rythme, qu’elle appelle “battement fiévreux”. Elle explique à Sainte-Beuve que sa propre voix l’émeut tant qu’elle en pleure et ne peut plus chanter. Elle se met alors à écrire ses poèmes, guidée par ce rythme intérieur qui l’obsède.
Sa carrière dans le théâtre, puis comme cantatrice, lui a appris toute la portée de la voix et sa puissance à exprimer les émotions. Le chant a certainement été une porte d’entrée dans la rythmique poétique, comme peut-être pour Maya Angelou, deux siècles plus tard. Marceline Desbordes-Valmore apprend et pratique des mètres différents, elle s’imprègne des auteurs classiques. La justesse et le naturel de son jeu sont d’ailleurs reconnus par ses contemporains.
Son statut de “comédienne qui fait des vers” ne la contraint pas à se présenter en poète romantique. Il lui permet d’écrire librement, de sortir de l’alexandrin et de créer sa propre versification. “Marceline Desbordes-Valmore a, le premier d’entre les poètes de ce temps, employé avec le plus grand bonheur des rythmes inusités, celui de onze pieds entre autres”, écrit Verlaine. Ces vers impairs, glorifiés par l’auteur de “Chansons d’automne”, ont inspiré Rimbaud.« J’ai vécu d’aimer, j’ai donc vécu de larmes ;
Et voilà pourquoi mes pleurs eurent leurs charmes. »
Poésies inédites (1860), “Rêve intermittent d’une Nuit triste”
L’expérience intime de la souffrance vécue par Marceline Desbordes-Valmore, conjuguée à sa connaissance empirique de l’art poétique, par le moyen du théâtre et du chant, ont donné naissance à une poésie lyrique mais novatrice, au rythme propice à la mise en musique. Elle fut aimée parce que femme et admirée bien que femme. Cette biographie esquisse le portrait d’une poète romantique qui puise dans ses douleurs son inspiration et s’en échappe en ouvrant une voie vers une nouvelle façon d’écrire la poésie. Une femme qui a osé et qui nous inspire.
Marceline Desbordes-Valmore : bibliographie d’agrégation
« Les Séparés » de Marceline Desbordes-Valmore par la journaliste et romancière Vanessa Schneider pour #MercrediPoésie pic.twitter.com/gEJPgdUVoz
— ARTE (@ARTEfr) May 19, 2021
Marceline Desbordes-Valmore, Les Pleurs : Bibliographie indicative
Œuvres de Marceline Desbordes-Valmore (par ordre chronologique)Recueils : Élégies, Marie et Romances, Paris, F. Louis, 1819. Poésies, Paris, F. Louis, 1820.
Poésies de Madame Desbordes-Valmore, Paris, T. Grandin, 1822.
Élégies et poésies nouvelles, Paris, Ladvocat, 1825.
Poésies, Paris, A. Boulland, 1830.
À mes jeunes amis. Album du jeune âge, Paris, A. Boulland, 1830.
Les Pleurs, Paris, Charpentier, 1833.
Pauvres fleurs, Paris, Dumont, 1839.
Le Livre des mères et des enfants : contes en vers et en prose, Lyon, L. Boitel, 1840.
Bouquets et prières, Paris, Dumont, 1843.
Poésies inédites, Paris, E. Dentu, 1860.Les roses de Saadi – J’ai voulu ce matin te rapporter des roses – Mais j’en avais tant pris dans mes ceintures closes -Que les noeuds trop serrés n’ont pu les contenir –Marceline DESBORDES-VALMORE 1786-1859
Marceline Desbordes-Valmore : bibliographie d’agrégation par Esther Pinon
https://assopourquoipas.org/2021/11/06/marceline-desbordes-valmore-a-bordeaux/