Quelle est la cause du massacre de Nankin ? Nankin, un massacre oublié Le « viol de Nankin »Le 13 décembre 1937 au soir commençait une des pages les plus horribles avant même de la Seconde Guerre mondiale qui pourtant n’a fait l’économie d’aucune horreur : le viol de Nankin. Le massacre de Nankin a eu lieu au cours de la seconde guerre sino-japonaise, en 1937. On estime que plus de 200.000 personnes ont été assassinées par l’armée japonaise, et des milliers de femmes ont été violées. Pendant cinq semaines, l’Armée impériale japonaise transformée en une soldatesque ivre de saccages incendie la ville, viole en masse, fusille des milliers de prisonniers de guerre et multiplie les atrocités. Le nombre de victimes reste inconnu. Il est encore controversé. 40 000 tués selon l’estimation basse de certains historiens japonais dont les travaux visent à sauver l’honneur de l’Armée impériale. 300 000 morts d’après les chiffres avancés par les autorités chinoises de l’époque – le gouvernement de Chiang Kaï-chek –, repris depuis 1949 par le régime communiste. Quelles que soient leurs origines ou opinions, le massacre de Nankin constitue pour les Chinois une tragédie dont l’ampleur est comparable à Hiroshima, si ce n’est à Auschwitz.Massacre de Nankin : le contexte
En 1937, les Japonais envahissent la République de Chine. Après avoir pris Shanghai, ils se lancent à l’assaut de Nankin, la capitale. Le président Chiang Kaï-chek quitte la ville et déplace la capitale. Sur la route qui mène de Shanghai à Nankin, l’armée japonaise se livre à des exactions. Enfin, les Japonais arrivent aux portes de Nankin. C’est la panique parmi les soldats chinois, qui tentent de fuir ou de se fondre dans la population. Le soir du 13 décembre 1937, Nankin est aux mains des Japonais.Le déroulement du massacre de Nankin
Après avoir pris la ville, les Japonais pourchassent les troupes chinoises. Les officiers donnent l’ordre de tuer les prisonniers. Dans la ville, les troupes sèment le chaos pendant six semaines. Les soldats entrent dans les maisons et violent des milliers de femmes, y compris des petites filles et des femmes âgées. Ils tuent au moindre mouvement de protestation. Des milliers de civils en fuite sont arrêtés et exécutés ; certains sont enterrés vivants. Le massacre prend fin en février 1938.
Les Chinois réduits au rang de « cochons » Il est difficile de déterminer des responsabilités individuelles dans cette orgie générale de sauvagerie. Les documents ont été détruits en 1945 avant l’arrivée des forces d’occupation alliées. Le général Iwane Matsui a expié ces crimes en étant condamné à la peine capitale lors du procès de Tokyo et exécuté en décembre 1949. Or, ce militaire, semble-t-il, a surtout payé afin de dédouaner le prince Yasuhiro Asaka, frère cadet de l’empereur et commandant en chef des forces, et de préserver l’institution impériale. Ce choix est voulu par le général américain MacArthur, de facto pro-consul du Japon après la défaite de l’archipel. Par contre, il est plus aisé de saisir le contexte qui a rendu possibles, et probablement inévitables, ces atrocités. Un premier élément est la campagne de déshumanisation entreprise dès le début des années 1920 par les milieux expansionnistes de Tokyo. Pour justifier leur appétit de conquête, les ultras vont bâtir un argumentaire fallacieux. Leur porte-drapeau, Yosuke Matsuoka, devenu ministre des Affaires étrangères, est l’architecte de l’alliance avec l’Allemagne nazie. Un des arguments est de refuser à la Chine le statut de pays doté d’un État constitué mais de la réduire à une sphère en décadence qui, sous la férule du Japon, doit être régénérée y compris de force. En conséquence, le droit international ne s’applique pas en Chine. C’est donc ainsi que le Japon justifie sa sortie en 1933 de la Société des Nations en réponse aux condamnations de l’invasion de la Mandchourie de 1931. Un raisonnement que reprend à longueur de colonnes la presse dans l’archipel. Pour les soldats japonais, les Chinois sont réduits au rang de sous-hommes, d’animaux et appelés « buta » – des cochons – qu’on peut donc égorger à sa guise.Briser la volonté de résistance de l’adversaire
L’héritage de certaines traditions militaires pèse. L’art de la guerre au Japon s’est résumé au fil des siècles à des guerres civiles. Les conflits fratricides doivent être les plus brefs sous peine de ruiner le pays en provoquant famines et autres catastrophes. Le moyen le plus radical d’écourter des combats est de briser la volonté de résistance de l’adversaire en le terrorisant. On retrouve ce procédé chez les Romains. Les Mongols de Chenghis Khan le portent à un niveau jamais atteint dans l’Histoire et il est la règle dans l’Islam et le monde arabe. Au Japon, la légende chevaleresque des samouraïs masque le fait que cette caste a disposé pendant des siècles du pouvoir de vie et mort sur le peuple. La peine encourue pour le moindre manque de respect ou d’obéissance était la décapitation ou la torture.Lorsqu’en juillet 1937, le pays s’engage dans la