La bourgeoisie anglaise massacrait des ouvriers La cavalerie charge des manifestants, 15 personnes tuées et 400 à 700 blesséesLe 16 août 1819, St-Peter’s Fields, un champ à la lisière de Manchester (Angleterre), est le théâtre d’un massacre dit de « Peterloo ». Lors d’un meeting pour la réforme électorale, la milice a chargé ; Plus de 650 personnes sont blessées ou tuées. C’est une étape douloureuse de la marche de l’Angleterre vers la démocratie. « Éveillez-vous de votre sommeil, / Lions en foule invincible, / Secouez les chaînes qui vous lient à la terre/ Comme une rosée tombée pendant la nuit. / Vous êtes nombreux, ils sont peu ! »
Ces vers de Percy Bysshe Shelley, l’époux de Mary Shelley, à l’occasion du massacre de Manchester, sont extraits du poème le Masque de l’anarchie, qui s’imposera comme l’évocation littéraire la plus forte de la tuerie du lundi 16 août 1819. Ce jour-là, un grand meeting en plein air pour la réforme électorale doit avoir lieu à Manchester, centre d’une révolution industrielle engagée depuis la fin du XVIIIe siècle. Dans les différentes bourgades des environs, dont la principale activité est souvent le tissage du coton, les habitants se rassemblent au petit matin pour se rendre au lieu de rendez-vous. Ainsi, à Middleton, quelque 3 000 personnes partent en procession sous la conduite du tisseur de soie Samuel Bamford. Le cortège se structure en rangs de cinq et en groupes de cent, avec à sa tête, raconte-t-il, « douze des jeunes gens les plus charmants et honnêtes d’aspect, qui furent déployés en deux rangées de six, chacun tenant une branche de laurier en signe de paix et d’amitié ». Bientôt rejoints par les cortèges d’autres villes, ils marchent au son de la fanfare, « les bannières brillant au soleil ». « Entre cent et deux cents de nos plus jolies filles, se rappelle Bamford, fiancées des garçons qui nous accompagnaient, dansaient au son de la musique ou chantaient des bribes de chansons populaires. » A Saint Peter’s Field, un champ à la lisière de Manchester, peut-être 50 000 à 60 000 personnes, appartenant principalement à la classe laborieuse, se sont rassemblées. La foule est pacifique et, d’après tous les témoignages, les manifestants ne sont pas armés. Le grand orateur radical Henry Hunt doit prendre la parole. A peine le meeting a-t-il commencé que la Yeomanry, une milice locale composée de gardes assermentés, appuyée par la milice régulière, charge, sabre au clair. Vingt minutes plus tard, tout est fini. Sans que la poudre ait parlé, 15 personnes sont tuées, sabrées, piétinées par les sabots des chevaux ; 650 autres sont blessées, y compris des enfants. Il semble que les femmes aient été particulièrement visées par les sabres, les baïonnettes et les matraques, tant la milice trouve choquante leur participation à une réunion radicale. Les étendards et les bonnets sont saisis et détruits. La foule se disperse dans une bousculade frénétique. « Tout le champ était jonché de casquettes, de bonnets, de chapeaux, de châles, de chaussures, et d’autres éléments du costume masculin ou féminin, labourés, déchirés et sanglants », raconte Bamford. Aux abords du terrain, dans les rues adjacentes, des gardes poursuivent les participants, les matraquent et en tuent deux autres dans la soirée. « Ce sera votre Waterloo ! » ont crié des membres de la milice à leurs victimes. Les radicaux rebaptisent vite l’événement « Peterloo », un terme composé à partir du lieu fatidique et de la célèbre bataille de 1815. Le meeting du 16 août constitue l’aboutissement d’une vaste campagne pour la réforme électorale menée à l’issue des guerres napoléoniennes. Le programme de Hunt et des radicaux est démocratique : le suffrage universel (à une époque où seuls 4 % des adultes ont le droit de vote), le secret du scrutin (pour empêcher la corruption) et l’élection de la Chambre des communes tous les ans (et non tous les sept ans). L’objectif ainsi poursuivi est triple : faire élire un Parlement plus proche des revendications populaires ; lutter contre la « vieille corruption » qui profite à quelques privilégiés, mais aussi réduire le lourd fardeau fiscal qui pèse sur les budgets populaires, principalement par des impôts indirects portant sur les objets de consommation courante.
« Plateforme de masse » : une manifestation pacifique plus de 80 000 personnes rassemblées pour demander une réforme de la représentation parlementaire.
Après les échecs de plusieurs soulèvements en 1816 et 1817, Hunt envisage une autre stratégie : la « plateforme de masse ». Celle-ci s’appuie sur des méthodes constitutionnelles et vise, par un mouvement d’ampleur, à rendre irrésistible l’adoption d’une réforme électorale. Pour cela, les radicaux organisent des rassemblements souvent très ritualisés, très disciplinés aussi, notamment avec l’encadrement d’anciens soldats. Comme le montre le massacre, les autorités, hantées par la Révolution française, assimilent la plateforme de masse à une tentative insurrectionnelle. La charge a aussi un caractère de classe marqué : alors que la majorité des participants sont des ouvriers à domicile accompagnés de leurs familles, les yeomen sont des fabricants, des marchands, des commerçants, qui veulent verser du sang ouvrier. Ils le font avec le soutien du pouvoir central. Après le massacre, le prince régent félicite la troupe. Les principaux agitateurs, dont Hunt, sont jugés pour sédition et condamnés à des peines de prison. Les libertés essentielles sont suspendues. La répression met un terme à la campagne pour la réforme. Sur le terrain, les radicaux sont vaincus. Mais ils remportent une victoire morale. L’ombre portée du 16 août plane sur le demi-siècle qui suit. Alors qu’à plusieurs reprises dans les années 1830 et 1840 des manifestants sont de nouveau tués par la troupe, « Peterloo » demeure le massacre parmi les massacres, le symbole d’une juste cause qu’un pouvoir inique a voulu en vain écraser dans le sang.
Henry Hunt (1773 – 1835), est un homme politique radical anglais, qui a gagné le surnom d ‘«Orator». Hunt pour son discours omniprésent dans lequel il préconisait le suffrage universel et les parlements annuels. Le succès de Hunt en tant qu’orateur a attiré l’attention nationale quand il a présidé une assemblée de 80 000 personnes manifestant pour la réforme parlementaire à St. Peter’s Fields, Manchester (16 août 1819).
Il parvint enfin, après plusieurs tentatives infructueuses, à se faire élire à la Chambre des communes, en 1831, y proposant, en 1832, la première pétition en faveur du suffrage des femmes au Parlement qui suscita force hilarité, commentaires égrillards et hostilité de la part cette auguste assemblée. Sa tentative de réélection, en 1833, se solda par un échec.
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