conquête de la Chine dans la foulée de l’incident du pont Marco Polo près de Pékin. Son armée entreprend de terroriser la Chine. Il y a un précédent célèbre : l’Armée impériale passe au fil de l’épée 5 000 civils chinois lorsqu’elle prend Port-Arthur au cours de la première guerre sino-japonaise (1894-1895). La violence portée à son paroxysme vise à compenser la faiblesse numérique du Japon qui, en 1937, épuise toutes ses réserves dans cette invasion. En remportant une victoire rapide, l’Armée impériale espère mettre les Occidentaux et, en premier lieu les États-Unis, devant le fait accompli que le Japon est le maître de la Chine. Cette descente vers le Sud s’accompagne immédiatement d’une furie de destructions. La politique des san-ko : « tuer tout, brûler tout, détruire tout », ne sera formulée qu’en 1941. Si le mot n’existe pas encore, cette politique de la terre brûlée est systématiquement appliquée. L’Armée impériale ne laisse que des cendres, ce qui pousse à l’exode trente millions de Chinois quittant villes et villages dans une fuite désespérée – c’est le plus important mouvement de population de la Deuxième Guerre mondiale.La fureur japonaise s’exacerbe pendant la bataille de Shanghai. Trois mois durant, les Japonais sont bloqués par la résistance acharnée des troupes de Chiang Kai-shek qu’ils n’avaient nullement envisagée par arrogance et mépris pour leur ennemi. En dépit d’une supériorité matérielle écrasante, ils perdent 20 000 morts. Un épisode particulier en dit long sur la capacité des médias à exciter les instincts les plus sanguinaires. En novembre 1937 est rapporté par deux journaux – comme s’il s’agissait d’un exploit à imiter – un concours entre deux officiers japonais pour déterminer lequel parviendrait le premier à décapiter au sabre cent prisonniers chinois. Un certain lieutenant Mukai arrive en tête avec 106 assassinats.
Transfert d’oppression
Un autre aspect est plus difficile à cerner car il relève de la psychologie. Les sociologues parlent de « transfert d’oppression ». L’entraînement au sein de l’Armée impériale est d’une dureté inimaginable. Les observateurs étrangers qui assistent aux manœuvres dans les années 1920 et au début des années 1930, notent que les exercices sont si exigeants qu’ils provoquent régulièrement la mort d’appelés et que d’autres ayant montré des faiblesses sont poussés au suicide par leurs officiers. Le recrutement massif et la fascisation de l’armée à l’approche de la guerre renforce cette tendance. En vertu de la doctrine militaire, les déficiences en équipement et en effectifs sont compensées par un entraînement intensif au-delà de ce peut supporter le corps humain. La nécessité de recruter massivement pour faire face à l’engagement en Chine accentue la brutalisation du rang. Pour le moindre manquement aux règles, les recrues sont giflées, battues jusqu’au sang y compris par leurs camarades pour être endurcies. Comme le montrent les lettres des soldats, le contingent envoyé en Chine a une vision étonnamment pessimiste de l’avenir. Instruits par le culte de la mort dans lequel baignent les casernes où le soldat courageux est le soldat qui meure, peu de soldats croient pouvoir revenir vivants. Pour la plupart, s’embarquer pour la Chine, c’est s’embarquer pour la mort. Martyriser la population chinoise serait donc un biais pour ces hommes brutalisés de prendre leur revanche sur plus faibles qu’eux.Témoin de l’offensive japonaise, un attaché militaire français basé en Chine écrit : « Dans l’ordre moral enfin, les Japonais ont, par la conduite de leurs troupes, démontré malgré leur vernis, qu’ils n’avaient pas encore dépassé le stade dans l’échelle des civilisations, le stade de la barbarie. »
Massacre de Nanjing
À la fin de 1937, sur une période de six semaines, les forces de l’armée impériale japonaise ont brutalement assassiné des centaines de milliers de personnes, y compris des soldats et des civils, dans la ville chinoise de Nanjing (ou Nankin). Les événements horribles sont connus sous le nom de massacre de Nanjing ou de viol de Nanjing, car des dizaines de milliers de femmes et de filles ont été agressées sexuellement. Nanjing, alors capitale de la Chine nationaliste, a été laissée en ruines et il a fallu des décennies à la ville et à ses citoyens pour se remettre des attaques sauvages.
Se préparer à l’invasion
Au cours des premières années de la Seconde Guerre mondiale, et suite à une victoire sanglante à Shanghai lors de la Seconde Guerre sino-japonaise, les Japonais se sont tournés vers la capitale, Nanjing.Craignant de perdre ses forces militaires au combat, le chef nationaliste chinois Chiang Kai-Shek a ordonné le retrait de presque toutes les troupes chinoises officielles de la ville, la laissant défendue par des troupes auxiliaires non entraînées.
Chiang a également ordonné la tenue de la ville à tout prix et a interdit l’évacuation officielle de ses citoyens. Beaucoup ont ignoré cet ordre et se sont enfuis, mais les autres ont été laissés à la merci de l’ennemi qui approchait.
Il faut savoir qu’autrefois l’une des villes et des centres industriels les plus prospères de Chine, Nanjing a mis des décennies à se remettre de la dévastation subie lors du viol de Nanjing. Abandonnée en tant que capitale nationale en 1949 pour Pékin, elle s’est ensuite transformée en une ville industrielle moderne pendant la période communiste et abrite aujourd’hui bon nombre des plus grandes entreprises publiques chinoises.
Un petit groupe d’hommes d’affaires et de missionnaires occidentaux, le Comité international pour la zone de sécurité de Nanjing, a tenté de créer une zone neutre de la ville qui servirait de refuge aux civils de Nanjing. La zone de sécurité, ouverte en novembre 1937, avait à peu près la taille de Central Park à New York et se composait de plus d’une douzaine de petits camps de réfugiés. Le 1er décembre, le gouvernement chinois abandonne Nanjing, laissant le Comité international aux commandes. Tous les citoyens restants ont reçu l’ordre de se rendre dans la zone de sécurité pour leur protection.
Japonais Détruire Nanjing
Le 13 décembre, les premières troupes de l’armée japonaise du front de Chine centrale, commandées par le général Matsui Iwane, entrent dans la ville. Même avant leur arrivée, la nouvelle avait commencé à se répandre sur les nombreuses atrocités qu’ils avaient commises sur leur chemin à travers la Chine, notamment des concours de meurtres, des incendies criminels et des pillages. Les soldats chinois ont été pourchassés et tués par milliers, et laissés dans des fosses communes.De nombreuses troupes japonaises – affamées, indisciplinées et épuisées par des semaines de marche et de combats brutaux dans la bataille de Shanghai – cherchaient à se venger des camarades perdus lors de cette bataille précédente.
Des familles entières ont été massacrées, et même des personnes âgées et des nourrissons ont été ciblés pour être exécutés, tandis que des dizaines de milliers de femmes ont été violées. Des corps ont jonché les rues pendant des mois après l’attaque. Déterminés à détruire la ville, les Japonais pillent et brûlent au moins un tiers des bâtiments de Nanjing.
Selon de nombreux rapports de témoins oculaires et des analyses ultérieures, entre 20 000 et 80 000 femmes ont été brutalement violées et torturées, y compris des jeunes filles et des femmes âgées. Beaucoup d’entre eux, y compris des victimes de viols collectifs, ont été mutilés et tués après avoir été agressés.
Bien que les Japonais aient initialement accepté de respecter la zone de sécurité de Nanjing, même ces réfugiés n’étaient finalement pas à l’abri d’attaques vicieuses. En janvier 1938, les Japonais déclarèrent que l’ordre avait été rétabli dans la ville et démantelèrent la zone de sécurité, mais les tueries se poursuivirent jusqu’à la première semaine de février. Un gouvernement fantoche a été installé, qui gouvernerait Nanjing jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Conséquences du viol de Nanjing
Il n’y a pas de chiffres officiels pour le nombre de morts dans le massacre de Nanjing, bien que les estimations varient de 200 000 à 300 000 personnes. Peu de temps après la fin de la guerre, Matsui et son lieutenant Tani Hisao ont été jugés et condamnés pour crimes de guerre par le Tribunal militaire international pour l’Extrême-Orient – les deux hommes ont été rapidement exécutés.
CITY OF LIFE AND DEATH – Lu Chuan, 2009#cinematography: Cao Yu#NationalDrummerDay
In this film about the horrific 1937 Nanking Massacre, Japanese soldiers celebrate their conquest of the capital of the Republic of China to the beat of #drums. pic.twitter.com/U8XQQqjTfH
— Judy Cohen (@IKnewThemWell) November 15, 2022
La colère suscitée par les événements de Nanjing continue de colorer les relations sino-japonaises à ce jour. La véritable nature du massacre a été contestée et exploitée à des fins de propagande par les révisionnistes historiques, les apologistes et les nationalistes japonais. Certains prétendent que le nombre de morts a été gonflé, tandis que d’autres ont nié qu’un massacre ait eu lieu.
Aujourd’hui, les victimes du viol de Nanjing sont commémorées au Mémorial du massacre de Nanjing à Nanjing, situé près d’une fosse commune connue sous le nom de « fosse aux dix mille cadavres ». L’UNESCO, une agence des Nations Unies, a ajouté les documents historiques du Mémorial du massacre de Nanjing à son Registre de la Mémoire du monde.
https://asialyst.com/fr/2020/12/12/chine-japon-comment-expliquer-massacre-nankin-1937/
https://www.history.com/topics/japan/nanjing-massacre
https://journals.openedition.org/perspectiveschinoises/927
Pour plus d’information, voir aussi lettre N° 177 & 178 Nehru – Un « autre » regard sur l’Histoire du monde :
N°177 Révolution et contre-révolution en Chine
Révolution et contre-révolution en Chine
N°178 Le Japon défie le monde